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[REQUÊTE] Ad Nauseam

[REQUÊTE] Ad Nauseam - Page 3 Brandw10
Dim 15 Sep - 0:07

Vous sentez cette odeur ? Celle des entrailles de la mort en personne. Moi qui pensais les moustiques inarrêtables, je me suis bien trompé. Un Viscuphage est bien capable de les arrêter par sa simple présence. De tout le règne animal, c’est bien la seule créature capable d’une telle prouesse. J’en tremble, bordel. Autour de moi, on panique déjà en sentant la présence de cette chose. Je sens que mon intervention sera plus que nécessaire. Après tout, j’ai pu me reposer et m’économiser grâce aux efforts epistotes. Néanmoins, l’inattention a couté très chère à l’un des maraudeurs, complètement déchiqueté et en partie mangé. Gare à ceux qui pensent camper sur leur position ! Ils subiront le même sort. Oui, écoutez la dame, avancez.

Cette même dame tente des diversions en balançant des lames d’air. Mais cela n’est guère suffisant pour intimider cette bête affamée pour l’éternité. Rapidement, bien trop rapidement, elle s’attaque à un autre maraudeur. Le bras semble avoir été lacéré. La seule à réagir aussitôt est Violette, qui use de son hypervélocité pour traquer la bête. J’hésite à la suivre mais je ne le sens pas. Je n’ai pas suffisamment observé ma proie. Par ailleurs, je la sais extrêmement méticuleuse et elle ne prendra donc aucun risque irréfléchi. Dieu sait ce qu’elle a fait, mais elle semble s’en satisfaire. Hélas, pour son collègue, les choses sont moins agréables. Et je constate que les rumeurs disaient vraies à la vue des vers grouillant dans son bras. L’amputation, je peux m’en occuper en une fraction de seconde, sauf que j’ose espérer que les deux autres auront de quoi gérer cette infection.

Et on fait quoi, maintenant ? On attend de crever ? Vladimir nous rappelle que la compassion n’existe pas chez lui. Toute l’assemblée eut un espoir, mais seules les larves dans le corps de la victime l’intéressent. Moi, ça ne me choque pas. Déjà bien longtemps que je me suis fait une idée sur le personnage. Quant à abréger les souffrances de ce pauvre homme, je n’ai pas à le faire. Je suis un noble – même si plus personne n’y croit vraiment, du moins pas un simple noble – et je n’ai pas à faire ce genre de choses. Puis ce n’est pas un de mes gars. Et puis surtout, parce que j’aime beaucoup « puis », ce viscuphage ne nous laisse aucun temps de répit. Il est même capable de briser des barrières énergétiques. Pauvre tartare. Une bouchée de cette bête a eu raison de lui.

C’est un poil trop macabre pour moi. Tuer des gens, j’en fais mon affaire. On peut le faire de diverses manières, douces ou violentes, sanguinaires ou incolores… notre ennemi du jour a sa propre méthode et ne fait pas dans la dentelle. Si, jusqu’ici, je suis resté vigilant en tentant d’éviter cette monstruosité, mon sang n’a fait qu’un tour en voyant sa gueule épouvantable s’approcher de la belle Lan-Lan. Morte, beaucoup de projets tomberont à l’eau. Elle est aussi assez sympathique. Bref, je crois que trop réfléchir, trop hésiter, ne la sauvera pas. Ce sera bref et ô combien épuisant. Qu’est-ce que je ne ferais pas pour toi, Lan-Lan ? Les muscles de mes membres inférieurs se contractent et, l’instant suivant, j’ai une vue absolument édifiante sur chacune des petites dents qui composent la gueule de cette merde. Comme je le disais, l’effort fut bref, mais j’ai dû aller si vite que j’ai forcé. Pas le temps pour autant de m’en plaindre. L’hypervélocité désactivée, j’active mon cristal de force pour coller un puissant uppercut dans sa gueule, la fermant et l’envoyant valser dans la brume.

Tous les cristaux désactivés, j’observe mon poing enflé. Cette enflure est trop solide pour la frapper à souhait. Par ailleurs, je suis à peu près certain que mon coup ne lui a pas fait le moindre mal. Au contraire, cela l’a peut-être bien éveillé. Je ne sais plus vraiment ce que je ressens entre peur et excitation. Seul, j’ai du mal à le croire, mais je n’ai pas la moindre chance de survivre. Il me faudra l’aide de tous les survivants. Sauf peut-être de Vladimir qui m’effraie presque autant que le viscuphage.

« Je sais que cette nouvelle ne va certainement pas vous plaire, mais nous allons devoir collaborer pour survivre. Tous. Maintenant. On doit d’abord cesser d’être pris par surprise ? Personne ne peut le localiser ? »

Mar 17 Sep - 10:33

Acte III, Scène II

Son territoire


Ils n’étaient pas près. Aucun d’entre eux.

Comme autant de bêtes marchant droit vers l’abbatoire, dociles, silencieuses, ignorantes. Les récits parlaient d’un ange de la mort, d’une créature immonde qui n’avait pour pensées que la faim dévorante qui tiraillait inlassablement ses entrailles sans qu’elles ne soient jamais contentés. Il cherche les intestins. Miyuke avait tapoté du doigt sur la page d’un ancien carnet de note, un rare vestige d’une expédition vers le prédateur. Quand Lan-Lan s’était penchée au-dessus du manuscrit pour mieux voir, elle avait ajouté froidement ... Aucun n’en est revenu.

Elle aurait voulu qu’ils avancent plus profondément dans les terres, plus proches du lac, pas au milieu d’une mangrove épaisse, dans le sol boueux et humide. L’élémentaire de terre avait un visage tordu par l’horreur quand le premier d’entre eux fut fauché. Il n’avait fait aucun bruit - l’ombre terrifiante de la mort.
Ils auraient dû aller plus loin. Mais comment berner ce chasseur? Son territoire. Son marais. Sa chasse. Sa faim.

Le malheureux maraudeur poussa un hurlement que le silence vint étendre en un râle immonde alors que le groupe éclatait d’un seul corps. L’enchaînement qui s'ensuivit ne fit pas tout à fait sens pour elle qui restait piégée dans le corps de l’expédition. Violette prit rapidement les devants, sacrifiant au passage un autre de ses collègues dont le membre fut fauché par la bête, les condamnant à ralentir contre la demande de sa cheffe. Avancer pour aller où, au juste? Lan-Lan était sceptique. Leur cible était à portée de main, avancer dans le noir et à l’aveugle ne servirait à faire d’eux qu’une longue et juteuse brochette.
Mais sa stratégie avait le bon ton d’énerver le monstre - il tenta plusieurs attaques déjouées ou déviées par la maraudeuse qui faisait une parfaite démonstration de ses talents jusqu’à ce qu’elle soit auréolée de satisfaction après un énième coup dur. Une lame d’air? Non, certainement pas. Curieux… Elle n’avait rien vu.

La voix de Violette l'interpella - elle et le carnassier scientifique, qui eut tôt fait de faire du blessé une carcasse. Vladimir n’avait pas perdu de ses habitudes, il semblerait - Lan-Lan tourna vers lui des yeux sceptiques. Pas pour ce qu’il venait de faire, au contraire. Plus par son manque de subtilité. Avec un peu plus de manières, son geste aurait été compréhensible. L’art, et la manière, ne sont pas donnés à tous.
Elle sentit un instant le poids de certains regards se poser sur elle - d’autres maraudeurs, les scientifiques inquiets, des soldats dont la peur tiraillait le ventre. Ils attendaient d’elle qu’elle le sauve, ce malheureux. Ils attendaient d’elle un miracle.

Comme Vladimir. Elle le croyait condamné.

Je vais faire de mon mieux… Murmura-t-elle, innocemment.

La douce et candide brebis blanche se pencha sur la pauvre victime dont le sang se diffusait inlassablement en belles nappes carmins dans le sol cramoisie. Prétendre l’aider lui donnerait une vue imprenable sur l’objet de tous ses désirs: cette chaire noircie, couverte d’une bave toxique à souhait. Déjà pourissante, elle voyait à vue d’oeil de petites gouttes blanches apparaître dans la plaie, se tordre avec délice, danser avec supplice pour celui qui perdait petit à petit ses chairs. Les capacités nécrosantes du viscuphage étaient remarquables - ce parasitage était-il naturel? Ses dents, sa salive? Des glandes à venins?
Lan-Lan bouillonnait. Elle n’osait détourner le regard, sous couvert de vouloir aider le malheureux, elle pouvait se faire une joie d’admirer la raison de sa présence à l'œuvre. Fais vite. Fais vite, où on se posera des questions.

Innocente brebis, elle leva des yeux vers Violette, secoua négativement le visage avec un air déconfit, triste. Elle ne pourrait pas aider…  

Même si la vérité était ailleurs. Il fallait l’amputer, c’est certain. Peut-être le seul espoir pour sa survie. Mais ici, maintenant, il était sans doute leur seul espoir. Après tout, il saignait à profusion, ses chairs à vif. L’odeur de son corps en décomposition chatouillant toutes les narines, y comprit celles du monstre… Un appât parfait. Une occasion rêvé de connaître ce que voulait le monstre - courait-il après des proies vivantes? Mortes? Des organes encore contenue ou apparent?
Doucement, elle enveloppa son front de ses deux mains à plat - au fond de ses paumes naissait une substance. La tetrodotoxine était heureusement incolore, inodore, un paralysant capable de simuler la mort. Désolée, pauvre homme. Tu ne vas pas aimer ce qu’il va se passer.

C’est trop tard. Il est mort. Murmura-t-elle doucement, ses doigts effleurant ses paumes comme pour lui dire adieu, merci, ou n’importe quelle autre voeux qui pourraient berner le groupe. Sous ses doigts coulaient déjà le paralysant, sécréter discrètement, emporté dans son système par les capillaires ouverts et exposés.

Elle releva les yeux, cherchant ceux de Violette, cherchant le groupe, cherchant… Cette gueule ouverte qui fendait sur elle à la vitesse d’un éclair. Elle allait mourir. La cible, c’était elle.
Elle allait mourir. Mais que cette vue était belle.

Souffle - Lan-Lan avait retenu sa respiration. Elle n’était pas morte, non. A la place, un bruit d’impact terrifiant, le bruit claquant des muscles tendus, de la boue dérangée, des tissus tordus et échauffés par l’effort. Dans toute sa splendeur, Geralt se tenait face à elle, ayant d’une seule main dévié l’attaque et projeté le viscuphage plus loin. Sans doute pas assez pour le tuer, ni pour le faire réellement souffrir - elle doutait sincèrement que ce fut possible. Mais la douce brebis, quant à elle, était encore là grâce à lui.
Elle remerciait presque le roi de leur avoir permis de faire route avec l’assassin. Qui devenait un mystère si profond qu’elle ne demandait qu’à y plonger.

De là où elle est, elle distingue les phalanges rougies et le poing enflé. Contrecoup de son courage. Mais comment faire si leur meilleure lame s’émoussait? Sa décision était prise; elle devait déplacer le problème pour qu’ils puissent mieux contre attaquer. Se levant prestement, elle lissa d’une main les plis de son kimono, déposa l’autre sur l’épaule du tueur qu’elle attira vers elle d’un geste doux.

Merci beaucoup Geralt… Innocence subtile, baiser discret déposée sur sa joue, camouflant candidement le cristal glissé dans sa poche entrouverte. Que ferais-je sans vous?

A cet instant, elle était persuadée qu’il ferait un bien meilleur usage du cristal de régénération lâchement volé la veille - elle n’oserait jamais jouer des coudes avec la bête. Quant à lui, sa main rougie palpitante de douleur et de nerfs, mieux valait lui donner de quoi se ménager et subvenir au moindre problème.
Quant à elle…

Je vais faire diversion. Annonça-t-elle sobrement. Sa main enserra dans sa poche un totem d’invocation, qu’elle n’activa pas encore. Avec un peu de chance, il me suivra jusqu’à un terrain plus propice - c’est le moment où jamais d’établir une stratégie, camarades. Et pour vous, de l’observer.

Elle regarda les scientifiques - Yuri qui tremblait à n’en plus pouvoir, et le visage de Miyuke que l’on distinguait à peine de la roche. Leurs secondes étaient comptées, elle devait faire vite, plus vite que des discussions vides. A ce stade, tout le monde devait avoir compris où elle voulait en venir.

Geralt a raison, nous devons collaborer. A cet instant, elle soupira profondément, inspira - le totem laissa apparaître une fine lueur verte.

Dans l’espace vide sa matérialisa un Drake à la gueule saillante, assez grand pour qu’elle l’enfourche immédiatement, et lui commande de ramasser le malheureux dans sa gueule… Avec un minimum de délicatesse. Le viscuphage était dans son élément, dans ce marais boueux. Mais pas eux. Il connaissait le terrain. Mais pas eux. Il les avait eus par surprise… Mais pas eux. C’était l’occasion parfaite de renverser la vapeur. Peut-être au péril de sa vie, oui. Mais elle ne manquait pas de ressource - si des yeux inquiets se posaient sur elle, elle ne manqua pas de révéler à sa ceinture un pistolet explosif qui ne manquerait pas de rappeler quelques souvenirs à ses terribles comparses.

A très vite. A ces mots, elle décolla. Et rapidement après, les crocs du drake percèrent le ventre du blessé dans un bruit sinistre, assez pour ouvrir son ventre, et révéler une odeur monstrueuse. Il fallait bien s’offrir toutes les chances pour que le viscuphage soit plus attiré par elle que par eux. La Brume n’était pas des plus opaques, elle distinguait le sol assez remarquablement. Son but? Trouver une clairière, n’importe quel terrain sur lequel ils auraient un semblant d’avantage. Un mouvement dans les arbres sous elle lui indiqua qu’elle avait réussit. Une peur vorace s’empara de ses entrailles, mais il était trop tard pour faire demi-tour, désormais. Que la contre attaque commence.
résumons:
Mar 17 Sep - 16:06

Acte II, scène III

Monstrueux humains


Le marais s’était depuis longtemps refermé sur eux comme une réalité glacée. Bien que relativement chaude, la région était recouverte d’un voile permanent d’humidité qui s’agglutinait à leurs vêtements déjà mouillés. Malgré cela, ils ressentaient la sueur poisseuse dégouliner dans leur dos.

Les cheveux plaqués de transpiration sur son front, Keshâ était plongé dans une grande concentration. Le sol meuble et glissant ruinait leurs tentatives de progression. La marche demandait beaucoup plus d’effort musculaire qu’on aurait pu penser. A tout moment une attaque pouvait survenir de la brume opaque… même si son radar d’hypersensibilité ne décelait rien. Rien de chez rien…

Plus que le faible coût d’utilisation de ce cristal, c’est l’épuisement mental qui le consumait. Et il devrait apprendre que cette tentative était vaine. Sa technique de détection n’était pas à l’épreuve des créatures non vivantes. L’explosion du maraudeur prit tout le monde de court. Dans un éclair de paralysie, Keshâ se retourna sur les remous sanguinolents. Il n’avait absolument rien vu venir.

Sans doute pour la première fois de sa vie, Keshâ’rem trouva l’intervention de Violette judicieuse et protectrice pour le groupe. Personne ne semblait avoir mieux à proposer que le mouvement. Et elle ne ménagea pas ses efforts pour piéger et repousser le viscuphage. Pour s’être perdu dans le labyrinthe du Liechi et dans la tour d’Yfe, le marais du viscuphage était de loin le plus sordide.

Comme il était vers l’avant, il ne voyait pas trop ce qui se passait et devait avoir foi en sa bonne étoile. Mais il vit bien que les attaques propulsées du monstre échouaient lamentablement, avant la dernière attaque « en blanc » portée par la maraudeuse. Le jeune homme se souvint alors de la théorie de Seraphah, qui lui parlait du pouvoir de fortune, le plus insaisissable de tous les pouvoirs. S’il ne comprenait absolument pas ce qu’elle avait pu faire, cela devait forcément jouer en leur faveur.

Dans la bataille, un autre maraudeur s’était fait écharpé. Et l’horrible vision du viscuphage broyant la barrière de Minos et ses entrailles d’un même mouvement s’imposa à lui. Dans son état de choc, Kesâ’rem releva à peine le comportement habituellement odieux de Vladimir. D’un seul coup, sans prévenir, il vida son estomac dans la vase, retourné comme un gant d’une contraction qui lui donna l’impression d’avoir une côte brisée.

Dans son tremblement intérieur, il parvenait encore à penser à la honte, de se montrer si vulnérable en présence d’alliés si malveillants. Archibald laissa tomber son regard reptilien sur lui en retirant sa jambe de l'eau d’un air écoeuré. Val était par nature plus compatissant, mais l’urgence de la situation le transformait en monolithe.

Ressaisis-toi ! Ressaisis-toi !


Dans un contexte exactement similaire, le Fléau siégeait sur son charnier putrescent. Invinscible, il taillait dans les chairs, explosait les plus farouches guerriers. Et juste après, Elle l’avait attaqué. S’était introduite en lui.
Je ne veux plus être ici. Il faut que je sorte.

Mais ce n'était pas un rêve.

Son regard tomba sur l’eau, dont le pâle éclat solaire produisait un reflet brouillé. Il ne pourrait jamais emprunter ce reflet. Il se rappela alors, la danse de la marée montante, quatrième mouvement du Royaume de l’Eau. C’est cela que tentait de lui inculquer Mao dans leur rêve partagé. L’eau serait son seul moyen de vaincre le viscuphage dans son propre élément. Mais serait-il capable de devenir un élément du premier coup ? Le viscuphage était tellement rapide… Et à voir cette eau sanguinolente et boueuse, il était difficile de désirer se fondre en elle.

Trois hommes à terre. Quatre. Si l’on prenait en compte la scientifique dont il avait malheureusement déjà oublié le nom. Cinq, avec le scientifique littéralement démembré par ordre du magistérien. Et maintenant ?

L’aberration avait plongé dans l’eau, prévoyant une attaque sous-marine. Le mort-vivant s’apprêtait à une nouvelle salve de morts. Il se sent tellement fébrile et impuissant. Presque sur le point de s’endormir, d’un sommeil de tétanie. La dernière fois qu’il s’est trouvé blessé et face à la mort, une rage sanglante s’est emparée de lui. Il préférerait ça. Ici, il n’est que fantôme face au châtiment des marais.

Vaguement, il saisit les mots de Gerald, tente de ravaler sa bile acide. Avant de secouer la tête par la négative.
-« Quel est le plan ? » raisonne sa voix blanche. Envers Archibald. Envers Lan-Lan. Ce sont bien eux les artisans de cette funeste rencontre. Et même le Von Arendt, s’il comprend bien. Alors, qu’avaient-ils prévu une fois leur vœu macabre réalisé ? Rien.

Etourdi par un tel niveau d’incompétence du haut commandement, il glisse un regard vers Mao qui n’a pas bougé, toujours aux aguets avec sa chaîne lestée. Comme d’un mauvais rêve, il se fixe sur des détails et a l’impression de manquer des bouts, des paroles des gestes. Lan-Lan est sur l’agonisant aux chairs rongées :
C’est trop tard. Il est mort.

Le corps n'est plus que poupée de chiffon sous les mains de poupée de porcelaine. S'il n'est pas médecin, il lui semble bien étrange de pouvoir succomber si vite à une hémorragie au-delà du secours de tout artefact. Un sourire mauvais et sibyllin étire les lèvres d’Archibald devant lui.

L'alchimiste est à présent la cible du viscuphage... n’était son ami de théière, Gerald, qui propulse le monstre au loin d’elle. C’est au tour de Zareh de sourire. Il comprend qu’elle vient de s’emparer de sa force.

La Xandrienne appelle une stratégie en terrain dégagée. Keshâ'rem répugne au peu de respect porté au corps du défunt. Pourquoi est-elle à ce point prête à tout? Plus pragmatique que jamais, Val’Ihem se porte en avant.
-« Attirez-le. Il est trop rapide. Mais si vous me rendez son mouvement prévisible et que j’ai ne serait-ce qu’une seconde d’ouverture… je le ferai léviter. »

Il n’a pas le temps d’élaborer ses mots, mais tout le monde doit saisir, du moins pour ceux qui ont eu un aperçu de ce dont il est capable, de ce à quoi peut ressembler un piège gravitationnel. Le monstre purulent est surpuissant, et surapide… mais pour exercer ses qualités prédatrices, il a besoin d’appuis… que ce soit sur l’eau ou sur la terre.

Keshâ’rem a détecté ce totem dans la main de la poupée de vices. Ce qu’elle en fait lui déplaît fortement. Mais il n’est plus temps de palabrer ou de se lamenter sur le minable niveau moral de ses camarades. Des serpents géants attirés par les tripes et le départ du viscuphage commencent à investir la zone autour des restes de Minos et des autres tartares.

Zareh fait tournoyer sa chaîne lestée, et par un étrange changement d’appui, brise sa trajectoire et la propulse telle une fronde sur le crâne d’un serpent, qui tombe raid mort.
-« Dépêchons-nous avant d’être encerclés ! Seule la terre ferme peut nous sauver. »

Les dents serrées pour les empêcher de claquer, Keshâ’rem saute sur une pauvre motte affleurante des eaux, puis sur un rondin glissant, alors que les eaux se meublent à une vitesse affolante de corps noirs ondoyant. Val’Ihem fait un bond de dix mètres pour sortir de la zone et l’increvable sapiarque s’en sort très bien, laissant un serpent se briser les crocs sur sa protection cristalline. Ce qui laisse les Opaliens et Xandriens restants face à leur parcours d’obstacles. Multiples et grouillants.

Lan-Lan a volé bien plus loin. Il la suit à la trace grâce à ses émotions. L’appel de sa nébula est plus fort que jamais. La tentation de faire appel à ses totems et cristaux si forte. Mais il sait qu’il doit se préserver quoi qu’il en coûte, jusqu’au dernier assaut. Sabre à la main, il tranche, par extrémité plus que par choix, un cou de serpent soudain tendu vers lui… Enfin, il atteint une zone de terre émergée, une nouvelle arène de brume.

On n’entend absolument rien. Mais c’est le bon endroit.
-« C’est ici. »  annonce-t-il simplement. A tous ceux qui s’extrait avec difficulté des eaux. Sa gorge est sèche, tellement sèche que ses lèvres collent à ses gencives. Son coeur joue du tambours dans ses tympans.
-« Lan-Lan est là. Et il doit être très proche. »
Un battement d’aile et un cri aigu de draconides confirme que Lan-Lan fend les airs dans les hauteurs.



Résumé:


Dernière édition par Keshâ'rem Evangelisto le Ven 11 Oct - 13:51, édité 2 fois
Mar 17 Sep - 22:59

Trop long ton plan je préfère le mien

Club des 5 (6)




L’une des grandes caractéristiques humaines, c’était de poser sur autrui des certitudes qui n’étaient au final rien d’autre que des présuppositions. L’esprit humain n’était pas l’inconnu. De la même manière qu’il invente quelques fois des images, l’esprit inventait de par son imagination ce que pouvait bien être dans son entièreté autrui. Cette méthode était ce qu’on appelait plus généralement le biais cognitif. Il était plus simple d’accoler les humains à des causes que de les cerner entièrement dans leur complexité. Méchant, gentil, intelligent, stupide. Tant de cases imparfaites qui définissent de manière tout aussi imparfaite les individus.

Dans ce genre de registre, on prenait trop souvent les maraudeurs pour des êtres totalement sans âme, prêt à trahir tout le monde pour tout et n’importe quoi. Une réputation qui, bien qu’ayant de nombreux fondements et surtout des représentants particulièrement, est loin de représenter parfaitement la réalité. On ne pouvait y voir là qu’une exagération de ce qu’était un mercenaire surtout quand on le comparait à un soldat de métier dont la première caractéristique était la loyauté aveugle à sa patrie. Trahir se devait d’être pensé, Agir se devait d’être pesé. Le plus important avant la mission, c’était avant toute chose de garantir sa propre survie quand bien même on acceptait les missions les plus risquées.

Et dans ce genre d’affaires, il restait bien plus simple d’abandonner son propre client qu’on ne connaissait pas vraiment que des camarades avec qui on avait été dans la même galère pendant des années à faire des contrats. Ce n’était pas un métier amusant que l’on faisait de bon coeur, bien au contraire, le mercenariat comme la maraude n’était rien d’autre qu’une des nombreuses personnifications des problèmes sociopolitiques de notre temps.

Quoi qu’il en soit, Violette avait bien du mal à laisser mourir son camarade. Abandonner les autres de l’expédition ne lui aurait fait ni chaud ni froid, n’ayant que peu d’attache effective pour chacun d’entre eux quand ce n’était pas tout simplement l’inverse. Tout au plus aurait elle eut quelques réserves purement professionnelle à laisser crever les xandriens qui appartenaient chacun à des instances capable de répondre, néanmoins elle n’aurait été avant tout mécontente de sa propre incompétence à réussir sa mission plus qu’affectée émotionnellement.

Elle n’était pas une débutante, elle savait que le maraudeur était condamné. Après tout, ce n'était pas la première fois qu’elle voyait cette scène. Sa demande de soin sonnait alors plus comme un ultime espoir de miracle qu'une demande parfaitement rationnelle.

Que pouvait-elle faire d’autre dans cette situation après tout ?

Ainsi les deux mauvaises nouvelles apportées coup par coup par Vladimir et Lan-Lan n’eurent sur elle que l’effet d’une demi-surprise tant elle s’attendait à sa réponse et étonnamment elle n’y réagit pas plus que ça. Sa première réaction fut de regarder le corps de désormais cadavre comme si pendant un instant elle doutait des mots de la noble ayant du mal à comprendre comment une nécrose au bras pouvait tuer si vite un homme. Mais bon… il ne respirait plus et la portebrume était très loin de se douter des capacités de la noble. Elle finit alors par accepter la chose en se contentant d’une brève réponse.

Mmmmh…

Pour ceux qui la connaissait, il était suffisamment rare que la portebrume ne l’ouvre pas pour que cela se remarque. Après tout c’était une grosse gueule tout autant pour montrer ou dire des choses positives que négatives. Ainsi contrairement à bien des gens ont pouvait voir l’importance d’une situation pour la demoiselle non pas à ses mots ou à ses réactions mais bien au contraire à son absence de mot et de geste. Tout juste pouvait-on voir chez elle pour les plus observateurs les contractions de son visage et de ses lèvres ainsi qu’un regard montrant une pointe très retenu et maîtrisé de tristesse.

Quoi qu’il en soit elle ne montrait ni ne disait grand chose, difficile ainsi de pouvoir savoir ce qu’elle pouvait bien penser.

Elle eut toutefois plus de réaction pour le traitement que Lan-Lan faisait au cadavre de son camarade. Bien qu’elle ne disait rien, son visage le faisait parfaitement savoir. Mais bon, l’heure n’était pas venue de se plaindre, Violette avait encore le sens des priorités à l’instant présent.

Alors que Lan-Lan s’envola sur son Drake, la cheffe de guilde ne la lâcha pas du regard, ne bougeant même pas quand des serpents géants commencèrent à être attiré par les morts.

Dégagez.

Pivotant pour tourner sur elle même avec son hypervélocité, le mouvement horizontal provoquant un flux d'air qui repoussait les premières vagues de serpents arrivant vers elle, profitant de l'occasion et du trou offert, sans vraiment réfléchir, la maraudeuse commença à suivre la noble au sol avec son hypervélocité doublée de sa vision augmentée, la maraudeuse profitait de l’accélération de sa conscience et de son absence d’angle mort pour scruter le décor afin de trouver le monstre. Aidée par la malchance de ce dernier, elle parvint alors à le trouver, effectivement il suivait Lan-Lan. Sans doute était-il confiant dans le fait de tuer tout le monde et voyait la tentative aérienne de Lan-Lan comme une fuite qui pourrait fonctionner puisqu’il ne savait voler. S’approchant alors par derrière tout en profitant de la diversion offerte par la xandrienne, la portebrume parvint à générer un courant ascendant sous les pieds du monstre qui le projeta à 5 mètres en hauteur. Ce dernier surprit, réussit toutefois à se stabiliser mais en l’air, il n’avait rien pour lui permettre d’esquiver.

Se positionnant sous lui, Violette pivotant de nouveau sur elle même telle une toupie pour accrocher de nouveau l'air via son pouvoir avec cette fois plus de force et de vigueur, ne se contentant pas de créer une simple bourrasque mais bien une petite tornade qui en s'agrandissant lui permettait de soulever les choses dans les airs sans avoir à être directement au contact de l'ennemi, le monstre d'ailleurs, toujours impacté par la malchance se rattrapa un temps aux arbre, mais la prise n'était pas bonne et le bois si brisa, envoya le monstre dans les airs avec pour objectif de lui offrir une belle chute.


Spoiler:



Dernière édition par Violette Helmael le Dim 13 Oct - 20:59, édité 1 fois
Ven 11 Oct - 12:14
Le Docteur roula à terre, vite entouré par les Tartares qui restaient. Il regardait autour de lui, observait son bras d’où suintait un sang épais. Il s’était déchiré sa tunique et griffé. Il pouvait saigner. Peut-être la première fois depuis longtemps. Il regarda sa blessure avec un air de dégoût, puis la cacha de sa main blême. Il se releva avec assez peu de grâce. Il suintait d’une eau saumâtre, sentait la boue et la fange. Ses cheveux en bataille trahissaient sa surprise et son état … de tension. Le Docteur ne maîtrisait plus son environnement, c’était rare. C’était la faute de tous ces imbéciles qui nageaient dans ses pattes, de cette satanée coopération qui n’avait ni queue ni tête. Espitopoli avait tout mis par terre. Avec leurs tirs, avec leurs cinglés. Ces soi-disant scientifiques aux cœurs pétris d’ego. Il renâcla et cracha à la manière d’un félin. Il avait froid. Ses joues étaient rosies par l’adrénaline et la dilation de ses vaisseaux sanguins, due à la peur qui animait son Vestige. Il serra les dents lorsque l’ombre de Lan-Lan le survola, le macchabée dans la gueule de son Drake. Que faisait donc cette inconsciente ?

- Docteur Von Arendt ? l’interpella Mimic avec un peu de crainte dans sa voix.

Il lui montra une surface bouillonnante dans le marais et un peu autour d’eux. Prometheus s’était lancé à la nage, dans le territoire de la créature. Déjà les charognards rappliquaient.

- C’est un comportement anormal : il n’y avait aucune créature aux alentours quelques minutes avant l’attaque. Un comportement grégaire ? murmura l’un des Tartares.

Vladimir secoua la main. Ce n’était pas important, cela ne correspondait pas à leur connaissance du Viscuphage. Quoi qu’il en fût, personne ne semblait s’éplorer de la perte de Minos. Blieg, la Tartare à l’énorme épée, émit un cri de rage et l’arme se changea en une torche au cœur bleuté. Elle fonça sur les serpents, accompagnée de Mimic qui jura devant l’impulsivité de sa subordonnée.

- Là, Docteur. indiqua Noct, arme au clair lui aussi.

La voix tendue du Tartare en armure complète révélait qu’il n’était pas entièrement soigné mais qu’il tiendrait. En l’état, il protégeait Vladimir. La mort d’un Docteur du Magistère semblait … prioritaire à éviter face à l’échéance du test. Le Baron semblait avoir une certaine … réputation auprès des siens et l’avoir vu chuter aussi misérablement avait eu un impact sur les actions des Tartares. Quant à savoir s’il était précieux … ou autre chose … c’était impossible à deviner pour des profanes.

Noct avait pointé une zone de remous qui s’était éloignée des bulles perçues par Mimic. Pendant que les deux s’occupaient des serpents avec plus ou moins d’efficacité, Vladimir pu apercevoir Prométhée émerger de l’eau indemne. Curieux. Pourquoi était-il encore en état ? Etait-ce par sa nature chimérique ? Par sa nature de Nascent ? De chair en constante putréfaction ? Pourtant, il aurait dû être une proie de choix pour cette créature … Peut-être que son but était autre. Le Docteur s’avança et profita d’une trouée dans les attaques de serpents pour tenter de rejoindre la plateforme que cherchait à atteindre Prométhée, en direction de Lan-Lan. La Fà était très téméraire. Trop. Il but alors sur les épistotes qui quittaient eux aussi la zone enserpentée.

- Vous êtes sur la route, Sapiarque. grogna Vladimir, ayant repris de sa superbe malgré son apparence miteuse.

Les Tartares s’occupaient de contenir les assauts, grâce à leur entraînement et leurs compétences mais ils n’étaient pas éternels. La perte de Minos grèverait déjà beaucoup le budget de l’expédition. C’était une perte budgétisée, certes, mais perte tout de même. Peu à peu, la reprise d’un cours plus … contrôlé des événements permettait au Baron de se réinstaller dans sa posture. Comme s’il n’avait pas bu la tasse quelques instants plus tôt. Il toisa Archibald, bien qu’il fût plus petit que lui et sentit un puissant désir de sang s’emparer de son Vestige. Perturbé par des émotions depuis longtemps tues, le Spectre dû s’y reprendre à deux fois pour ne pas se laisser influencer. Un meurtre, ici, serait tout sauf diplomatique. Il glissa sa main à l’intérieur de sa veste. Les pupilles du strigoï étincelèrent.

- Hm. Veuillez m’excuser. Nous sommes dans le même bateau. admit Vladimir, pendant que le chaos s’annonçait autour d’eux et que Keshâ et Val’Ihem étaient déjà dans la suite des événements.

- Il nous faudra coopérer, je le crains. Je passerai sur vos tentatives d’atteinte à mes hommes, à leurs conséquences politiques probables … l’heure n’est plus à cela, n’est-ce pas ? continua Vladimir, sous l’air perplexe du Sapiarque.

- Il serait donc pertinent que vous mobilisiez vos efforts à protéger le Magistère pour que cela ne génère pas plus de problèmes, quitte à sacrifier vos troupes.
proposa le Baron. Ou votre propre vie, pour la gloire d’Epistopoli et sa magnificence.

Puis il dépassa Archibald. Il expulsa un souffle chaud, accompagné d’un drain d’énergie imperceptible pour les autres. Il sentit son corps ralentir, ses muscles s’alourdir. La contrainte du pouvoir de persuasion. L’instant sembla s’étirer puis Vladimir se mit à courir un peu plus vite, accompagné de ses Tartares. Cette petite poussée lui procurait un plaisir qu’il délecterait avec une satisfaction à la hauteur du reste. Les affres du combat s’imposèrent aussi tôt à eux, si bien qu’il leur fallu courir pour rejoindre le reste des combattants et les voir user de … pouvoirs peu conventionnels. Comme à son habitude, le Viscuphage brillait par son intelligence malveillante. Mais tout le monde semblait prêt, les quelques tensions rapidement remplacées par un instinct de survie décuplé.

Prométhée, de son côté, semblait un peu perdu. La créature était trop vive, trop forte pour qu’il ne puisse l’éliminer comme un simple humain – comme lors des phases d’entraînement. Vladimir s’arrêta à quelques pas de la scène de combat, entouré de ses Tartares restants. Ils ne se prêtaient à rien d’autre que sa protection. C’était un pouvoir qui s’achetait à prix d’or. Il repensait à ses quelques projets, ses quelques épreuves à venir. Ses soldats si parfaits … si Prométhée accomplissait ce qui était attendu de lui. La création aux bras de naga se tourna soudain d’un côté, puis de l’autre. Le Viscuphage arrivait. Vite, bien trop vite … mais déjà les petites ramifications du plan du Baron se mettaient en marche. Après tout, Prométhée était du Magistère, non ?


Résumé:
Lun 14 Oct - 14:10

Dans la gueule de la mort

"N'approchez pas des marais la nuit.”
“N’approchez pas non plus le jour.”
“N’approchez jamais des marais.”

Et pourtant.

Vous vous êtes approchés.

Fiers bipèdes, aventuriers aguerris, têtes savantes, vous avez cru, peut-être, que vous étiez courageux ? Lorsque l’idée est née. Lorsque la proposition fut faite. Lorsque l’ambition s’est emparée de vous. Lorsque vous avez dit oui. Avez-vous vraiment cru que vous aviez quelque chose à gagner ?

Que vous reviendriez, victorieux ?

Que vous reviendriez, vivants ?

Nombreux sont vos pas dans la boue visqueuse du marais. Plus nombreux, ils étaient, au départ. Ils ne vous auront pas arrêté pourtant, ces morts. Des pions qui tombent. Pensez-vous être Rois ou Dames, Cavaliers ou Tours ?

Non. Bien sûr.

Vous êtes des Fous.

Est-ce que cela vous échappe encore ?

Elles crissent, comme des ongles sur un tableau infernal, ces émotions à vif qui l'envahissent, ce petit être trop longtemps ouvert aux humeurs de ses camarades. Elles hurlent en lui, la panique, la terreur, elles dévorent chacune de ses pensées, les surplombent et les ensevelissent. Il n’y a plus de place pour celui qui se nomme Keshâ'rem, dans ce capharnaüm qui ne lui appartient pas. Alors seulement, il expérimente ce que peut-être la vie d’une Hespéride. Submergé, dépossédé, son esprit flanche sous le poids de toutes ces émotions. Impossible de faire le tri ou de savoir à qui elles appartiennent, il aura bien du mal à respirer, à être, au milieu de ces émotions étrangères. Étrangères ? Vraiment ? Ne sont-elles pas un peu à lui aussi ? Car il bat au cœur de la tornade qui l'entraîne vers le fond, une pulsation familière, celle de sa propre terreur, soufflée par un instinct de survie mis à mal. Sa vision se brouille alors qu'il perd toute trace des émotions qu'il pensait pouvoir imputer à Lan-Lan, elle est trop loin et lui, lui... Il sera bientôt inconscient à moins de mettre rapidement un terme à cette torture.

Puis, Elle n’est pas loin. Elle ne l’est jamais réellement. Celle à qui il a donné un nom, une identité, une emprise. Il est faible, là, maintenant, il est une proie, pour elle aussi. Les mains de celle qu'il nomme Sedna se referment sur les siennes et l’appel glisse à son oreille. La Brume est si belle, si douce, si proche. Elle l’accueillerait certainement à bras ouverts, comme cette mère aimante qu'il n’a jamais eue, elle le bercerait doucement et en elle, il cesserait d’être terrifié. En elle, il n’aurait plus à ressentir toutes ces douleurs. Il n’aurait plus à souffrir ou à réfléchir.

Il n’aurait plus à être. Oui, quelle douce délivrance ce serait.

Est-ce que cela vous échappe encore ?

Conquérantes, les bottes du Docteur le sont de moins en moins. Elles ont néanmoins continué à s’enfoncer plus loin dans ce paysage morbide. La maison en quelque sorte, le confort en moins. Les émanations nauséabondes irritent même son nez pourtant habitué aux effluves les moins raffinées. Peut-être comprendra-t-il l’avertissement que porte ce parfum. Ce que vous chassez ne craint pas la mort ; il l’a transcendée, comme l'opalin, ou presque. Car lui n’a pas à faire semblant, lui n’a pas à feindre, lui n’est que prédation. Avatar du néant.

Un vide absolu, un vide mort, qu’est-ce que tu souhaites combler, gouffre sans fond ? Non, tu n’en sais rien, il faut penser pour savoir, tu es un trou noir et le vide t’entoure en permanence. Rien ne te meut vraiment, ce sont eux qui tombent dans ta gueule. Encore et encore, comme de petites bouchées qui prennent immédiatement le goût de cendre. Alors oui, quand certains sont plus revêches, enserrés dans leurs boîtes de conserve, ils se débattent, ils se transcendent, ils brillent et ils sont vocaux, mais la finalité est toujours la même. Ils te personnifient, pensent que tu agis avec quelque sombre stratégie, que tu peux être perfide tout comme eux. Non, ça fait bien longtemps que cette adversité n’allume plus aucune flamme, seul l’instinct primal est là. Est-ce l’espoir d’enfin retrouver un goût sur ta langue purulente alors ? Peut-être que tu penses que c’est ça qui te délivrera de ta malédiction ? Non, tu ne penses pas, on te dit. Tu agis, plutôt, tu réagis à la présence de ce nouveau groupe qui rentre dans ton domaine. Avatar de la chasse.

Ils troublent, ils tambourinent à ta porte et rentrent sans être invités. Ils ne sortiront pas indemnes d’une telle impolitesse. Un premier s’écrase entre tes griffes, il se déchire comme une vulgaire feuille. Sans un bruit. Le silence retombe, seul le bruit irrégulier des entrailles qui tombent de ta mâchoire dans cette salle à manger trouble le vide que tu as laissé. Tu n’auras laissé derrière toi qu’une vague flaque de sang qui se diluait déjà, là où se tenait ce premier encas.

Moins que le vide, l’air te tranche sans que ça ne t’émeuve. Tu ne ressens pas ces entailles qui laissent ressortir que plus de parasites qui trahissent ta condition. Non-être mouvant au milieu des tourbières. Rien ne saura t’arrêter même si les proies changent de rythme, tu es gauche, tu glisses et patauges quelque peu. Et alors ? Ils pouvaient bien zigzaguer, s’accrocher à chaque maigre stratégie. Tu es un vide sans fond. C’est eux qui sont malchanceux d’avoir croisé ta route. Quand bien même ils volent autour de toi. Pourtant, est-ce que tu sens ton corps ? Ta peau fine qui racle sur les os, les vers qui se repaissent continuellement de ta maigre chair et les parasites qui peuplent tes intestins. Tu ne les avais jamais ressentis, ou tu ne te rappelais plus. Terrible d’avoir des sensations, de sentir tes pas qui s’enfoncent dans cette vase immonde.

Tu continues ton terrible office, ils ne sont déjà que des restes passés qui n’ont pas réussi à te rassasier. Tu dois en trouver d’autres. Tes yeux morts tombent sur cette chevelure enflammée, de ton lit de vase, tu te jettes la gueule en avant sur cette délicate fleur. Ta trajectoire évolue, un coup terrible fait heurter tes crocs et t’envoies valser. Tu t’en fiches, mais plusieurs de tes dents manquent et d’autres sont fêlées. Tu pourrais aussi bien être édenté que rien ne changerait jamais. Tu pousses un hurlement de tes cordes vocales mortes. Avatar de la sauvagerie.

Sont-ils encore fiers ? Ces êtres décharnés qui subsistent à l’intérieur de leurs lourdes armures, désirent-ils encore être pleurés ? Sans doute ne le seraient-ils pas. Ils représentent pourtant de lourdes pertes pour leur équipe. À trop sacrifier de Pions, il devient vulnérable, Roi de rien en ces marais inhospitaliers. Le Cavalier avalé par les eaux troubles, est-on certain qu’il reviendra ? Un borborygme répond à cette angoisse grandissante. À quelques mètres de Vladimir, il finit par ressortir de la fange. Comment auraient-ils pu t’intéresser cette construction impossible et ce vestige ? Ils étaient plus proche de toi que de leur troupe.

L’odeur entêtante de la chasse et des viscères, elle est plus présente maintenant ne trouves-tu pas ? Tu t’éloignes à la poursuite de ce fumet délicat. Naviguant dans les arbres, tes longs bras tapant sur les troncs, sans doute même que tes épaules se disloquent pour se remettre en place dans le mouvement suivant, tu vas presque en ligne droite, tous s’écartent en ton domaine. Tous, sauf cet ennuyant moucheron qui sort de son état larvaire. C’est flou, mais ce n’est qu’un instant dans l’éternité. Tu bondis, tu flottes un instant. Tu le sens, ou plutôt tu ne le sens plus ce poids qui te diminuait. Il n’y a plus de cri à donner désormais. Sans émotion, tu fonds. Tu t’écrases, proche. Sans doute que tes côtes rentrent dans des poumons qui n’ont plus connu d’air depuis bien longtemps. Ce n’est rien. Tu te redresses, maculé de vase et de parasites nouveaux. Tu offres un répugnant spectacle à ce moucheron qui aura vu la mort inévitable en face. Prend-il conscience que ses réserves sont limitées et que ce petit tour l'épuise bien davantage que toi ? La peur gagne la Tour. Un poids quitte tes épaules.

Tu dois retourner chez toi. Le dîner attend. Plus de chance pour eux, mais tu n’en as que faire. Tu avances et tu te traines vers ton terrain. Tu replonges dans ta vase. Tu n’es pas revanchard, peut-être que tu recroiseras cette créature. Pour l’instant, comme à chaque instant de ta non-vie, maintenant que tu as effrayé ce moucheron, tu dois manger.

Si tu ne suis aucune stratégie, tu suis ton instinct, tu suis ton instant. Les autres proies se séparent déjà, elles emplissent le vide de ta demeure. Petites brebis qui quittent le troupeau. Tu sens qu’ils suivent des chemins qui vont se rejoindre. Tu décides de couper des routes autant que des corps. Le premier que tu croises est blond, un éclair de surprise dans l'œil alors qu’il est en l’air dans un énième bond. Ta prise mal assurée fait que c’est ton épaule pointue qui rencontre son bassin au lieu de ta gueule pestilentielle. La projection est puissante, tu entends quelque chose craquer, tu le vois s’écraser, inanimé. Tu aurais pu en finir, mais peut-être était-il déjà mort pour toi ? Qu’importe, il n’avait déjà plus ton intérêt, pas digne de te donner l’étincelle d’un répit. Tu te fonds à nouveau dans l’eau, emplissant de ta présence la mangrove, les yeux sur ceux qui osent s’avancer, tu es partout et nulle part.  Avatar de la fatalité.

Cette fois, tu ne t’y trompes pas, tu sens les ondulations des reptiles qui n’auraient jamais osé se présenter ici. Espéraient-ils que le vrai Roi n’était plus là pour prendre son trône ? Mais au milieu de la mangrove, ils n’approchent pas, seuls quelques rares ont osé s'avancer. Croyaient-ils que tu allais te cacher pour panser tes blessures et qu’ils pourraient être promus en arrivant au bout de l’échiquier ? Même diminué, tu suis le cliquetis des chaînes. Avatar de la destruction.

Tu tournes autour de la clairière dans laquelle un Pion attend à découvert. Seul, nulle trace de celui qu’il appelle Val’Ihem ou de celle qui se présente sous le nom de Zareh, son Fou cristallin laissé en arrière. Et encore dans les airs, la Dame te nargue-t-elle ?

Est-ce que cela vous échappe encore ?

Jamais vous n’avez connu prédateur comme celui que vous êtes venu chercher.

Vous avez décidé d’être ses proies et proies, vous serez.


Fous, Rois, Dames.

Tous tomberont.


Est-ce que cela vous échappe encore ?

Vous n’auriez jamais dû vous approcher des marais.
Hier à 20:14

Si j’ai pu sauver Lan-Lan, je me suis carrément sacrifié et compromis pour la suite. L’impact fut si puissant qu’un os a craqué sans que je ne sache lequel. La douleur fut si intense que des nausées se sont immédiatement emparées de moi. La suite, je la perçois que faiblement. Un volplané relativement long, un atterrissage violent. J’ai mal. Très mal. Je n’ai pas l’habitude de recevoir des coups et j’en comprends aisément la raison. Je nage entre conscience et inconscience. Je perçois des sons mais ne reconnais pas grand-chose. La douleur m’empêche de retrouver la raison. Est-ce donc ce que l’on ressent avant la mort ? La folie ? Quelle déception. Mourir comme un vaurien en n’ayant rien accompli. Voilà tout ce que je suis. Un vulgaire type qui a pris trop au sérieux son rêve de devenir un héros. Tu n’es qu’un microbe, Azur. Un microbe mort.

Pourquoi la mort fait-elle aussi mal ? Ce n’est pas normal. Un mort ne ressent plus rien. Ouvre tes yeux, bon sang. Une faible luminosité me parvient. Le temps d’un instant, les bruits environnants m’apparaissent plus clairs. L’odeur pestilentielle est toujours présente. Je ne suis pas encore mort. Non loin de moi se déroule encore la bataille, sauf que je ne parviens pas à me redresser. Une vive douleur me tiraille au niveau de la hanche. Je ne sens plus mes jambes. J’ai l’impression de n’avoir que le contrôle de ma tête. Ma main droite bouge un peu, petit à petit. Parfait. C’est tout ce dont j’ai besoin pour renaître de mes cendres. Je ne prétends pas être un phénix, hein, mais je me souviens que ma douce Lan-Lan a gentiment glissé un objet d’une précieuse valeur dans ma poche.

Du bout des doigts, je sens l’objet recherché, un merveilleux cristal de guérison. Que dieu bénisse cette femme. Un toucher délicat pour l’activer et l’énergie me revient. Je sens ma structure osseuse se reformer, ce qui me permet de constater que d’autres os et articulations ont été lésées durant l’attaque. Les sensations me reviennent, les mouvements sont de nouveau possibles. La vue aussi. La première chose que je vois est un drôle de serpent prêt à me bouffer sans vergogne. Mes instincts ont toujours été présents, eux. Comme si rien ne s’était passé, je saisis ma dague et tranche de la tête du reptile d’une seule traite. Un mouvement rapide et précis comme je les aime. Vous avez, je suis peut-être un assassin, un tueur, mais un tueur qui aime le travail bien fait. Alors, quand je vois cette magnifique incision effectuée, j’avoue être fier et prêt à retourner au combat.

Mais quel combat ? Je n’ai pas la moindre chance face à ce monstre sorti des enfers. Il semble imperméable aux attaques physiques, même si j’ai complètement raté ma dernière attaque. Je prends le temps de réfléchir quelques instants à mes possibilités. Pas question de foncer tête baissée, la méchante bête m’enverra moucher de la plus brutale des manières. De plus, j’ai été le premier à demander un travail collaboratif. Comment mettre mes talents au service des autres ? Aujourd’hui, je ne brillerai pas et ce sera très bien ainsi. Allez, je suis fin prêt. Non de loin de moi se trouve un petit rocher. En usant de mon cristal de force, je parviens à le porter et le lancer aussi fort que possible sur ma cible. Le projectile l’atteint mais ne lui inflige aucun dégât. Ce n’est pas le but recherché. Il se demande d’où lui vient cette attaque, je cris, je gigotte pour attirer son attention. Oui, c’est ça, mon beau. Regarde-moi. C’est celui que tu as laissé pour mort un peu plus tôt. Là, maintenant que je suis sûr de l’avoir dans son viseur, je lui balance mon meilleur doigt d’honneur. Saleté de monstre.

Je n’ai pas intérêt de me louper maintenant que je l’ai provoqué. Il approche à grands pas, la gueule ouverte, dégoulinante de je ne sais quelle substance. Cette chose me répugne au plus haut point et c’est la raison pour laquelle je m’en voudrais énormément d’être tué par celle-ci. Le cristal de chronomancie dans une main, l’autre tendue vers ma cible, le temps ralentit soudainement. Le viscuphage approche lentement. Bien lentement. Mais méfiez-vous, cet effet n'est pas éternel. Je le sens tenter d’échapper à l’emprise du temps. Il est puissant. Très puissant. Je ne tiendrai pas longtemps.

« C’est le moment ! Attaquez-le, bon sang ! », ai-je balancé avec rage.


Résumé: