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[REQUÊTE] Ad Nauseam

[REQUÊTE] Ad Nauseam - Page 3 Brandw10
Dim 15 Sep - 0:07

Vous sentez cette odeur ? Celle des entrailles de la mort en personne. Moi qui pensais les moustiques inarrêtables, je me suis bien trompé. Un Viscuphage est bien capable de les arrêter par sa simple présence. De tout le règne animal, c’est bien la seule créature capable d’une telle prouesse. J’en tremble, bordel. Autour de moi, on panique déjà en sentant la présence de cette chose. Je sens que mon intervention sera plus que nécessaire. Après tout, j’ai pu me reposer et m’économiser grâce aux efforts epistotes. Néanmoins, l’inattention a couté très chère à l’un des maraudeurs, complètement déchiqueté et en partie mangé. Gare à ceux qui pensent camper sur leur position ! Ils subiront le même sort. Oui, écoutez la dame, avancez.

Cette même dame tente des diversions en balançant des lames d’air. Mais cela n’est guère suffisant pour intimider cette bête affamée pour l’éternité. Rapidement, bien trop rapidement, elle s’attaque à un autre maraudeur. Le bras semble avoir été lacéré. La seule à réagir aussitôt est Violette, qui use de son hypervélocité pour traquer la bête. J’hésite à la suivre mais je ne le sens pas. Je n’ai pas suffisamment observé ma proie. Par ailleurs, je la sais extrêmement méticuleuse et elle ne prendra donc aucun risque irréfléchi. Dieu sait ce qu’elle a fait, mais elle semble s’en satisfaire. Hélas, pour son collègue, les choses sont moins agréables. Et je constate que les rumeurs disaient vraies à la vue des vers grouillant dans son bras. L’amputation, je peux m’en occuper en une fraction de seconde, sauf que j’ose espérer que les deux autres auront de quoi gérer cette infection.

Et on fait quoi, maintenant ? On attend de crever ? Vladimir nous rappelle que la compassion n’existe pas chez lui. Toute l’assemblée eut un espoir, mais seules les larves dans le corps de la victime l’intéressent. Moi, ça ne me choque pas. Déjà bien longtemps que je me suis fait une idée sur le personnage. Quant à abréger les souffrances de ce pauvre homme, je n’ai pas à le faire. Je suis un noble – même si plus personne n’y croit vraiment, du moins pas un simple noble – et je n’ai pas à faire ce genre de choses. Puis ce n’est pas un de mes gars. Et puis surtout, parce que j’aime beaucoup « puis », ce viscuphage ne nous laisse aucun temps de répit. Il est même capable de briser des barrières énergétiques. Pauvre tartare. Une bouchée de cette bête a eu raison de lui.

C’est un poil trop macabre pour moi. Tuer des gens, j’en fais mon affaire. On peut le faire de diverses manières, douces ou violentes, sanguinaires ou incolores… notre ennemi du jour a sa propre méthode et ne fait pas dans la dentelle. Si, jusqu’ici, je suis resté vigilant en tentant d’éviter cette monstruosité, mon sang n’a fait qu’un tour en voyant sa gueule épouvantable s’approcher de la belle Lan-Lan. Morte, beaucoup de projets tomberont à l’eau. Elle est aussi assez sympathique. Bref, je crois que trop réfléchir, trop hésiter, ne la sauvera pas. Ce sera bref et ô combien épuisant. Qu’est-ce que je ne ferais pas pour toi, Lan-Lan ? Les muscles de mes membres inférieurs se contractent et, l’instant suivant, j’ai une vue absolument édifiante sur chacune des petites dents qui composent la gueule de cette merde. Comme je le disais, l’effort fut bref, mais j’ai dû aller si vite que j’ai forcé. Pas le temps pour autant de m’en plaindre. L’hypervélocité désactivée, j’active mon cristal de force pour coller un puissant uppercut dans sa gueule, la fermant et l’envoyant valser dans la brume.

Tous les cristaux désactivés, j’observe mon poing enflé. Cette enflure est trop solide pour la frapper à souhait. Par ailleurs, je suis à peu près certain que mon coup ne lui a pas fait le moindre mal. Au contraire, cela l’a peut-être bien éveillé. Je ne sais plus vraiment ce que je ressens entre peur et excitation. Seul, j’ai du mal à le croire, mais je n’ai pas la moindre chance de survivre. Il me faudra l’aide de tous les survivants. Sauf peut-être de Vladimir qui m’effraie presque autant que le viscuphage.

« Je sais que cette nouvelle ne va certainement pas vous plaire, mais nous allons devoir collaborer pour survivre. Tous. Maintenant. On doit d’abord cesser d’être pris par surprise ? Personne ne peut le localiser ? »

Mar 17 Sep - 10:33

Acte III, Scène II

Son territoire


Ils n’étaient pas près. Aucun d’entre eux.

Comme autant de bêtes marchant droit vers l’abbatoire, dociles, silencieuses, ignorantes. Les récits parlaient d’un ange de la mort, d’une créature immonde qui n’avait pour pensées que la faim dévorante qui tiraillait inlassablement ses entrailles sans qu’elles ne soient jamais contentés. Il cherche les intestins. Miyuke avait tapoté du doigt sur la page d’un ancien carnet de note, un rare vestige d’une expédition vers le prédateur. Quand Lan-Lan s’était penchée au-dessus du manuscrit pour mieux voir, elle avait ajouté froidement ... Aucun n’en est revenu.

Elle aurait voulu qu’ils avancent plus profondément dans les terres, plus proches du lac, pas au milieu d’une mangrove épaisse, dans le sol boueux et humide. L’élémentaire de terre avait un visage tordu par l’horreur quand le premier d’entre eux fut fauché. Il n’avait fait aucun bruit - l’ombre terrifiante de la mort.
Ils auraient dû aller plus loin. Mais comment berner ce chasseur? Son territoire. Son marais. Sa chasse. Sa faim.

Le malheureux maraudeur poussa un hurlement que le silence vint étendre en un râle immonde alors que le groupe éclatait d’un seul corps. L’enchaînement qui s'ensuivit ne fit pas tout à fait sens pour elle qui restait piégée dans le corps de l’expédition. Violette prit rapidement les devants, sacrifiant au passage un autre de ses collègues dont le membre fut fauché par la bête, les condamnant à ralentir contre la demande de sa cheffe. Avancer pour aller où, au juste? Lan-Lan était sceptique. Leur cible était à portée de main, avancer dans le noir et à l’aveugle ne servirait à faire d’eux qu’une longue et juteuse brochette.
Mais sa stratégie avait le bon ton d’énerver le monstre - il tenta plusieurs attaques déjouées ou déviées par la maraudeuse qui faisait une parfaite démonstration de ses talents jusqu’à ce qu’elle soit auréolée de satisfaction après un énième coup dur. Une lame d’air? Non, certainement pas. Curieux… Elle n’avait rien vu.

La voix de Violette l'interpella - elle et le carnassier scientifique, qui eut tôt fait de faire du blessé une carcasse. Vladimir n’avait pas perdu de ses habitudes, il semblerait - Lan-Lan tourna vers lui des yeux sceptiques. Pas pour ce qu’il venait de faire, au contraire. Plus par son manque de subtilité. Avec un peu plus de manières, son geste aurait été compréhensible. L’art, et la manière, ne sont pas donnés à tous.
Elle sentit un instant le poids de certains regards se poser sur elle - d’autres maraudeurs, les scientifiques inquiets, des soldats dont la peur tiraillait le ventre. Ils attendaient d’elle qu’elle le sauve, ce malheureux. Ils attendaient d’elle un miracle.

Comme Vladimir. Elle le croyait condamné.

Je vais faire de mon mieux… Murmura-t-elle, innocemment.

La douce et candide brebis blanche se pencha sur la pauvre victime dont le sang se diffusait inlassablement en belles nappes carmins dans le sol cramoisie. Prétendre l’aider lui donnerait une vue imprenable sur l’objet de tous ses désirs: cette chaire noircie, couverte d’une bave toxique à souhait. Déjà pourissante, elle voyait à vue d’oeil de petites gouttes blanches apparaître dans la plaie, se tordre avec délice, danser avec supplice pour celui qui perdait petit à petit ses chairs. Les capacités nécrosantes du viscuphage étaient remarquables - ce parasitage était-il naturel? Ses dents, sa salive? Des glandes à venins?
Lan-Lan bouillonnait. Elle n’osait détourner le regard, sous couvert de vouloir aider le malheureux, elle pouvait se faire une joie d’admirer la raison de sa présence à l'œuvre. Fais vite. Fais vite, où on se posera des questions.

Innocente brebis, elle leva des yeux vers Violette, secoua négativement le visage avec un air déconfit, triste. Elle ne pourrait pas aider…  

Même si la vérité était ailleurs. Il fallait l’amputer, c’est certain. Peut-être le seul espoir pour sa survie. Mais ici, maintenant, il était sans doute leur seul espoir. Après tout, il saignait à profusion, ses chairs à vif. L’odeur de son corps en décomposition chatouillant toutes les narines, y comprit celles du monstre… Un appât parfait. Une occasion rêvé de connaître ce que voulait le monstre - courait-il après des proies vivantes? Mortes? Des organes encore contenue ou apparent?
Doucement, elle enveloppa son front de ses deux mains à plat - au fond de ses paumes naissait une substance. La tetrodotoxine était heureusement incolore, inodore, un paralysant capable de simuler la mort. Désolée, pauvre homme. Tu ne vas pas aimer ce qu’il va se passer.

C’est trop tard. Il est mort. Murmura-t-elle doucement, ses doigts effleurant ses paumes comme pour lui dire adieu, merci, ou n’importe quelle autre voeux qui pourraient berner le groupe. Sous ses doigts coulaient déjà le paralysant, sécréter discrètement, emporté dans son système par les capillaires ouverts et exposés.

Elle releva les yeux, cherchant ceux de Violette, cherchant le groupe, cherchant… Cette gueule ouverte qui fendait sur elle à la vitesse d’un éclair. Elle allait mourir. La cible, c’était elle.
Elle allait mourir. Mais que cette vue était belle.

Souffle - Lan-Lan avait retenu sa respiration. Elle n’était pas morte, non. A la place, un bruit d’impact terrifiant, le bruit claquant des muscles tendus, de la boue dérangée, des tissus tordus et échauffés par l’effort. Dans toute sa splendeur, Geralt se tenait face à elle, ayant d’une seule main dévié l’attaque et projeté le viscuphage plus loin. Sans doute pas assez pour le tuer, ni pour le faire réellement souffrir - elle doutait sincèrement que ce fut possible. Mais la douce brebis, quant à elle, était encore là grâce à lui.
Elle remerciait presque le roi de leur avoir permis de faire route avec l’assassin. Qui devenait un mystère si profond qu’elle ne demandait qu’à y plonger.

De là où elle est, elle distingue les phalanges rougies et le poing enflé. Contrecoup de son courage. Mais comment faire si leur meilleure lame s’émoussait? Sa décision était prise; elle devait déplacer le problème pour qu’ils puissent mieux contre attaquer. Se levant prestement, elle lissa d’une main les plis de son kimono, déposa l’autre sur l’épaule du tueur qu’elle attira vers elle d’un geste doux.

Merci beaucoup Geralt… Innocence subtile, baiser discret déposée sur sa joue, camouflant candidement le cristal glissé dans sa poche entrouverte. Que ferais-je sans vous?

A cet instant, elle était persuadée qu’il ferait un bien meilleur usage du cristal de régénération lâchement volé la veille - elle n’oserait jamais jouer des coudes avec la bête. Quant à lui, sa main rougie palpitante de douleur et de nerfs, mieux valait lui donner de quoi se ménager et subvenir au moindre problème.
Quant à elle…

Je vais faire diversion. Annonça-t-elle sobrement. Sa main enserra dans sa poche un totem d’invocation, qu’elle n’activa pas encore. Avec un peu de chance, il me suivra jusqu’à un terrain plus propice - c’est le moment où jamais d’établir une stratégie, camarades. Et pour vous, de l’observer.

Elle regarda les scientifiques - Yuri qui tremblait à n’en plus pouvoir, et le visage de Miyuke que l’on distinguait à peine de la roche. Leurs secondes étaient comptées, elle devait faire vite, plus vite que des discussions vides. A ce stade, tout le monde devait avoir compris où elle voulait en venir.

Geralt a raison, nous devons collaborer. A cet instant, elle soupira profondément, inspira - le totem laissa apparaître une fine lueur verte.

Dans l’espace vide sa matérialisa un Drake à la gueule saillante, assez grand pour qu’elle l’enfourche immédiatement, et lui commande de ramasser le malheureux dans sa gueule… Avec un minimum de délicatesse. Le viscuphage était dans son élément, dans ce marais boueux. Mais pas eux. Il connaissait le terrain. Mais pas eux. Il les avait eus par surprise… Mais pas eux. C’était l’occasion parfaite de renverser la vapeur. Peut-être au péril de sa vie, oui. Mais elle ne manquait pas de ressource - si des yeux inquiets se posaient sur elle, elle ne manqua pas de révéler à sa ceinture un pistolet explosif qui ne manquerait pas de rappeler quelques souvenirs à ses terribles comparses.

A très vite. A ces mots, elle décolla. Et rapidement après, les crocs du drake percèrent le ventre du blessé dans un bruit sinistre, assez pour ouvrir son ventre, et révéler une odeur monstrueuse. Il fallait bien s’offrir toutes les chances pour que le viscuphage soit plus attiré par elle que par eux. La Brume n’était pas des plus opaques, elle distinguait le sol assez remarquablement. Son but? Trouver une clairière, n’importe quel terrain sur lequel ils auraient un semblant d’avantage. Un mouvement dans les arbres sous elle lui indiqua qu’elle avait réussit. Une peur vorace s’empara de ses entrailles, mais il était trop tard pour faire demi-tour, désormais. Que la contre attaque commence.
résumons:
Mar 17 Sep - 16:06

Acte II, scène III

Monstrueux humains


Le marais s’était depuis longtemps refermé sur eux comme une réalité glacée. Bien que relativement chaude, la région était recouverte d’un voile permanent d’humidité qui s’agglutinait à leurs vêtements déjà mouillés. Malgré cela, ils ressentaient la sueur poisseuse dégouliner dans leur dos.

Les cheveux plaqués de transpiration sur son front, Keshâ était plongé dans une grande concentration. Le sol meuble et glissant ruinait leurs tentatives de progression. La marche demandait beaucoup plus d’effort musculaire qu’on aurait pu penser. A tout moment une attaque pouvait survenir de la brume opaque… même si son hypersensibilité s'avérait inefficace sur le viscuphage.

L’explosion du maraudeur prit tout le monde de court. Dans un éclair de paralysie, Keshâ se retourna sur les remous sanguinolents. Il n’avait absolument rien vu venir.

Keshâ’rem trouva l’intervention de Violette judicieuse et protectrice pour le groupe. Personne ne semblait avoir mieux à proposer que le mouvement. Et elle ne ménagea pas ses efforts pour piéger et repousser le viscuphage. Pour s’être perdu dans le labyrinthe du Liechi et dans la tour d’Yfe, le marais du viscuphage était de loin le plus sordide. L'enfer.

Comme il était vers l’avant, il ne voyait pas trop ce qui se passait et devait avoir foi en sa bonne étoile. Mais il vit bien que les attaques propulsées du monstre échouaient lamentablement, avant la dernière attaque « en blanc » portée par la maraudeuse. Quoiqu'elle ait voulu faire, cela semblait les sauver mystérieusement.

Dans la bataille, un autre maraudeur s’était fait écharpé. Et l’horrible vision du viscuphage broyant la barrière de Minos et ses entrailles d’un même mouvement s’imposa à lui. D’un seul coup, sans prévenir, il vida son estomac dans la vase, retourné comme un gant d’une contraction qui lui donna l’impression d’avoir une côte brisée. Il était vide. Tout n'était que bile.

Dans son tremblement intérieur, il parvenait encore à penser à la honte, de se montrer si vulnérable en présence d’alliés si malveillants. Archibald laissa tomber son regard reptilien sur lui en retirant sa jambe de l'eau d’un air écœuré. Val était par nature plus compatissant, mais l’urgence de la situation le transformait en monolithe.

Ressaisis-toi ! Ressaisis-toi !


Dans un contexte exactement similaire, le Fléau siégeait sur son charnier putrescent. Invincible, il taillait dans les chairs, explosait les plus farouches guerriers. Et juste après, Elle l’avait attaqué. S’était introduite en lui.
Je ne veux plus être ici. Il faut que je sorte.

Mais ce n'était pas un rêve.

Trois hommes à terre. Quatre. Si l’on prenait en compte la scientifique dont il avait malheureusement déjà oublié le nom. Cinq, avec le scientifique littéralement démembré par ordre du magistérien. Et maintenant ?

L’aberration avait plongé dans l’eau, prévoyant une attaque sous-marine. Le mort-vivant s’apprêtait à une nouvelle salve de morts. Il se sent tellement fébrile et impuissant. Presque sur le point de s’endormir, d’un sommeil de tétanie. La dernière fois qu’il s’est trouvé blessé et face à la mort, une rage sanglante s’est emparée de lui. Il préférerait ça. Ici, il n’est que fantôme face au châtiment des marais.

Vaguement, il saisit les mots de Gerald, tente de ravaler sa bile acide. Avant de secouer la tête par la négative.
-« Quel est le plan ? » raisonne sa voix blanche. Envers Archibald. Envers Lan-Lan. Ce sont bien eux les artisans de cette funeste rencontre. Et même le Von Arendt, s’il comprend bien. Alors, qu’avaient-ils prévu une fois leur vœu macabre réalisé ? Rien.

Étourdi par l'absence de plan, il glisse un regard vers Mao qui n’a pas bougé, toujours aux aguets avec sa chaîne lestée. Comme d’un mauvais rêve, il se fixe sur des détails et a l’impression de manquer des bouts, des paroles des gestes. Lan-Lan est sur l’agonisant aux chairs rongées :
C’est trop tard. Il est mort.

Le corps n'est plus que poupée de chiffon sous les mains de poupée de porcelaine. Un sourire mauvais et sibyllin étire les lèvres d’Archibald devant lui.

L'alchimiste est à présent la cible du viscuphage... n’était Gerald, qui propulse le monstre au loin d’elle. C’est au tour de Zareh de sourire. Il comprend qu’elle vient de s’emparer de sa force.

Val’Ihem se porte en avant.
-« Attirez-le. Il est trop rapide. Mais si vous me rendez son mouvement prévisible et que j’ai  une ouverture… je le ferai tomber vers le haut »

Il n’a pas le temps d’élaborer ses mots, mais tout le monde doit saisir ce qu'il esquisse. Le monstre purulent est surpuissant, et surapide… mais pour exercer ses qualités prédatrices, il a besoin d’appuis… que ce soit sur l’eau ou sur la terre.

Keshâ’rem a détecté ce totem dans la main de Lan-Lan. Ce qu’elle en fait lui déplaît fortement. Mais il n’est plus temps de palabrer ou de se lamenter. Des serpents géants attirés par les tripes et le départ du viscuphage commencent à investir la zone autour des restes de Minos et des autres tartares.

Zareh fait tournoyer sa chaîne lestée, et par un étrange changement d’appui, brise sa trajectoire et la propulse telle une fronde sur le crâne d’un serpent, qui tombe raid mort. Haletante. Elle n'a pas l'air bien en forme depuis l'affrontement des nagas malgré les soins de Lan-Lan.
-« Dépêchons-nous avant d’être encerclés ! Seule la terre ferme peut nous sauver. »

Les dents serrées pour les empêcher de claquer, Keshâ’rem saute sur une pauvre motte affleurante des eaux, puis sur un rondin glissant, alors que les eaux se meublent à une vitesse affolante de corps noirs ondoyant. Val’Ihem fait un bond pour sortir de la zone et l’increvable sapiarque s’en sort très bien, laissant un serpent se briser les crocs sur sa protection cristalline. Lui aussi doit commencer à puiser dans sa santé. Ce qui laisse les Opaliens et Xandriens restants face à leur parcours d’obstacles. Multiples et grouillants.

Lan-Lan a volé bien plus loin. Il la ressent toujours excité et effrayée, quelque part. L’appel de sa nébula est plus fort que jamais. La peur l'incite à user de ses atouts. Mais des forces, il n'en a plus. Sabre à la main, il tranche, par extrémité plus que par choix, un cou de serpent soudain tendu vers lui… Enfin, il atteint une zone de terre émergée, une nouvelle arène de brume.

On n’entend absolument rien. Mais c’est le bon endroit.
-« C’est ici. Je crois.»  annonce-t-il simplement. A tous ceux qui s’extraient avec difficulté des eaux. Sa gorge est sèche, tellement sèche que ses lèvres collent à ses gencives. Son cœur joue du tambours dans ses tympans.
-« Lan-Lan est là. Et il doit être très proche. »
Un battement d’aile et un cri aigu de draconides confirme que Lan-Lan fend les airs dans les hauteurs.



Résumé:


Dernière édition par Keshâ'rem Evangelisto le Sam 19 Oct - 6:13, édité 5 fois
Mar 17 Sep - 22:59

Trop long ton plan je préfère le mien

Club des 5 (6)




L’une des grandes caractéristiques humaines, c’était de poser sur autrui des certitudes qui n’étaient au final rien d’autre que des présuppositions. L’esprit humain n’était pas l’inconnu. De la même manière qu’il invente quelques fois des images, l’esprit inventait de par son imagination ce que pouvait bien être dans son entièreté autrui. Cette méthode était ce qu’on appelait plus généralement le biais cognitif. Il était plus simple d’accoler les humains à des causes que de les cerner entièrement dans leur complexité. Méchant, gentil, intelligent, stupide. Tant de cases imparfaites qui définissent de manière tout aussi imparfaite les individus.

Dans ce genre de registre, on prenait trop souvent les maraudeurs pour des êtres totalement sans âme, prêt à trahir tout le monde pour tout et n’importe quoi. Une réputation qui, bien qu’ayant de nombreux fondements et surtout des représentants particulièrement, est loin de représenter parfaitement la réalité. On ne pouvait y voir là qu’une exagération de ce qu’était un mercenaire surtout quand on le comparait à un soldat de métier dont la première caractéristique était la loyauté aveugle à sa patrie. Trahir se devait d’être pensé, Agir se devait d’être pesé. Le plus important avant la mission, c’était avant toute chose de garantir sa propre survie quand bien même on acceptait les missions les plus risquées.

Et dans ce genre d’affaires, il restait bien plus simple d’abandonner son propre client qu’on ne connaissait pas vraiment que des camarades avec qui on avait été dans la même galère pendant des années à faire des contrats. Ce n’était pas un métier amusant que l’on faisait de bon coeur, bien au contraire, le mercenariat comme la maraude n’était rien d’autre qu’une des nombreuses personnifications des problèmes sociopolitiques de notre temps.

Quoi qu’il en soit, Violette avait bien du mal à laisser mourir son camarade. Abandonner les autres de l’expédition ne lui aurait fait ni chaud ni froid, n’ayant que peu d’attache effective pour chacun d’entre eux quand ce n’était pas tout simplement l’inverse. Tout au plus aurait elle eut quelques réserves purement professionnelle à laisser crever les xandriens qui appartenaient chacun à des instances capable de répondre, néanmoins elle n’aurait été avant tout mécontente de sa propre incompétence à réussir sa mission plus qu’affectée émotionnellement.

Elle n’était pas une débutante, elle savait que le maraudeur était condamné. Après tout, ce n'était pas la première fois qu’elle voyait cette scène. Sa demande de soin sonnait alors plus comme un ultime espoir de miracle qu'une demande parfaitement rationnelle.

Que pouvait-elle faire d’autre dans cette situation après tout ?

Ainsi les deux mauvaises nouvelles apportées coup par coup par Vladimir et Lan-Lan n’eurent sur elle que l’effet d’une demi-surprise tant elle s’attendait à sa réponse et étonnamment elle n’y réagit pas plus que ça. Sa première réaction fut de regarder le corps de désormais cadavre comme si pendant un instant elle doutait des mots de la noble ayant du mal à comprendre comment une nécrose au bras pouvait tuer si vite un homme. Mais bon… il ne respirait plus et la portebrume était très loin de se douter des capacités de la noble. Elle finit alors par accepter la chose en se contentant d’une brève réponse.

Mmmmh…

Pour ceux qui la connaissait, il était suffisamment rare que la portebrume ne l’ouvre pas pour que cela se remarque. Après tout c’était une grosse gueule tout autant pour montrer ou dire des choses positives que négatives. Ainsi contrairement à bien des gens ont pouvait voir l’importance d’une situation pour la demoiselle non pas à ses mots ou à ses réactions mais bien au contraire à son absence de mot et de geste. Tout juste pouvait-on voir chez elle pour les plus observateurs les contractions de son visage et de ses lèvres ainsi qu’un regard montrant une pointe très retenu et maîtrisé de tristesse.

Quoi qu’il en soit elle ne montrait ni ne disait grand chose, difficile ainsi de pouvoir savoir ce qu’elle pouvait bien penser.

Elle eut toutefois plus de réaction pour le traitement que Lan-Lan faisait au cadavre de son camarade. Bien qu’elle ne disait rien, son visage le faisait parfaitement savoir. Mais bon, l’heure n’était pas venue de se plaindre, Violette avait encore le sens des priorités à l’instant présent.

Alors que Lan-Lan s’envola sur son Drake, la cheffe de guilde ne la lâcha pas du regard, ne bougeant même pas quand des serpents géants commencèrent à être attiré par les morts.

Dégagez.

Pivotant pour tourner sur elle même avec son hypervélocité, le mouvement horizontal provoquant un flux d'air qui repoussait les premières vagues de serpents arrivant vers elle, profitant de l'occasion et du trou offert, sans vraiment réfléchir, la maraudeuse commença à suivre la noble au sol avec son hypervélocité doublée de sa vision augmentée, la maraudeuse profitait de l’accélération de sa conscience et de son absence d’angle mort pour scruter le décor afin de trouver le monstre. Aidée par la malchance de ce dernier, elle parvint alors à le trouver, effectivement il suivait Lan-Lan. Sans doute était-il confiant dans le fait de tuer tout le monde et voyait la tentative aérienne de Lan-Lan comme une fuite qui pourrait fonctionner puisqu’il ne savait voler. S’approchant alors par derrière tout en profitant de la diversion offerte par la xandrienne, la portebrume parvint à générer un courant ascendant sous les pieds du monstre qui le projeta à 5 mètres en hauteur. Ce dernier surprit, réussit toutefois à se stabiliser mais en l’air, il n’avait rien pour lui permettre d’esquiver.

Se positionnant sous lui, Violette pivotant de nouveau sur elle même telle une toupie pour accrocher de nouveau l'air via son pouvoir avec cette fois plus de force et de vigueur, ne se contentant pas de créer une simple bourrasque mais bien une petite tornade qui en s'agrandissant lui permettait de soulever les choses dans les airs sans avoir à être directement au contact de l'ennemi, le monstre d'ailleurs, toujours impacté par la malchance se rattrapa un temps aux arbre, mais la prise n'était pas bonne et le bois si brisa, envoya le monstre dans les airs avec pour objectif de lui offrir une belle chute.


Spoiler:



Dernière édition par Violette Helmael le Dim 13 Oct - 20:59, édité 1 fois
Ven 11 Oct - 12:14
Le Docteur roula à terre, vite entouré par les Tartares qui restaient. Il regardait autour de lui, observait son bras d’où suintait un sang épais. Il s’était déchiré sa tunique et griffé. Il pouvait saigner. Peut-être la première fois depuis longtemps. Il regarda sa blessure avec un air de dégoût, puis la cacha de sa main blême. Il se releva avec assez peu de grâce. Il suintait d’une eau saumâtre, sentait la boue et la fange. Ses cheveux en bataille trahissaient sa surprise et son état … de tension. Le Docteur ne maîtrisait plus son environnement, c’était rare. C’était la faute de tous ces imbéciles qui nageaient dans ses pattes, de cette satanée coopération qui n’avait ni queue ni tête. Espitopoli avait tout mis par terre. Avec leurs tirs, avec leurs cinglés. Ces soi-disant scientifiques aux cœurs pétris d’ego. Il renâcla et cracha à la manière d’un félin. Il avait froid. Ses joues étaient rosies par l’adrénaline et la dilation de ses vaisseaux sanguins, due à la peur qui animait son Vestige. Il serra les dents lorsque l’ombre de Lan-Lan le survola, le macchabée dans la gueule de son Drake. Que faisait donc cette inconsciente ?

- Docteur Von Arendt ? l’interpella Mimic avec un peu de crainte dans sa voix.

Il lui montra une surface bouillonnante dans le marais et un peu autour d’eux. Prometheus s’était lancé à la nage, dans le territoire de la créature. Déjà les charognards rappliquaient.

- C’est un comportement anormal : il n’y avait aucune créature aux alentours quelques minutes avant l’attaque. Un comportement grégaire ? murmura l’un des Tartares.

Vladimir secoua la main. Ce n’était pas important, cela ne correspondait pas à leur connaissance du Viscuphage. Quoi qu’il en fût, personne ne semblait s’éplorer de la perte de Minos. Blieg, la Tartare à l’énorme épée, émit un cri de rage et l’arme se changea en une torche au cœur bleuté. Elle fonça sur les serpents, accompagnée de Mimic qui jura devant l’impulsivité de sa subordonnée.

- Là, Docteur. indiqua Noct, arme au clair lui aussi.

La voix tendue du Tartare en armure complète révélait qu’il n’était pas entièrement soigné mais qu’il tiendrait. En l’état, il protégeait Vladimir. La mort d’un Docteur du Magistère semblait … prioritaire à éviter face à l’échéance du test. Le Baron semblait avoir une certaine … réputation auprès des siens et l’avoir vu chuter aussi misérablement avait eu un impact sur les actions des Tartares. Quant à savoir s’il était précieux … ou autre chose … c’était impossible à deviner pour des profanes.

Noct avait pointé une zone de remous qui s’était éloignée des bulles perçues par Mimic. Pendant que les deux s’occupaient des serpents avec plus ou moins d’efficacité, Vladimir pu apercevoir Prométhée émerger de l’eau indemne. Curieux. Pourquoi était-il encore en état ? Etait-ce par sa nature chimérique ? Par sa nature de Nascent ? De chair en constante putréfaction ? Pourtant, il aurait dû être une proie de choix pour cette créature … Peut-être que son but était autre. Le Docteur s’avança et profita d’une trouée dans les attaques de serpents pour tenter de rejoindre la plateforme que cherchait à atteindre Prométhée, en direction de Lan-Lan. La Fà était très téméraire. Trop. Il but alors sur les épistotes qui quittaient eux aussi la zone enserpentée.

- Vous êtes sur la route, Sapiarque. grogna Vladimir, ayant repris de sa superbe malgré son apparence miteuse.

Les Tartares s’occupaient de contenir les assauts, grâce à leur entraînement et leurs compétences mais ils n’étaient pas éternels. La perte de Minos grèverait déjà beaucoup le budget de l’expédition. C’était une perte budgétisée, certes, mais perte tout de même. Peu à peu, la reprise d’un cours plus … contrôlé des événements permettait au Baron de se réinstaller dans sa posture. Comme s’il n’avait pas bu la tasse quelques instants plus tôt. Il toisa Archibald, bien qu’il fût plus petit que lui et sentit un puissant désir de sang s’emparer de son Vestige. Perturbé par des émotions depuis longtemps tues, le Spectre dû s’y reprendre à deux fois pour ne pas se laisser influencer. Un meurtre, ici, serait tout sauf diplomatique. Il glissa sa main à l’intérieur de sa veste. Les pupilles du strigoï étincelèrent.

- Hm. Veuillez m’excuser. Nous sommes dans le même bateau. admit Vladimir, pendant que le chaos s’annonçait autour d’eux et que Keshâ et Val’Ihem étaient déjà dans la suite des événements.

- Il nous faudra coopérer, je le crains. Je passerai sur vos tentatives d’atteinte à mes hommes, à leurs conséquences politiques probables … l’heure n’est plus à cela, n’est-ce pas ? continua Vladimir, sous l’air perplexe du Sapiarque.

- Il serait donc pertinent que vous mobilisiez vos efforts à protéger le Magistère pour que cela ne génère pas plus de problèmes, quitte à sacrifier vos troupes.
proposa le Baron. Ou votre propre vie, pour la gloire d’Epistopoli et sa magnificence.

Puis il dépassa Archibald. Il expulsa un souffle chaud, accompagné d’un drain d’énergie imperceptible pour les autres. Il sentit son corps ralentir, ses muscles s’alourdir. La contrainte du pouvoir de persuasion. L’instant sembla s’étirer puis Vladimir se mit à courir un peu plus vite, accompagné de ses Tartares. Cette petite poussée lui procurait un plaisir qu’il délecterait avec une satisfaction à la hauteur du reste. Les affres du combat s’imposèrent aussi tôt à eux, si bien qu’il leur fallu courir pour rejoindre le reste des combattants et les voir user de … pouvoirs peu conventionnels. Comme à son habitude, le Viscuphage brillait par son intelligence malveillante. Mais tout le monde semblait prêt, les quelques tensions rapidement remplacées par un instinct de survie décuplé.

Prométhée, de son côté, semblait un peu perdu. La créature était trop vive, trop forte pour qu’il ne puisse l’éliminer comme un simple humain – comme lors des phases d’entraînement. Vladimir s’arrêta à quelques pas de la scène de combat, entouré de ses Tartares restants. Ils ne se prêtaient à rien d’autre que sa protection. C’était un pouvoir qui s’achetait à prix d’or. Il repensait à ses quelques projets, ses quelques épreuves à venir. Ses soldats si parfaits … si Prométhée accomplissait ce qui était attendu de lui. La création aux bras de naga se tourna soudain d’un côté, puis de l’autre. Le Viscuphage arrivait. Vite, bien trop vite … mais déjà les petites ramifications du plan du Baron se mettaient en marche. Après tout, Prométhée était du Magistère, non ?


Résumé:
Lun 14 Oct - 14:10

Dans la gueule de la mort

"N'approchez pas des marais la nuit.”
“N’approchez pas non plus le jour.”
“N’approchez jamais des marais.”

Et pourtant.

Vous vous êtes approchés.

Fiers bipèdes, aventuriers aguerris, têtes savantes, vous avez cru, peut-être, que vous étiez courageux ? Lorsque l’idée est née. Lorsque la proposition fut faite. Lorsque l’ambition s’est emparée de vous. Lorsque vous avez dit oui. Avez-vous vraiment cru que vous aviez quelque chose à gagner ?

Que vous reviendriez, victorieux ?

Que vous reviendriez, vivants ?

Nombreux sont vos pas dans la boue visqueuse du marais. Plus nombreux, ils étaient, au départ. Ils ne vous auront pas arrêté pourtant, ces morts. Des pions qui tombent. Pensez-vous être Rois ou Dames, Cavaliers ou Tours ?

Non. Bien sûr.

Vous êtes des Fous.

Est-ce que cela vous échappe encore ?

Elles crissent, comme des ongles sur un tableau infernal, ces émotions à vif qui l'envahissent, ce petit être trop longtemps ouvert aux humeurs de ses camarades. Elles hurlent en lui, la panique, la terreur, elles dévorent chacune de ses pensées, les surplombent et les ensevelissent. Il n’y a plus de place pour celui qui se nomme Keshâ'rem, dans ce capharnaüm qui ne lui appartient pas. Alors seulement, il expérimente ce que peut-être la vie d’une Hespéride. Submergé, dépossédé, son esprit flanche sous le poids de toutes ces émotions. Impossible de faire le tri ou de savoir à qui elles appartiennent, il aura bien du mal à respirer, à être, au milieu de ces émotions étrangères. Étrangères ? Vraiment ? Ne sont-elles pas un peu à lui aussi ? Car il bat au cœur de la tornade qui l'entraîne vers le fond, une pulsation familière, celle de sa propre terreur, soufflée par un instinct de survie mis à mal. Sa vision se brouille alors qu'il perd toute trace des émotions qu'il pensait pouvoir imputer à Lan-Lan, elle est trop loin et lui, lui... Il sera bientôt inconscient à moins de mettre rapidement un terme à cette torture.

Puis, Elle n’est pas loin. Elle ne l’est jamais réellement. Celle à qui il a donné un nom, une identité, une emprise. Il est faible, là, maintenant, il est une proie, pour elle aussi. Les mains de celle qu'il nomme Sedna se referment sur les siennes et l’appel glisse à son oreille. La Brume est si belle, si douce, si proche. Elle l’accueillerait certainement à bras ouverts, comme cette mère aimante qu'il n’a jamais eue, elle le bercerait doucement et en elle, il cesserait d’être terrifié. En elle, il n’aurait plus à ressentir toutes ces douleurs. Il n’aurait plus à souffrir ou à réfléchir.

Il n’aurait plus à être. Oui, quelle douce délivrance ce serait.

Est-ce que cela vous échappe encore ?

Conquérantes, les bottes du Docteur le sont de moins en moins. Elles ont néanmoins continué à s’enfoncer plus loin dans ce paysage morbide. La maison en quelque sorte, le confort en moins. Les émanations nauséabondes irritent même son nez pourtant habitué aux effluves les moins raffinées. Peut-être comprendra-t-il l’avertissement que porte ce parfum. Ce que vous chassez ne craint pas la mort ; il l’a transcendée, comme l'opalin, ou presque. Car lui n’a pas à faire semblant, lui n’a pas à feindre, lui n’est que prédation. Avatar du néant.

Un vide absolu, un vide mort, qu’est-ce que tu souhaites combler, gouffre sans fond ? Non, tu n’en sais rien, il faut penser pour savoir, tu es un trou noir et le vide t’entoure en permanence. Rien ne te meut vraiment, ce sont eux qui tombent dans ta gueule. Encore et encore, comme de petites bouchées qui prennent immédiatement le goût de cendre. Alors oui, quand certains sont plus revêches, enserrés dans leurs boîtes de conserve, ils se débattent, ils se transcendent, ils brillent et ils sont vocaux, mais la finalité est toujours la même. Ils te personnifient, pensent que tu agis avec quelque sombre stratégie, que tu peux être perfide tout comme eux. Non, ça fait bien longtemps que cette adversité n’allume plus aucune flamme, seul l’instinct primal est là. Est-ce l’espoir d’enfin retrouver un goût sur ta langue purulente alors ? Peut-être que tu penses que c’est ça qui te délivrera de ta malédiction ? Non, tu ne penses pas, on te dit. Tu agis, plutôt, tu réagis à la présence de ce nouveau groupe qui rentre dans ton domaine. Avatar de la chasse.

Ils troublent, ils tambourinent à ta porte et rentrent sans être invités. Ils ne sortiront pas indemnes d’une telle impolitesse. Un premier s’écrase entre tes griffes, il se déchire comme une vulgaire feuille. Sans un bruit. Le silence retombe, seul le bruit irrégulier des entrailles qui tombent de ta mâchoire dans cette salle à manger trouble le vide que tu as laissé. Tu n’auras laissé derrière toi qu’une vague flaque de sang qui se diluait déjà, là où se tenait ce premier encas.

Moins que le vide, l’air te tranche sans que ça ne t’émeuve. Tu ne ressens pas ces entailles qui laissent ressortir que plus de parasites qui trahissent ta condition. Non-être mouvant au milieu des tourbières. Rien ne saura t’arrêter même si les proies changent de rythme, tu es gauche, tu glisses et patauges quelque peu. Et alors ? Ils pouvaient bien zigzaguer, s’accrocher à chaque maigre stratégie. Tu es un vide sans fond. C’est eux qui sont malchanceux d’avoir croisé ta route. Quand bien même ils volent autour de toi. Pourtant, est-ce que tu sens ton corps ? Ta peau fine qui racle sur les os, les vers qui se repaissent continuellement de ta maigre chair et les parasites qui peuplent tes intestins. Tu ne les avais jamais ressentis, ou tu ne te rappelais plus. Terrible d’avoir des sensations, de sentir tes pas qui s’enfoncent dans cette vase immonde.

Tu continues ton terrible office, ils ne sont déjà que des restes passés qui n’ont pas réussi à te rassasier. Tu dois en trouver d’autres. Tes yeux morts tombent sur cette chevelure enflammée, de ton lit de vase, tu te jettes la gueule en avant sur cette délicate fleur. Ta trajectoire évolue, un coup terrible fait heurter tes crocs et t’envoies valser. Tu t’en fiches, mais plusieurs de tes dents manquent et d’autres sont fêlées. Tu pourrais aussi bien être édenté que rien ne changerait jamais. Tu pousses un hurlement de tes cordes vocales mortes. Avatar de la sauvagerie.

Sont-ils encore fiers ? Ces êtres décharnés qui subsistent à l’intérieur de leurs lourdes armures, désirent-ils encore être pleurés ? Sans doute ne le seraient-ils pas. Ils représentent pourtant de lourdes pertes pour leur équipe. À trop sacrifier de Pions, il devient vulnérable, Roi de rien en ces marais inhospitaliers. Le Cavalier avalé par les eaux troubles, est-on certain qu’il reviendra ? Un borborygme répond à cette angoisse grandissante. À quelques mètres de Vladimir, il finit par ressortir de la fange. Comment auraient-ils pu t’intéresser cette construction impossible et ce vestige ? Ils étaient plus proche de toi que de leur troupe.

L’odeur entêtante de la chasse et des viscères, elle est plus présente maintenant ne trouves-tu pas ? Tu t’éloignes à la poursuite de ce fumet délicat. Naviguant dans les arbres, tes longs bras tapant sur les troncs, sans doute même que tes épaules se disloquent pour se remettre en place dans le mouvement suivant, tu vas presque en ligne droite, tous s’écartent en ton domaine. Tous, sauf cet ennuyant moucheron qui sort de son état larvaire. C’est flou, mais ce n’est qu’un instant dans l’éternité. Tu bondis, tu flottes un instant. Tu le sens, ou plutôt tu ne le sens plus ce poids qui te diminuait. Il n’y a plus de cri à donner désormais. Sans émotion, tu fonds. Tu t’écrases, proche. Sans doute que tes côtes rentrent dans des poumons qui n’ont plus connu d’air depuis bien longtemps. Ce n’est rien. Tu te redresses, maculé de vase et de parasites nouveaux. Tu offres un répugnant spectacle à ce moucheron qui aura vu la mort inévitable en face. Prend-il conscience que ses réserves sont limitées et que ce petit tour l'épuise bien davantage que toi ? La peur gagne la Tour. Un poids quitte tes épaules.

Tu dois retourner chez toi. Le dîner attend. Plus de chance pour eux, mais tu n’en as que faire. Tu avances et tu te traines vers ton terrain. Tu replonges dans ta vase. Tu n’es pas revanchard, peut-être que tu recroiseras cette créature. Pour l’instant, comme à chaque instant de ta non-vie, maintenant que tu as effrayé ce moucheron, tu dois manger.

Si tu ne suis aucune stratégie, tu suis ton instinct, tu suis ton instant. Les autres proies se séparent déjà, elles emplissent le vide de ta demeure. Petites brebis qui quittent le troupeau. Tu sens qu’ils suivent des chemins qui vont se rejoindre. Tu décides de couper des routes autant que des corps. Le premier que tu croises est blond, un éclair de surprise dans l'œil alors qu’il est en l’air dans un énième bond. Ta prise mal assurée fait que c’est ton épaule pointue qui rencontre son bassin au lieu de ta gueule pestilentielle. La projection est puissante, tu entends quelque chose craquer, tu le vois s’écraser, inanimé. Tu aurais pu en finir, mais peut-être était-il déjà mort pour toi ? Qu’importe, il n’avait déjà plus ton intérêt, pas digne de te donner l’étincelle d’un répit. Tu te fonds à nouveau dans l’eau, emplissant de ta présence la mangrove, les yeux sur ceux qui osent s’avancer, tu es partout et nulle part.  Avatar de la fatalité.

Cette fois, tu ne t’y trompes pas, tu sens les ondulations des reptiles qui n’auraient jamais osé se présenter ici. Espéraient-ils que le vrai Roi n’était plus là pour prendre son trône ? Mais au milieu de la mangrove, ils n’approchent pas, seuls quelques rares ont osé s'avancer. Croyaient-ils que tu allais te cacher pour panser tes blessures et qu’ils pourraient être promus en arrivant au bout de l’échiquier ? Même diminué, tu suis le cliquetis des chaînes. Avatar de la destruction.

Tu tournes autour de la clairière dans laquelle un Pion attend à découvert. Seul, nulle trace de celui qu’il appelle Val’Ihem ou de celle qui se présente sous le nom de Zareh, son Fou cristallin laissé en arrière. Et encore dans les airs, la Dame te nargue-t-elle ?

Est-ce que cela vous échappe encore ?

Jamais vous n’avez connu prédateur comme celui que vous êtes venu chercher.

Vous avez décidé d’être ses proies et proies, vous serez.


Fous, Rois, Dames.

Tous tomberont.


Est-ce que cela vous échappe encore ?

Vous n’auriez jamais dû vous approcher des marais.
Jeu 17 Oct - 20:14

Si j’ai pu sauver Lan-Lan, je me suis carrément sacrifié et compromis pour la suite. L’impact fut si puissant qu’un os a craqué sans que je ne sache lequel. La douleur fut si intense que des nausées se sont immédiatement emparées de moi. La suite, je la perçois que faiblement. Un volplané relativement long, un atterrissage violent. J’ai mal. Très mal. Je n’ai pas l’habitude de recevoir des coups et j’en comprends aisément la raison. Je nage entre conscience et inconscience. Je perçois des sons mais ne reconnais pas grand-chose. La douleur m’empêche de retrouver la raison. Est-ce donc ce que l’on ressent avant la mort ? La folie ? Quelle déception. Mourir comme un vaurien en n’ayant rien accompli. Voilà tout ce que je suis. Un vulgaire type qui a pris trop au sérieux son rêve de devenir un héros. Tu n’es qu’un microbe, Azur. Un microbe mort.

Pourquoi la mort fait-elle aussi mal ? Ce n’est pas normal. Un mort ne ressent plus rien. Ouvre tes yeux, bon sang. Une faible luminosité me parvient. Le temps d’un instant, les bruits environnants m’apparaissent plus clairs. L’odeur pestilentielle est toujours présente. Je ne suis pas encore mort. Non loin de moi se déroule encore la bataille, sauf que je ne parviens pas à me redresser. Une vive douleur me tiraille au niveau de la hanche. Je ne sens plus mes jambes. J’ai l’impression de n’avoir que le contrôle de ma tête. Ma main droite bouge un peu, petit à petit. Parfait. C’est tout ce dont j’ai besoin pour renaître de mes cendres. Je ne prétends pas être un phénix, hein, mais je me souviens que ma douce Lan-Lan a gentiment glissé un objet d’une précieuse valeur dans ma poche.

Du bout des doigts, je sens l’objet recherché, un merveilleux cristal de guérison. Que dieu bénisse cette femme. Un toucher délicat pour l’activer et l’énergie me revient. Je sens ma structure osseuse se reformer, ce qui me permet de constater que d’autres os et articulations ont été lésées durant l’attaque. Les sensations me reviennent, les mouvements sont de nouveau possibles. La vue aussi. La première chose que je vois est un drôle de serpent prêt à me bouffer sans vergogne. Mes instincts ont toujours été présents, eux. Comme si rien ne s’était passé, je saisis ma dague et tranche de la tête du reptile d’une seule traite. Un mouvement rapide et précis comme je les aime. Vous avez, je suis peut-être un assassin, un tueur, mais un tueur qui aime le travail bien fait. Alors, quand je vois cette magnifique incision effectuée, j’avoue être fier et prêt à retourner au combat.

Mais quel combat ? Je n’ai pas la moindre chance face à ce monstre sorti des enfers. Il semble imperméable aux attaques physiques, même si j’ai complètement raté ma dernière attaque. Je prends le temps de réfléchir quelques instants à mes possibilités. Pas question de foncer tête baissée, la méchante bête m’enverra moucher de la plus brutale des manières. De plus, j’ai été le premier à demander un travail collaboratif. Comment mettre mes talents au service des autres ? Aujourd’hui, je ne brillerai pas et ce sera très bien ainsi. Allez, je suis fin prêt. Non de loin de moi se trouve un petit rocher. En usant de mon cristal de force, je parviens à le porter et le lancer aussi fort que possible sur ma cible. Le projectile l’atteint mais ne lui inflige aucun dégât. Ce n’est pas le but recherché. Il se demande d’où lui vient cette attaque, je cris, je gigotte pour attirer son attention. Oui, c’est ça, mon beau. Regarde-moi. C’est celui que tu as laissé pour mort un peu plus tôt. Là, maintenant que je suis sûr de l’avoir dans son viseur, je lui balance mon meilleur doigt d’honneur. Saleté de monstre.

Je n’ai pas intérêt de me louper maintenant que je l’ai provoqué. Il approche à grands pas, la gueule ouverte, dégoulinante de je ne sais quelle substance. Cette chose me répugne au plus haut point et c’est la raison pour laquelle je m’en voudrais énormément d’être tué par celle-ci. Le cristal de chronomancie dans une main, l’autre tendue vers ma cible, le temps ralentit soudainement. Le viscuphage approche lentement. Bien lentement. Mais méfiez-vous, cet effet n'est pas éternel. Je le sens tenter d’échapper à l’emprise du temps. Il est puissant. Très puissant. Je ne tiendrai pas longtemps.

« C’est le moment ! Attaquez-le, bon sang ! », ai-je balancé avec rage.


Résumé:

Dim 20 Oct - 0:51

Acte III, Scène III

The rapture


Etait-ce le bruit de ses pas qui martelaient le sol? Etaient-ce le bruit de sa gueule qui claquait, gouffre avide, abysse écoeurante? Sa respiration rauque, tonnerre inévitable, qui lui arrachait les oreilles? Le martèlement de ses griffes sur les troncs, la pierre, qui faisait ainsi trembler ses mains?
Un long frisson parcourut son dos quand Lan-Lan comprit que ce n’était rien de tout cela. Non, ce qu’elle entendait avec fièvre, c’était le claquement de ses dents.

Perchée, inaccessible, elle faisait cavalier seule - maudissant sa fierté sous des traits nobles, haïssant son impulsivité sous couvert d’un courage de façade, nourris aux mauvais grains pour des raisons toutes égoïstes. La peur, seule, coulait dans ses veines, longues rivières noires d'abîmes et de goudron. Elle pouvait l’entendre - le chasseur. Le monstre. L’avatar de la Mort. Et il fendait les bois pour foncer droit sur elle.
Perchée, elle dansait une valse létale. Papillon de nuit, envolée de sa corolle pour mieux griller dans la flamme de ses désirs. Mais quels désirs, au juste? Combler ce maudit bâton vide? Se constituer un énième flacon d’une énième substance aussi mortelle que d’autres, déjà à sa portée? Ambitieuse au-delà du raisonnable, elle haïssait ses principes. Car elle ne vivait que pour le panache, mais quand il venait la trouver sous les traits de la mort, elle ne se retrouvait qu’à tristement se languir de son salon.

Ne pas regarder en bas. Ce qu’elle détestait voler… Le vent enveloppait ses deux oreilles, ne laissant passer que des bribes d’un carnage proche, des grognements affamés de la bête en quête de viscères encore chaudes, et le cliquetis agaçant de ses quenottes tremblantes se heurtant les unes aux autres dans un chaotique enfer. La noble poupée n’avait plus rien de glorieux, de beau, ou de quoique ce soit d’autre. Elle n’était plus que terrorisée. Seule.

Tu dois te ressaisir. La mort, on te l’injecte dans les coudes depuis que tu es née. Oui, se ressaisir. Un cri, différent des précédents, fini par attirer son attention sur le contre-bas: c’est Violette qui s’est à son tour lancée dans une valse avec la Mort. Et quand l’écœurante créature finit par fendre ses stratagèmes pour lui foncer dessus, son coeur s’arrêta un instant qui lui sembla une fausse éternité. Comme voir un colosse s’effondrer, elle n’avait jamais considéré la proximité qu’ils avaient tous de la mort. Ils pouvaient mourir. Tous. Et elle était l’appât qui tenait la mort à distance.

Cruelle position - essentiellement position. Elle poursuit son vol, repère une clairière légèrement ouvert, plutôt vaste, suffisamment dégagée pour qu’elle puisse la voir à travers la Brume. Parfait - ce serait leur terrain de chasse. Le Drake tient toujours dans la gueule sa morbide pitance, le pauvre homme qui doit trépasser un peu plus chaque minutes. Une pensée compatissante qui n’arrivait que trop tard, et sans doute trop légèrement pour être honnête. Trop induite par la peur et l’adrénaline, et la pensée que la seconde plus tard, elle pourrait être à sa place. Quand on est la proie, on sympathise toujours avec les autres victimes. Oh, comme elle voudrait redescendre: mais à cet instant, elle ne veut pas prendre le risque, la Mort est trop proche. Elle le garde à distance, mais pour combien de temps?

La technologie est fiable mais pas éternelle - elle sentait déjà son crâne devenir bouillie à force de trop se concentrer sur la créature, sur son vol et son existence qui n’avait rien de naturel; seul l’idée d’une mort imminente atténuait drastiquement la douleurs d’une violente migraine. Mais elle ne pourrait pas rester ainsi éternellement - devait-être retournée au zeppelin? Impossible, c’était risquer la vie de tous ceux étant restés au camp de base, et des autres au delà de la Brume. Ils ne pouvait prendre le risque de l’excentrer. C’était ici. Et maintenant. Il fallait qu’elle le garde à distance suffisamment, qu’elle le retienne au moins encore un peu, jusqu’à ce que…

La voix d’Azur recouvrit le silence de la jungle - glorieux messager de la contre-attaque. Avec lui, le tonnerre, au moins pendant quelques instants, changeait de camp, bienvenue répit. Et avec lui, le Viscuphage prit dans… Une toile d’araignée? Un filet?
Non.
Piégé dans… Le temps? Elle avait du mal à en croire ses yeux, pivotant assez pour mieux voir quel miracle se jouait en contre-bas. La diabolique engeance se mouvait pitoyablement, ses mouvements déboîtés rendus grotesques par ses actions ralentis. Un coup d’oeil vers Azur suffisait à lui faire comprendre qu’ils n’auraient pas beaucoup de temps, il y mettait toute son énergie. Ce pouvoir était prodigieux, une prouesse presque divine, et jamais elle ne voulu autant croire qu'à cet instant. Heureusement que le roi lui avait ordonné de venir - car il était peut-être leur salut à tous.

Tu dois te ressaisir. La mort, on te l’injecte dans les coudes depuis que tu es née. Et on ne t’a jamais appris à avoir peur. C’est vrai. Mais à cet instant, tout n’était plus que peur. Et plus rien, dans ces marais, n’auraient autre chose qu’un goût d’effroi.
L’effroi quand elle descend au niveau du sol.
L’effroi quand le Drake craque son immonde charge face à elle, entre le monstre et ses jambes, piètre diversion.
L’effroi quand elle rompt l’invocation, le dragon s’évanouissant dans les airs, la condamnant à redescendre parmi les vivants.
L’effroi quand elle plonge sa main dans son sac, y ressentant, froide et rêche, la poignée d’une arme à feu.

Elle n’avait que six balles, c’est peu, très peu, mais un seul coup suffisait. Les griffes de Huang-Long commençaient à s’enfoncer dans sa chair, y faisant perler des gouttes de sang mauve mais Lan-Lan n’avait pas le luxe de rêvasser ou de se poser des questions. Le pistolet bien en main, elle se  plaça dans un parfait angle de tir, trouva la jambe ralentis à l’extrême, verrouillant ses paupières.
Presser la gâchette. Détonation. Le coup de part pas.

A la place, une douleurs vive et innommable inonde son crâne ; mobiliser le totem a user de ses ressources, sa concentration volatile trop inhabituée à passer de l’un à l’autre, d’une technologie à une autre, et le deuxième s’est ainsi éteint avant même de briller, véritable pétard mouillé. Et la douille à ses pieds lui prouve qu’elle a gaspillé un tir pour rien.

Concentre-toi un peu, maintenant. Tic, tac…Encore un effort. Plus facile à penser qu’à faire. Mais impossible n’était certainement pas Fà. L’impossible n’avait pas sa place dans ces enfoirés de marécages.
Une nouvelle fois. Les deux mains sur la poignée, barillet chargé, cible en vue, regard dans le prolongement du canon. La Brume hurle de la voir jouer avec pareille immondice - mais le blasphème, elle l’a sous les yeux. Viser… La tête? Non, elle le veut entier. Elle a encore un tour qu’elle n’a pas encore joué, elle n’a pas fait tout ça pour rien. Les bras? Pourquoi pas, mais sans ses griffes, ses crocs auront tôt fait de les déchiqueter tous. Non…

Elle veut sa jambe.

Boom.

Il n’en fallut pas plus. Une, deux secondes, tout au plus. Dans un vacarme flamboyant, la balle atteint sa cible, et la balle explosa dans une grande déflagration - puissantes, oui, mais pas assez pour faire disparaître la créature. Engouffré par le feu, elle cilla, surprise, retombant sur son derrière, clignant des yeux pour bien voir l’aigle tomber: le souffle retombait, tout comme les flammes, tout comme le monstre. L’explosion lui avait arraché les deux jambes.

résumons:
Dim 20 Oct - 6:06

Acte II, scène III

Monstrueux humains


Le baron Von Arendt s’éloigna du Sapiarque.
-«Officier  Karmine, Evangelisto. Redéployez-vous pour renforcer la défense des tartares. Pour la gloire d’Epistopoli. »
Val’Ihem entrouvre la bouche d’incrédulité. La détestation des deux atrabilaires est telle qu’il n’en croit pas ses oreilles. Mais ce qui compte est d’être réactif. Et d’obéir. La donzelle de Xandrie a eu une idée ingénieuse mais ne fera pas illusion bien longtemps…

~~~~~~~~~~~~~

Il a commis une erreur. Une erreur grossière. Pire qu’un débutant. Le châtiment est immédiat. Létal.

Comme un bougre qui a mis les doigts dans la prise, il grille. Son sang bout. Ses cellules éclatent dans une folie contagieuse. Un cri silencieux lui ravage l’esprit, car sa bouche, paralysée, ne sait plus respirer. Keshâ a une respiration hachée, si courte que sa cage thoracique reste comprimée. Les poings serrés sur ses cheveux, ses paupières sont fermées si excessivement que ses yeux semblent s’effondrer dans leurs orbites. Aucune douleur n’est comparable à celle qui le vrille.

Son cœur a explosé. D’un cœur, on passe à douze. Terrifiés. La douleur n’a plus de frontière et se propage sans limite à tout son corps, à tout son être. Une douleur pareille mérite l’invention d’un mot nouveau pour la décrire. Ses os se sont liquéfiés sous la pression, d’un mal qui ne s’articule pas, qui ne s’entend pas et n’a pas de nom. En électrolyse, la décharge évapore jusqu’à sa personnalité, assèche ses tissus qui intègrent le puissant magma. En fusion. Révulsés, ses poings compactés forment une croix mortuaire sur son torse.

Quelqu’un le saisit par le col.
-« Evangelisto, au combat ! C’est un ordre. »
Ces mots ne l’atteignent pas. Plus rien ne l’atteint. Il n’est plus. Flamme noire qui hurle dans l’infini, ce qui se trame autour est à deux univers de lui. Plus de je, plus de nous. Juste une avalanche de pensées et d’émotions enchevêtrées jusqu’à l’occlusion. S’il ne connaît pas les héspérides, il compatirait à leur sort, s’il le pouvait. Facultés réduites à néant. C’est par tétanie qu’il tient encore sur ses genoux, rejeté par le sapiarque.

Des sons. Des mots. Rien qu’il puisse appréhender et reconnaître dans cet état. Une compulsion cinglante. Sa joue frappée.
-« Arrête ça ! » invective la voix.

Sous la terreur qu’il vit, un vent d’inquiétude et de fierté face à la mort. Pas lui. Lui ? Zareh ? Une vague volonté de survivre, fantôme de souvenir de l’être humain qu’il croit former, peut-être. Le cristal se désactive. Il est aussi mou qu’un caramel oublié sur une plaque de cuisson. Tremblant. Une grande goulée d’air sifflante attise les flammes sous le creuset où il s’est dissout. Il devrait fondre. Oui, vraiment. Se liquéfier. Car jamais il ne s’est senti aussi informe et obsolète dans sa structure physique et ses prétentions morales. L’unique issue est de disparaître, de se couler dans l’environnement et d’être recyclé pour prendre une nouvelle forme. Il devient eau. Non, il ne peut pas.

Il ne peut pas pour la même raison que le cristal d’hypersensibilité s’est désactivé. Parce qu’il est brûlé. A bout de force. Son énergie n’est plus.

Si le vacarme a cessé, son écho continue à le perforer de nouvelles lésions. Grand brûlé, son esprit est à l’agonie. Il se sent si seul dans son tourment.

Seul ? Non, il ne l’est pas.
Elle est là. Elle a toujours été là.
Dans le respect. Dans le silence. Restée en retrait. Elle témoigne. Sedna.

Il n’a plus de colonne. Elle propose de lui en redonner une. Pourquoi lutter. Keshâ’rem ne demande qu’à tirer sa révérence, à céder sa place à cet être complet.

Ses yeux aveugles n’ont pas besoin de voir son balai ondoyant pour sentir la douceur ineffable que la Mère lui promet. La fin de tout. Celle à laquelle il a toujours aspiré dans ce monde vide de sens. Toujours, il l’a vu comme la grande ennemie. Et elle l’a laissé faire, compatissante. Le temps qu’il fasse son chemin. Le temps qu’il comprenne qu’il n’était aucun chemin, juste le néant. Aucun chemin sinon celui qui le ramènerait toujours vers Elle. Solitude criante. Il se tortille et pleure. Tout va s’arrêter là. Puisqu’il n’y a rien à faire. Pas un pas, pas même une parole. Il suffit simplement de l’accepter, de s’ouvrir à elle, pour accueillir pleinement son Amour.

La nébula s’étend tel un acide, autolyse qui explose les digues érigées pour contenir ses marées déchaînées. Il a cru pourvoir la dompter, la rapetisser, l’ignorer. Les drogues sont à présent sans effet. Elle est conquérante d’un empire sans combat. Dressée en réconciliatrice, elle est la Paix.
C’est son apothéose.

Elle est en train de l’absorber comme un double spectral. Tout s’engourdit pour lui. Il abdique lentement. Alors qu’il est en train de basculer dans l’errance, un parfum sucré s’insinue. La saveur fleurie du néroli envahie son nez. La brume réagit. Elle déteste cette intrusion. La fourrure à la fois douce et odorante est collée contre son visage.

De ses yeux rougis, il rencontre ceux de la petite créature serrée très fort autour de son cou.
-« Nagie… » murmure-t-il.

Le narangpé ne l’a jamais lâché à travers son calvaire. Tout aussi terrorisé et en souffrance que lui. Il se raccroche à lui comme à tout ce qu’il possède. Sans cristal d’hypersensibilité, Keshâ’rem ressent plus justement l’amour de l’animal à ses côtés. Son contact le raffermit. Impuissant face à sa dépression depuis qu’il est devenu portebrume, Maëlstrom lui a offert ce bien étrange compagnon. Depuis, il ne l’a jamais quitté. Keshâ’rem se détourne de l’appel de la Mère. Sibilation. Elle est en rage. Mais s’il peut s’abandonner, il ne peut abandonner Nagendra au viscuphage…

Autour de lui, que s’est-il passé? Chaos, cris, sang, explosions. La confusion est totale. Son instinct comprend ce qui se trame. Plus ou moins. Le viscuphage a perdu des membres. Mao et Val’Ihem ne sont pas en vue. Tout le monde court.
Lui se remet péniblement sur ses pieds en titubant. C'est presque pitié que le monstre ne l'ait pas gobé. Une proie fort peu intéressante, à n'en pas douter. Presque trépassée.

L’aura de Sedna est toujours puissante. A défaut d’emporter immédiatement la bataille, elle veille l’incapable qui s’est refusé à elle. Ce n’est pas maintenant que Keshâ’rem fera quoique ce soit d’efficace. Il analyse les données, tente de respirer. Arme au poing, son autre main tente d’inspecter ses potions pour voir si elles sont toujours là.


Résumé:
Lun 21 Oct - 11:48
La vase avait un très mauvais goût. Tout comme la sensation de se retrouver à quatre pattes dans la fange ignoble des marais, sentir la vermine grouiller entre ses doigts engoncés dans la putrescente terre. Il y avait longtemps que le cœur du Docteur n’avait pas connu de soubresauts aussi forts, de peur aussi viscérale. Il sentait son palpitant déficient coincer sa cage thoracique à chaque embardée. Dans l’ombre de la créature, il avait vu celle d’une crainte si ancienne qu’il en avait oublié le goût et les prémices. Un instant il fut renvoyé dans les limbes sur la montagne de cadavres qu’était son ancienne vie, il fut projeté dans l’instant où sa nebula avait pris le dessus et où il avait cédé devant les légions de l’Inquisition. Le dos perforé de mille coups, l’âme déchirée de mille trahisons. Le sang vif des tribus du nord coulait dans son esprit et tandis qu’il goûtait de nouveau l’impuissance, le Spectre cherchait à fuir la carcasse vestigiale dans laquelle il s’était réfugié. Il hurla un cri de guerre dans un si vieil uhrois que sa gorge se cassa dans l’ombre de la bête.

Il croisa son regard, sentit les relents de la chose. Il perça sa carapace de haine pour y trouver un être qui le contempla avec un sentiment de paternité qui le laissa chancelant. Droite sur ses pattes, ses griffes dehors, ses dents acérées. Elle le contempla et l’ignora. Il n’était pas un repas digne. Il était … similaire ? Prométhée s’était interposé sans aucun succès. Les Tartares contemplaient encore la scène, avec une peur mêlée de respect. Pour le Baron ? Pour Prométhée ? Pour … la mort à venir ? Et elle ne tarda pas. Fauchant dans les airs, dans la fange, la créature se fraya un chemin dans le sang et les os. Déjà les épistotes se rassemblaient autour d’eux pour les protéger. L’opalin se releva en chancelant, heureux de savoir que les errances du Sapiarque lui épargnaient la déconvenue de devoir se relever dans l’opprobre. Il ne se sentit pourtant pas en sécurité. Il recula et pataugea pendant que la Xandrie s’affairait à neutraliser le monstre. Epistopoli était en berne … mais le protégeait. Il regarda les Tartares, accrocha sa ceinture pour empêcher ses mains de trembler.

- La peur est pour les faibles …
murmura-t-il, pour se convaincre et surmonter cette épreuve qu’il avait pensé surmontable dans son arrogance. Le clan de l’ours fait front.

Il affrontait deux réalités en une et l’écho galvanisant des plaines d’antan le cueillit au cœur pour le faire se redresser face à l’adversité. Le Strigoï hurla un ordre à Prométhée dans une trop vieille langue pour qu’il ne la comprenne. Mais la main tendue, l’intention et la hargne étaient là. Azur venait de mordre la poussière et se retrouvait face à la créature. Le Tartare se mut d’un bond sauvage vers sa destination tandis que Blieg et Noct lui emboîtaient le pas. Mimic, quant à lui, couru dans la direction d’Azur au moment où la détonation de Lan-Lan faisait vriller les tympans de toute créature dotée d’audition autour d’eux. Premier échec.

La bête rugit et ses mouvements commencèrent à reprendre une vitesse normale, engoncée dans la gangue temporelle. Le Tartare au gant serti d’un Nascent toucha Azur en passant par-dessus lui et une nouvelle explosion vint sectionner les pattes de la bête qui tomba dans la vase et s’y écrasa mollement. L’épée à deux mains de la Tartare s’embrasa. L’armure noire du Tartare se nimba de ténèbres. Le gantelet mystérieux du Tartare se nimba d’une aura verte. Puis la magie de Gerald s’estompa. Blieg asséna un monumental coup d’épée tandis que Noct faisait front de son corps. Mimic, quant à lui, attrapa la chair viciée de la bête de son gantelet.

Une pluie de sang et de viscères. Le bras sans vie du Tartare vint frapper le torse du Sapiarque, ses entrailles rayonnèrent à une dizaine de mètres tandis que son corps partait en charpie dans les airs. Noct fut brisé d’un seul coup de patte tandis que sa compagne connu le même sort d’un geste négligent de la bête, son épée de flammes restant enfoncée dans sa patte. Les cadavres désarticulés plurent aux alentours, les morceaux maculèrent tant les xandriens que les épistotes. Gerald fut maculé du sang de Mimic donc seules les jambes restaient à terre avant de chanceler lentement. Rusée, la créature avait compris l’importance d’éviter le gantelet. La douleur n’avait pas de prise, seule la faim. Ses deux pattes dans la fange, elle toisait à présent l’imprudent qui avait osé la restreindre, responsable de l'état de ses pattes. Les moignons pendaient dans l'eau saumâtre, mais sa gueule débordait des entrailles du soldat qu’elle venait d’achever comme un simple fétu de paille. La bête mâcha et répandit du sang dans l’eau. Sur sa chair grouillait les vers. Elle ondulait, vibrait. Elle ouvrit la gueule, et toisa l’homme affalé dans la vase. Il était le suivant. Il souffrirait pour les sévices infligés à ses pattes. Puis celle aux odeurs d’épices … puis … puis …

Une épée d’argent perfora par en-dessous son museau et vint clouer son bec. Juste à l’arrière de la jointure de ses mandibules, il remonta et perça la fosse palatine et le métal jaillit dans les airs. Il enfonça l’arme et tourna. Le son écoeurant d’os qui se fracassaient et cédaient sous la force du Tartare en armure se fit l’écho des griffes de la bête qui vinrent se planter dans ce qu’elle avait considéré comme son homologue quelques instants auparavant. Elle voulut hurler mais n’étouffa qu’un grognement hargneux. Ses appendices aiguisés cisaillèrent sans plus de difficulté l’abdomen de cet autre Tartare et une nouvelle paire de jambes vint garnir le sol. Pourtant, il tint bon. Ses viscères pendantes et viciées vinrent consteller le sol tandis que le Viscuphage tentait de se débarrasser de l’écharde de métal qui empêchait à présent sa gueule de s’ouvrir. Méthodique, Prométhée était parvenu à suffisamment la tordre pour qu’elle ne puisse pas l’enlever. La créature se contorsionna, se griffa la gueule pour tenter de s’en débarrasser.

- Qu’est-ce que c’est que … faillit vomir le Sapiarque, encore perclus du charme du Baron.

Séparé de ses jambes, Prométhée n’avait pas cessé d’agir. Ses mains se cramponnaient à l’arme et s’il l’avait lâchée, il s’accrochait toujours à la créature. Sans montrer le moindre signe de douleur, il crocheta l’épée enflammée qui était toujours enfoncée dans son épaule et s’en servit pour se hisser sur le dos de la créature. Spectacle étrange que de voir un tronc d’homme en armure se saisir d’une épée pour survivre au rodéo d’une bête terrible qui cherchait à se sortir une écharde de métal de la gueule. Le Tartare frappa le dos du Viscuphage et y enfonça son bras : la chair cédant sous sa force. Des centaines de vers commencèrent à ramper le long de sa chair de Naga, à chercher la moindre blessure pour s'y engouffrer et se nourrir de lui. Il ne lâcha pas, quand bien même la douleur devait être infâme. Le Viscuphage ne semblait pas le sentir, ne cessait de se griffer la gueule jusqu’à, enfin, réussir à se débarrasser de l’écharde qui le contraignait tant. De sa force colossale, il avait brisé le métal et s’en était libéré. Il sentit alors la chose qui rampait sur son dos. Il sentit ses parasites qui tentaient de s’emparer de lui. Puis … la sensation de chaleur qui s’enfonça dans sa blessure lorsqu’une épée nimbée de flammes le perça de part en part. Un bout de métal incandescent suivi d’un feu purificateur. La bête se roula à terre, écrasa avec violence le parasite qui l’avait grimpée. Tenta de se débarrasser du feu. Mais il n’était plus que sur sa peau. Il était partout. Ses bras de Naga dilacérés, son casque ouvert en deux, Prométhée tenait bon par les derniers fragments de chair qui restaient et s'appliquait à attiser les flammes de l'arme. Révélant un visage que beaucoup connaissaient ici, un visage tuméfié, écrasé. Brisé par les coups du Viscuphage. Le visage du Comte Xi Lua qui disparut dans les flammes infernales du nascent.
Dim 27 Oct - 19:04

Une fraude reste une fraude

Club des 5 (6)




Il était une fois une blague qui peu importe le moment était en réalité toujours véridique : On ne pouvait pas compter sur les maraudeurs. Certes, certes, c'était le fruit de gros rageux, mais c'était encore plus drôle de savoir qu'en dépit de leur seum, ils avaient en réalité parfaitement raison.

S'il y avait une chose à remarquer dans toute cette affaire depuis le départ, c'est que jamais depuis le début de cette mission, Violette n'avait daigné être au contact du monstre. Oui, elle faisait des grands gestes, des actions parfois un peu spectaculaire et pour attirer l'attention, histoire qu'en se souvienne qu'elle était là et pour justifier sa paie. Mais jamais elle ne s'était approchée à portée de griffe du monstre. Cocasse pour une personne blindée de pouvoir physique. Mais que voulez vous, c'était plus pour se protéger elle même que pour risquer sa vie qu'elle en disposait. C'était bien pour ça qu'un maraudeur mourrait moins souvent que ces semblables. Il était moins aventureux qu'un aventurier, et moins chevaleresque qu'un chevalier.

Alors que la situation en devenait presque incompréhensible, c'est donc tout naturellement que comme à son habitude, la maraudeuse décida de laisser les autres travailler pour au final prendre tout les lauriers à la fin. Les tartares comme les épistotes étaient motivés... si motivé que ça en devenait dangereux pour tout le monde au vu de l'étendu des capacités imprévisibles de chacun.

Violette désactiva alors son hypervélocité en profitant de la diversion pour opter pour son pouvoir de camouflage en devenant invisible et intangible. Ce qui lui permettait d'arriver à portée sans s'exposer, analysant le combat et la situation de pret pour tenter de trouver la faille et la faiblesse qui pourrait lui servir...
Spoiler:

Ven 1 Nov - 15:31

Quand je dis que Lan-Lan est potentiellement l’une des plus dangereuses femmes de ce monde. Elle le prouve encore une fois en infligeant de lourds dégâts à la bête. Je les sais lourds parce qu’il a perdu des parties de son corps, mais il ne semble pas s’en soucier davantage. Les Tartares se meurent ensuite autour de moi, recevant même des giclées de sang de l’un d’entre eux. Seul Prométhée s’en sort légèrement mieux. Légèrement, parce qu’en réalité, il ne finit qu’avec un tronc et se fait bien casser la tronche par le vilain viscuphage. Mais de tous, ce fut le seul à causer des dégâts importants. Merci, Prométhée. Tu es plus utile que ton maître.

Quant aux autres… j’en perds mon latin. Une équipe de branquignols. Si Wanath me savait parti dans une mission aussi périlleuse avec une équipe aussi périlleuse, il s’arracherait les cheveux. Et je ne pourrais pas lui en vouloir. Kêsha’rem, complètement par son objet, sa Nebula ou quelconque autre esprit de cet univers ; Violette, qui est Violette ? Elle a complètement disparu. Une maraudeuse, quoi. Brasser de l’air tout du long et disparaître au moment où nous aurions eu le plus besoin de ses services. Même un assassin est plus qu’un maraudeur, c’est pour dire le niveau. Hélas, malgré ces nombreux assauts, le viscuphage tient encore bon. Peut-on réellement le tuer ? Je l’ignore et la réponse me fait peur.

Je réfléchis alors à ce que je peux apporter à l’équipe. La précédente utilisation des cristaux m’a bien entamé. Je peine à retrouver mon souffle. Ma douce Lan-Lan ne pourra probablement pas retenter de tir avant quelques temps, au risque de tomber dans les vapes. Vladimir, sans ses tartares, est aussi utile que Violette… C’est alors que je songe à Prométhée, à l’ouverture créée au péril de sa vie. L’idée de pénétrer à l’intérieur de la bête et d’appuyer sur l’interrupteur serait une bonne idée, non ? Il est tellement préoccupé par le tartare à son dos, que je peux me dissimuler tranquillement. Poussé par une grande excitation, je me retrouve non loin de son flanc, je pense activer mon cristal d’hypervélocité, sauf que je glisse dans la vase. Le cristal m’échappe mais je le récupère in extremis. Hélas, trop tard pour moi. Le viscuphage rabat son attention vers moi et me fout colle un puissant coup de queue.

Pour la seconde fois, je m’envole vers d’autres cieux et tombe inconscient. Je suis lamentable. Le pire assassin de l’histoire. La tête enfoncée dans la boue, je ne parviens plus à m’oxygéner. Je me retourne en luttant contre d’intenses douleurs, retrouvant enfin l’air libre. Mais je suis à moitié inconscient, les étoiles m’envahissent et obstruent toute visibilité. En d’autres termes, je suis complètement hors-service. Utiliser le cristal de soin me viderait de toute manière de toute mon énergie. J’espère au moins avoir attiré l’attention du monstre et laissé une ouverture à mes alliés. Ce sera une maigre compensation.

Résumé:
Sam 2 Nov - 22:56

Acte III, Scène IV

Les moucherons.


Les flammes se dissipèrent aussi rapidement que l’impact les avait conjuré, révélant les deux membres imputés par le souffle de l’explosion, le sang noir coulant abondamment sans que le monstre ne montre de signes de faiblesse. Au contraire… Comme un prédateur acculé, un animal n’a plus qu’une option: mordre. Avec une fureur bestiale, elle aperçut ce tronc inhumain ramper à bout de bras, abattre dans un carnage d’hémoglobine tous les tartares qui osaient s’approcher de lui. Sang, sur sang. Chair sur os: cacophonie tendineuse de bris, seul le clapotis innocent de leur chute venait adoucir un peu les cris. Gerald et sa magie avait miraculeusement permis de le retenir juste assez pour qu’elle puisse l’endommager, mais c’était tout comme si elle n’avait rien fait. Il était plus meurtrier qu’il ne l’avait jamais été.

Réagir, réagir, réagir… Le nascent toujours dans sa main, elle cherchait un moyen de lutte qui ne la diminuerait pas plus que ce qu’elle était déjà - elle sentait la douleur palpiter sous son crâne comme autant de serpents rampant sous sa peau. Elle ne pourrait pas mobiliser ses pouvoirs très longtemps, tout comme ses nascents, sans risquer de tout simplement tourner de l'œil. Et ici, mieux valait ne pas tourner de l'œil. Jamais. Au risque de ne plus les rouvrir.

Réagir… Corps sans vie, armure vide, Prométhée s’élança sur la bête comme un moucheron, un moucheron agaçant, un satané moucheron. Comme le taureau fou, avait-il souhaité sa mort quand celui-ci a enfoncé la lame? Quand elle fut tordue? Piétiné mais pourtant il survivait. Elle voyait tout, l’améthyste tremblante, distance, elle comprenait. L’armure éventrée révélait sa sombre nature, celle de n’est qu’un contenant - Vladimir von Arendt, peut-être que le viscuphage n’est pas le pire des monstres ici. Lui, au moins, ne peut réfléchir. Contrairement à vous…

Réagir - Lan-Lan chercha ses camarades des yeux. Azur était le plus proche, et semblait se préparer à retourner à l’attaque. Les epistotes semblaient à la ramasse alors que Keshâ n’était plus à portée de regard. Quant à Violette…La maraudeuse s'agitait comme une brise, courant, courant pour… Disparaître?
Vraiment?
La noble serra les dents, les poings: vraiment? Dans un moment aussi critique, elle optait pour la fuite? La queue entre les jambes, trop effrayée pour se lancer dans la bataille? A quoi bon s’offrir aux plus offrants si c’était pour fuir la mission? Etait-ce cela, la méthode maraudeur? Se mordant la langue, elle se jura de revenir sur ses mots. On ne dupe pas une Fà. Pas aux portes de la mort.

De la m… Sans même s’en rendre compte, la surprise, comme une illumination, lui fit se mordre la joue jusqu’au sang. Dans la précipitation, elle en avait presque oublié une des raisons de sa venue. Doucement, elle chercha dans sa besace pour enrouler sa main autour d’un totem. Invoquer encore le drake? Elle n’y songeait pas, n’est-ce pas?
Non… Non, elle n’aurait pas pu, de toute façon. Mais comme le viscuphage était coquille, elle déballait la sienne: un totem vide. Il lui manquait plus qu’une créature pour être fonctionnel. Et la créature se débattait devant elle pour avaler tout ce qu’il pouvait de viscères fraîches. Au moment de braquer l’objet sur lui, elle ne put empêcher sa main de trembler.
Il ne lui fallait pas plus que quelques minutes. S’approcher, toujours un peu plus, en restant hors de portée. La furie de la bête face à Prométhée était l’occasion parfaite. Un pas, elle sort l’appareil - sur son côté, une petite diode rouge devient orange, l’appareil se met à vibrer imperceptiblement dans sa paume. Tout ce procédé lui échappe, seulement elle sait qu’elle doit rester absolument immobile.
Orange… Vibration… Viscères… Orange… Sang… Vibrations… Os… J’ai tellement peur… Orange… Battement manqué… Vibrations… La boue devient rouge…

Vert.

Immédiatement, elle fit un pas en arrière, victorieuse petite souris - tu as dérobé la couronne dans le dos même du roi. Sur l’instant, elle ne put s’empêcher de sourire - un sourire nerveux qui camouflait une larme qui coulait sur sa joue rose. Immédiatement, elle abrita son trésor dans son sac, et y rangea le nascent - la migraine qui prenait ses tempes en tenaille devenait plus supportable, et petit à petit, ses jambes en coton avaient presque arrêté de trembler.
Au même moment, Gerald mobilisait ses dernières forces pour tenter une nouvelle attaque: elle le vit s’avancer, poser ses pieds dans la boue, sans doute dans le but de l’abattre. Maintenant, elle comprenait mieux. Il n’était pas assassin. Il était chevalier.

Mais même la meilleure des ambitions peut se voir faucher. Brusquement, son pied se prit dans la terre, dans sa vitesse, il tomba en avant, et le monstre enragé ne manqua pas de le saisir pour le frapper directement. Témoin secrète, Lan-Lan se crispa de tout son être - dans cet état, même le cristal ne pourrait pas le rattraper sans le mettre dans un pire état encore. Et ses dents, même accrochées, pouvaient encore tuer. C’était hors de question.

Doucement, ses doigts vinrent crocheter le bout de son ombrelle pour en dévoiler la lame cachée dans le manche - une lame tranchante de katana - Shizo, même loin, tu es toujours avec moi. Pivoine de jardin, peux-tu vraiment devenir une fleur sauvage? Tu n’es pas une combattante.
Vraiment?

La rage brûlait sous le mauve de ses yeux, coeurs battant au sang noir, elle se lança pour tuer. Profitant que la bête lui fasse dos, elle se hissa, enfonçant ses ongles dans la chair crue et vive pour mieux atteindre la tête, la lame brandit pour la trancher - elle l’escaladait mais sa peau décomposée et visqueuse était plus glissante qu’elle ne l’avait anticipé. Une seconde de panique de trop, une seconde pour se replacer, et le monstre l’attrapa pour mieux la jeter sur le côté.

C’était la fin.

Elle était morte.

Non? Lame vers l’avant, elle l’attendait, qu’ils partent ensemble. Mais le destin en décida autrement. Contrairement à une attaque, le monstre montra ses premiers signes de faiblesse, tombant sur lui-même faute de jambes, lui laissant toute la marge pour esquiver sans rien subir. Elle était en vie. Et elle avait une ouverture.
Immédiatement, elle abattit le katana sur sa cible - la tête. Mais encore une fois, le manque de pratique et la panique jouaient en sa défaveur; elle manqua largement le crâne pour toucher le cou qu’elle parvint à très légèrement coupé. C’était mieux que rien. Et sa victoire entière résidait dans l’état même du viscuphage. Il n’avait plus de sa superbe, sa rapidité largement amoindrie, présentant des signes évident de faiblesses. Les ouvertures se multipliaient. Face à lui, elle serait le nouvel appât: le dernier. Et quand ses yeux accrochèrent ceux du monstre, elle se mit à reculer prudemment. Que le jeu de chat commence.  


Il est affaibli! Hurla-t-elle à qui pourrait l’entendre. C’est maintenant!

La première griffe la frappa dans le vide. Bête à bête, épuisée et épuisante, elle aimait se croire de la même trempe. Mais peut-être n’était-elle, à jamais, qu’un énième moucheron.


résumons:
Lun 4 Nov - 6:44

Acte II, scène III

Échecs flegmatiques


Cinq petits tartares. Quatre petits tartares… trois petites tartares, bientôt, n’en resta aucun. Situé à plusieurs mètres, l’Epistote avait réussi à recevoir un fouet sanglant, lui barrant le visage en diagonal. Le viscuphage avait fauché loin les restes des tartares. Il ne cilla pas. Les contours même de sa boîte crânienne semblaient éclatés dans l’air comme un choux fleur, suite aux perceptions choquantes qu’il avait enduré. Capter les émotions ambiantes. Une riche idée.

Par réflexe, sa main détache un objet gênant de son épaule, qui ressemble un peu trop à un lambeau de peau humaine. Au moins, c’est frais et carmin. Et pas noirâtre et grouillant. Il essayait de se remettre, le fait est que ce n’était pas très probant. Sa nébula a toutefois battue en retraite, vaincue par l’amour de la petite boule de poils. Cette occasion est passée, en attendant la suivante…

Brûlé, son énergie n’est pas assez stable pour espérer faire appel à une invocation, sans même parler de venir au corps à corps.

Il s’en trouvait que le risque ne décourageait pas. Au milieu de son mirage visuel, Keshâ’rem vit passer des corps, avec une incrédulité détachée. Petits points lumineux, il n’était pas sûr d’identifier correctement Gerald catapulté et Lan-Lan… il devait halluciner. Lan-Lan la guerrière, contre toute attente prenait d’assaut le plus terrible des monstres. La chose avait le bec cloué. Il le remarquait maintenant… la Xandrienne semblait brandir quelque chose, un totem ? Pourtant, rien ne se passait. Rien du tout. Il ne savait pas trop ce qu’elle espérait.

De son côté, il passait activement en revue ses possibilités limitées. Il fallait bien essayer de sortir vivant de là, avec Nagendra… même si du succès ou de l’échec de la mission, il n’avait rien à péter.  Tout était tellement dégueulasse et nauséabond que c’en était irréel. Il fallait bien être aliéné et dans un état second pour ne pas s'en rendre compte et continuer à agir comme si « ça allait ».

Dans ses pensées, donc. Potions. Non… trop faible anyway… on n’ira pas jouer les yamakazis. Petite potion d’énergie ? Mais s’il utilise un cristal tout de suite, il ne saura pas supporter de contre-coup… Pousser la chansonnette, sur un mort, est-ce que la magie fonctionne ? Pfff. De toute façon ce marais manque cruellement de muses et de poésie.

Sauf peut-être si on considère la combattante au katana. Elle lutte. Elle gagne le temps qu'elle peut... Il se demande si son révolver peut être utile. Le trou qu’il pourrait percer dans la cuirasse du monstre lui paraît misérable. Ce n’est pas comme s’il avait l’air vraiment peiné de ses multiples hémorragies. Think ! Think ! Baissés sur la crosse de l’arme, ses yeux lavande tombent sur le dessin de son gant… de son gant qui est un gant spécial. Un gant éolien. Bordel de nouilles. Comment a-t-il pu ne même pas y penser depuis le début ? Pour ne s’en être jamais servi en situation réelle, il a nié jusqu’à l’existence de cette option.

Lancer des couteaux est beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît. Il faut une parfaite représentation de la distance de la cible, maîtriser le poids de son arme et le nombre de demi-tours précis qu’elle devra tracer dans l’air pour frapper sa cible autrement que par le manche et s’y planter. Sans même compter la forme de parabole à intégrer dans la visée en raison de la gravité. Non, il a essayé, ce n’est pas du tout son truc. Chaque fois, il regarde faire Mao et Maëlstrom hébété. Mais avec ce gadget qui lance des lames-d’air, c’est du prémâché… il devrait bien réussir à viser un monstre patraque avec les deux pieds dans le cercueil… Keshâ se concentre. Fortement. Ses yeux se réduisent à des fentes. La patience du héron, presque prêt…
-« Il est affaibli ! C’est maintenant! »

Plus le temps de tergiverser. Il doit aider Lan-Lan. Par réflexe, pour sa nature empathique. Et puis, parce qu’une fois croquée, le viscuphage passera à la prochaine proie de son tableau de chasse. Plus le temps de se demander ce qu’il convient de faire ni pourquoi. Il fait. Il lance de tout son cœur de la main droite. Son but : agrandir la brèche qu’a creusée Lan-Lan dans le cou du monstre pour le décapiter.

Il y croit. Il y croit vraiment. Au moment où la lame d’air s’approche du viscuphage, il constate que le tir dévie vers son bras. Pire, le monstre attaque au même moment. Aucun obstacle n’interrompt l’attaque qui manque de très peu la jambe de Lan-Lan. Renfrogné, il enchaîne avec encore plus de précipitation son second tir de la main gauche. La lame atteint bien le viscuphage. Son épaule. Non son cou. La blessure est mineure. Une de plus à sa collection. Tout au plus, cette pichnette a surpris le viscuphage dans sa dernière attaque contre Lan-Lan et fait dévier le coup de quelques degrés sur la droite.

Pathétique, pense-t-il. Il tire son sabre aramilan au clair, mais sa main tremblante le force à réaliser qu’il n’a recouvré assez de force, ne serait-ce que pour courir à vive allure sur le viscuphage. Il arrête son geste, impuissant. Les gants auront besoin de trop de temps pour se recharger. Grande leçon de vie. Accepter ce qu’il ne peut changer. Il aura essayé.

Son regard délavé dérive une seconde vers Violette – ou en tout cas la place qu’elle était censée occuper. Sage mentor, qui aura su se plier aux obligations déplaisantes, en écopant du moins de blessures possibles sans recevoir plus de remontrances que lui à l’arrivée. Enfin, il se demande quand même si elle va daigner intervenir… parce qu’elle serait bien placée pour mettre un terme à la corrida.

Parce que les autres… blottis, dévorés par la même impuissance. Vladimir et Archibald. Inhumains. Sa dernière pensée se fait haineuse, à l’endroit du sapiarque qui l’aura baladé là comme un outil dispensable. L’homme à la poursuite d’une quête vaniteuse, visage de cette armée qui retourne sa veste quand cela l’arrange. Il le retiendra. Epistopoli l’utilise. Lui donne une tape dans le dos. Mais on l’envoie au carnage sans sourciller. S’il échoue, on le blâme… Chouette rappel que sa loyauté ne va qu’à ses amis. Car de l’intelligentsia, Seraphah restera l’exception. S’il y en a qui doivent bien rigoler, ce sont les nagas qui attendent l’expédition dépenaillée sur le retour.


Résumé:
Lun 4 Nov - 23:06
Chaos, putain de chaos. La situation tournait au désastre et les épistotes qui étaient censés se muer corps et âmes pour les défendre se transformaient en pantomimes ineptes. Pouvait-on attendre de la compétence, malgré un charme magique ? Non. On ne faisait pas un lion d’un âne déguisé en torpille. Vladimir jura lorsque Prométhée se fit incinérer, glissa dans la fange. Son dernier Assistant et lui tournèrent autour du combat, plus préoccupés par l’état du prototype que des éventuels blessés. Les autres ouvrirent le feu, tentèrent de glaner quelques secondes inefficaces. C’était la débandade, tous glissaient, se ridiculisaient : souffraient de la domination sans conteste du Viscuphage. Le feu l’avait à peine entamé, ses tripes qui se répandaient le ralentissaient à peine. Il n’avait plus ses membres mais ses dents et ses griffes demeuraient mortelles. Ses parasites frayaient par dizaines sur le sol, menaçaient chaque blessé de venir se garnir dans leurs entrailles. Un mélange de cris, de grognements courroucés. La terre chavirait à chaque relent du monstre, qui griffa la terre jusqu’à se rapprocher de Lan-Lan. Une seconde, le Docteur resta abasourdi. La femme s’était ruée au combat, comme lors de leurs dernières aventures. Oh, certes, il l’avait vu profiter du sacrifice de Prométhée pour s’en tirer à bon compte. Pour user de ce qu’il avait reconnu être un totem vide. Il savait ce qu’elle avait fait, la petite fouine …

… mais ses mains crochetèrent enfin ce qu’il cherchait. Avec l’aide de l’Assistant, il ressorti la cuirasse de Prométhée de l’eau. Ses vêtements étaient maculés de fange, sa chemise souillée par le sang et la sueur de son corps malingre. Vladimir défit la cuirasse en tirant, révéla le corps tuméfié, calciné de l’hôte. Il tâtonna dans la précipitation pour tenter de sauver sa création, le nascent qu’il avait eu tant de difficultés à concevoir. L’Assistant, quant à lui, s’attarda sur les lanières inférieures. Il s’empara d’une lame, commença à cisailler pour en retirer l’objet précieux. Mais dans les replis de peau, il s’en alla trop loin et la lame trancha la chair. Il n’eut qu’un hoquet de surprise lorsqu’en émergea dans une explosion une nuée de parasites blanchâtres. Grouillants. Il hurla lorsque sa bouche en fut contaminée. Il hurla lorsqu’il sentit sa propre chair céder, se craqueler. Ses orbites gonfler. Son corps vaciller dans le marais et la douleur obscurcir ce qu’il lui restait de vie. Mais le Docteur n’y prit pas garde. Car il tenait dans sa main le fruit de son labeur. Levé vers un Soleil absent, caché par la Brume contenue au loin, il tenait l’objet en l’air. Il ricana, s’extirpa de là et recula pour éviter les cris d’agonie. Pendant que les épistotes tentaient de se rapprocher de lui pour le protéger malgré eux. Il croisa le regard du Sapiarque qui ne semblait plus savoir quoi faire. La réponse vint d’elle-même : par le cri de Lan-Lan.

Ce fut comme si le combat venait de prendre une tournure … encore pire que la précédente. Les assauts continuels rebondissaient sur la créature amputée. Ses crocs tranchaient et menaçaient. Chacun passait aux abords de la mort, frôlés par les griffes du monstre. Chacun échoua à sa mission, en dépit du succès colossal du Prototype. Le Docteur jubilait, sa ferveur occultait la peur qui l’avait noué au sol quelques minutes plus tôt. Sa folie faisait briller ses yeux d’un opale incandescent. Il regarda le monstre. Dégingandé, boiteux. Désincarné. Il était … occupé ailleurs. Sa gueule ouverte en direction de la petite fouine … S’il récupérait … oh. Et si ? Pourquoi pas. Il n’était venu que pour un fragment. Oserait-il pousser l’expérience encore plus loin ? Il appela l’Assistant. Ah oui, c’était vrai. Hm. Tartare ?

- Traque ! hurla-t-il. Il en restait bien un, au moins, non ?

Puis il s’avança, le Nascent passa d’une main à l’autre. La créature claquait des dents, ruisselait de sang, de tripes et des assauts ineptes de l’escouade. Un épistote se lâcha dans ses braies, ça ne pouvait être que l’un d’eux. Il ne restait plus grand monde du reste. Les dents de la bête crissaient sur la terre, toujours plus proche des jambes de Lan-Lan. Son cou saignait, son épaule paraissait atteinte ou disloquée. Seule la rage l’animait, comme si la mort ne l’arrêtait pas. Comme Prométhée dont le corps désarticulé avait cessé de fonctionner. Le Docteur s’approcha de la créature qui sembla, cette fois, l’apercevoir. Mais la chair rosée de l’humaine semblait plus appétissante. La vilénie des yeux de la chose n’en fut qu’amplifiée. Il en occulta même la supposée gardienne de tous ces xandriens, ou encore leurs derniers sbires. L’idée qui était née dans sa tête n’avait d’égale que sa folle audace. Il n’avait, après tout, testé sa création que dans une seule conjoncture. Elle avait fait ses preuves mais … était-il possible d’aller plus loin ? Au mépris de sa propre vie, de sa propre folie. Un rictus mauvais. Un frisson d’effroi. La curiosité maladive du Spectre, son insouciant défi au nez de la Brume. Pour la dompter, retourner ses affres contre elle. Peu importait le Vestige. Seule la science, seul le progrès. Les dents effilées du monstre se découvrirent, auréolant son visage blafard d’un impie fanatisme technocratique.

- Traque ! commanda-t-il, à l’instant où un coup de feu fit frémir la peau du Viscuphage.

Un autre, un troisième. La créature cria de rage et tourna ses prunelles vers Vladimir. Elle se gondola pour se redresser. Maintenant ! Le Docteur lança le Nascent contre la bête et …

Ploc … ploc … bim. Ricocha contre le museau, glissa le long du torse … s’aplatit à terre. Douche froide. Bouche bée. Puis la créature s’effondre, crache sur le sol et répand ses viscères tout autour d’elle dans sa colère. D’un bras elle traça en avant. Se hissa. Vladimir serra les dents. Et merde. La descente était rude. Il avait pris des risques inutiles, se retrouvait dans une situation inutile. Tout ça à cause de l’incompétence de …

- Sapiarque ! Qu’est-ce que vous foutez ! Rendez- vous utile. tonna-t-il, tandis que la créature ne cessait de s’avancer vers lui.

Merde. Il n’avait aucune envie de terminer prisonnier ici. Dans un corps sans vie ni mouvement.

- Traque !


Un autre coup de feu. Inutile. La créature se redressa.

- TRAQUE !

Rien. Un miroitement à ses pieds. Une lame dans le sol. Regard vers Lan-Lan.

- TARTARE !

Arythmie cardiaque. Adrénaline, du sang qui frappe jusqu’au fond des tympans. Qui nimbe chaque doigt d’un tremblement nouveau. Le Viscuphage le toisait. Ses entrailles qui se dévidaient par tous les trous, un nascent coincé dans les reliquats de sa chair. Son épaule entaillée, qui suintaient d’un liquide nauséabond. Et … son cou entamé, sa tête tournée. Il ne tenait que par sa hargne séculaire de envers tout ce qui vivait. Puis il s’effondra gueule ouverte.

- Je … ne vais pas pouvoir tenir longtemps, Docteur.

Le sang de Traque avait jailli tout autour de lui lorsque les griffes de la créature s’étaient enfoncées dans son abdomen. Son fusil avait entravé sa gueule et il le retenait à la force de ses poignets. Il tremblait, à mesure que les immondes parasites se frayaient un chemin de la bête à lui, s’infiltraient en son sein pour le dévorer vivant. Le Tartare laissa échapper un hoquet de douleur. Il serra les dents, releva le dos. Tourna le fusil. La bête enfonça davantage ses appendices et perça sa chair de l’autre côté. Ses os craquèrent. Ses vertèbres. Mais il tint bon. La tête suivit le geste lent du Tartare qui donnait sa vie pour eux tous. Révéla la nuque du Viscuphage. Vladimir comprit. Il n’était pas un combattant. Mais il était un chirurgien. Un vieux strigoï qui avait eu des siècles d’apprentissage. Plus encore. Il sentait encore son cœur battre. Encore sa vie défiler devant ses yeux. La peur, le sang. La mort. Il était cela. Il l’avait été. Dans les limbes. Encore et toujours.

- Björn. Oui … oui. Je me souviens. Pour le clan !
exulta-t-il dans un vieil uhrois rugueux, sa main autour du pommeau de l’arme.

Légère. Trop légère. Mais tranchante. Il sourit de nouveau, mais différent. Un souvenir qui s’était imposé à lui comme né d’hier, alors qu’il datait encore de l’Âge noir. Il attrapa l’arme à deux mains. Frappa de haut en bas. Puis de bas en haut. Une fois. Deux fois. Tituba. Recommença mais ses mains frêles ne purent contenir longtemps l’arme. Elle sauta de ses doigts gourds. Se souvenir était une chose, retrouver la force d’un colosse ursidé de deux mètres en était une autre. Le souvenir avait guidé la lame. Le Docteur tituba en arrière, secoua la tête et s’aperçut, paniqué, qu’il venait de traverser une énième crise.

- Doct… exhala Traque dans un dernier râle.

Le Tartare gisait à terre, sectionné par les pattes de la bête. Son épaule à moitié dévorée par la tête du viscuphage … à présent séparée du tronc de la bête par des coups brutaux mais maladroits. Vladimir recula de plus belle, comme choqué par son propre acte. Le corps inanimé de la chose reposait sur celui du Tartare dans une embrassade horrifique mêlant leurs deux chairs. Viscères contre viscères. Parasites contre organes. Et en leur sein, un nascent de chimérisation.
Jeu 14 Nov - 19:10

Enième coup dur pour l’assassin. Il faut croire, je le crains, que la Brume ne me réussit pas. Le réveil est douloureux. Je n’ai pas été complètement inconscient, seulement sonné par l’attaque du viscuphage, qui m’a coupé la respiration. En me redressant, je ressens une vive douleur au niveau du flanc droit. Un ou deux côtes fêlées, je dois m’en occuper pour être de nouveau opérationnel. C’est alors un objet pèse dans ma poche, qui me rappelle que j’ai toujours le cristal de Guérison en ma possession. Je prends le temps de réfléchir quelques instants : la marche et les éventuels affrontements à venir me seront douloureux, mais loin d’être insurmontable. En appliquant des soins élémentaires, je pourrais tenir jusqu’à notre zeppelin et me soigner correctement sur Xandrie.

Or, utiliser le cristal ici, même partiellement, me viderait de mon énergie. Nous rencontrerons forcément des nagas, ils nous attendent déjà au large de la zone du monstre que nous venons d’abattre. Avec de l’aide extérieure, un peu de chance, je peux affronter des nagas sans l’utilisation de mes cristaux. Violette décidera peut-être d’être enfin utile. Avant cela, il nous faut finir le travail avec notre cible. Mais un choc m’envahit soudainement ! Plongé dans mes pensées pour survivre, je n’ai pas pris le temps de regarder en face de moi. Le viscuphage est maintenant mort. A l’air satisfait qui émane de Lan-Lan, je crois comprendre que son objectif est atteint. Prométhée est mort, même si je me doute que Vladimir sera en mesure de le resusciter. Violette ? Où est Violette ? Détestable, comme toujours. Jamais là quand il faut. Keshâ’rem, toujours apeuré, toujours perdu… Kesha’, quoi.

Mais qui suis-je pour les juger ? Moi, qui a été mis par deux fois au tapis, comme un vulgaire déchet. Cela a eu le mérité d’en rendre certains plus utiles qu’à l’accoutumé, de se trouver un courage disparu depuis des décennies et d’entreprendre des actions par eux-mêmes. La Brume en avait décidé ainsi. Je ne devais pas participer à cet affrontement, ce n’était pas le mien. Cependant, je participerai à la fuite, il en va de notre survie à tous. Le viscuphage est mort, mademoiselle Fà a pu le scanner au moment propice, pendant que je pionçais, on peut maintenant décamper. Je retire mon élégante veste imperméable, déchire la manche de ma chemise et réalise un bandage serré entourant mes côtes. Pas très agréable mais nécessaire. Je remets ma veste comme si de rien était et m’approche de la troupe.

« Beau travail à tous. », dis-je en applaudissant. Je ne serai pas étonné d’avoir quelques désagréables remarques, mais j’ai passé l’âge de me vexer pour si peu. « Maintenant, il nous faut reprendre la route pour sortir de cette zone. »

Je ne leur dis pas, je pense qu’ils le savent, notre comité d’accueil nous attendra certainement. Les émotions sont encore vives. Nous avons essuyé beaucoup de pertes et frôlés plusieurs fois la mort. Je ne souhaite pas prendre le risque d’une mort aussi stupide. Je dégaine mes deux dagues et prends la tête de l’escorte. Miyuki et Yuri me serviront de guide. Le but est de tenir le temps que mes comparses retrouvent leur énergie ou leurs esprits. Le temps de quelques minutes, je me remets aussi de mes émotions, de mon état physique, profitant du fait que tout le monde rassemble ses affaires. Ensuite, nous prenons enfin la route, direction Andoria. Rapidement, après quelques minutes, des borborygmes assez familiers se font entendre. Nous comprenons tous que la route sera longue.

Des silhouettes semblent visibles, des silhouettes que l’on commence à reconnaître aisément. Il semblerait que la Brume ne veuille pas qu’on lui échappe. Sauf que je n’ai vraiment pas prévu de pourrir ici. Mon petit Duddo est sorti de sa cachette, grimpant sur mon dos, jusqu’à atteindre mon épaule. Quel réconfort de l’avoir auprès de moi ! Un réconfort de courte durée quand je vois cette lance m’arriver dessus à toute vitesse. D’un pas habile et assuré, je l’esquive et la vois s’enfoncer dans la vase. Plus question d’être surpris. Une seule alternative : réduire la distance. Je m’élance dans une course pour atteindre l’assaillant. Je les ai observés tout à l’heure, ils sont primitifs et cruels, agissant comme de vulgaires bêtes assoiffées de sang. Une patte griffue s’approche dangereusement de moi, le Duddo se crispe sur mon épaule. Pas de panique, mon beau. Tonton Azur contrôle la situation. L’instant suivant, le bras vole en éclat, puis le second, jusqu’à ce que sa tête finisse par rouler jusqu’à mes pieds. Naga ou pas, au corps à corps, je suis léthal.

« Tout est sous contrôle, mon mignon. Tu le sais, non ? Oui, bon, tout à l’heure, c’est à cause de la vase qui m’a tendu un piège. Ce viscuphage n’a rien d’effrayant. », ai-je dit au Duddo en me recoiffant. Sur ma droite, un second Naga apparaît, sauf qu’il n’a pas le temps d’armer son attaque qu’une lame d’air lui traverse le crâne. Ces gants éoliens, c’est peut-être pour les fainéants, mais j’en tire tout de même une certaine utilité. Derrière moi, le reste de la bande semble retrouver une attitude plus combative. Je craignais qu’ils ne s’effondrent après ce contrecoup. Allez, courage ! Franchissons ce mur et à nous la liberté.

« Keshâ’rem ! Réveille-toi, mon garçon ! J’ai besoin que tu m’indiques avec précision où se trouve l’ennemi. Avec un peu de chance, on pourra tenter une percée et prendre la tangente. »

La bonne nouvelle, c’est qu’avec un effectif aussi réduit, on ira plus vite.
Ven 15 Nov - 20:23

Scène Finale

Back to the beginning


Le goût amer de la victoire avait au fond de sa gorge la même aigreur que la vase. Ils avaient gagné, mais comment? Pourquoi?
Laurier de sable sur un tapis de fange.

Epuisée - poupée de paille échevelée, de sa splendeur ne subsistait que des cernes et les sillons mats sur ses joues que le sel de ses larmes avait creusé. Le démon était tombé - face à lui, le Baron vacillant. Qui l’aurait cru? Elle le pensait rat de laboratoire, pas assassin, mais instrument de la mort. Mais il avait tant bien que mal réussi là où elle avait lamentablement échoué. A agiter ses bras avec une rigueur martiale, comme possédé, un fou à susurrer des paroles sans le moindre sens. Peut-être que l’imminence de son trépas avait suffit à lui faire perdre la tête - peut-être qu’il avait toujours été fou et qu’il l’avait simplement montré. Une fissure dans le masque de savant détestable, esprit fêlé, comme une tasse légèrement cassée qui n’attend qu’un trop plein d’actions pour céder complètement. Secrètement, elle remercia cette folie. Sans elle, elle serait encore là à danser avec la mort jusqu’au dernier faux pas.

Chacun recouvrait petit à petit ses esprits. Gerald se relevait de son dernier coup, tandis que Keshâ’rem tentait tant bien que mal d’échapper à ses démons - fatalité? Il avait fait sa part. Ils avaient tous fait leur part. Tous? Non. La maraudeuse aurait l’occasion de l’entendre quand ils retrouveraient le chemin du zeppelin. Et de voir le montant de sa prime diminué. Chaque tâche de boue sur ses jupes étaient autant de zéro en moins sur le chèque qu’elle signerait - ces tergiversations financières avaient de quoi lui retourner le sang, et rapidement, Lan-Lan recouvra assez de stature pour bien comprendre l’ampleur de ce qu’ils avaient accompli. Le viscuphage, mort. Sombré, le chasseur, l’avatar de la Traque. Mort.
Un regard sur l’assistance. Les tartares? Morts. Elle ne mesurait pas les pertes chez les épistotes; les maraudeurs avaient perdus au moins deux âmes… Et le Conservatoire? Miyuke ressortait de sa pétrification de fortune, alors que Yuri le muet n’avait su crier, tenant fermement son arme en tremblant.

Il fallait compter les morts. Faire le point. Quant au viscuphage… C’est alors qu’elle remarqua tout à fait la puanteur néfaste qu’il dégageait, à moins que ce ne fut les émanations de la chose infâme du docteur - une abomination de bas étage, mais dont elle devait reconnaître la praticité. Et pourtant… Les morts ne devaient-ils pas servir que la Brume? Une langueur tombait sur les esprits comme un voile…

… Que la voix teinté d’azur de Gerald vint déchirer avec une brutalité et un acide tout chevaleresque. Pouvoir secouer les esprits était un don, et son exécution, bien que poivrée, était parfaite. Lan-Lan ne put réprimer un sourire - un premier depuis des heures. Remettre les esprits en mouvement. Réveiller les égos, à défaut des morts. Repartir vers la terre promise.
Lan-Lan secoua ses mains, chassa sa boue - elle fit état de ses possessions, de sa tenue - il n’y avait plus grand chose à sauver - heureusement pour elle, ni les griffes, ni les coups d’air de Keshâ n’étaient venu à bout de ses frasques. La boue, quant à elle, c’était autre chose. Poupée de vase, elle avance tout de même, s’avançant du corps défait, de son assaillant, une assurance franche, une main tendue, presque au plus proche, du fou…

… Pour attraper avec fermeté l’arme du crime. Lame xandrienne - pas moins, instrument de la main d’Opale. Ironique? Elle préférait voir l’épée plutôt que le bourreau, mais elle ne manqua pas de lui adresser un sourire teinté de sucre, un merci du bout des lèvres. Mais ses yeux francs, assurés, eux, ne mentaient pas: elle était sincère, à défaut d’être reconnaissante.

Ce viscuphage est la copropriété du Conservatoire, du Magistère et du sapiarque. Déclama-t-elle, jugeant bon de rappeler à l’audience les termes de l’accord signé ensemble. Il sera ramené à Andoria pour étude des parties concernées - dans la collaboration.

Sans trop réfléchir, elle insista sur le dernier mot. Mort, la proie devenait trophée, les esprits s’échaufferaient vite, on aura rapidement fait de tordre ce qu’ils venaient de vivre pour en faire un récit différent. Mais tant que les résultats ne seraient pas co-signés, il lui appartenait d’être la voix de la tempérance - et peut-être la main aveugle de la justice. Qu’on le prépare pour être déplacé. Acheva-t-elle pour toute paraphe. Elle l’avait dans la poche, de toute façon.

Bientôt, ils étaient de nouveau sur les chemins, lourds de leurs affaires, de leur proie et de leurs morts, Gerald ouvrant la voie - il leur fallait parcourir le même chemin pour rentrer à l’arrière camp - de là, ils pourraient remonter à bord du zeppelin, retourner en sécurité. Combien d’heures investies? Comme engourdis, ils avançaient dans un silence presque religieux - la Brume aux alentours jouait de son opacité pour mieux les oppresser, pour mieux les toiser, les narguants des silhouettes reptiles qui dansaient entre les troncs morts comme autant d’esprits. Mais ils étaient fatigués… Lan-Lan traînait sa carcasse épuisée - elle n’était ni abîmée, ni blessée, mais vidée de sa substance. Sa seule pensée allait à sa survie, à la tension, au crépitement incessant des balises. C’était une affaire de mètres… Retourner au camp avant la nuit.

Elle ne perçut le bruit étouffé de la tête tombant dans la boue qu’au dernier moment - elle était trop engourdie, fàtiguée : il fallait qu’elle se reprenne si elle voulait survivre. Heureusement pour eux que leur noble aventurier avait toute sa tête et tous ses réflexes, il abattait déjà sa deuxième cible sans sourciller en appelant au passage leur jeune recrue - elle l’observait du coin de l'œil, le jeune épistote. Ses cernes semblaient plus franches, son teint plus gris. Plus sombre… Comme si les marais avaient déteint sur lui. Heureusement pour eux, il accepta. Quant à elle, elle fit ce qu’elle pouvait de mieux. Récupérant ses protégés, elle imposa à Miyuke et Yuri de rester derrière elle, troquant une nouvelle fois sa casquette de noble pour celle d’un garde armé en récupérant sa lame dans sa main. Mais elle ne comptait pas usurper aux combattants leur tâche et leur combat. Elle n’avait plus de ressource, plus guère d’esprits, et elle se contenterait de rester en arrière pour protéger ceux qui le souhaitaient avec ses passe-passes.

Mais il y avait bien quelqu’un qui avait toujours assez de force de frappe pour les assister… Oh, d’ailleurs…

Sapiarque, vous comptez laisser votre soldat sacrifier la fin de ses ressources pour nous aider? Mobilisez donc votre force armée - il me semble qu’il vous reste largement suffisamment de munitions.


résumons:
Lun 18 Nov - 17:31

Acte II, scène III

Victoire atone


Le baron Von Arendt s’était révélé étonnement coriace et zélé en finissant le viscuphage dans un déferlement de violence. La bête était cisaillée. Le docteur lui tournait le dos. Encore pantelant, Keshâ’rem se posait une question. Que se passerait-il si, en cet instant précis, il levait ses gants éoliens pour libérer des lames d’air sur lui.

Sa garde personnelle avait été taillé en pièce. La loyauté des tartares forçait le respect, quoiqueVon Arendt soit tout sauf digne de la recevoir. Même son homoncule putréfié était hors service. Il pourrait plaider la folie passagère. Ou devenir un agent du chaos. A la fin, aucun Opalien ne serait là pour relater cette triste affaire. Il n’était même pas sûr qu’Archibald trouve quelque chose à redire…

Ce dernier se libérait de l’emprise hypnotique, à présent que l’objet de leur attaque n’était plus. Il n’y aurait que les femmes de l'Observatoire et de Xandrie pour témoigner. Iraient-elles jusqu’à défendre l’oppresseur ?

Au lieu de cela, il rongea son frein et alla vérifier que Yuri et Myuke tenaient bon. Et essaya de voir où pouvaient bien se trouver Mao. La guide avait sans doute été envoyé dans le décor. Sa silhouette finit par émerger d’une touffe d’herbes en trébuchant, sa main agrippée à son épaule. La chute avait été rude. En ce qui concernait Val’Ihem, il était introuvable. Son cœur se serra. Peut-être étaient-ils en train de patauger dans ses restes à l’instant même. Ce serait la perte d’un excellent soldat Epistote. D’un excellent humain, se corrigea-t-il. Tout ça pour cette gabegie. Des lubbies scientifiques, et ce drôle de mécanisme actionné par Lan-Lan.

-« Ce sera juste vous et moi sur le retour, on dirait. » pointa le sapiarque, sans état d’âme.
Lui était toujours là. Envers et contre tout. Le jeune homme n’essaya même pas de masquer sa tristesse et son agacement. A côté, la plaisanterie de Gerald lui parut bon enfant. Il renâclait à puiser à nouveau dans la magie des cristaux. Mais s’il était bien des créatures dont il pourrait détecter la présence sur leur route, ce seraient les nagas. Tout juste remis de son attaque émotionnelle, il entrouvrit par bribes la porte du royaume des émotions. A vif, c’était déjà trop. Son comportement devint encore plus taciturne, même si, il fallait le dire, tout le monde était beaucoup plus calme après la bataille. Et bien moins nombreux.

Certains éprouvaient une réjouissance indécente. Myuke et Yuri avaient clairement l’air de se demander si le voyage en valait la peine, blottie l’une contre l’autre. Zareh était seulement soulagée que le groupe réduise la distance le séparant du zeppelin.

Archibald consentit aux termes de l’accord qui étaient rappelés. Un incident de zeppelin larguant quelques lestes était encore envisageable… Ce qui restait de leur accord devait être imbibé de fange et de tripes.

Gerald abattit des nagas en les protégeant. Après quelques temps, il entrouvrit son esprit au cristal d’hypersensibilité, juste à temps pour déceler trois nouvelles présences qui s’étaient invitées dans le périmètre. Il n’eut pas le temps d’avertir l’expédition. Tout en vigilance, il fut le premier à apercevoir un duo de nagas les cueillant par le flanc en sortant des eaux. Avec sa prescience et ses nerfs électrisés, il frappa à distance avant que leurs griffes n’atteignent Yuri et Lan-Lan. La tête du premier naga explosa comme un œuf. Les bras du second furent tranchés et il se tortilla à l’agonie. Keshâ’rem ne laissait rien paraître à travers des yeux aussi inexpressifs que des miroirs. Ce n’était vraiment plus la peine de l’énerver aujourd’hui.

Après un temps de latence, il finit par dire :
-« Cela en valait la peine, j’espère. » Une pensée pour Liliane. Une partie d'elle le peuplait encore. Tous avaient laissé une empreinte profonde en lui. Celle de leur terreur. Un lien inarticulé et intime qui le hantait avec étrangeté. L'orphelin garderait de cet épisode une rancœur accrue envers les élites.

Alors Lan-Lan put avoir la certitude qu’il s’adressait à elle quand il ajouta: « Je ne sais pas trop ce qu’était ce boitier. J’espère que vos amies du Conservatoire partagent votre enthousiasme. »
Toujours aussi morne, il pivota et rejoint Gerald afin de mener le groupe. Zareh trainait la patte en arrière, auprès des Andoriennes. Elle les protègerait de son mieux avec son bras valide. Archibald consentit à dégainer son armement électronique.
-« On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. »

Ultime rebuffade, il allait aider le groupe. Mais il aurait préféré que son groupe à lui reste sous les radars nagas dès le début. La brume n’aima pas les quelques tirs de force brut qui la traversèrent. L’arme électronique du sapiarque grésillait dans le champ des balises. Mélange de sommation et de tirs aléatoires, quand Keshâ croyait ressentir une nouvelle signature émotionnelle autour, il défiait les nagas d’approcher. Ils hâtèrent encore le pas en glissant dans la boue. Car la brume et les serpents géants guettaient le moindre de leur faux-pas.

Bien malin celui qui aurait pu aller ainsi à marche forcée dans la brume sans se perdre. Pourtant, ils semblaient avoir rallié la zone approximative de leur départ, après des heures et des heures de marche. Déshydratés, irrités. Les nagas avaient fini par cesser toute tentative. Eux aussi avaient payé un très lourd tribut durant la bataille et veillaient sur leurs survivants.
Rester à tout rapatrier à bord du Zeppelin…



Résumé:
Mar 19 Nov - 11:49
- Laissez-moi récupérer les effets de mes hommes. murmura le Docteur, face au tas de cadavres qui émergeait à peine de la fange.

La Balise électrogène vibrait à bas bruit. Il s’en approcha et la caressa. Il observa la Brume qui léchait le dôme de ses doigts avides. Le corps du Viscuphage trônait sur celui de Traque. Il sourit. Ses yeux étincelèrent, mauvais. Et si tout, au final, était allé à la perfection ? Débarrassé de sa garde personnelle, débarrassé du monstre. Débarrassé des derniers individus à connaître son secret. Il était pourtant perturbé. Il s’était passé quelque chose qu’il n’avait pas tout à fait compris, mais il en dessinait les contours. Cela arrivait en de rares occasions, lorsqu’il se retrouvait dans des circonstances telles que celle-ci. Quelque chose en lui, enfoncé dans son être. Tordu, calciné. Quelque chose qui ne demandait qu’à sortir et à déverser sa rage sur le monde. Contre la Brume. Contre les Douze. Contre les Inquisiteurs.

Il frissonna, ses mains dans l’eau. Il tira les corps hors de l’eau. Les disposa les uns à côté des autres. Récupéra leurs Nascents. Une telle perte de ressources lui était intolérable. Puis il se dirigea vers l’amalgame entre le Viscuphage et Traque. Il enjamba les pattes sectionnées de la bête. Evita de toucher la tête sertie de vers. Le Docteur s’empara de son sac qui traînait dans la boue, abandonné par Prométhée lorsqu’il avait chargé. Il en tira des gants qui remontaient jusqu’à son coude, puis chaussa un foulard pour se protéger de l’odeur. Il enfonça son bras dans le tas de chair pour en tirer un autre Nascent. Celui qui trônait sur le torse de l’armure de sa création. Il l’observa, se demanda pourquoi il n’avait pas fonctionné. Puis entreprit de rassembler les corps opalins autour de celui de Prométhée, déchiré et sectionné. Il semblait animé par une ferveur fiévreuse pendant que tout le monde s’affairait. Il en tremblait presque, son teint blanchâtre rendu vert par la nausée du Vestige. Son cœur poussé par une folie qui animait son regard. Bien vite les corps formèrent une sorte d’ensemble accolé. Vladimir joua avec son nascent entre les doigts. Il ouvrit l’armure.

- Ecartez-vous. ordonna-t-il aux curieux.

Peu importait qu’ils admirent sa création, sa conception. Peu importait qu’ils fussent témoins. Ils seraient les hérauts de son génie. Il sentit une bouffée d’orgueil lui manger l’âme, faire trembler davantage ses membres. Les bras de Blieg. Le torse de Noct. Les jambes de Traque. La tête restait la même, fonctionnelle. Mais les mains … les mains avaient quelque chose d’étrange non ? De la chair fraîche pour remplacer celle abîmée, viciée. Si Lan-Lan voulait transporter le Viscuphage, il faudrait que quelqu’un le fasse, non ? Or, le matériel venait à manquer ….

- Nous allons rester ici jusqu’à ce qu’il soit prêt. Ensuite nous partirons. ordonna-t-il, tandis qu’il assemblait les parties d’armure des différents Tartares non loin de là. Sauf si vous voulez porter vous-même le cadavre du monstre ?

Avec méthode, le scientifique assembla les membres côte à côté. Ses mains maculées, une scie à os tirée de sa besace pour les profaner. Il ne souffrit aucune remarque. Ils étaient siens. Ils étaient au Magistère. Tout comme ce qu’il avait prélevé sur le Viscuphage. C’était une prise commune, oui. Il avait pris les quelques fragments qu’il désirait. Dont il avait besoin. Dents, griffes … pestilence. Posé sur un tas d’herbes qui faisait un tapis solide. Qui aurait pu faire la différence tandis qu’il récupérait le corps de Traque ? Peut-être les griffes, les mains de la bête qui avait été sectionnée avec méthode. Vladimir se recula, jeta ses gants au loin. Maculés d’un sang noir puant, d’asticots et de chair humaine.

- Voici l’avenir qui s’annonce … murmura-t-il lorsqu’il inséra son nascent chimérique dans l’espace prévu à cet effet dans l’armure noire.

graphique:

- Prométhée, debout. ordonna-t-il.

Silence. Attente.

- Debout.

Rien. Puis … un petit sursaut. Quelque chose qui secoua les membres et l’œil visible de chose s’ouvrit. Elle se redressa d’un coup et craqua dans tous les sens. La créature se mit sur pieds avec pénibilité puis se dressa devant le Docteur, le toisa de toute sa hauteur. Elle laissa échapper une plainte de douleur tandis que les dents effilées de son nouveau museau suintaient d’un mucus blanchâtre. Ses griffes s’agitaient malgré elle, ses doigts craquaient. Vladimir sentit son vestige réagir, comme si quelque chose essayait de se faire un chemin de son estomac à l'extérieur. Il réprima cette lubie de son corps et affronta le regard de la créature.

- Prométhée, recule.

Rien. Un regard vide d’humanité, une rage qui étrécit les pupilles. Des lèvres qui se relevèrent de dégoûts, découvrirent les dents effilées.

- Stop. Arrête ça. Tout de suite.

Un pas vers le Docteur. Un frisson glacé dans le dos. Un bras se leva avec lenteur. Les griffes effilées saillirent hors de leur gaine, parsemée du même mucus. Elles glissèrent avec lenteur hors des doigts jusqu’à atteindre plusieurs centimètres puis … régressèrent. La rage s’éteignit et le Tartare baissa la tête, soumis. Comme il avait été désiré. Il recula d’un pas.

- Oui, père. tonna-t-il d’une voix caverneuse, à en faire crisser les tombes.

Vladimir soupira. Son rythme cardiaque décéléra. Il sentit ses muscles se relâcher, un élan de fatigue le prendre et le secouer. Un instant il avait envisagé avoir relâché quelque chose de terrible ici-bas. Un instant.

- Ramasse leurs effets, et stocke les dans mon sac. Nous partons. Tu seras en charge de traîner le corps du Viscuphage jusqu’à notre lieu de collecte. Est-ce que clair ? ordonna-t-il, face à la nouvelle créature composite.

Prométhée émit un grognement qui se voulait assertif puis entreprit d’obéir au Docteur. Vladimir, quant à lui, s’affaira à récupérer des pièces d’armure hétéroclites de façon à pouvoir de nouveau habiller sa créature. Il se doutait qu’elle serait toujours ignoble aux yeux des autres mais on ne créait pas de révolution au premier coup d’essai. Il récupéra la cape de l’un des morts, la positionna sur les épaules du monstre, cacha son casque éclaté et son visage altéré. Il en profita aussi pour le ceindre de diverses protections et dissimuler ses mains bestiales à présent. Il affronta le reste de la troupe du regard.

- Le reste du corps conservera son intégrité. N’y voyez pas une atteinte à notre contrat, juste une nécessité pour rapatrier le corps dans son intégralité. répliqua le Docteur, comme si c’était le seul problème à soulever dans son acte.

Il passa aux côtés d’Archibald, le toisa à mesure que l’effet se dissipait. Il affronta son regard, se demanda qui se plaindrait s’il venait à disparaître dans la Brume. Après tout, tout le monde avait déjà subi de lourdes pertes non ? Il aurait été dommage qu’il fût le seul à n’en déplorer que peu, un ou deux soldats tout au plus ? A y voir, le Magistère avait écopé de nombreuses difficultés en comparaison à Epistopoli. Oh, certes, cela pouvait être regardé d’une autre façon à présent mais … pertes tout de même.

- Votre incompétence ne sera pas tue, cher Sapiarque. Il aurait mieux valu pour vous que vous ne reveniez pas de cette expédition. Après tout, tirer sur un Tartare, c’est … un acte politique qui vous engage, non ? Vous n’avez même pas su vous rattraper par la suite : obéissez donc à notre chère dame Fà et préservez le peu qu’il vous reste de dignité. le gaussa-t-il, la Chose derrière lui.

Vladimir paraissait épuisé, mais il n’avait rien perdu de sa félonie ni de sa hargne. Il toisa Keshâ puis avança jusqu’à la demoiselle Fà. Il était suivi de sa créature qui, après avoir emmailloté le Viscuphage dans une corde, la traînait un peu partout.

- Ne faites pas … la fine bouche Lan-Lan. J’ai vu ce que vous avez fait, je sais ce que vous tenez. Nous avons tous les deux acquis ce que nous désirions : inutile de nous voiler la face non ? Prométhée ramènera la créature à bon port. Soyez-en assurée.

Ce qu’il fit. Vladimir, en forces réduites, se contenta de rester au milieu de la troupe pendant le reste du voyage. Il traîna des pieds, trébucha plusieurs fois mais tint bon. Il regarda les nagas se faire écraser par les tirs des épistotes, ce qu’ils auraient pu faire dès le départ. Il serra les dents, de plus en plus décidé à faire payer le Sapiarque de tous ses écarts. Une petite idée vicieuse lui vint. Quelque chose de long, douloureux. Malheureusement, jamais l’occasion ne se présenta de pouvoir suffisamment approcher Archibald, le faire payer pour tous ses écarts. Il serra les dents, regrettant de ne plus avoir assez de puissance de feu pour mettre à mort cet imbécile. Les épistotes s’en tiraient bien. Beaucoup trop bien. Ils finirent donc par s’envoler dans le zeppelin et regagner sans plus de heurts Andoria. Se retrouver autour d’une table, avec le cadavre du Viscuphage sur les bras. L’Alliance secouée, le Magistère qui portait tous les atours d’une défaite et … Epistopoli qui s’en tirait gagnante ?

- Nous nous reverrons, Sapiarque. Et alors vous répondrez de vos crimes … se murmura Vladimir lorsque leurs chemins se séparèrent.

Suivi par un Prométhée dissimulé par une capuche et une cape, dans une armure aux multiples plaques hétérogènes. Il serait peut-être de bon ton de penser à parfumer la créature. Son odeur commençait à devenir un véritable problème. Un jour peut-être. Pour l’instant, il restait à … consigner les résultats de cette expédition et d’en tirer les leçons.