Ven 9 Sep - 12:26
(Mission : https://www.astrebrume.com/t97-mission-les-aventuriers-du-convoi-perdu)
« Ne t’inquiète… Je peux te tutoyer ? »
Son interlocutrice hocha de la tête. Le mouvement était minutieusement travaillé. Il était à peu près certain que la vitesse à laquelle se releva puis s’abaissa son menton était calqué sur le rythme impérieux du Chant des Trois Pèlerins de la Brume – un opéra très populaire en ce moment, que Tlaxlheel trouvait personnellement particulièrement médiocre – et qu’elle avait intégrée de manière intime nombre d’autres données. L’angle qu’il convenait d’adopter à l’apogée du mouvement pour paraître aussi distante que possible, et celui qu’il était bon de lui voir succéder pour avoir l’air généreuse en donnant son assentiment. Le mouvement presque imperceptible de son torse, alors qu’elle se rapprochait de lui. La femme culminait timidement à un mètre soixante de hauteur. Malgré cela, elle n’était pas intimidée par sa présence, ou tout du moins le cachait-elle bien. Les nobles et les dirigeants, d’Opale ou d’ailleurs, étaient, globalement, des porcs et des enfants de putes très attachés à protéger l’esprit de pute de leurs lignées de putes. Non pas que les masses braillardes et amorphes du reste des herbivores qui grouillaient sur ces terres ne se détachassent par une noblesse laborieuse et fraternelle, ou il-ne-savait-quel-autre vision fantasmée. Mais les nobles, qui par leurs natures étaient entreprenants et par leurs moyens étaient polluants, se démarquaient de la fange protéiforme. Cependant et très rarement, il arrivait qu’il émerge d’entre les volutes crasseuses du tas de fumier un produit moins répugnant.
Un herbivore, toujours. Une gueule plate de peau douce tendue sur des os de poulet. Mais ses yeux perdaient l’éclat tranquille des ruminants, et son parler l’infertilité tragique des puceaux fragiles qui vivaient loin de l’influence formatrice du monde.
De son monde.
Du vrai monde.
Du monde qui allait venir, et devenir, et s’imposer.
« Ne t’inquiète pas, donc. Je vais m’occuper de tout ça. Et je te le dis maintenant : ce ne sera pas qu’un service professionnel. J’y prendrai un plaisir particulier, et m’impliquerai très personnellement pour m’assurer que les choses soient bien faites. »
Il ne fallait pas s’attacher au bétail. Son destin était irrémédiablement lié à celui du tranchoir humide. Mais parfois, l’un d’entre eux, malgré ces belles résolutions et ces sages pensées, s’immisçait en lui. Il se releva, et quitta les lieux. Ils avaient un accord. Pas seulement professionnel, et certainement pas humain. Un accord de saraph à saraph, qu’elle signait sans doute sans réellement comprendre ce que cela voulait dire. Le reste n’était que trivialité.
Dès le lendemain, il avait quitté Opale, et son opulent manoir, sachant que le temps était précieux. Il avait, le soir d’avant, baisé et bu et mangé d’abondance, s’assurant en quelque sorte que le carburant qui l’alimentait brûle sans discontinuer. Il avait rassemblé ses affidés, qui savaient ce qui attendait le groupe : il était loin le temps de la raclure qu’il se coltinait à ses débuts. La plupart étaient morts, et les quelques survivants n’avaient rien à voir avec ce qu’ils avaient été. Ils avaient été remodelés par sa main, qui sculptait la chair et l’esprit aussi surement que la pierre, et été devenus des instruments de sa volonté. Fidèles, parce qu’ils étaient dépendants. Enthousiastes, parce qu’ils savaient qu’il ne fallait pas craindre ce qui allait venir. Zélés, parce que pour partager sa vision, Tlaxlheel n’avait pas besoin de pontifier. Cinq salopards pour deux véhicules, l’un plus grand que l’autre pour pouvoir accommoder son corps massif. Une destination : le nord, et les brumes affamées qui recouvraient les forêts dans lesquelles s’étaient égarés les précédents employés de sa nouvelle amie. Ces derniers avaient apparemment été mandatés pour mettre la main sur quelque chose d’important, et les renseignements qu’elle avait reçu à ce sujet n’étaient pas exclusifs : si elle avait réagi avec prestesse, il n’était pas impossible que des compétiteurs se soient emparés de son butin. Ou que ses hommes, bien qu’elle n’ait pas abordé de manière explicite le sujet, aient choisi de se libérer de leurs contraintes.
Peu importait, au final : son rôle était principalement de s’assurer que son avidité soit satisfaite. Se faire l’instrument de sa vengeance serait éventuellement un bonus plaisant pour tous, mais n’était pas spécialement requis de sa part. Le duo de véhicules, avalant autant le combustible que les kilomètres, eut tôt fait d’arriver à l’orée de la forêt. Devant eux, la brûme. Au moins le chef du groupe était-il toléré à l’intérieur de cette dernière, leur relation et leur entente s’étant solidifiées au fil des ans et des expéditions. Ils se comprenaient, l’un et l’autre, et partageaient des appétits similaires, sinon de par leurs tailles, au moins de par leurs natures.
Il arrêta le convoi, et désigna deux hommes qui devaient servir de gardes. Déployant les défenses statiques qui devaient les aider à protéger leurs précieux moyens de transport, si d’aventures ces contrées normalement désertes se révélaient plus agressives qu’à l’habitude, Tlaxlheel et ses deux gorilles restant se pénétrèrent ensuite les confins du grand bois. Seul un gadget réglé sur la fréquence des appareils de la famille de son employeuse pouvait ici leur servir de lien entre leur groupe et celui qu’ils cherchaient. Ca, et les éventuels talents de pisteurs de sa compagnie. Lui-même était dans ce domaine particulièrement incapable : il pouvait repérer des traces, mais les détails les plus discrets restaient à ses yeux trop insignifiants pour que son esprit n'y prêtre attention. Ses deux compagnons du jour, choisis pour ça, pourraient palier cette lacune. Lui se contentait de rester derrière eux, ne voulant troubler de possibles piste sur son passage : il était souvent obligé de faire sauter les branches basses des arbres.
Il espérait simplement ne pas à attendre trop longtemps. Le voyage avait été ennuyeux, et il avait envie de se détendre.
« Ne t’inquiète… Je peux te tutoyer ? »
Son interlocutrice hocha de la tête. Le mouvement était minutieusement travaillé. Il était à peu près certain que la vitesse à laquelle se releva puis s’abaissa son menton était calqué sur le rythme impérieux du Chant des Trois Pèlerins de la Brume – un opéra très populaire en ce moment, que Tlaxlheel trouvait personnellement particulièrement médiocre – et qu’elle avait intégrée de manière intime nombre d’autres données. L’angle qu’il convenait d’adopter à l’apogée du mouvement pour paraître aussi distante que possible, et celui qu’il était bon de lui voir succéder pour avoir l’air généreuse en donnant son assentiment. Le mouvement presque imperceptible de son torse, alors qu’elle se rapprochait de lui. La femme culminait timidement à un mètre soixante de hauteur. Malgré cela, elle n’était pas intimidée par sa présence, ou tout du moins le cachait-elle bien. Les nobles et les dirigeants, d’Opale ou d’ailleurs, étaient, globalement, des porcs et des enfants de putes très attachés à protéger l’esprit de pute de leurs lignées de putes. Non pas que les masses braillardes et amorphes du reste des herbivores qui grouillaient sur ces terres ne se détachassent par une noblesse laborieuse et fraternelle, ou il-ne-savait-quel-autre vision fantasmée. Mais les nobles, qui par leurs natures étaient entreprenants et par leurs moyens étaient polluants, se démarquaient de la fange protéiforme. Cependant et très rarement, il arrivait qu’il émerge d’entre les volutes crasseuses du tas de fumier un produit moins répugnant.
Un herbivore, toujours. Une gueule plate de peau douce tendue sur des os de poulet. Mais ses yeux perdaient l’éclat tranquille des ruminants, et son parler l’infertilité tragique des puceaux fragiles qui vivaient loin de l’influence formatrice du monde.
De son monde.
Du vrai monde.
Du monde qui allait venir, et devenir, et s’imposer.
« Ne t’inquiète pas, donc. Je vais m’occuper de tout ça. Et je te le dis maintenant : ce ne sera pas qu’un service professionnel. J’y prendrai un plaisir particulier, et m’impliquerai très personnellement pour m’assurer que les choses soient bien faites. »
Il ne fallait pas s’attacher au bétail. Son destin était irrémédiablement lié à celui du tranchoir humide. Mais parfois, l’un d’entre eux, malgré ces belles résolutions et ces sages pensées, s’immisçait en lui. Il se releva, et quitta les lieux. Ils avaient un accord. Pas seulement professionnel, et certainement pas humain. Un accord de saraph à saraph, qu’elle signait sans doute sans réellement comprendre ce que cela voulait dire. Le reste n’était que trivialité.
Dès le lendemain, il avait quitté Opale, et son opulent manoir, sachant que le temps était précieux. Il avait, le soir d’avant, baisé et bu et mangé d’abondance, s’assurant en quelque sorte que le carburant qui l’alimentait brûle sans discontinuer. Il avait rassemblé ses affidés, qui savaient ce qui attendait le groupe : il était loin le temps de la raclure qu’il se coltinait à ses débuts. La plupart étaient morts, et les quelques survivants n’avaient rien à voir avec ce qu’ils avaient été. Ils avaient été remodelés par sa main, qui sculptait la chair et l’esprit aussi surement que la pierre, et été devenus des instruments de sa volonté. Fidèles, parce qu’ils étaient dépendants. Enthousiastes, parce qu’ils savaient qu’il ne fallait pas craindre ce qui allait venir. Zélés, parce que pour partager sa vision, Tlaxlheel n’avait pas besoin de pontifier. Cinq salopards pour deux véhicules, l’un plus grand que l’autre pour pouvoir accommoder son corps massif. Une destination : le nord, et les brumes affamées qui recouvraient les forêts dans lesquelles s’étaient égarés les précédents employés de sa nouvelle amie. Ces derniers avaient apparemment été mandatés pour mettre la main sur quelque chose d’important, et les renseignements qu’elle avait reçu à ce sujet n’étaient pas exclusifs : si elle avait réagi avec prestesse, il n’était pas impossible que des compétiteurs se soient emparés de son butin. Ou que ses hommes, bien qu’elle n’ait pas abordé de manière explicite le sujet, aient choisi de se libérer de leurs contraintes.
Peu importait, au final : son rôle était principalement de s’assurer que son avidité soit satisfaite. Se faire l’instrument de sa vengeance serait éventuellement un bonus plaisant pour tous, mais n’était pas spécialement requis de sa part. Le duo de véhicules, avalant autant le combustible que les kilomètres, eut tôt fait d’arriver à l’orée de la forêt. Devant eux, la brûme. Au moins le chef du groupe était-il toléré à l’intérieur de cette dernière, leur relation et leur entente s’étant solidifiées au fil des ans et des expéditions. Ils se comprenaient, l’un et l’autre, et partageaient des appétits similaires, sinon de par leurs tailles, au moins de par leurs natures.
Il arrêta le convoi, et désigna deux hommes qui devaient servir de gardes. Déployant les défenses statiques qui devaient les aider à protéger leurs précieux moyens de transport, si d’aventures ces contrées normalement désertes se révélaient plus agressives qu’à l’habitude, Tlaxlheel et ses deux gorilles restant se pénétrèrent ensuite les confins du grand bois. Seul un gadget réglé sur la fréquence des appareils de la famille de son employeuse pouvait ici leur servir de lien entre leur groupe et celui qu’ils cherchaient. Ca, et les éventuels talents de pisteurs de sa compagnie. Lui-même était dans ce domaine particulièrement incapable : il pouvait repérer des traces, mais les détails les plus discrets restaient à ses yeux trop insignifiants pour que son esprit n'y prêtre attention. Ses deux compagnons du jour, choisis pour ça, pourraient palier cette lacune. Lui se contentait de rester derrière eux, ne voulant troubler de possibles piste sur son passage : il était souvent obligé de faire sauter les branches basses des arbres.
Il espérait simplement ne pas à attendre trop longtemps. Le voyage avait été ennuyeux, et il avait envie de se détendre.
Dernière édition par Tlaxlheel Azcalxotil le Mer 19 Oct - 11:50, édité 2 fois