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La cale pour les rats ! [Liana]

La cale pour les rats ! [Liana] Brandw10
Mar 15 Aoû - 22:27
Horace vint passer une main fatiguée sur sa mine à découverte. Le jeune homme avait ôté son masque à son entrée dans ce bar lugubre aux lumières grésillantes. La lumière jaunâtre projetait des ombres plus inquiétantes encore que les faces patibulaires qu’elle éclairait. Dans ce repaire bien connu des sans honneurs, l’on pouvait y débusquer de toute profession, et rien n’était introuvable dans ce coin. Il y avait perpétuellement un type pour surgir et proposer de la marchandise douteuse à un prix défiant toutes concurrences. Bien souvent ce que contenaient ses fioles était un ticket vers un état comateux et une perte d’organe rapide que le malicieux vendeur allait se faire un plaisir de prélever pour revendre ailleurs. Ainsi était impitoyable le monde des bas quartiers.

Horace plissa les yeux un instant, balayant du regard la salle comble. Les effluves d’alcool et de régurgitation, mélangée à la sueur, vinrent assaillir ses narines. Habitué, l’expérience gagnée par de nombreux voyages à bord d’un zeppelin et la fameuse étape des deux semaines, lui permit de restée stoïque face au doux parfum des malandrins. Le fils Dolls donna un coup de menton en direction du tavernier occupé à nettoyer des chopes plus vieilles que lui à l’aide d’un chiffon qui n’avait plus grand-chose de blanc. Horace n’avait pas pénétré dans « Le goujon crevé » en soliste. Deux de ses camarades avaient vissé leurs bottes à côté de lui, scrutant eux aussi l’assemble. L’un d’eux se nommait Yan, pas très pirate. Pourtant, le gaillard n’avait que le nom qui ne collait pas à la profession, c’était un vrai boucher dénué de toute pitié. Nombre de fois le vicieux s’était amusé à massacre un pauvre marchand durant un abordage, un hymne à la barbarie, un autel dressé à la gloire du sanguinolent et du macabre. Sa gueule d’ange et son nez fin cachaient la noirceur de son âme. Le dernier membre du binôme accompagnant Horace portait le superbe prénom Ysold, une brune au dos plus large qu’une armoire. Couverte de la tête aux pieds de tatouages tribaux, sa langue chevelure nouée en une tresse épaisse révélant l’absence d’une oreille découpée durant une escarmouche musclée, la demoiselle pianotait sur le manche d’une épaisse masse cloutée. Femme dans un monde d’homme, elle avait dû prouver bien plus que ses congénères masculins, faisant preuve d'un zèle forcé pour gagner le respect.

« Ils sont où, l'chasseur de corbeau ?
-Aucune idée. Faut dire qu’ici tout l’monde s’ressemble. Que des sales tronches, les nôtres s’fondent parfaitement dans l’décor.
-Tiens, avise. »


Une main au bout d’un bras s’éleva de la foule, révélant alors la position du reste de la troupaille. Assis autour d’une table sur des chaises dépareillées, quatre gus plantaient leurs iris sur le trio. Larry agita son bras, invitant le reste à les rejoindre, désignant des sièges vides.

« R’m’nez vous ici ! »

Comme une seule âme, le trio se mit en route. Horace avait l’allure d’un épouvantail, l’impression renforcée par son long manteau sombre filant plus bas que ses genoux. Le pirate dut jouer des coudes pour frayer un chemin, provoquant quelques grognements d’ivrognes édenté. Horace prenait soin de ne pas bousculer trop virulent ou trop costaud, et bien évidemment rien de trop dangereux. Dans ces fourmilières de bandit, il valait mieux ne pas s’attirer les foudres de plus fort que soit, ou de plus déterminé. Nul besoin de préciser que ce genre d’histoire ne se réglait pas à l’aube sur la colline dans un duel chevaleresque. Loin de là. Ici, c’était la mode de l’égorgement tandis que la victime pissait un coup.

Le fils Dolls prit place parmi ses camarades, non sans souffler un râle plaintif d’une douleur imaginaire. Une sorte de coutume chez les hommes ayant franchis la vingtaine. Immédiatement, alors que son gosier demeurait sec, les questions se mirent à grêler.

« Alors ?! Pour combien on en a eu ?
-Ils nous ont tout ach’tés ?
-Vous avez négocié ? »


Horace leva ses deux mains, comme pour intimer à tout le monde de se calmer. Avec l’une de ses pognes, il s’empara d’un des gobelets à demi plein pour s’en verser le contenue à l’intérieur du bec. Après avoir un avalé, un index toujours suspendu pour intimer la patience, il claqua le cul du verre sur la table couverte de tache de cervoise sèche.

« J’vous la fait en éclair… on s’est fait baisé. L’gars a fait la mijaurée, scandant qu’c’tait abimé, exigeant un rabais sur la plupart.
-l’fils d’pute.
-Ouais. On a beau lui avoir expliqué qu’on était d’ja bien moins cher, c’te salopard n'rien voulu entendre.
-Et l’cap’taine a dit quoi ? »


Horace resta muet, haussant les sourcils avec un air blasé. Les épaules lever un instant, il balaya l’air avec sa main d’une façon aussi nonchalante que méprisante. Sa voix grésillant légèrement, la faute à une toux récurrente.

« Rien. Il s’est aplati comme l’sans couilles qu’il est. C’fait longtemps qu’il les a oubliées dans les poches d’un autre falzar.
-C’peut plus durer, on se saigne sang et eau pour s’faire plumer ! »


Les plaintes et les reproches grondèrent, les marins étant agacés de cette situation qui traînait un peu trop à leur goût. Dolls ne fut pas en reste concernant les noms d’oiseaux. L’abordage avait été coûteux en énergie et diaboliquement périlleux. Quelques-uns des plus anciens de l’équipage avaient réalisé un baptême de l’air, allant s’écraser des centaines de mètres plus bas. Plus d’une fois, le gredin avait manqué lui aussi de passer par-dessus bord, ne se rattrapant que de justesse. Après une bonne minute à pester, Horace gratta l’arrière de son crâne, tout en s’avachant plus encore sur sa chaise.

« Pour rentrer dans nos frais, faudrait qu’on se fasse un ou deux extras. Qu’ça reste entre nous pour éviter de partager. Des pistes messieurs dames ? »

L'une des dames, si on peut appeler ça une dame, autour de la table prit la parole. Il s'agissait d'Irina. Autant humaine qu'améliorée, la demoiselle avait cédé plus que son humanité pour survivre a un terrible accident mettant en cause les pales d'un rotor. Autant humaine qu'améliorée, la demoiselle avait cédé plus que son humanité pour survivre a un terrible accident mettant en cause les pales d'un rotor. Seul un passage et une infinité de dettes contractés par ses parents pour chasser la poigne glaciale de la faucheuse.

" J'ai fait courir le bruit que nous embarquions demain matin. J'ai dit aux gamins, en plus d'leur filer des trébuchantes, de dires aux potentiels intéressés de se ramener ce soir pour en discuter. J'espère voir débarquer un ou deux marchands souhaitant faire passer de la marchandise à l'œil, ou bien une ou deux familles souhaitant quitter ce coin pourri.
-Tu as d'ja des noms ?
-J'sais qu'les Monroe veulent envoyer l'un d'leur fils loin d'ici à cause d'une mise à prix d'sa tête par un des gangs. Une histoire de jupon encore.
-Mouais, ç'nous f'ras d'quoi arrondis nos fin d'mois.
-T'sais qu'on risque gros en doublant l'cap ?
-J'sais. C'quoi not description pour être sûr qu'on nous r'trouve ?
-J'vais dit rendez vous au g'jon crevé passé la tombée d'soleil. Qu'on s'rait r'connaissable à cause d'nos foulards rouges autour d'cou."


Comme pour appuyer ses propos, elle vint pincer la pièce de tissus pourpre que tous arboraient, un signe de ralliement imposé par leur contremaître, tradition que détestait le fils Dolls, qu'il comparait à porter une cible sur le torse.

"Espérons qu'ça ne tarde pas trop, j'ai soif."

Râlait déjà Ysold.
Lun 21 Aoû - 20:29
Que faisait-elle là ? Pourquoi avait-elle suivi cet homme jusque dans cette taverne visiblement mal famée ? Il lui avait fourni une cape élimée pour cacher son apparence trahissant trop facilement le milieu dans lequel elle avait l'habitude d'évoluer. Devant sa réticence, il avait déclaré qu'elle ne s'en sortirait pas en laissant voir son noble statut social. Et n'avait pas voulu lui en dire plus. Il avait également tenté de lui apprendre à parler d'une manière moins recherchée... Avec plus ou moins de succès. Ce faisant, ils avaient fait connaissance. Lui aussi voulait fuir. Mais s'il avait pu choisir, il serait resté aux côtés de sa famille. Apparemment, il fuyait un gang... Concept totalement étranger à Liana. Elle, c'était son père qu'elle fuyait. Mais entre fuyards, on pouvait se comprendre.

Il l'avait donc entraînée à sa suite, indiquant qu'il avait rendez-vous avec un groupe qui pourrait les aider à partir loin d'ici et anonymement. Dubitative, Liana n'avait cependant pas pu résister à l'appel de l'aventure. Et si elle devait ne pas s'en sortir indemne, au moins, elle aurait vu quelque chose de nouveau.

Dès qu'ils arrivèrent au lieu dit, alors que Liana en était encore à se retenir de vomir à cause de l'odeur d'alcool omniprésente, son complice, visiblement nullement incommodé, avait déjà fait quelques pas. Lorsqu'il réalisa qu'elle ne suivait pas, il vint lui prendre le bras d'un geste impérieux, lui glissant au passage :

- Si vous hésitez, vous serez suspecte.

Elle hocha la tête. Et lorsqu'ils atteignirent ce qui semblait être leur destination, face à un groupe d'êtres tous inspirant moins confiance les uns que les autres, elle le laissa parler, se présentant comme celui qui leur avait parlé plus tôt dans la journée. Liana se faisait discrète derrière lui, mais si l'un de ces... Malfrats, sans doute, posait des questions, elle serait présentée comme une amie qui avait voulu le suivre dans son escapade, mais qui, n'ayant pas l'hbitude des voyages, ne parlerait probablement qu'à ceux qu'elle connaissait, autrement dit, lui. Elle se doutait qu'avec cette histoire, il voulait la protéger en limitant au maximum ses possibles interactions avec les cols rouges. Mais elle se connaissait également et savait très bien qu'à un moment où à un autre, elle serait incapable de tenir sa langue plus longtemps.

- Vous pouvez nous prendre tous les deux ? Je double le prix, évidemment.

Bon. Son complice avait décidé. À présent, il n'y avait plus de retour en arrière possible... On jouerait les jeunes filles timides en continuant à faire profil bas aussi longtemps que possible. Après cela... Le sort en serait jeté.
Mer 23 Aoû - 13:45
La troupe pivota à l'unisson en direction des nouveaux arrivants. Si l'fiston Monroe fut reconnu rapidement, ce ne fut pas le cas de son accompagnatrice. Immédiatement, les regards se posèrent sur le duo, les yeux de pirates méfiants dévisageant les deux sans la moindre finesse ou discrétion. Horace, qui menait son rôle d'observateur à merveille ne s'empêcha pas de terminer de déguster cette superbe bière. Gout raffiné, gourmand. Bien évidemment, sa dégustation n'était en rien biaisé par le long voyage précédent l’ayant privé d'alcool. Il essuya la mousse coincée sous son nez d'un revers de manche avant de débuter un interrogatoire... Poussé.

En effet, les pièces étaient rares dans le coin, alors quand le fugitif évoqua l'idée de doubler le prix sans même tenter de négocier, les marins des cieux devinrent soudainement bien plus curieux qu'à leurs habitudes. Horace passa une de ses pognes dans sa chevelure avant d'alpaguer le binôme. Entre les rires et la mélodie entrainante, l'épouvantail longiligne prit bien gard à n'etre entendu que des auditeurs les plus proches.

« Doubler l'prix.. Dis donc, fiston, tu as touché le Jackpot récemment ? C'qui ta copine ? Tu viens d'où gamine ? Quel quartier ? »

Embarqué des fugitifs, c'était toujours risqué, bien plus que l'activité de contrebande. Faire passer deux trois caisses volées, vous pouviez vous en sortir avec une tape sur les doigts en connaissant les bonnes personnes... Mais des humains potentiellement recherché ou important, c'était une tout autre paire de manches, le tarif évoluant. La récompense devant forcément supplanter les risques, une loi incontournable de la pirateries que tous respectaient scrupuleusement. Combien de capitaine de frégate avaient connu une fin stupide pour n'avoir pas fait preuve de prudence. Erreur fatale qui se conjuguait avec un balancement lancinant au bout d'une corde, devant une foule se réjouissant d'un peu de divertissement. Le fils Dolls aspirait à un tout autre dénouement.

« Si jamais on d'vait vous prend' t'les deux, c'qui est fort probable, ce s'ra pas sans un supplément. Les chang'ment de dernières minutes ont un coût. Faut prévoir plus d'bouffes, de places, des papelards supplémentaires, j'te passe les détails. »

Du vrai baratin d'escroc. En vérité, cela ne représentait aucune charge de boulot supplémentaire, mais s'étonner de la cupidité d'un pirate revenait à être surpris d'être mouillé sous la pluie. Ce grossier mensonge n'était qu'une façon polie de dire « J'vais m'faire du pognon sur ton dos car je sais qu'tu n'as pas l'choix. ». L'urgence forçait a être moins regardant sur ses économies. L'un des gaillards a la table avait machinalement dégainer un revolver recouvert de dorure représentant des sirènes participant a des orgies écœurantes. Le bougre restait alterne, le danger pouvant subvenir à tout instant. Peut-être la gamine était un piège. Peut-être pas.

Horace vint, en attendant des réponses claires, piocher dans l'une des poches intérieur de son menton, pour dégainer de quoi cloper. Un cigare fut l'heureux elu, terminant sa course dans le bec du blondin qui l'avait déjà allumé, rapide comme l'éclair, son regard ne se délogeant jamais du fils Monroe, ou Liana.
Dim 27 Aoû - 14:32
L'interrogatoire ne tarda pas à avoir lieu. Elle n'eut pas beaucoup à se forcer pour avoir l'air paniquée lorsqu'elle posa le regard sur le responsable de tout cela. Elle commençait à le soupçonner de simplement avoir voulu quelqu'un pour l'accompagner et lui donner du courage.. Mais à présent, elle ne pouvait de toutes façons plus faire marche arrière. Elle s'était engagée dans cette histoire, elle devait donc l'accompagner... Quoi qu'il en coûte. Oui, elle commençait à regretter. Surtout quand l'homme en face se mit à les enfumer... Mais quelle horreur, tout cela !

- En quoi ça vous intéresse ? J'ai deux options, pas plus : vous nous prenez tous les deux, ou aucun de nous. Point. On pourra discuter des détails plus tard.

Elle ouvrit de grands yeux. Elle ne le pensait pas capable de faire preuve d'autant d'autorité... Cependant, cela serait-il suffisant face à de tels êtres ? Rien n'était moins sûr...

Puis ils vinrent parler d'argent. Ah, tiens ? Finalement, cela avait fonctionné ? Ou voulaient-ils déjà les prendre depuis le départ ? Dans tous les cas, ça monnayait...

- Je... Hum, vous voulez combien ?

Tiens tiens... En voilà un qui ne semblait plus aussi assuré que quelques minutes plus tôt... Avait-il bluffé au moment de déclarer qu'il pourrait doubler le prix ? Peut-être avait-il ainsi espéré pouvoir la faire passer sans difficulté ? Alors, prenant une inspiration comme pour se donner du courage, mais essayant en réalité de surmonter son dégoût, elle s'avança et prononça, tentant de moduler son ton pour le rendre hésitant :

- Hum, je... Je peux payer ma place.

Après tout, des truands dans leur genre ne devaient pas demander un pric trop élevé, non ? Ils n'avaient pas la même notion qu'elle de ce qui était cher ou non. Selon elle, ce qui était cher pour eux ne l'était pas le moins du monde pour elle. Mais quelque chose lui disait qu'elle saurait très vite la réalité à ce sujet.