Ven 26 Mai - 17:52
D'un geste nonchalant, et accompagné d'un soupir capturé par son masque, il remit en place son nœud de cravate trop serré à son goût. Ce soir Gauss devait délaisser ses vêtements amples et le confort de sa capuche pour un apparat bien plus classieux. Son père avait, comme toujours, veillé au grain et lui avait préparé cette tenue sur mesure. Un costume d'affaire, d'un bleu sombre, affuté pour embellir sa carrure et aux manches un peu plus courtes. Sa veste laissait transparaître une partie de ses avants bras, dont son bras droit qui était agrémenté d'une montre. Un objet raffiné au design élégant et fin, agrippé par un bracelet de cuir à la couleur bordeaux. Une teinte de couleur qui avait spécialement été choisie pour être assorti à sa cravate, sa ceinture et à l'intérieur de sa veste qui laissait transparaitre une couleur plus vive. Non, son père ne laissait rien au hasard. Il avait évidemment fait coudre main le symbole de sa famille sur la partie avant gauche du veston, afin de le faire connaître au plus grand nombre. Il avait aussi pris soin de placer ses outils de crochetage entre la ceinture et le pantalon de toile, au niveau de son dos. Des outils qui serviront sûrement à Gauss ce soir. Alors qu'il arrivait à sa destination, il était partagé entre l'ennui, que lui promettait les mondanités et les faire-semblant de la réception, et l'anxiété, ainsi qu'un peu d'excitation, de la démarche risquée qui y surviendrait.
Il sortit promptement de sa voiture, lorsque son majordome lui ouvrit la porte. Il s'engagea ensuite sans hésitation vers l'entrée du domaine où un garde, aidé d'au automate, gérait les va-et-vient. Après avoir présenté son invitation, il fut invité à poursuivre vers le manoir. Le seuil du domaine était constitué d'une fontaine centrale, parfaitement sculpté et décoré. Le chemin qui en faisait le contour était pavé et un assortiment de sculptures et statues de différentes tailles, agrémentaient les haies et arbustes minutieusement taillés qui constituaient un petit jardin. Après quelques marches à grimper, le jeune epistote, se trouva à l'orée de la demeure. C'était une bâtisse blanche merveilleusement décorée de piliers, inspirée d'une ancienne civilisation.
- Bienvenue ! Madem … Mon…sieur ?
Lucifer Starkov, l'hôte de cette soirée était à l'entrée des lieux et accueillait chaleureusement les nombreux invités. Le jeune homme reconnut rapidement l'étonnement et l'interrogation qui se dégageait de l'expression du scientifique. Un questionnement sur son genre qu'il avait l'habitude de subir. Le visage fin et élégant, partiellement camouflé par un masque, ainsi que ses longs cheveux blancs tenus en queue de cheval, pouvait facilement tromper les gens. Mais il est coutume qu'une dame se présente à ce genre de festivité avec un autre accoutrement qu'un pantalon. D'où la question restée en suspens.
- Mes hommages ser Starkov, je suis Gauss Blass, fils de William Blass. Moi et mon père nous félicitons le dix-huitième anniversaire de votre fils, et lui souhaitons qu'il devienne aussi brillant que vous l'êtes. Je voulais aussi ajouter que j'étais honoré d'être invité à cette célébration. Dit-il d'une voix mélodieuse mais caverneuse à cause de son instrument de survie.
- Ah … Merci. Merci. Jeune Blass. Vous êtes le bienvenue.
La curiosité et l'engouement s'éteignit vite sur le visage de Lucifer quand il comprit à qui il avait à faire.
- William qui, très chère ? Je ne reconnais pas ce nom. Demanda l'hôtesse de soirée à son mari.
- William Blass, un homme d'affaires venu d'opale avec qui j'ai travaillé.
Il avait prononcé les mots "homme d'affaires" avec une certaine condescendance peu dissimulée. Il tenta d'ajouter avec discrétion à son épouse : " Un strigoï "
Tentative évidemment ratée.
- Oh… ajouta Mme Starkov avec le même manque d'engouement que son mari.
Après les mondanités de présenter le jeune maître de soirée au nouveau convive, vite expédié par les deux parties, Gauss pu s'introduire pleinement dans l'immense salle de réception qui constituait l'entrée de la bâtisse.
Cet échange était un bon rappel pour Gauss, sur sa place dans la chaîne alimentaire de cette soirée. Peu importe que son père soit riche et influent, ici à epistopoli, seul les sapiarque avait le prestige. Les hommes comme Lucifer ne voyaient en eux, les business man, que des parasites utiles pour transformer leurs inventions en or. Alors quand vous organisez un rassemblement de toute la jeune noblesse de la haute ville, afin de créer à votre progéniture un réseau de contact des plus élitiste, les marchands ambulants sont en bas de votre priorité, bien qu'indispensable. Et puis soyons honnête, les parents Starkov étaient surtout en quête d'une bonne épouse pour leur enfant. Nul doute qu'ils auraient une attention toute particulière pour les dames conviées ce soir. Et nul doute que les dames conviées ce soir, et leurs parents, auraient très envie de nouer des liens avec la famille Starkov. Lucifer était un éminent scientifique dans le domaine de la sidérurgie et aurait découvert de nouvelle façon de raffiner et traiter les métaux suivant les besoins. Dans une industrie florissante, qui base presque entièrement leur création à partir de métaux, Lucifer fut pleinement récompensé et reconnu par ses pairs. Et c'était devenu l'un des plus riches sapiarques d'épistopoli.
Et sa richesse était apparente au vu de la somptueuse salle qui accueillait la soirée. Du marbre ornait les parois de la salle, parfois en colonne, parfois en sculpture parfois en décoration florale. Le toit majestueux qui couvrait cette très haute salle était en forme de dôme, et une magnifique peinture illustrait son centre. La pièce volumineuse avait été agencée pour que son centre soit vide et un espace pour parler, discuter et danser. Des tables et buffets étaient éparpillés le long des murs et des serveurs naviguaient avec différents mets entre les convives. Le strigoi blafard agrippa un verre d'alcool au passage et se mêla dans la mélasse d'invités déjà nombreux. Il échangea quelques bons mots et salutation envers les notables qu'il avait déjà rencontrés. Mais il n'en connaissait pas même le quart, alors ces politesses furent vite expédiées. Pas d'humeur à se faire une place parmi ces cercles sociaux, au grand malheur de son paternel, il préféra pour le moment s'exclure dans un coin.
Il observa le fond de la salle pour y dénicher un perchoir acceptable. Tout de suite, le deuxième étage qui se présentait comme un balcon donnant sur la salle, lui fit de l'œil. Il était accessible via deux grands escaliers courbés symétriques, de part et d'autre d'une grande porte qui semblait mener notamment aux cuisines. Il aimait la hauteur et avait une vue imprenable de la haut, cependant cela le rendait très visible également, et il ne voulait pas attirer les regards plus que nécessaire. Dans le coin à gauche, se trouvait l'orchestre qui accompagnait les festivités. Le coin droit lui semblait vide et un endroit parfait. Il s'empressa donc de s'y poster accoudé à un mur et les yeux rivés sur les jeunes hommes et femmes qui constituaient le gratin d'epistopoli. Un petit regard sur sa gauche lui fit apercevoir une sortie vers les jardins, et donc peut-être un accès aux appartements et bureaux via les murs extérieurs. Cela pourrait se montrer une option viable pour ses envies de fouine. Mais afin de s'éclipser en toute discrétion, il lui faudrait attendre une opportunité dans la soirée, et un coup d'œil à sa montre lui rappela que la soirée était encore jeune.