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Pot de terre, pot de fer

Pot de terre, pot de fer Brandw10
Lun 8 Mai - 12:09
On aurait pu croire à un abysse vert et dentelé, cette forêt sans fin qui regorgeait de merveilles. Elle s’agitait comme chaque matin: des cris proches de chants qui s’échangeaient de branche en branche, comme un carillon affolé qui annonçait le levé du soleil. Le bruissement des feuillages marquait la mesure d’une brise légère, seul effronté à empêcher les oiseaux d’aller au bout de leur partition. Au creux de ce théâtre, dans un nid humide d’herbe verte, Lö ouvrait péniblement ses yeux.

Cela faisait quelques heures qu’elle avait croisé la brume étrange. Elle ne parvenait toujours pas à s’en remettre, le coeur palpitant dans sa poitrine alors qu’elle venait à peine de s’éveiller. Cette rencontre était la première qu’elle faisait qui lui était tout à fait hermétique; Fermée, même. Comme si elle s’était confrontée à un mur opaque alors que tout dans ce monde résonnait avec elle. Lentement, elle se leva, la hanche rougit et bleu. La douleur lui intima de rester encore alitée quelques minutes, ce qu’elle fit d’instinct. Elle n’osa pas regarder immédiatement l’aspect de sa blessure douloureuse - ses sens lui indiquaient qu’elle était mal en point, qu’elle ferait mieux de patienter jusqu’à ce que ça se calme. Le soleil eut le temps de poursuivre un peu sa course, perçant la canopée pour la trouver en contrebas, embrasant ses cheveux dans une lumière intense comme la flamme d’une bougie.

Ce n’est qu’alors qu’elle osa regarder ce que la roche lui avait infligé la veille. A la jonction de sa cuisse et de l’os de sa hanche, une large coupure rouge recouverte d’un amas épais fissurait une peau violacée. Elle n’appréciait pas la vue, malgré son inexpérience en la matière, et comprenait facilement que cela n’avait rien à voir avec quelque chose de sain. La douleur que lui procurait chaque mouvement le lui confirmait également.

Quand son ventre commença à s’agiter, elle s’osa à se lever, la faim plus grande que la douleur. Sa main pâle attachée fermement à sa blessure comme une agrafe, elle fit quelques pas pour s’habituer à la sensation déchirante que lui procurait chaque mouvement. C’était douloureux mais supportable - et en quelques jours de vie, l’hespéride avait acquis en elle la persévérance. Curieuse flamme, elle ne se laisserait pas abattre, pas avant d’avoir rempli son estomac et vu une nouvelle fois le soleil s’éteindre sur l’horizon.

Tant bien que mal, elle se mit en chemin en direction des arbres fruitiers et des buissons de baies. Elle commençait à se faire à son nouvel habitat, trouvant son chemin par l’habitude nouvelle et l’aide des plantes alentours qui lui soufflaient les directions pour l’aider. Comme si la nature alentours la supportait par ses miliers de sensations qui flottaient, la touchaient comme des fourmis qui grimperaient sur ses jambes, et glisseraient sur son dos comme de grands frissons.

Ses pas étaient clopinants et maladroits, et elle n’avait pas la prestance des dames - sans même comprendre ce que cela était. Petit oiseau blessé, elle avançait malgré tout, ses pieds nus se heurtant à la boue et à la glaise, sentant sous ses orteils des reliefs escarpés et des racines entremêlés. Malgré la douleur, le ciel clair et l’agitation frénétique qui définissait le lieu lui donnait un sourire entêtant. Le monde n’avait pas perdu de sa grâce avec sa blessure. Et elle n’en perdrait pas non plus;

Pourtant, plus elle avançait vers la clairière, plus les sensations qui lui arrivaient par vague s’amenuisaient. Les chants de oiseaux se faisaient de plus en plus discrets. Les arbres ne craquaient plus. Comme si tout autour d’elle se taisait progressivement, jusqu’à laisser autour d’elle une sensation pesante et un silence assourdissant. Lö s’arrêta brusquement, alerte. Ce n’était pas normal. Ce silence, la jungle à l’arrêt. Ce n’était pas normal. Le ciel sans bruit, la nature alerte.

Ce n’était pas. Normal.

Animal, l’hespéride se plia, s’agenouillant sous un couvert de larges feuilles vertes non loin, s'accroupissant malgré la douleur pour n’être plus vu que des insectes et des rongeurs qui devaient passer par là. Elle était à l’affût du moindre bruit. La sensation qui lui retournait les entrailles ne pouvait pas tromper: elle n’était pas seule. Mais cette sensation là était bien différente de celle qui l’avait traversée quand la brume s’était imposée à elle. Non, celle-ci lui déchirait le ventre, faisait battre son cœur et le sang dans ses veines, le transformant en un tambour menaçant. Ses sens en étaient décuplés. Quelque chose approchait, non loin, un bruit étrange qu’elle ne connaissait pas. Et toute en attention, Lö se demanda alors si elle n’allait pas croiser enfin un nouveau semblable. Son esprit tout de curiosité et de crainte, elle restait tapie, renarde discrète, dans l’attente de quiconque sortirait des arbres tranquilles et silencieux.
Ven 12 Mai - 14:55
Scan des alentours. Données changeant en permanence. Interprétation: Déplacement rapide provoqué par la brume, attendre est la seul option.

Contact au sol altéré. Plante détectée. Scanner large spectre lancé. Réglage protocole actif: signature biologique.
Réception de donnée cartographique: forêt moyenne, 25 634 signatures biologiques.
Filtrage pour entité a potentiel agressif. 4931 signatures restantes.
Filtrage pour prise en compte du niveau de danger potentiel. 1 signature restante.
Mise en position de surveillance de la signature.

Lancement d'un diagnostic complet des systèmes.
Vérification des surfaces de contact 1010
Vérification des modules vitaux 1010
Vérification des modules de déplacement et d'armement 1010
Vérification des processus opérationnels 1010
Vérification de la base de donnée lancée

Mordekai se mit en mouvement vers l'entité inconnu, son module militaire tournant a plein régime pour essayer d'identifier la forme de vie.


Après une petite minute de marche, il se stoppa en arrivant proches des buissons qui abritait l'humanoïde. car c'est ce qui semblait se recroqueviller là dans les méandres d'un buisson.

Ouverture nouveau profil.
Profil 1100:
Prénom: Donnée manquante
Nom: Donnée manquante
Type: Humain Donnée à confirmer / femelle
Camouflage uniquement détectable par des capteurs non-biologique.
Occupation: Sauvageonne ou hespéride.

Se rappelant de l'expérience avec l'écureuil, l'automate attrapa quelque fruit dans un arbre proche. Il vint ensuite s'asseoir, genoux au sol, pour disperser une part des fruits devant lui avant d'entrer dans une immobilité complète, la face lisse tournée vers l'arbuste qui les séparaient.
Sam 24 Juin - 17:29
Le feuillage abritait parfaitement son visage - et heureusement, car elle sentit bientôt que le silence autour d'elle devenait plus pesant. Tous ses muscles se tendaient douloureusement, et pour la première fois, elle eut la sensation d’être réellement en danger. Sa hanche était brûlante, et la douleur vive, mais l’impression de mort si proche, et l’adrénaline qui lui piquait les tempes la maintenaient à distance. Il n’y auraient que quelques mêches rousses pour la trahir. Autour d’elle, il n’y avait désormais plus aucune vie, seul le cri commun de toute la forêt qui partageait son même inconfort.

Brusquement, tout s’ébranla - un bruit déchira la canopée, suivi d’un concert métallique, des bruits qu’elle n’avait jamais connus et qu’elle n’aurait su identifier. Les sons étaient agressifs, et malgré le danger, elle recouvrit ses deux oreilles de ses paumes pleines pour les taire du mieux qu’elle le pouvait. Cela ne suffisait pourtant pas, et malgré ses efforts, les sons se faisaient de plus en plus proches. Son coeur battait à s’en rompre, et dans la panique, elle essaya de s’allonger, pour au mieux sembler morte sous ses cheveux en bataille.

Un craquement sourd finit par trahir une présence proche. La cavalcade avait cessé - les sons se faisaient plus rares, mais également plus proches. Lö bloqua sa respiration instinctivement, se faisant silence. Quelle idée avait-elle eu à se coincer comme ça? Son abri de feuilles serait aussi son tombeau. Il n’offrait aucune échappatoire sans la révéler aux yeux du danger. Elle avait bien vu la violence du monde: comment l’ocelot avait planté ses crocs acérés dans la gorge de l’antilope, comment la chaire rouge se décollait de l’os. Elle déglutit doucement, tentant de se calmer. Peut-être que si elle ne bougeait pas, le prédateur finirait par disparaître.

Rapidement, avec un bruit de piston qu’elle ne parvenait pas à comprendre, le silence se fit de nouveau complet. Lö ne bougea pas immédiatement, elle attendit quelques secondes, puis quelques minutes. Longtemps. C’était impossible que la créature ait disparu, pourtant! Comment ne pouvait-elle pas faire de bruit? Après tout, elle ne parvenait pas à capter une respiration, malgré le silence parfait. C’est alors qu’une pensée la traversa brusquement: elle n’arrivait pas à la sentir. Rien. Le néant. Comme la… La brume. Son assaillant était-il de la même nature? Pourquoi se refusait-elle à sa sensation, à la masse grouillante de vie qui l’entourait et lui offrait habituellement sa pleine collaboration?
Si Lö ne comprenait pas tout à fait sa nature et sa race, elle avait compris que la nature autour d’elle était un seul tout, un monde de connection et d’émotion qu’elle décodait pas à pas, souffrant avec elle et allègre avec elle. Mais cette fois-ci, il n’y avait rien.

Entre crainte et curiosité, elle écarta avec des doigts prudents deux énormes feuilles émeraudes et luisantes. Ce qu’elle vit lui glaça le sang autant que l'interpella de tout son être.
Face à elle, à quelques pas, se tenait parfaitement immobile une silhouette à la peau brillante et lisse, scintillant comme la surface des lacs sous le soleil lointain. Quelqu’un qui lui ressemblait - deux bras, deux jambes. Et pourtant, la comparaison s’arrêtait là: il était recouvert d’une couche d’une matière étrange, tangible, qui lui paraissait rèche et curieuse. Son visage était dépourvu d’yeux, de bouche - il n’avait rien à voir avec le reflet que l’eau lui avait montré quelques jours plus tôt. Et pire encore: il lui était complètement hermétique. Cela eu pour effet de creuser son ventre d’appréhension. Ou peut-être était-ce la faim? Ses lèvres se pincèrent brusquement. Il ne semblait pas agressif, mais même si elle était sûre de son camouflage, il semblait diriger face à elle et regarder - même sans yeux - droit dans sa direction.

Ses yeux coulèrent sur le sol entre eux, s’arrêtant sur de petites boules blanches… Cette fois, c’est sa mâchoire entière qui se bloqua, en même temps que son ventre qui émit un gargouillis sonore. Elle les connaissait, ces délicieuses petites choses. Non seulement comestibles, mais aussi délicieuses… Avec une mou d’enfant, Lö tenta de sortir une main du buisson, agitant ses doigts dans l’air pour tenter de subtiliser une de ces douceurs sans se trahir - c’était peine perdue, et avec les secondes et l’envie, c’était toujours plus de son bras qu’elle révélait. Constatant que la créature ne l’attaquait pas en retour, elle finit par passer sa tête hirsute de la chlorophylle, puis tout son corps recroquevillé, traînant une patte derrière elle qui pendait de sa hanche bleue et saignante. Elle finit par attraper l’objet de ses convoitise, s’en gavant immédiatement en s'asseyant sur une jambe, remplissant ses joues des noix délicieuses. Mais son regard ne quittait pas l’intru, pourtant. De plus prêt, il était bien plus grand qu’elle, et étrangement plus menaçant. Mais son attitude passive attisait sa curiosité. Et avec une grande témérité, la bouche pleine de noix, assise piteusement, elle finit par en renvoyer une dans sa direction. Il avait peut-être faim, lui aussi. Et si il tentait quoique ce soit… Elle pourrait toujours tenter de s’enfuir.
Jeu 29 Juin - 11:42
Renvoi d'une noix: notion de partage.
Récupération, calcul trajectoire de jet, ajustement par calcul environnemental
Jet de la noix en cloche arrière
Ouverture cavité buccale
Réception parfaite

Analyse entité: blessure détectée. Batch de feuille en cataplasme rudimentaire. Maintiens des feuilles nécessaires pour limiter le saignement.
Analyse environnement présent. Liane détectée.
Frein moteur 95%

Avec une lenteur extrême pour ne pas surprendre l'humanoide, Mordekai se releva d'un mouvement souple et se dirigea vers un arbre proche dont il tira des jeunes lianes qui pendait de la frondaison.
Il revint s'asseoir à l'exact emplacement précédent, non sans ramasser au passage de larges feuilles.

Recherche base de donnée: tressage.
Enregistrement récupérée: tressage de tige de fleur pour former une "multi-paquerette"
Lancement enregistrement avec mise en valeur colorimétrique des tiges.
Mode boucle pour enregistrement mouvement

Très lentement, l'automate posa une liane sur l'autre, puis une troisième, puis il rabattit la première sur la seconde, la seconde sur la troisième, et la troisième sur la première en croisé.
Répéter la boucle de mouvement, lui permit de l'accélérer un peu, puis encore un peu, et ce jusqu'à tresser la liane en un lien bien serré.
Il en ouvra ensuite la bouche pour la seconde fois en quelque heures:
-Je suis MORD3941, vous pouvez m'appeler Mordekai. Qui êtes-vous? Pouvez-vous me dire où j'ai atterrit?
La liane tressé et les feuilles furent déposées à côté du reste de sa poignée de noix, puis il tourna son non-visage vers la blessure.


Dernière édition par Mordekai Wepnu le Mer 12 Juil - 13:13, édité 1 fois
Mer 5 Juil - 10:06
Elles croquaient ses noix nerveusement, ses petites dents blanches et neuves qui n’avaient encore que quelques jours. Avec une forme de sauvagerie toute empressée, une hâte d’en finir, et un sentiment déchirant de ressentir deux émotions contradictoires sans pour autant bien les cerner. La masse brillante lui faisait toujours face, et elle ne pouvait s’empêcher de l’observer avec une curiosité visible, ses grands yeux ouverts et brillants.
Il avait parfaitement avalé la noix qu’elle lui avait renvoyée. Ou du moins, c’est ce qu’elle croyait - dans un bruit de métal, un orifice s’était ouvert sur ce qu’elle croyait être son visage dans laquelle la noix s’était engouffrée pour complètement disparaître. Aussi commençait-elle à comprendre qu’ils n’étaient pas si différents.


Pourtant, ils n’avaient pas grand chose en commun. Hormis la même composition - du moins, c’est ce qu’il lui semblait - la créature n’avait rien de ce qu’elle était. Pas de peau lisse et parsemée de duvet. Pas de dents, de cheveux. Pas de visage orné de deux yeux, de sourcils, de lèvres. A la place, une masse lisse, de tubes et de formes saillantes, de lumières, de tuyaux. Lö avait bien du mal à le détailler tant sa figure semblait complexe et éloignée de ce qu’elle avait l’habitude de côtoyer.

Elle mâchait bruyamment quand la créature se mit brusquement à bouger, la faisant tomber en arrière dans un sursaut de surprise. Il semblait particulièrement massif maintenant qu’il s’était levé - à première vue, il marchait comme elle. Pourtant ses gestes étaient lents et mesurés, et lui faisaient penser aux guépards en chasse. Elle resta immobile, foudroyée par la terreur. Comme si chacun de ses mouvements pouvaient la mener au trépas.
Ses yeux balayaient frénétiquement sa petite vallée à la recherche d’un échappatoire; Mais dans son état, fuir ne servirait à rien - à la place, il valait mieux qu’elle fasse la morte et qu’elle ne bouge pas pour mieux éloigner l’individu.

Alors qu’elle revenait au prédateur, son cœur fit comme un bond dans sa poitrine. Rapidement suivi d’une nouvelle décharge, une cruelle crispation, comme si on coupait sa peau avec une petite lame fine. La sensation était distante mais nette - et surtout, elle ne provenait pas d’elle. En levant les yeux vers la créature, elle le vit décider d’un geste sec des lianes tombantes, puis les feuilles larges et vibrantes d’un philodendron qui traînait là. Ce qu’elle ressentait venait de ces feuilles, de ces tiges, et de cette vie qu’on fauchait. Et cela lui retourna l’estomac avec force. Lö, dont la nature changeait comme la pluie, découvrait que la forêt pouvait saigner comme elle.

Pourtant, l’autre ne semblait pas souffrir. Malgré le cri de l’écorce, il n’avait pas arrêté son mouvement. Elle le regardait maintenant faire avec affront, son visage enfantin s’étant mué en orage, plissant ses traits de méfiance, et sûrement un peu, de défiance.
Pourquoi n’avait-il pas arrêté quand la forêt le lui avait ordonné? Elle ressentait tant d’éclats d’émotions qu’elle pourrait périr. S’entassant les uns sur les autres sans ordre et dans le chaos. Elle était curieuse, en colère, heureuse et apeurée. Tout à la fois. Lö pourrait mourir sans réponse, sans même comprendre qui était cet intrus. Non. Ce serait impardonnable.

Mettant ses frustrations de côté, elle tenta de retrouver son calme pour regarder l’être métallique qui commençait un bien étrange ballet. Il bougeait avec une netteté étrange et irréel, comme si chacun de ses gestes était le même que le précédent - contrairement à elle qui n’était que chaos maladroit. Pensive, elle s’approcha lentement pour scruter ce spectacle. Ses gestes étaient si précis… Hypnotisant, presque. A présent, elle se tenait complètement debout face à lui, à observer ses mains avec attention.

Brusquement, l’homme de métal se mit à parler, et Lö en ouvrit grand les yeux. Une série de sons compliqués sorti de l’imposante masse qu’était son visage lisse, un flot instoppable dirigé vers elle. Elle aurait eu envie de les attraper comme des oiseaux, tant ces sons lui semblaient beaux. Ils n’avaient rien des cris d’une bête, du feulement des félins, du chant des perroquets. Ils semblaient contenir du sens, être choisis avec soin tant ils étaient compliqués. Comme si chacun d’entre eux était un trésor précieux plein d’attention, une nouvelle énigme qu’elle n’avait pas encore décodé. L’automate avait fait tomber ses dernières suspicions en quelques sons: à présent, la jeune hespéride était complètement charmée, rendue à découvrir cette langue et ces sons nouveaux qu’on lui avait jetés.

La douleur la rattrapa, aussi s’agenouilla-t-elle de nouveau quand les mains métalliques posèrent à ses pieds le larcin végétal, les lianes désormais savamment tressées et les larges feuilles qui perdaient peu à peu de leur superbe. En fermant ses lèvres, un filet de voix s’échappa finement de sa bouche, timide et presque inaudible.

“- K… Ka…?” Bien sûr, elle avait déjà essayé d’émettre des sons, mais ses expériences s’étaient arrêtées à des piaillements d'oiseaux et à des mélodies simples, composées d’un son. Lö devait persévérer si elle voulait comprendre. Un des sons prononcés par la machine sortait du lot, un son dur et rocailleux, un son fort. Elle reprit ses expériences, essayant de le reproduire au mieux.

“-...R…Rrrrr…. Rrrrii.

Avec un plaisir non mesurable, elle découvrait les sons. En essayant de parler, elle avait machinalement attrapé la liane et jouait avec le bout de ses doigts. Quelques minutes plus tôt, ce tressage lui aurait apparu comme extraordinaire, mais il perdait son éclat face à la découverte de la parole. Après de longues secondes, à contorsionner ses lèvres dans tous les sens, à essayer sa voix comme un chaton commence à miauler, elle finit par articuler non sans mal.

Mordekai.”

Un large sourire enfantin illumina son visage moucheté de tâches de rousseur. La liane toujours en main, elle retourna sa main vers elle, comme pour se désigner.

.”

C’était bien la seule chose qu’elle savait, et dont elle était sûre: elle était Lö. Rien de moins, rien de plus.
Jeu 13 Juil - 11:55
Captation de mouvement émotionnel chaotique: 6 émotions différentes détectés en 20 secondes.
Affiliation action récente.
Mise à jour profil 1100:
Occupation/espèce: Hespéride.

Notion de jeu présente.
Notion de vengeance absente ou insuffisamment puissante.
Captation sonore.
Mise à jour profil 1100:
Prénom: Lö
Capacité d'échange vocal: 2%.
Taux d'efficacité de renseignement: incertain.
Recherche type de communication adapté: signe: incertain. télépathie: unité non-équipée. dessin: potentiel.
Recherche espace dégagé: trouvé.

Mordekai se leva de nouveau puis fit quelque pas vers une clairière plus large, il attrapa alors une branche au sol puis se mit à dessiner une vaste carte d'uhr. La précision laissait bien sur à désirer, mais c'était mieux que rien. Il ajouta également un symbole de maison sur les grandes villes ainsi qu'un symbole en forme d'arbre pour les forêts et grands bosquets recensés dans sa base.
Une fois terminé, il revint vers Lö et s'accroupit. Le plus difficile était a venir. Mordekai tendit une main ouverte vers la jeune femme, proposant une aide pour l'amener à la carte.

PS:
Dim 16 Juil - 16:57
Alors qu’elle s’amusait bien à faire ses premières vocalises, l’individu se leva brusquement - Kai, pensa-t-elle, selon les mots qu’il avait prononcés. Ou peut-être Meudir. Ou peut-être Aterri. Elle n’en était pas tout à fait sûr, mais chacun de ces sons lui allait à merveille. Toujours à terre, elle le regarda attentivement se mouvoir jusqu’à sa cible. Il était curieux, cet animal. Il n’avait rien à voir avec les autres créatures qu’elle avait croisé jusque là dans son berceau, et semblait hautement plus réfléchi. Contrairement à eux, il ne semblait pas impulsif, ni n’obéissait à son instinct - sinon il l’aurait probablement déjà mangé.

Lö était l’esclave de son doute - Kai l’intriguait plus qu’elle ne voulait se le permettre, et si elle ne voulait pas baisser sa garde, elle ne pouvait empêcher sa curiosité de s’embraser. Après tout, elle voulait en savoir plus sur cet être de métal qui jusqu’ici ne semblait animé que par la volonté de survivre.

Il s’éloigna pourtant bien plus qu’elle n’aurait imaginé. Peut-être était-ce la fin, peut-être qu’il avait fini sa ronde ou qu’il avait une famille à veiller. L’hespéride, candide enfant, ne put s'empêcher de cacher une moue déçue. C’était peut-être pour le mieux, après tout. Sa grande carrure et son manque de manières finirait certainement par coûter, et vu sa rapidité à arracher des plantes sans vergogne, il risquerait de détruire la forêt plus rapidement qu’un animal fou. Le silence avait une drôle de couleur, tout à coup. Comme si son vert avait perdu un peu d’éclat.

Un craquement. Lö se retourna: contrairement à son instinct, Kai n’était pas parti. En le voyant revenir vers elle, un large sourire se dessina sur son visage, qu’elle s’empressa de ravaler pour ne pas paraître trop enjouée. Dans son univers, cela pouvait coûter la vie.

Quand Kai s’agenouilla face à elle, elle le dévisagea néanmoins pendant de longues secondes avec un air suspicieux - en même temps, il lui tendait sa main vide. Elle regarda un instant au sol, à la recherche des noix - peut-être qu’il en cherchait quelques-unes. Mais elle avait déjà tout engloutie.

Flûte.

Lö n’avait rien à offrir et à rendre à Kai - mais pourtant, il n’enlevait pas sa main. Comme les capucins qu’elle avait pu observer, elle finit par y glisser la sienne, se demandant si c’était une façon de sceller leur entente. Bizarrement, elle n’avait aucune crainte quand elle glissa ses doigts fins au contact du métal, sa froideur trop surprenante, mais pas assez pour entacher son optimisme. Il avait déjà eu mille occasions de la tuer, c’est bien qu’il ne comptait attenter à sa vie.
C’est ce qu’elle croyait, du moins, avant de se retrouver soulever brusquement du sol. Jusqu’ici, elle avait toujours escaladé des arbres bien statiques, avec un appui stable. Elle n’avait pas eu à flotter avec le soutien d’autrui. Son premier réflexe fut de se débattre. Pas méchamment, non. Plutôt comme un renard qui s’enroule - elle finit d’ailleurs par se retrouver sur le ventre, sa cuisse coincée sous elle dans une position peu naturelle et confortable. Ses yeux vers le sol, elle réalisa que grâce à Kai, elle avait l’extraordinaire capacité de voler. Elle cessa alors tout mouvement et se laissa faire, bercée par le bruit étrange de métal, de pistons et de grincement qui rythmait ses pas.

Quand ils finirent leur course, Lö ouvrit ses yeux devant une immense fresque. Les traits étaient un peu tremblants, creusés à même le sol et pour certains déjà un peu effacés. Elle en fut subjuguée. Pendant plusieurs secondes, elle l’observa, oubliant presque Kai qui parlait de nouveau. Maintenant, elle en était sûr: ces sons avaient un sens, si seulement elle pouvait… Ses yeux se levèrent un instant de la fresque: ils étaient dans une petite clairière, découpée par des feuilles de larges alocasias. Ses yeux retombèrent sur le dessin. Elle ne comprenait pas tous les symboles, mais elle en reconnaissait un: un arbre. Puis un deuxième… Il y en avait plusieurs, çà et là, se mêlant à d'étranges cubes surmontés de triangles pointus. Ils étaient dispersés savamment, mais là où on pourrait croire au hasard, Lö comprit qu’il s’agissait d’un choix délibéré. Il lui montrait un monde. Son doigt pointait la fresque, comme si il attendait une réponse. L’hespéride semblait attentive, prise d’un sérieux fiévreux et intense, passant d’un symbole à l’autre. Sa maison. Son berceau. Brusquement, elle abattit son index sur un arbre, à cheval entre deux lignes, en bas de la fresque - à la frontière d’Aramila et d’Epistopoli, si seulement elle pouvait le savoir. “Où.” Ses lèvres s’entrouvrirent, et le son fila doucement comme une rivière. Une première fois. Puis une deuxième.


Où.” Répéta-t-elle, son visage ne laissant planer aucun doute. Elle en était sûre, une intuition nerveuse et intestine, charnelle, une certitude sous ses côtes qui vibrait bruyamment. C’était cet arbre, sa maison. Sa mère.
Mer 26 Juil - 13:45
Mise à jour situation géographique
Réinitialisation géopositionnement
Calcul nouveau parcours
Calcul nouvelle priorité
Liste:
-mission en cours
-informer et assurer du bien-être de root3
Blocage brume
Informations supplémentaires nécessaires
Altération direction
Calcul nouveau parcours terminé
Destination pré-programmée: Aramila
Mise à jour objectif à court-terme: traitement du profil 1100

Protocole de traitement: inconnu
Mise à jour du profil:
Vitesse d'apprentissage: Lente
Capacité d'apprentissage: importante
Affiliation: Jungle d'Aramila
Décision par l'unité: traitement annulée sauf demande express.

Il s'approcha de l'arbre pointé vers l'hespéride et traça de son doigt dans le sol un trait reliant à la maison représentant Aramila. Il tapota ensuite sa plaque pectorale, avant de repasser le doigt dans le sillon qu'il venait de tracer:
-Partir
Il patienta ensuite un instant avant de pointer Lö quelques secondes. L'absence de signe qui suivit était une question claire. Du moins il le calculait ainsi.

Spoiler:
Mer 2 Aoû - 19:21
Elle regarda encore de longues secondes l'arbre dessiné sous ses yeux. C'était étrange, la façon qu'il avait eu de résumé tous ces arbres en un seul - et plus étrange encore qu'elle comprenne son subtil message. Ce n'est qu'alors qu'elle s'aperçut que son nouveau comparse ne faisait plus un bruit. Quand elle se retourna vers ce qui ressemblait à son visage, il se tenait parfaitement immobile, à regarder le même dessin.

Il y avaient des signes qui ne trompaient pas, elle le savait bien. Si. Si! Elle le savait bien. Et elle en était maintenant persuadé: il n'était pas tout à fait comme elle. Il était un peu... Différent. Ses gestes, surtout. Net et précis, comme si il était une parfaite créature, alors qu'elle devait encore tout apprendre. Et sa voix aussi. Il arrivait à tordre les sons d'une façon très intelligentes et belles, tandis qu'elle avait encore du mal à apprivoiser le moindre son. Finalement, son corps était froid et lisse. Brrr, elle en frissonnait encore. Ca ne devait pas être très agréable. Son corps à elle était chaud, et il fallait attendre tard le soir pour qu'elle ait vraiment froid. Mais quand ça arrivait... Ce n'était pas vraiment agréable.

Avec une candeur toute naturelle, elle passa une main devant ses yeux - enfin, ce qu'elle prenait pour des yeux - en essayant de ramener à la vie le curieux animal. Il lui arrivait aussi d'être noyée dans ses pensées. Mais un petit geste suffisait généralement pour la ramener au présent.
Pour Kai-Meudir, cela sembla suffire. Dans un bruit de boulon, il s'anima pour venir racler la terre avec son doigt. Cette fois-ci, ce n'était pas pour faire un nouveau symbole, mais un trait entre l'arbre et un autre dessin qu'elle ne comprenait pas trop. Si l'arbre, c'était sa maison, alors... Le petit cube devait être autre chose.

Partir. Le mot tomba dans son oreille. Partir. C'est sûr, ce mot, elle ne l'aima pas beaucoup. Il avait l'air aigre et amer, et sonnait triste. Partir. Il la regarda quelques secondes, assez pour que la jeune hespéride comprenne qu'il attendait quelque chose. Comme un chien, à l'affût, elle ouvrit grand les yeux, son front se reculant sur son crâne avec surprise.
Partir.
Peut-être que Partir, c'était le symbole, loin de son arbre. Peut-être que Partir, c'était le chemin. Peut-être que ça se mangeait, partir. Elle se pinça la lèvre. Partir, c'était ce qu'il devait faire. Il s'était désigné, alors c'était lui, partir. Cela la rempli d'amertume, car elle comprenait que Partir, c'était que pour lui.

Alors, comme un enfant, ou un perroquet qui répète, elle posa à son tour son doigt sur la petite maison, au bout du trait, loin de son arbre.

"Où?"

Dit-elle simplement. Si où, c'était chez elle, alors peut-être que partir où, c'était chez lui.
Ven 4 Aoû - 10:42
Facteur émotionnel KG25
Communication fonctionnelle
Fin d'établissement géo-positionnement
Calcul direction approximative
Calcul terminé

Mordekai apposa doucement sa main sur le dessin de maison:
- Aramila
Il se releva ensuite et pointa du doigt une direction:
- Aramila

Maintenant la question difficile. Les hespérides étaient souvent très attachées à leur environnement de ce qu'il en comprenait entre Lö et Halie. Mais le petit tour à la civilisation de cette dernière lui avait été bénéfique de son propre aveu.

Il se baissa de nouveau vers la "carte" et pointa successivement le sillon tracé ainsi que l'arbre avec une longue pause entre deux:
- Lö partir? Lö rester?

Après la réponse, sa base mémoire ramena un dossier en avant, il pointa la jambe blessée et les cataplasmes:
- Mal?
Sam 5 Aoû - 11:21
Partir. Où. L'hersperide fronça les sourcils en regardant les dessins sur le sol, taillés à l'ongle et à la lame, en enfouissant son visage au trois quart dans ses genoux. C'était beaucoup, tous ces mots d'un coup. Le monde était si riche, elle avait la curieuse sensation qu'un mot, ça englobe tout, et à la fois pas assez. Mais Kai-Meudir avait l'air de savoir le sens caché dans tous ces mots, et plus encore. Et elle, à côté, ne savait rien. Elle avait la sensation d'avoir échappé au monde, qu'il s'était écrit à côté d'elle. Cela lui évoqua des émotions contraires. Tiraillée entre joie et jalousie, elle ne pu s'empêcher de tirer une grimace fébrile.

Le doigt tapota de nouveau sur l'étrange symbole. Aramila. Le mot sonnait comme du miel. Aramila... Comme une rivière fluide, un chant d'oiseau. C'était beau, Aramila! Plus beau que Lö. Elle leva un sourcil, détaillant le petit cube surmonté d'une maison. Un arbre qu'elle n'avait jamais vu... Et qu'elle avait du mal à imaginer. Tous les arbres autour d'elle avaient un tronc long et fin, surmonté d'un épais couvert de feuillage. Pas deux autres troncs pointus. Mais les feuilles avaient toutes sortes de forme, alors peut-être... Oui, Aramila devait être un arbre très joli.

Quand son accolyte leva un bras vers l'horizon pour désigner une nouvelle fois Aramila, Lö surveilla le loin pour essayer de distinguer cet arbre étrange à la canopée pointue. Mais rien. Aramila devait être très loin pour qu'elle n'arrive pas à la voir. Beaucoup plus loin qu'Où. Alors, Aramila, c'était le berceau de Kai-Meudir? Elle se gratta le crâne. Tout devenait compliqué.
Et quand Kai reprit la parole, tout devint plus compliqué encore. Mais... Moins amer. Mieux encore, car son visage se couvrit d'un large sourire. Maintenant, Lö pouvait partir! Partir, ce n'était pas que pour lui alors.

Mais, qu'est ce que c'était, rester? Elle regarda le dessin. Si partir c'était le trait, c'était l'arbre pointu... Alors rester, ça devait être où. Oui, ça ne pouvait être que ça.

"Partir!" S'exclama-t-elle, se levant d'un bond. "Lö Partir. Kai-Meudir, Lö partir." Son doigt se brandit à son tour vers le lointain. "Aramila."

Sa forêt n'était pas si grande, après tout. Elle pourrait retrouver Où une fois qu'elle aurait vu cet étrange arbre pointu - et l'idée d'avoir un voisin comme Kai-Meudir était plaisante. C'était bien plus agréable de ne plus être seule. Seule, vraiment? Non, elle n'était jamais seule. Tout autour d'elle raisonnait avec elle et à travers elle. Mais... Quelqu'un qui lui était fermé, c'était nouveau. Et c'était paisible.

Elle allait faire ses premiers pas vers le loin quand Kai pointa du doigt sa jambe blessée. Le regard de Lö tomba sur la blessure mal fermée, regardant un instant le trou rougit, la croûte cristallisée et claire. Mal... Ce devait être comme ça qu'on appelé quand le corps n'était plus fermé. Assez instinctivement, elle baissa la tête plusieurs fois.

"Mal, mal." Dit-elle en pointant sa jambe du doigt. Puis dans la foulée, elle s'approcha d'une plante non loin, et en retira une feuille après s'être excusée mille fois, dans sa tête, au moins. La feuille en main, elle la lui montra. "Mal."

De la même façon, elle attrapa la corde de lianes qu'il avait construite plus tôt. "Mal." Elle ressentait chacun des maux de la forêt. Pendant un instant, elle les regarda dans ses mains. Puis sa jambe. Quand elle s'était blessée, elle avait perdu un liquide rouge. Elle regarda la tige décapitée plus loin. Elle perdait de la sève. Alors... Si la liane...? Elle posa la liane sur sa jambe. La douleur provoquée par le contact étrange la fit grimacer. Aïe... Aïe!!

"Mal!" Elle essaya de garder la liane sur sa jambe encore endolorie. Mais elle ne parvenait pas à la garder fixer, même si elle avait la sensation que c'était là où elle devait être; Finalement, elle garda la main posée sur la liane, retournant vers Kai. Partir. Et la main sur son bandage de fortune, elle commença à marcher boitillante vers la direction indiquée; avec la hâte de découvrir ce grand arbre pointu.
Mer 23 Aoû - 16:20
Signe de détresse
Signe de calme
Signe d'excitation
...

Mordekai captait tout ce qu'il pouvait des émotions que dispensait Lö, elle était son opposé total en la matière, exprimant à tout va pour le plus grand plaisir de la base de donnée de l'automate qui enregistrait et engrangeait de l'information comme Cathilde les viennoiseries.
Puis soudain elle se redressa à la mention du départ, elle semblait avoir compris dans les grande lignes ce que l'unité voulait lui transmettre. L'hespéride semblait même ravie de faire la route avec lui.

Elle attrapa ensuite une feuille, que Mordekai enregistra dans le dossier des plantes médicinales potentielles, avant de tenter maladroitement de la coller avec la liane tressée sur sa blessure.
L'automate se redressa et rattrapa Lö d'une seule enjambée, posant sa main sur son épaule pour la stopper.

Récupération bandage artificiel
Récupération information: Dossier premier soin sur le terrain
Lecture et réinterprétation pour la situation.
Confection bandage de fortune.
Enroulement.
Resserrement.
Attache.
Assurance Attache ferme.
Signe de douleur légère dû à la fermeté du bandage.
Récupération entrainement civil: CW14
Changement ordre de marche: Transport de blessé.
Bras droit: Arrière travers épaules
Bras gauche: Arrière membres postérieurs
Basculement 50cm/s
Balance sujet du transport: OK
Frein aux capacités des membres antérieurs: 80%
Démarrage Gyroscope secondaire: Paramétrage fragile 11
Ajustement rythme de marche: Transport être vivant 10
Récupération trajet approximatif d'après données locale.
Lancement trajet longue distance.
Vitesse de marche 1.2m/s.
Départ.

-Partir
Sam 2 Sep - 11:18
Kai-Meudir s’éleva, de toute sa grandeur, de toute la force qu’elle n’avait pas et qu’elle n’aurait jamais. Là où elle avait piétinée plusieurs pas, il n’en mit que deux pour la rejoindre. Son visage froid et inexpressif lui inspira pourtant la plus grande sympathie - peut-être qu’elle projetait juste son excitation sur lui, espérant qu’il mimique toutes les émotions qui se chahutaient perpétuellement dans sa jeune caboche. Oh qu’elle aimerait savoir ce qu’il ressentait. Oh qu’elle appréciait de ne pas pouvoir le faire.

Tenant sa feuille entre les mains, Lö se la vit arracher doucement par les doigts métalliques. Curieusement, elle ne se sentie pas agressée, et toutes traces de craintes avaient disparu. Dire qu’elle était allée se cacher sous les buissons quelques minutes plus tôt - là, elle se retrouvait avec le ventre plein et prête à changer sa vie. Curieux flot du destin, curieuse alignement des astres, curieux caprices de la vie. L’hespéride comprenait mal toutes les signification de son choix, ni ce qu’elle faisait là, maintenant, avec qui et pourquoi. Tout était brut, spontané. Et elle croyait humblement que c’était ça, la vie, que c’était ainsi que le monde devait se faire et que qui qu’elle rencontrerait, ce serait ainsi. Que le monde était peut-être, quelque part, peuplé de Kai-Meudir, et ça lui allait très bien.

La piqûre procurée par la feuille écrasée sur sa jambe lui arracha une grimace douloureuse. La douleur… Quand elle avait vu son reflet dans l’eau, elle s’était vu pâle, petit sac de peau à la tête hirsute. Mais au moindre coup, cette petite enveloppe fragile se cassait et laissé couleur le liquide carmin qu’elle redoutait trop. C’était ça, douleur. Au fonds, elle était plutôt fragile.
Brusquement, Kai-Meudir la souleva du sol, avec plus de soin que jadis. En se sentant élevée, elle le regarda plus intensément que jadis. Lui n’avait pas l’air fragile. Sa peau à lui n’était pas flexible. Elle n’était pas chaude, ni pâle, ni roulante ou gonflée quand on la pinçait. Elle était rigide et froide - nul doute que si il tombait sur une pierre, il n’aurait pas la douleur. Si il prenait un coup, il resterait fermé. Ou peut-être… Un gros coup. Ses doigts tapotaient doucement le métal froid. Oui, lui était fort. Et la feuille qu’elle avait sur la hanche ne l’aiderait probablement pas beaucoup.

Partir.

C’était le moment pour Partir, alors. Elle était remplie d’excitation, de joie à l’idée de voir Aramila, de rencontrer le monde là bas, mais également d’une certaine tristesse. Celle-ci s'accrut quand ils se mirent à bouger. Partir… Partir, ça faisait mal. A chaque mètre, chaque kilomètre, son ventre se creusait de la crainte de ne plus revenir, de voir les arbres défiler devant ses yeux et s’éteindre sur l’horizon, comme un bout d'elle-même qu’on arrachait et qu’elle ne reverrait plus. Comme si elle quittait son berceau pour devenir adulte. Kai-Meudir ne semblait pas empreint de la même mélancolie. Lui était impassible.
Quelque part, c’était rassurant. C’était peut-être ça aussi, Partir. Pouvoir avancer sans ressentir. Partir, c’était triste, c’était joie, c’était beau.