Lun 8 Mai - 12:09
On aurait pu croire à un abysse vert et dentelé, cette forêt sans fin qui regorgeait de merveilles. Elle s’agitait comme chaque matin: des cris proches de chants qui s’échangeaient de branche en branche, comme un carillon affolé qui annonçait le levé du soleil. Le bruissement des feuillages marquait la mesure d’une brise légère, seul effronté à empêcher les oiseaux d’aller au bout de leur partition. Au creux de ce théâtre, dans un nid humide d’herbe verte, Lö ouvrait péniblement ses yeux.
Cela faisait quelques heures qu’elle avait croisé la brume étrange. Elle ne parvenait toujours pas à s’en remettre, le coeur palpitant dans sa poitrine alors qu’elle venait à peine de s’éveiller. Cette rencontre était la première qu’elle faisait qui lui était tout à fait hermétique; Fermée, même. Comme si elle s’était confrontée à un mur opaque alors que tout dans ce monde résonnait avec elle. Lentement, elle se leva, la hanche rougit et bleu. La douleur lui intima de rester encore alitée quelques minutes, ce qu’elle fit d’instinct. Elle n’osa pas regarder immédiatement l’aspect de sa blessure douloureuse - ses sens lui indiquaient qu’elle était mal en point, qu’elle ferait mieux de patienter jusqu’à ce que ça se calme. Le soleil eut le temps de poursuivre un peu sa course, perçant la canopée pour la trouver en contrebas, embrasant ses cheveux dans une lumière intense comme la flamme d’une bougie.
Ce n’est qu’alors qu’elle osa regarder ce que la roche lui avait infligé la veille. A la jonction de sa cuisse et de l’os de sa hanche, une large coupure rouge recouverte d’un amas épais fissurait une peau violacée. Elle n’appréciait pas la vue, malgré son inexpérience en la matière, et comprenait facilement que cela n’avait rien à voir avec quelque chose de sain. La douleur que lui procurait chaque mouvement le lui confirmait également.
Quand son ventre commença à s’agiter, elle s’osa à se lever, la faim plus grande que la douleur. Sa main pâle attachée fermement à sa blessure comme une agrafe, elle fit quelques pas pour s’habituer à la sensation déchirante que lui procurait chaque mouvement. C’était douloureux mais supportable - et en quelques jours de vie, l’hespéride avait acquis en elle la persévérance. Curieuse flamme, elle ne se laisserait pas abattre, pas avant d’avoir rempli son estomac et vu une nouvelle fois le soleil s’éteindre sur l’horizon.
Tant bien que mal, elle se mit en chemin en direction des arbres fruitiers et des buissons de baies. Elle commençait à se faire à son nouvel habitat, trouvant son chemin par l’habitude nouvelle et l’aide des plantes alentours qui lui soufflaient les directions pour l’aider. Comme si la nature alentours la supportait par ses miliers de sensations qui flottaient, la touchaient comme des fourmis qui grimperaient sur ses jambes, et glisseraient sur son dos comme de grands frissons.
Ses pas étaient clopinants et maladroits, et elle n’avait pas la prestance des dames - sans même comprendre ce que cela était. Petit oiseau blessé, elle avançait malgré tout, ses pieds nus se heurtant à la boue et à la glaise, sentant sous ses orteils des reliefs escarpés et des racines entremêlés. Malgré la douleur, le ciel clair et l’agitation frénétique qui définissait le lieu lui donnait un sourire entêtant. Le monde n’avait pas perdu de sa grâce avec sa blessure. Et elle n’en perdrait pas non plus;
Pourtant, plus elle avançait vers la clairière, plus les sensations qui lui arrivaient par vague s’amenuisaient. Les chants de oiseaux se faisaient de plus en plus discrets. Les arbres ne craquaient plus. Comme si tout autour d’elle se taisait progressivement, jusqu’à laisser autour d’elle une sensation pesante et un silence assourdissant. Lö s’arrêta brusquement, alerte. Ce n’était pas normal. Ce silence, la jungle à l’arrêt. Ce n’était pas normal. Le ciel sans bruit, la nature alerte.
Ce n’était pas. Normal.
Animal, l’hespéride se plia, s’agenouillant sous un couvert de larges feuilles vertes non loin, s'accroupissant malgré la douleur pour n’être plus vu que des insectes et des rongeurs qui devaient passer par là. Elle était à l’affût du moindre bruit. La sensation qui lui retournait les entrailles ne pouvait pas tromper: elle n’était pas seule. Mais cette sensation là était bien différente de celle qui l’avait traversée quand la brume s’était imposée à elle. Non, celle-ci lui déchirait le ventre, faisait battre son cœur et le sang dans ses veines, le transformant en un tambour menaçant. Ses sens en étaient décuplés. Quelque chose approchait, non loin, un bruit étrange qu’elle ne connaissait pas. Et toute en attention, Lö se demanda alors si elle n’allait pas croiser enfin un nouveau semblable. Son esprit tout de curiosité et de crainte, elle restait tapie, renarde discrète, dans l’attente de quiconque sortirait des arbres tranquilles et silencieux.
Cela faisait quelques heures qu’elle avait croisé la brume étrange. Elle ne parvenait toujours pas à s’en remettre, le coeur palpitant dans sa poitrine alors qu’elle venait à peine de s’éveiller. Cette rencontre était la première qu’elle faisait qui lui était tout à fait hermétique; Fermée, même. Comme si elle s’était confrontée à un mur opaque alors que tout dans ce monde résonnait avec elle. Lentement, elle se leva, la hanche rougit et bleu. La douleur lui intima de rester encore alitée quelques minutes, ce qu’elle fit d’instinct. Elle n’osa pas regarder immédiatement l’aspect de sa blessure douloureuse - ses sens lui indiquaient qu’elle était mal en point, qu’elle ferait mieux de patienter jusqu’à ce que ça se calme. Le soleil eut le temps de poursuivre un peu sa course, perçant la canopée pour la trouver en contrebas, embrasant ses cheveux dans une lumière intense comme la flamme d’une bougie.
Ce n’est qu’alors qu’elle osa regarder ce que la roche lui avait infligé la veille. A la jonction de sa cuisse et de l’os de sa hanche, une large coupure rouge recouverte d’un amas épais fissurait une peau violacée. Elle n’appréciait pas la vue, malgré son inexpérience en la matière, et comprenait facilement que cela n’avait rien à voir avec quelque chose de sain. La douleur que lui procurait chaque mouvement le lui confirmait également.
Quand son ventre commença à s’agiter, elle s’osa à se lever, la faim plus grande que la douleur. Sa main pâle attachée fermement à sa blessure comme une agrafe, elle fit quelques pas pour s’habituer à la sensation déchirante que lui procurait chaque mouvement. C’était douloureux mais supportable - et en quelques jours de vie, l’hespéride avait acquis en elle la persévérance. Curieuse flamme, elle ne se laisserait pas abattre, pas avant d’avoir rempli son estomac et vu une nouvelle fois le soleil s’éteindre sur l’horizon.
Tant bien que mal, elle se mit en chemin en direction des arbres fruitiers et des buissons de baies. Elle commençait à se faire à son nouvel habitat, trouvant son chemin par l’habitude nouvelle et l’aide des plantes alentours qui lui soufflaient les directions pour l’aider. Comme si la nature alentours la supportait par ses miliers de sensations qui flottaient, la touchaient comme des fourmis qui grimperaient sur ses jambes, et glisseraient sur son dos comme de grands frissons.
Ses pas étaient clopinants et maladroits, et elle n’avait pas la prestance des dames - sans même comprendre ce que cela était. Petit oiseau blessé, elle avançait malgré tout, ses pieds nus se heurtant à la boue et à la glaise, sentant sous ses orteils des reliefs escarpés et des racines entremêlés. Malgré la douleur, le ciel clair et l’agitation frénétique qui définissait le lieu lui donnait un sourire entêtant. Le monde n’avait pas perdu de sa grâce avec sa blessure. Et elle n’en perdrait pas non plus;
Pourtant, plus elle avançait vers la clairière, plus les sensations qui lui arrivaient par vague s’amenuisaient. Les chants de oiseaux se faisaient de plus en plus discrets. Les arbres ne craquaient plus. Comme si tout autour d’elle se taisait progressivement, jusqu’à laisser autour d’elle une sensation pesante et un silence assourdissant. Lö s’arrêta brusquement, alerte. Ce n’était pas normal. Ce silence, la jungle à l’arrêt. Ce n’était pas normal. Le ciel sans bruit, la nature alerte.
Ce n’était pas. Normal.
Animal, l’hespéride se plia, s’agenouillant sous un couvert de larges feuilles vertes non loin, s'accroupissant malgré la douleur pour n’être plus vu que des insectes et des rongeurs qui devaient passer par là. Elle était à l’affût du moindre bruit. La sensation qui lui retournait les entrailles ne pouvait pas tromper: elle n’était pas seule. Mais cette sensation là était bien différente de celle qui l’avait traversée quand la brume s’était imposée à elle. Non, celle-ci lui déchirait le ventre, faisait battre son cœur et le sang dans ses veines, le transformant en un tambour menaçant. Ses sens en étaient décuplés. Quelque chose approchait, non loin, un bruit étrange qu’elle ne connaissait pas. Et toute en attention, Lö se demanda alors si elle n’allait pas croiser enfin un nouveau semblable. Son esprit tout de curiosité et de crainte, elle restait tapie, renarde discrète, dans l’attente de quiconque sortirait des arbres tranquilles et silencieux.