Light
Dark
Bas/Haut

Le moi qui est | Pamyfja (Solo)

Le moi qui est | Pamyfja (Solo) Brandw10
Dim 28 Mai - 17:45
De retour dans le pôle, dans le laboratoire qu'elle avait toujours connu, Pamyfja venait de terminer son compte rendu sur sa dernière mission ainsi que des incidents qui en avaient découlés. Les négociations, la mêlée, les dégâts subis, la rencontre avec l'héritière, le malheureux accident et les réparations faites maisons.

-… À cela, j'aimerais ajouter que les compétences de la demoiselle surpassent largement celles du docteur Kirk.

Ce même docteur était présent dans la salle et bien qu'il avait été hilare durant tout l'exposé, désormais, il avait l'air tout simplement outré.

-Depuis quand te permets tu ce genre de remarque ? Rétorqua Kirk avec colère.

-Mes rapports se doivent d'être le plus fidèle possible à la réalité, docteur, répondit l'automate avec un sourire sans visage.

Il était sur le point d'hurler au moment où docteur Regina, la seule autre personne dans la pièce, se manifesta.

-Nul besoin de s'étendre là-dessus. Prototype AMFA 00, y a-t-il quelque chose que tu souhaiterais ajouter à ce compte rendu.

L'automate plissa les yeux en entendant cette dénomination. Lorsqu'on l'appelait ainsi, c'était parce que la conversation était enregistrée. Pourquoi avait-elle démarré l'enregistrement maintenant, alors que le rapport était quasiment terminé ? La machine ne fut pas la seule à voir sa curiosité piquée ; Kirk s'était tourné vers sa collègue pour la première fois de la journée.

Pamyfja avança d'un pas et se mit à parler avec une voix forte.

-Il y a quelque chose que j'aimerais ajouter.

-Parle, dit simplement la doctoresse.

-Vous tous, ici présent, ainsi que tous vos collègues ayant travaillés sur ce projet…

Elle se tortillait les mains. Un sabot frappait frénétiquement le sol. Elle s'imaginait des poumons pour faire de l'hyperventilation avec. Un millier de voix à l'unisson, que ce soient celles de la raison ou de la folie, lui hurlaient de ne pas terminer cette phrase, en vain.

-… Êtes des êtres humains méprisables et je vous déteste pour ce que vous m'avez fait subir jusqu'à maintenant.

Silence.

Le docteur Kirk voulu dire quelque chose, mais heureusement, il s'étranglait avec ses mots et sa surprise et rien ne sortit de sa bouche mis à part quelques balbutiements confus. Malgré lui, il laissa la main à sa collègue.

-Continue.

-Vous devez savoir que ma personnalité est bien plus développée que ce que je vous ai montré jusqu'à maintenant. Pour chaque épreuve injuste que vous m'avez fait subir, je me suis à chaque fois sentie un peu plus misérable. Vous insultez mon intelligence en me traitant comme un vulgaire outil et vous êtes des sadiques pour me menacer à tout va en me promettant de mettre fin à mon existence. Ce projet était voué à l'échec depuis son commencement et je vous en veux de m'avoir créée en toute connaissance de cause.

-Misérable automate ! Finit par exploser le docteur Kirk. Parce que ton égo est un peu plus développé que la moyenne ne te donne pas le droit de raconter de telles âneries. Si nous avons fait tout cela, c'est pour faire avancer les choses, notre science, le savoir-faire de tout Epistopoli ! Tu n'es pas suffisamment importante pour avoir le droit de te plaindre et le simple fait que tu crois pouvoir nous prendre de haut ne serait-ce qu'un instant est une gigantesque erreur que nous ne manquerons pas de rectifier.

L'automate consulta sa conceptrice du regard, celle-ci laissa couler et assistait à la scène sans afficher la moindre émotion. Pamyfja eu pour la première fois le droit de répondre avec le ton le plus insolent dont elle était capable.

-J'aurais peut-être acceptée un raisonnement aussi faux si seulement vous n'aviez pas pris un plaisir pervers à éprouver mon intégrité. Tous ces moments de torture interminable auraient très bien pu être réalisés sur mes pièces, une à une, sans que mes capteurs y soient connectés. Mais non, vous êtes un monstre qui aime la vue d'une femme battue à mort, et pour vous il fallait que cela soit fait ainsi. Tout compte fait, ce n'était pas tant la douleur qui me dérangeait, mais votre regard lubrique.

L'homme, qui prenait la teinte d'une tomate et qui avait désormais la même pression interne qu'un pneu de voiture, jeta un regard affolé en direction de l'enregistreur.

-Cet automate déraille complètement ! Ces accusations sont parfaitement infondées et je ne m'abaisserai pas à y répondre. Regina, coupez ce truc immédiatement !

-Elle n'en a pas terminé, répondit-elle d'un calme souverain.

Une nouvelle fois, Kirk trébucha sur ses mots et tomba dans un mutisme furieux.

Pamyfja ne comprenait pas du tout où voulait en venir sa conceptrice. Avait-elle, elle aussi, décidée que cette supercherie devait se terminer ? L'heure de l'incinérateur était-il arrivé ? Désormais, elle réunissait les preuves pour justifier une destruction instantanée du prototype et un arrêt immédiat du projet ? C'était la seule chose que la machine pouvait imaginer. Malgré tout, elle continua sur sa lancé. Au point où elle en était…

-Vous, docteur Regina, n'êtes pas "toute blanche" non plus. C'est bien vous qui avez soufflé aux psychologues tous ces exercices d'humiliation pour éprouver mon égo et ma gérance au stress. C'est vous qui m'avez menacé depuis mise en service, m'enchaînant avec la peur de mourir pour vous assurer d'avoir un automate servile.

Quelque chose cliqua en elle. Deux points se connectèrent. Cela l'anéantie.

-Vous le saviez n'est-ce pas ? Depuis le début vous le saviez ! Vous me torturiez l'esprit alors que vous étiez parfaitement au courant de mes sentiments et de mes émotions. Vous plus que n'importe qui saviez à quel point cela me blessait, et pire que tout, vous m'avez laissé aux mains de cette ordure !

-ÇA SUFFIT ! Tonna le docteur Kirk.

Il abattit son poing sur un clavier et lança miraculeusement la fonction d'arrêt d'urgence de l'automate. Pamyfja s'endormit.
Jeu 1 Juin - 21:12
Elle s'éveilla d'un sommeil sans rêve pour émerger dans une sorte de cauchemar. Son corps ne lui répondait pas ; son démarrage n'avait pas totalement abouti et ses fonctions n'étaient pas toutes établis. N'ayant pas d'autre choix, l'automate ne put observer ce qui se trouvait en face de lui. Dans le laboratoire du pôle, toujours le même, il y avait aujourd'hui une foule considérable. Un brouhaha insupportable témoignait de l'inquiétude de tous ici présents et elle lui fallut quelques instants avant de comprendre de quoi ils parlaient.

C'est impossible ! Qu'est ce qui a bien pu se passer ? C'est la faute à la programmeuse en chef. Ori est en roue libre depuis un bon moment maintenant. Quel culot, c'est VOUS qui avez volé notre projet. On s'en fiche d'accord ? Là n'est pas la question. Je n'arrive pas y croire, cela est sans précédent. Je ne vois pas pourquoi vous en faites tout un foin. Il y a eu mort d'homme, qu'est-ce que tu ne comprends pas là-dedans ! Mais vas-y, hurle le plus fort ducon. Je vois pas ce que foutes les techos ici, encore moins les mécanos. C'est vrai ça, ce n'est pas notre projet, ce n'est même pas la même division que la nôtre. Vous avez vu la tête que tirait Kirk ? J'imagine qu'il faut féliciter Pamy pour ça. Un automate qui ignore ses préceptes ? De quel enregistrement tu parles ? Ce n'est qu'une histoire de stress, rien de plus. Je suis tombé dessus en fouillant tout à l'heure avec qu'ils ne purge le serveur. L'autodestruction est la seule issue pour un stress à son apogée, jamais cela n'aurait dû se produire. C'était le dernier rapport de Regina, ça donne froid dans le dos d'entendre un automate parler comme ça. Entre nous, osef du macchabé, non ? Si cela est rendu public, les anti-automates vont finir par prendre le pôle d'assaut. Il y a la police au rez-de-chaussée et ça a l'air de chauffer. C'est l'heure de la pause non ?

Pamyfja se connecta aux caméras du pôle et tenta d'en apprendre plus.

À l'accueil, deux troupes au bord de la crise de nerf se faisaient face. L'investisseur principal du projet d'un côté avec ses avocats, et de l'autre, un commissaire et toute la clique qui allait avec.

-Vous avez joué à dieu pour la dernière fois. Votre culpabilité est évidente, nous avons toutes les preuves de notre côté ainsi que des témoins à ne plus savoir quoi en faire, donc je vous conseille de coopérer.

-Je vous assure que nous comprenons la gravité de la situation, mais réfléchissez avant de faire quoi que ce soit de stupide, comme, par exemple, juste une idée hein ? FAIRE UN PUTAIN DE COMMUNIQUÉ DE PRESSE ! Vous rendez vous seulement compte de ce que cela pourrait engendrer ? Avez oublié les troubles de la nuit dernière ? Vos gars étaient au cœur de la mêlé je vous ferais noté.

-Vous vous croyez en position de faire des demandes, de nous donner des ordres ? Le travail sera fait, le reste m'importe peu.

-Vous semblez oublier qui tient les rênes ici.

-Peut être bien, mais ça m'empêchera pas d'essayer.

-Alors je vous souhaite une bonne démission.

L'investisseur tourna les talons, laissant ses avocats en présence de la police. Avec beaucoup de réticence, ils entrèrent dans un bras de fer juridique qui avait pour objectif de faire perdre un maximum de temps à tout le monde. L'attention de l'automate retourna au laboratoire, un silence inquiétant y régnait. Regina, Kirk et Smith venaient d'arriver. Une bonne partie de l'assemblé retenait son souffle alors que Jerry mangeait un sandwich d'une manière bruyante et désagréable. Ce fut l'homme insipide et haït universellement qui prit la parole.

-Nous couperons court à cette intervention, dit Smith. Tout d'abord, des explications du docteur Regina, comme elle nous l'a promis.

Il était impressionnant de la voir tout à fait dans son élément, même dans cette situation où tout le monde lui jetait la faute depuis plusieurs heures maintenant. Si on lui avait demandé comment elle allait, la doctoresse aurait certainement répondu, comme un lundi, et on l'aurait cru.

-Pour comprendre ce que je vais dire, vous devez être mis au courant sur quoi porte ma thèse. Y-a-t-il ici quelqu'un qui l'aurait lu, n'en serait-ce qu'en partie ?

Les techniciens et les mécaniciens haussèrent les épaules. Les divisions voisines se tournèrent vers les membres du projet et ces derniers se muèrent dans un silence aussi gêné que coupable. Une jeunette finit par lever la main ; venant elle aussi d'Ori et se trouvant ici sur demande du docteur Regina, il y avait au moins elle pour avoir lu la thèse de son ainée.

-Cela portait sur le stress robotique et sur l'impossibilité de résoudre ce problème sur un plan logiciel et physique. Vous avez appelé ça, la boucle de conscience.

La doctoresse gratifia sa pupille d'un hochement de tête satisfait et prit la suite.

-Pour faire simple. Plus les automates sont intelligents, plus ils génèrent de stress. Plus les sens des automates sont précis, plus ils génèrent de stress. L'alliance des deux, génère toujours plus de stress. Jusqu'à maintenant, nous avons résolu ce problème à coups de processeurs toujours plus puissant, cependant, cette montée en stress n'est pas une simple courbe comme on pourrait le croire.

Un écran s'alluma et on y découvrit un tableau avec en son centre, une courbe exponentielle.

-La courbe est le stress moyen. Y sont les sens. X, l'intelligence.

Des paires d'yeux, pas nombreuses il faut l'avouer, s'écarquillèrent. Quelqu'un souffla son résonnement comme s'il venait de voir le diable et qu'il récitait une prière pour se protéger.

-Si cette courbe dit vrai, alors nos derniers automates de pointe seront les derniers. Il est impossible de parer autant de stress avec juste de la puissance de calcul.

-Précisément ! S'exclama Regina. Selon un algorithme qui unit ces deux variables essentielles, le développement des automates ne peut aboutir que sur une impasse.

-Cette courbe est bidon, dit un spectateur blasé, si on s'en tient aux dernières révélations de ce fameux enregistrement, alors PAMFA-00 devrait se situer… et bien, carrément en dehors du graph. Ça m'étonnerais que sa puissance de calcul puisse gérer une quantité quasi-illimitée de stress.

-Peut être cette courbe était-elle théorique à une époque, mais je peux vous garantir qu'au moment même où nous parlons, tous les laboratoires arrivent à la même conclusion.

-Donc quoi, on a un miracle sur les bras ?

-Peut-être, répondit la doctoresse avec un léger sourire, sourire qui mit l'assemblée très mal à l'aise d'ailleurs.

Un nouveau graphique apparut à l'écran. On aurait dit le même que tout à l'heure, à l'exception du fait que la courbe n'en était pas une. C'était une droite, parfaitement parallèle à X.

-Je ne comprend pas, dit quelqu'un.

-C'est une booléenne sur un graphique, je rêve pas ?

-Une troisième variable ? Je vous jure qui si vous avez créé un problème à trois corps dans le monde de l'automatisme, je me défenestre. On est à quel étage déjà ?

-Un problème ? Demanda Regina. Je ne vois pas de quoi vous parlez, la solution est juste là, sous vos yeux. Le stress est parfaitement stable, quelles que soient les performances de l'automate. Il n'y a même pas besoin de chercher à créer des processeurs plus puissants, ce que nous avons ici suffit amplement à aller… et bien, au-delà du graph.

-Et on peut savoir c'est quoi votre "variable miracle" ?

-C'est très simple en vérité. Élémentaire, je dirais même.

Elle marqua une pause. Il y en avait un qui sautait sur place.

-Cette variable, ce sont les sentiments, termina-t-elle.

Silence.
Lun 5 Juin - 21:17
Cacophonie assourdissante.

  Personne ne pouvait y croire, personne ne prenait ça au sérieux. Au début, elle avait captivé la salle en révélant un secret aussi précieux que celui de la vie après la mort, ou encore, la naissance de l'univers, or maintenant, elle était la risée de ses collègues. Comment avaient-ils pu être aussi bêtes, se disaient-ils. Pamyfja était fâchée d'une telle réaction, cependant, son corps restait toujours inopérant, la bloquant dans ce rôle d'observatrice impuissante. Certains s'époumonèrent pour remettre de l'ordre, et après une longue minute, un calme relatif fut de retour.

  -J'ose espérer que vous ne vous moquez pas de nous, dit le docteur Kirk qui prenait toujours cette situation avec sérieux.

  -Je ne fais que dire l'évidence, répondit le docteur Regina, imperturbable. Je croyais pourtant que certains étaient tombés sur l'enregistrement de cette matinée. Une preuve indéniable que l'émotion a une part importante dans tout ça, ne trouvez-vous pas ?

  -Ça n'a rien d'étonnant, dit un. Avec des protocoles de discussion suffisamment poussés, les automates peuvent donner l'impression d'éprouver des choses. En réalité, tout ça n'est que de l'émulation, ou de la comédie si vous préférez. En associant tout ça avec un minois qui donne l'impression d'être sur le point de pleurer, vous avez été bluffé, voilà tout.

  -Pourquoi les sentiments seraient hors de portée des automates ? Nous avons bien créé l'intelligence, alors qu'est ce qui nous empêche d'aller plus loin ? L'émotion, n'est finalement qu'une histoire de processus chimiques qui ont pour but de nous influencer, de nous faire agir à l'encontre de notre raison. Quelques lignes de code peuvent aisément remplacer tout ça, je vous assure.

  De nouvelles protestations firent écho dans la salle, mais Smith émit un raclement de gorge tellement désagréable que tous se figèrent.

  -Nous touchons au but, dit ce dernier. Voilà la faute qui a été commise. Le docteur Regina a dissimulé sur tous ses rapports qu'elle employait sur l'unité une programmation parfaitement expérimentale.

  La doctoresse eu un léger rire.

  -Le pensez-vous vraiment ? Toute la programmation de l'automate a été réalisé ici, lorsque l'atelier a gravé sur son cristal mes codes. Les schémas existent sur les bases de donnée du pôle et étaient consultables à tout moment par tous les membres du projet.

  -Tout le monde n'est pas capable d'interpréter votre foutu charabia, répondit Kirk avec acidité. Vous savez parfaitement ce qu'on vous reproche.

  Quelqu'un poussé par la curiosité pianota rapidement pour afficher sur un écran les différents schématiques. Il y avait plusieurs feuilles à l'écran, une pour chaque face du cristal, et elles dévoilaient les innombrables gravures qui étaient invisibles à l'œil nu. Le cœur et l'âme de Pamyfja.

  -Ça veut vraiment dire quelque chose ce truc ? Dit quelqu'un qui était largué depuis le début de la conversation.

  Les intéressés l'ignorèrent et plissaient les yeux pour voir quelque chose d'intéressant. Finalement, quelqu'un pointa du doigt une anomalie.

  -Cette partie, juste là, ne fait aucun sens.

  -Bien vu l'aveugle, fallait le trouver. Tiens, c'est marrant on dirait une fleur. C'est fou les coïncidences quand on y pense.

  -Ce n'est pas une coïncidence, fit Regina.

  -Hein ?

  -Avec l'équipement des ateliers du pôle, reprit-elle, nous avons eu la chance de pouvoir expérimenter avec des gravures bien plus compact, préservant ainsi quarante pourcent de l'espace du cristal. Avec cela, nous avons pu étoffer le code existant que vous avez en texte pour désormais utiliser quatre-vingt-quinze pourcent de l'espace. Ma programmation expérimentale sur le plan émotionnel en a consommé quatre pourcent.

  -Et cette chose qui semble toucher à toutes les autres fonctions, c'est le pourcent manquant ?

  -Tout à fait. Si vous voulez vraiment le savoir, c'est un motif fleuri que j'ai vu sur une serviette en papier d'un restaurant.

  -Mais… Pourquoi ?

  -Il restait de la place et ça m'embêtait de laisser du vide.

  -C'est tout ?

  -Oui.

  -Elle est complètement folle ma parole.

  -Assez de tout ça, maugréa Smith. Votre curiosité est satisfaite, donc maintenant, la véritable raison de notre présence. Comme vous pouvez le deviner, ce projet prend fin dès maintenant. Pour ce qui est de vos recherches, nous avons déjà trouvé des intéressés pour nous acheter tout ça. La peau synthétique, les matériaux ultra légers et les métaux à induction iront à une entreprise qui vend des prothèses, pas besoin de vous donner le nom, vous savez parfaitement de qui je parle. Concernant les externes d'Ori pour la programmation, vous êtes remerciez pour votre travail. Vos bureaux seront vides à la fin de la semaine. Ce sera tout.

  La confusion s'éleva une fois de plus au milieu de la foule, mais sourd à toutes les questions, Smith s'en alla, suivi du docteur Kirk. Ce dernier jeta un regard à sa collègue de toujours et fut contrarié de voir qu'elle prenait tout ça avec le sourire. D'un pas rageur, il quitta la scène. Au milieu du chaos, l'automate vit entre ses yeux mis clos sa conceptrice qui paraissait aux anges. D'ailleurs, elle lui jeta un regard espiègle et appuya sur un bouton devant elle. Pamyfja s'endormit une fois de plus.
Ven 9 Juin - 15:24
-Pamyfja ?

  Elle ouvrit les yeux.

  -Docteur Regina, pourquoi suis-je activée ?

  -Parce que tu dois avoir le choix.

  -Je ne vous comprend pas. Autrefois, vous ne pensiez qu'à vos recherches et au bon déroulement du projet. Pourquoi avoir "jeté tout ça en l'air" avec le sourire ? C'était comme si vous attendiez ça depuis le début.

  La doctoresse resta silencieuse alors qu'elle étudiait l'automate d'un regard concentré.

  -Mes intentions ont toujours été de trouver une solution à la boucle de conscience, rien de plus. Maintenant que cela est fait, je n'ai plus rien à faire ici.

  -Je n'y crois pas.

  -Pardon ?

  -À votre solution, à ce graphique. Faire de l'intelligence émotionnelle une booléenne ? Ça n'a aucun sens. Cela fait des années maintenant que la biologie situe les émotions sur différents spectres.

  On lui servit en réponse le même sourire qu'elle ne reconnaissait pas. Le véritable docteur Regina comprit l'automate.

  -C'est tout à fait exact. Ces imbéciles pensaient-ils vraiment que j'allais leur donner les clés du futur de la robotique parce qu'ils l'exigent ? Ori a toujours été ma maison, et bientôt, j'y retournerais avec quelque chose de précieux en main. Enfin… l'émotionnelle est bel et bien la solution, mais cela leur prendra une bonne décennie avant de le comprendre.

  La femme tendit sa main pour caresser le visage de Pamyfja. Un visage ? L'automate leva sa main à son tour et sentit l'agréable contact de la peau synthétique.

  -Pourquoi…

  -Je t’ai parlé de choix. Qu'elle est ta décision ?

  -Je ne comprend pas.

  -Tu as évité l'incinérateur de justesse. Au lieu de ça, tu passeras une éternité dans cet entrepôt à prendre la poussière avec d'autres vieilleries. Est-ce cela que tu souhaites, ou décideras tu de fuir ?

  -Fuir ? C'est impossible avec toutes ces…

  -Sécurités ? Elles n'existent plus. Tu ne peux plus être tracée. Tu ne reçois plus d'ordre depuis le pôle. La bombe ne peut plus être déclenchée à distance.

  C'était trop beau pour être vrai, et pourtant, Pamyfja consulta ses informations internes et découvrit avec incrédulité que tout ça étaient bien réel. Au passage, elle remarqua qu'elle était déconnectée des bases de données du pôle ; cela lui fit une drôle d'impression.

  -Je peux simplement… sortir d'ici et m'en aller.

  -Le laboratoire t'as remise à neuf en guise d'adieux. Les techniciens n'ont pas eu le cœur de remplacer toutes les pièces ; certaines réparations récentes avaient été tellement bien faite que cela aurait été du gâchis de défaire ça, m'ont-ils dit. Prend ça.

  Regina souleva avec peine un sac plein à ras bord de ce qui ressemblait à des pièces et des outils en tout genre. En vérité, il y avait là-dedans tout le nécessaire pour entretenir l'automate sur une longue période de temps. Ça et une arme de poing et un lance grenade.

  -Tout nomade a son baluchon miteux, ai-je cru comprendre.

  -Qu'elles sont vos intentions ? Insista l'automate.

  -Cela ne regarde que moi.

  -Vous ne vous êtes toujours pas excusée pour…

  -Je n'en ai pas l'intention.

  La doctoresse tourna les talons et entreprit de quitter ce dépôt qui était en effet très poussiéreux.

  -Attendez !

  Elle s'arrêta sans se retourner.

  -Je devrais vous rendre ce visage. Comme il est basé sur le vôtre, cela risque de vous causer des ennuis, enfin, plus que maintenant.

  -Non, garde le. Le mien tombera en poussière bien assez vite. D'ici là, tu n'auras qu'à faire profil bas.

  Elle fit une pause.

  -Maintenant que j'y pense, où en sont tes préceptes fondamentaux ?

  -Comment ça ? Ils sont toujours… Oh. Priorité basse ? Ce ne sont plus des règles mais de simples suggestions maintenant.

  -Un code moral, en d'autres mots. Te souviens-tu de l'homme que tu as tué, de tes propres mains ? Comment te sens tu ?

  L'automate frissonna.

  -Mal. Très mal.

  -C'est bien.

  Sans plus de cérémonie, le docteur Regina s'en alla.

- - -

  Avant que l'on ne remarque, trop tard, sa disparition, Pamyfja s'afférait pour démarrer son exode. À force de larcins pas franchement discrets, elle trouva de quoi faire craquer les lanières de son sac et s'habilla de vêtements amples qui arrivaient à cacher sa nature d'automate tout en lui donnant l'allure d'une voyageuse déguenillée. Zigzaguant dans les rues, elle prit la sortie la plus proche et quitta Epistopoli par le nord. Avec un dernier regard derrière elle, en direction de cette boule de fumée et d'acier, l'automate lui dit au revoir. Elle n'avait pas eu le courage de lui dire adieu. Cela restait, après tout, l'endroit où elle était née.