Mer 13 Sep - 21:19
Comme un grain de sable dans le désert
Les dunes comme des vagues, le soleil à l’horizon
Les dunes comme des vagues, le soleil à l’horizon
Ils étaient loins, les bois denses. Loins, les feuilles vertes couvertes de rosées. Le cri des macaos un lointain souvenirs, le goût des mangues sauvages un triste vestige au bout de sa langue. Maintenant il ne restait que la mémoire, des échos tordus de sa naissance qui n’avait pourtant pas quelques mois.
Disparu. Paru. Paria. Lö avançait entre les dunes, un fétu dans le vent.
Le chemin avait été long depuis Aramila. Si elle se retournait assez vite, tournait la tête assez rapidement, elle pouvait presque voir les remparts de la cité-four dans le coin de sa vision, comme un vieux fantôme qui la poursuivait jusqu’au confin du désert. C’est qu’elle était persistante, Aramila. Une vraie guerrière, qui t’attrape, et t’essort. Elle avait vu un jour deux debouts comme elle, des gens qui lui ressemblaient, au bord de la rivière, tremper des gros morceaux de tissu dans l’eau avant de les tordre dans tous les sens. Oui, elle se sentait comme ça, Lö. Peut-être qu’elle aussi était un gros morceau de tissue et qu’elle attendait simplement qu’on vienne la tordre dans tous les sens.
Aramila avait presque réussi. La poussant jusqu’aux confins de sa patience, même si c’était encore dur de comprendre pourquoi elle était restée si longtemps dans la ville, alors que celle-ci n’était rien d’autre qu’une étuve étouffante. Partout, elle captait des émotions en pagaille, grosses comme elle, lourdes, grasses, de la joie extatique, de la crainte, de l’amour, de la haine… Elles venaient s’entasser sur ses petites épaules déjà pas bien épaisses, et bientôt l’hespéride s’était réfugiée dans les bas quartiers pour respirer un peu. Là, l'espoire était petit, discret. Pas beaucoup d’émotions à vivre, la vie y a été plus douce. Mais sa jungle lui manquait. Elle n’était pas à sa place. Elle voulait les arbres qui touchent le ciel, les feuilles plus grandes qu’elle, les fruits à chaque branche, la vie.
Sa fuite avait été spontanée, sauvage. Rien emporter à part de l’eau, quelques vivres. Chasser.
Puis le sable. Rien que le sable. Son visage était à moitié cachée par la grande cape de jute qu’elle portrait à bout de bras, à moitié maintenue par des liens mal noués - en quatre mois sur cette terre, elle n’avait pas encore appris à faire ses lacets correctement. Ni à avoir un goût vestimentaire avancé. Le vent soulevait parfois le tissu pour révéler une chemise d’homme bien trop grande pour elle, qui flottait aussi dans le vent, laissant parfois saillir le contour d’une hanche osseuse ou d’une épaule dégarnie.
Elle n’avait plus d’eau depuis bientôt une journée; Et les émotions lointaines de son coeur lui soufflait que comme le jaguar tue sans réfléchir, elle pourrait bien tuer pour de l’eau.
Les dunes comme des vagues, le soleil à l’horizon… Puis il y eut… Quelque chose. Un bout de blanc qui court au loin. Puis un rien de vert. Puis c’est tout le désert qui avait pris vie, dans une explosion de couleurs. Avec plus de temps, elle apprendrait qu’il s’agissait d’une oasis marchande, un relais dont se servaient les caravaniers et les courageux habitants des dunes pour vivre plus paisiblement. Pais pour elle, c’était une épiphanie. Grisée par les émotions qui lui parvenaient par vagues nerveuses, la soif qui lui tournait la tête, elle hâta le pas pour parvenir à ce mirage. Dés qu’elle le pu, elle plongea la tête la première dans l’abreuvoir des bêtes pour y boire tout ce qu’elle pu - après tout, si elles le pouvaient, pourquoi pas elle?
Le lieu… Partout, des debouts. Des grands, des petits. Ils ne ressentaient pas tous de la même façon: un petit groupe plus loin semblait la craindre et elle ressentit leur peur, qui crispa son ventre plein d’eau en lui faisant faire des bruits de grenouille. Là bas, une debout était inondée de joie devant un grand debout aux cheveux hirsutes. La fatigue. L’épuisement. L’excitation. Lö perçoit. Elle perçoit tout. Et ça lui fait mal au crâne.
Plus loin… Elle voulait voir les fleurs, les buissons qui ressemblaient plus à de gros cactus aux branches tressées. Là, c’était plus doux. En s’asseyant entre les plans, elle regarde les alentours, et qu’on arrive à nouveau dans de petites maisons montées sur de grands cercles qui tournent. En tendant l’oreille, elle entend des mots. Aravane? On en descend. On y monte. On part… On part! Partir! Se hissant sur ses jambes, elle tituba un instant avant de se glisser hors de la vue du petit groupe qui se formait déjà autour d’un nouvel arrivage. Ils se parlaient, parlaient forts. Et pendant qu’ils parlaient, elle se faufile derrière le convoi pour observer les petites roulottes. Grands… Vaste. Oui, il y avait assez de place pour elle! Elle pourra partir. Loin, dans le vert. Le vert.
Lö escalada comme elle le pu, se laissant tomber dans la caravane, avec au loin les échos tordus de sa naissance, la forêt. Aravane pourrait l’y emmener, c’est sûr.
Dernière édition par Lö le Ven 15 Sep - 12:07, édité 1 fois