Bon. Tout ça ne semblait pas aussi facile qu’il aurait aimé que ça le soit. La Brume se jouait d’eux, le labyrinthe était une plaie. Comme prévu, malheureusement. Sans compter que dans le journal de bord de ce foutu Zeppelin, il n’avait pu trouver aucune information viable : pas d’arrêt, pas d’équipage enregistré. Cela indiquait deux possibilités : soit ils n’avaient pas eu le temps de l’inscrire, ce dont il doutait vu le temps de trajet, soit ils n’avaient jamais eu l’intention de le faire. D’autant plus qu’aucun ravitaillement n’avait été prévu selon ce qu’il avait compris et que le voyage de retour de l’aéronef du Régent était compromis. Que venaient-ils foutre là sans prévoir de retour ? Que savaient-ils ? Avec les informations de Lewën et le mystère qui rôdait autour de cela, Ryker commençait à avoir un mauvais pressentiment de plus en plus marqué. Il n’y avait pas de réservoirs de rechange : pourquoi ne pas avoir prévu de retour ? Cela l’inquiétait et bien qu’il en ait fait part à ses camarades, il n’arrivait à pas y trouver de logique. A moins de compter sur une équipe qui viendrait à leur rescousse et de profiter de ces derniers pour repartir avec eux … ou leur piller leurs ressources.
Son esprit distrait, il répondit à peine à Nemeth lorsqu’elle lui demanda pour les miroitants. Il éluda un peu la question, et lui raconta que décapiter une de ces créatures ne servait à rien et qu’il valait mieux fuir. Il restait bloqué sur ce qu’avait dit le médecin, sur la créature ou personne qui avait tué ainsi le pilote. Cela ressemblait aux pouvoirs de Lewën, non ? Se pourrait-il qu’un autre détenteur de ce type de pouvoir soit présent ? Ce n’était pas la Brume … du moins pas en apparence. S’ils n’avaient aucune intention de repartir, à en croire ses déductions, alors ils avaient dû vouloir tuer le pilote pour couvrir leurs traces. Mais pourquoi ? Que manigançait le Régent ? Ce fut le chien de Jérémiah qui le tira de ses pensées et qui aiguisa ses sens déjà aux aguets. Son épée courte était tirée et son autre main montrait le chemin avec la torche. Artémis avait insisté pour s’attacher en arrière, n’ayant pour argument que le silence et son intensité. Ryker ne réagit pas, bien qu’il trouvât assez culotté de vouloir lui piquer son travail, encore une fois. Mais si le loup solitaire se faisait croquer, au moins lui ça repousserait. En cela, il le remercia.
- Je n’ai pas beaucoup ça. Je préfère quand c’est un peu moins calme. murmura-t-il lorsqu’ils s'arrêtèrent devant le cadavre. Au moins c'était certain : ils étaient passés par là et avaient dû se confronter à ces difficultés eux aussi.
Il avait encore demandé à Artémis ou Lewën de voir ce qu’ils pouvaient en tirer. La femme mi-chouette n’avait pu se montrer aussi utile qu’il le pensait et il se demandait pourquoi une personne en apparence blessée s’était jointe à eux. Mais elle devait avoir d’autres ressources. Ou s’être méprise sur la dangerosité de l’expédition. Or, ici, tout le monde semblait être plutôt rompu pour les arts de l’expédition. Mis à part elle, la jeune Nemeth et Keshâ qui n’en finissait pas d’angoisser. La présence de ces personnes l’avaient fait plusieurs fois tiquer mais il devait y avoir une sacrée raison à leur présence.
- Ouais, la tour. Même expérience avec le fort Valeek : ça n’a pas suffit. Le suivre ça revenait à se perdre. La Brume joue avec nos sens et prendre un repère ne nous permettra pas de mieux nous en tirer que lui. fit-il en désignant le cadavre d’un geste.
Ce n’est pas la première fois que je vois des macchabées de cette forme. On dirait que la Brume l’a réduit de taille … ou que quelque chose l’a écrasé avec une force inouïe. Il frissonna en prononçant ces paroles, se rappela quelques légendes sur les créatures mythiques de la Brume. Des histoires entre Patrouilleurs mais qui avaient toutes une part de vérité. Il chercha dans son esprit tout ce qui pouvait se rapporter à ces dires, mais Amir en savait plus que lui. Il s’en remit à sa jugeote et s’appliqua à surveiller les lieux, étudier les replis dangereux des haies du labyrinthe. Il sentait la Brume peser sur ses épaules comme jamais, percevait des milliers d’yeux aveugles tournés dans leur direction. La Malice jouait avec ses pas mais se révulsait au contact de l’envoyé du Magistère. Artémis ne semblait pas avoir de problème avec cette dernière mais ce n’était vraisemblablement pas le cas de tous. Le Patrouilleur jouait de se torche et constatait avec horreur que, à chaque fois, les épines et feuilles semblaient se recroqueviller à l’approche du feu. Une illusion provoquée par la cuticule des végétaux, se rassura-t-il, car une haie carnassière était la dernière chose à laquelle il désirait se confronter.
Le Patrouilleur resta cependant songeur face à l’attitude d’Amir. Il le savait Portebrume mais avec une affinité et une maîtrise de la Brume qu’il trouvait étrange. Il l’avait perçu établir un dialogue, une discussion. Il connaissait le phénomène, tant il était occupé à museler sa part de Brume intérieure. Mais le caravanier semblait … en paix. Non sans surprise, leurs pas les ramenèrent vers le corps et Ryker pesta bien que Lestat ricana à l’intérieur de lui. En effet, comme Valeek.
- Tu pourrais être utile et être bien plus … conciliante, Lestat. lui répondit-il en pensée, ce qui eut pour effet de la faire frémir. Depuis quand ne lui avait-il pas parlé ?
- Meurs, meurs et rejoint la Brume. Libère-moi de ta caboche mal aérée, Patrouilleur impotent. se gaussa-t-elle, avant de sortir ses griffes et d’essayer de se déployer dans tout son corps.
- Patrouilleur ? Donc tu me reconnais en tant que tel. lui susurra-t-il, ce qui décupla la rage de sa nebula. Elle tenta de prendre le contrôle de toutes ses forces mais Ryker la musela avec une violence rare. Il l’enfonça au fond de sa psyché et chassa par la même occasion sa céphalée.
- Je suis plus fort que toi, nuage de malheur. J’espère pour toi que tu sais ce que tu deviens si je meurs. Peut-être que tu auras intérêt à coopérer avant la fin. grinça-t-il, avec ce qui pouvait ressembler à une prise à la gorge mentale.
Un frisson le fit sortir de son bras de fer mental. Il tourna sa torche autour de lui. La Brume frémit. Il la touche du bout de l’épée et l’enroula autour de sa lame avant qu’elle ne se dissipe. Il n’avait pas l’affinité d’Amir pour cette dernière, mais après dix ans, avait appris à connaître ses caprices et surtout, à faire confiance à son instinct de survie. Il se sentait de moins en moins bien et la somnolence cédait face à l’inquiétude et la peur. Les murs frétillaient sous le passage de sa torche. Quelque chose le taraudait, quelque chose qui l’inquiétait depuis qu’ils avaient croisé pour la seconde fois le cadavre. Cela ne pouvait être la même chose que la dernière fois, mais … mais … Ah ! Cela le gênait et il ne pouvait pas mettre le doigt dessus.
- On va voir qui est le plus fort maintenant … lui susurra une voix malicieuse à l’oreille.
- Qu’est-ce que tu sais de plus que m… commença à répondre Ryker à voix haute lorsque la corde se tendit et faillit lui faire lâcher son épée.
Il grommela et le sol trembla sous ses pieds. Il perçut une sorte de contact effleurer son esprit, une voix différente et éloignée. Cela ressemblait à celle du jeune éphèbe de devant qui répétait son nom. Il fronça les sourcils. Sentit la corde à nouveau tirer.
- Hé, devant, est-ce que … s’interrompit-il lorsque le son du vent déformé lui parvint.
Ryker se retourna. Il était à quelques pas d’Artémis qu’il distinguait à peine mais au-dessus de la Brume il perçut une silhouette efflanquée et couronnée de bois distordus. La créature, bien plus grande qu’eux, donnait l’impression d’un totem cadavérique décorés d’un massacre de cerf. Ses épaules garnies de mousse craquaient dans le vent et l’odeur putride de décomposition porta le cœur du Patrouilleur au bord de ses lèvres. Sa corde le tira vers Aharon mais il n’attendit pas et tira sur le nœud qu’il avait faire et celui-ci céda en une traction. La créature sembla boîter vers eux mais la voix portée de Keshâ, par télépathie comme il leur avait révélé, vint nouer cette présentation.
- Liechi. répéta le Patrouilleur, sachant que cela allait certainement faire le même écho dans l’esprit d’Artémis.
Le légendaire Liechi de Dainsbourg. Que foutait-il … Non, un autre. Son cœur manqua un battement. Il n’en avait jamais rencontré, ni personne qui ait survécu. Ryker sentit son esprit vaciller mais transforma sa peur et prit racine dans ses années de vie dans la Brume. Il se mit en garde, recula sa torche pour ne pas être ciblé par la chose. Artémis était meilleur combattant que lui et, surtout, il pouvait se régénérer. Le temps qu’il trouve une solution, une solution …
- Les combattants, libérez-vous de la corde ! On est pris à revers ! Aharon, Jeremiah on va … Putain mais c’est quoi cette haie au milieu ? ordonna-t-il alors qu’il revenait vers ses alliés.
Un mur végétal leur barrait le chemin, le labyrinthe avait commencé à se jouer d’eux. Parfait, au moins les jeux étaient déclarés. Avec leur meilleure chance de survie de l’autre côté. Putain de saloperie de bordel de …
- Amir ?! Amir ! Bon sang, coupez cette corde ! On est piégés ! Faut défoncer cette haie, saloperie de Brume … Notre seule chance de survie est dans notre unité, et dans Amir : c’est lui qui sait se repérer le mieux dans cette merde. Et moi, bordel … je vais tenter de trouver une solution … grogna le Patrouilleur avant de revenir en arrière, sa torche en avant.
Il se rapprocha d’Artémis en courant et agita sa torche pour essayer de trouver une idée et de se sentir moins inutile. D’un geste il laissa tomber son sac à dos à terre afin de gagner en mobilité. Le monstre sembla réagir. Ses bras se dénouèrent et ses griffes claquèrent la Brume qui s’enroula autour de lui. La flamme se refléta dans ses yeux brillant de vilénie. Ses mâchoires claquèrent et, avec une vitesse qu’on ne lui soupçonnait pas, il frappa l’endroit où se trouvait Ryker une fraction de seconde plus tôt. La lame du Patrouilleur s’abattit sur son bras mais ne parvint qu’à l’entailler. Il avança de nouveau avec la torche et la créature recula. A nouveau le Patrouilleur sauta en arrière pour éviter une attaque qui l’aurait laissé sous forme de pulpe sanguinolente à terre.
- Je … je gagne du temps ! Ce truc est censé commander la Brume selon les légendes de Dainsbourg. Y’a de grandes chances que ça soit que le début. Artémis ?! Artémis ! Envoie-moi un sac de balles et occupe-le ! Attire son attention. Fais-gaffe : ce truc est intelligent ! cria Ryker avant de sauter en arrière pour esquiver un autre coup qui ne passa pas loin de lui arracher un bras.
Le Patrouilleur reprit son souffle et parvint à reculer. Il aurait du mal à donner longtemps le change à cette créature qui semblait devenir de plus en plus rapide à chaque coup. Il rengaina son épée courte à sa taille et attrapa le sac que lui envoya Artémis et entreprit d’attraper sa dague avant de piétiner et fracasser le petit sac à l’aide du pommeau. Il garda sa torche non loin, puis s’empara du sac qu’il avait tant bien que mal malmené. Si son pouvoir était inutile, au moins il pourrait mettre son expérience au service du petit groupe. Il secoua le petit sac en toile et fut satisfait de voir un peu de poudre noire en sortir.
- Artémis ! Enfonce-lui ça quelque part ! hurla le Patrouilleur, avant de lui remettre le sac dans la main.
Jérémiah ! Peux-tu l’approcher et lui enfoncer la torche ou quoi que ce soit en feu là où Artémis lui aura enfoncé le sac ? Je vais attirer son attention ! commanda le Patrouilleur, même si ne rôle lui était pas échu. L’envoyé du magistère était peut-être le seul à pouvoir résister à un coup direct : Ryker n’était pas fou au point de mettre sa vie en danger inutilement. Il savait que le moindre contact signifierait sa fin. Mais Artémis pouvait se régénérer et Jérémiah était solide, avec certitude.
- Hé, saloperie ! hurla le Patrouilleur, tout en ramassant une pierre à terre qu’il expédia sur le crâne de la créature.
Viens-ici, je vais te donner des nouvelles de Dainsbourg ! Hé, viens là et dis-moi ce que t’es allé foutre là-bas ou si c’était ta femme !Ouais, niveau narguer on avait vu bien mieux. Mais si cette chose était intelligente peut-être que ça la surprendrait assez pour donner à ses camarades une ouverture. Après tout si cette chose était unique et qu'elle était vraiment responsable du chaos de Dainsbourg, le Patrouilleur était tout à fait réceptif à l'idée d'en apprendre plus sur la disparition de ses parents au travers des menaces de la légendaire créature. Ou alors les pierres et les insultes suffiraient. Si Amir avait aussi envie d’intervenir et de surgir des cieux pour les sauver, c’était le moment idéal. Car il ne pensait pas qu'ils feraient le poids et leur chance résidait en leur capacité en rejoindre le caravanier et réussir à rester ensemble. Dès qu'ils se sépareraient, cela signerait leur arrêt de mort.
- HRP:
Ryker essaie d'établir sans succès un dialogue avec sa Nebula puis il entend les avertissements de Kheshâ avant de se rendre compte qu'ils sont piégés. Il se défait de sa corde et dit à tout le monde d'en faire autant.
Il dit à ses camarades qu'il faut rejoindre à tout prix Amir puis leur révèle quelques infos sur le liechi (qu'il est plus dangereux encore qu'il n'y paraît mais rien de bien tangible).
Après avoir vu que la créature réagit au feu, il demande des balles à Artémis pour les écraser dans un sac afin d'en faire un mélange de poudre (à peu près) puis lui demande de l'enfoncer dans le Liechi.
Ensuite, il demande à Jérémiah d'enflammer le sac une fois positionné (avec la torche qu'il lui tend ou autre chose) et se met à lancer des cailloux en insultant le Liechi.