Dim 30 Juil - 10:21
Rencontre au sommet
L'attentat, Ekiel ne se le rappelait que trop. Cela lui avait valu une longue hospitalisation, une greffe de membre et une convalescence loin de Xandrie. Cependant, il avait mis un point d'honneur à se tenir informer de ce qui se passait dans sa faction d'adoption, tentant de mener les affaires d'État au mieux malgré la distance. Tout n'était pas simple, mais il ne pouvait délaisser la charge qui lui incombait. Il ne remercierait jamais assez la famille Oystein de lui avoir permis de résider chez eux pendant sa convalescence. Convalescence qui était loin d'être terminée. Ce qui s'était passé les avait marqués au plus profond d'eux, tant Prune que son père, qui avait failli perdre son unique enfant. L'homme devait beaucoup à Ekiel, il le savait, mais pour le Strigoi, protéger la jeune femme avait été une évidence. Elle n'avait pas à payer de sa vie à cause d'un fou.
Presque remis de ses blessures, Ekiel Reyes avait fait jouer ses relations à Espitopoli afin d'obtenir une entrevue avec le grand Sapiarque, Elias van Beck. La chose n'avait pas été aisée, car l'homme était comme qui dirait intouchable. Il se situait au Pôle, siège de l'état et laboratoire de recherche, cœur d'Episopoli. C'est ici même que se trouvaient les personnes aux capacités sans égales. D'après ce que le ministre avait appris, les étages les plus hauts étaient réservés aux Sapiarques, au grand Sapiarque et au Régent. Le bâtiment était une vraie forteresse, gardée par des hommes armés jusqu'aux dents et par des robots. Et s'était sans compter sur les systèmes de surveillance les plus perfectionnés. Pour parvenir jusqu'à Elias, Ekiel avait reçu plusieurs laissez-passer qui lui permettrait de gravir la tour. Car il fallait montrer patte blanche pour avoir ne serait-ce qu'une infime chance de rencontrer le Grand Sapiarque. Être ministre des Affaires étrangères de Xandrie avait grandement aidé, ne nous voilons pas la face. La missive officielle envoyée avait suffisamment suscité l'intérêt d'Elias pour qu'il accepte de rencontrer le ministre.
Le jour et l'heure du rendez-vous avait été transmis à Ekiel quelques jours plus tôt. Le Strigoi jouait gros, il le savait. Il pouvait tout perdre, son poste, son statut, mais peu lui importait, c'était un risque à courir. Il faisait cela pour le peuple de Xandrie et pour le libérer de l'emprise d'Opale. Cette oppression n'avait que trop durée, il était temps d'agir. Il fallait aussi qu'il s'assure un avenir si jamais le vent venait à tourner défavorablement.
« Assure tes arrières fils, car on ne sait jamais de quoi demain sera fait. »
Cette phrase, son père adoptif lui avait répété mainte fois et il l'avait toujours mis en pratique. Alors investir dans l'énergie cristalline était une chose évidente pour lui, parce que tôt ou tard les filons des mines de Myste tariraient.
*****
Le grand jour était arrivé et le Ministre s'était préparé avec soin. Il arborait une tenue noire et élégante, confectionnée sur mesure par un des tailleurs les plus réputés de Xandrie. Il avait cependant rencontré quelques difficultés à s'habiller, ne maîtrisant pas encore en intégralité tout le potentiel de sa prothèse. Ses doigts étaient encore raides et ne rien sentir l' handicapait. Le temps ferait son œuvre et Ekiel finirait par s'y faire. Tenir un stylo pour une simple signature au bas d'une page, lui demandait une concentration plus importante qu'il ne l'aurait cru. Mais la chose qui le fascinait le plus, était la force dont il était à présent dotée. Afin de maîtriser sa prothèse, Ekiel bénéficiait de séances spécifiques dû à cet effet, mais il était loin d'avoir terminé. Après tout, cela ne faisait que trois semaines qu'il était sorti de l'hôpital. Beaucoup trop tôt au goût des médecins.
Une fois prêt, il s'était rendu sur le perron du manoir où une voiture l'attendait. Le chauffeur lui ouvrait la porte et Ekiel s'engouffrait à l'intérieur du véhicule. Il était serein comme toujours et n'appréhendait nullement cette entrevue. La voiture filait à vive allure dans les larges artères d'Espitopoli. Lorsqu'il passait devant le bâtiment dans lequel avait eu lieu la réception, Ekiel ne put réprimer un mouvement, portant la main droite sur son bras gauche, comme il l'avait fait le jour de l'attentat, afin de juger de son état. Il revoyait la scène, encore et encore, se demandant comment Prune n'avait pas été blessée ? Cela tenait du miracle.
Voici que se dressait à l'horizon l'imposant complexe du Pôle, à l'architecture futuriste. En comparaison, le Magistère paraissait insignifiant. Très vite, le véhicule arrivait à destination. Sitôt descendu, un petit groupe trois de personnes s'avançait vers lui, deux gardes armés et une personne destinée à accueillir les invités.
« Monsieur le Ministre, soyez le bienvenu. Si vous voulez bien me suivre, je vais vous conduire jusqu'au grand Sapiarque. »
Ah parce qu'en plus, il devait être assisté de trois baby-sitters ! Il emboîtait donc le pas à l'individu tandis que les hommes d'armes fermaient la marche. Il y eut une succession de hall, d'escalier et fouilles, avant qu'ils ne finissent par arriver devant un premier ascenseur.
« Votre badge, je vous prie. Scannez-le ici. »
L'homme indiquait un boitier et Ekiel scannait la carte ce qui permit l'ouverture des portes de l'ascenseur. Ils y pénétraient et furent conduits au treizième étage, avant de prendre un second ascenseur qui les conduisit au vingtième, un troisième qui les menait au soixantième, puis un quatrième qui finalement les amenait à destination. Tout ça s'était sans compter sur tous les points de contrôle robotisés ou militarisé où vous étiez fouillé de la tête au pied afin d'éviter d'une éventuelle arme puisse être introduite dans les hautes sphères. Il cheminait donc encore une bonne dizaine de minutes dans les couloirs du Pôle lorsque l'accompagnant s'arrêtait devant une porte. Il scannait son badge, la porte métallique s'ouvrait et l'individu invitait Ekiel à entrer.
« Le grand Sapiarque vous attend. Ce fut un plaisir, Monsieur le ministre. »
Ekiel les remerciait et pénétrait dans ce qui ressemblait à une antichambre. Une autre porte s'ouvrait et le ministre avançait de son pas léger. L'appartement était luxueux et dominait toute la cité. Elias van Beck se tenait là, devant les hautes fenêtres, contemplant la ville.
Codage par Libella sur Graphiorum