Light
Dark
Bas/Haut

❝ organisme corrompu ❞ 「flashback, un an plus tôt」

❝ organisme corrompu ❞  「flashback, un an plus tôt」 Brandw10
Ven 31 Mar - 23:05
Tu te souviens des premiers symptômes et du rire de Papa face à ta moue contrariée, de cette toux insidieuse, intermittente, de plus en plus persistantes. Du souffle rauque devenant sifflant à chaque fin de journée et la difficulté à arriver en haut des escaliers. Le teint perdant de sa couleur, pâle et cireux où ressortent les cernes noirs, les ongles bleus. Tu sais qu'il souffre, il mange moins, dort peu malgré l'envie, tant ses nuits sont hantées par les quintes cacophoniques, erratiques, et tu jures que parfois tu entends ses poumons se déchirer et la douleur échapper de ses lèvres avant qu'un silence de mort ne vienne planer dans le noir. Tu le sais, qu'il se retient pour ne pas te réveiller, pour ne pas troubler ton sommeil et t'inquiéter. Lui ne sait pas, en revanche, qu'assise sur ton lit, tu attends le ventre serré de l'entendre de nouveau respirer, luttant contre ton instinct qui te hurle de te précipiter dans sa chambre pour vérifier qu'il n'a pas cesser de lutter.
Vous dormez mal, tous les deux. Lui peine à maintenir son allure de dirigeant, à conserver sa tête hors du brouillard et à ne pas se laisser emporter par son état fébrile. Il avale des vitamines, des comprimés que le médecin lui donne pour calmer les symptômes sans parvenir à mettre de mots sur ce mal qui le ronge de l'intérieur, tandis que toi tu es prête à parier qu'une expérience à mal tournée, et qu'il en paie les frais. Vous dormez mal, tous les deux. Ton sommeil est si léger que le moindre bruit te réveille en sursaut. Tu découvres pour la première fois que les ténèbres peuvent être angoissante, que le silence peut se faire pesant. La fatigue te gagne et tu deviens de plus en plus caractérielle, tu tentes de remettre ton père en état mais petite fille étrange que tu es, tu es incapable de comprendre de quoi il a besoin. Du repos, de l'air pur, des cachets, encore et encore des cachets ? Tu ne sais que faire, et dans ta diminution, tu te sens minuscule, désemparée, profondément contrarié. L'ambiance devient électrique, et Ô que vous êtes bornés, à camper sur vos positions, sans vous écouter ! Tu veux le traîner de force à l'hôpital et le brancher à tout un tas de machines qui sauront te dire, tu en es certaine, ce qui cloche dans ce corps difonctionnel, et lui te jure Mordicus qu'il n'est pas en mesure de quitter son poste pour une durée indéterminée, qu'il ne saurait se reposer en sachant l'entreprise loin de lui, et qu'il préfère de loin rester à tes côtés plutôt que de passer des jours et des jours dans une pièce aseptisée.

Ce matin, pour la première fois, la fatigue n'y aidant sans doute pas, tu as élevée la voix, grondant ton mécontentement sur ton père se contentant d'un toast en guise de carburant. Tu frôles la colère du bout des doigts, ton organisme devient chaud, trop chaud pour toi. Tu as presque été prise de vertiges, pauvre petite ! Et lorsque tu t'es enfermée dans ton atelier, dans le complexe de ta famille, ton humeur massacrante t'as empêché d'avancer sur tes projets : ratures et échecs cuisants se sont multipliés, des erreurs que tu n'aurais jamais pensé faire un jour : si élémentaires, si idiotes ! Il a fallu toute la diplomatie du monde à IAN pour te tirer hors de ta grotte, pour te faire prendre l'air, chasser les ombres stagnant dans ton esprit, essayer tout du moins de faire du tri.

L'inquiétude, Prune, n'est pas contrôlable, et tu n'as jamais été douée pour manipuler tes émotions.

« Prune, tu as une mine affreuse ! »

Le tact de Lyana a le mérite de te sortir de ta morosité, de te secouer un peu, de t'extirper de la noirceur de ton crâne. Sans te demander ton avis, elle te couve, passe son bras autour de tes épaules, mère, grande-soeur prête à protéger le plus frêle des canetons, t'entraîne sur un banc. Tu n'aimes pas spécialement le contact humain, tu as tendance à l'esquiver instinctivement, mais là, aujourd'hui, avec tous ces facteurs qui s'enchaînent et s'accumulent au point de décupler le poids de ton corps et celui que tu ressens sur tes épaules, tu te laisses couler contre elle et un flot d'informations se déversent de ta bouche lorsque la demoiselle a le malheur de te demander ce qui a bien pu se passer pour faire disparaître le sourire de ton joli minois. Un portrait des semaines passées dressent et tu tritures nerveusement les pans de ta veste pour canaliser la vague d'émotions qui s'évaporent. Etrange, en parler te soulage un peu, mais de manière dérisoire, tant formuler les choses les rend réelles, tangibles, terribles. Papa va mal. Très très mal. Il ne dort plus. Il ne mange plus. Est-ce qu'il... Est-ce que lui aussi...

Dans le noir, une lueur étincelante. Une main qui se glisse dans tes cheveux pour te rassurer, une voix douce t'assure que tout va bien se passer, que les choses vont s'arranger, et que même, qui sait, peut-être connait-elle quelqu'un qui pourrait t'aider ? Des étoiles d'espoir jaillissent de tes yeux lorsque tu l'entends te dire que ce soir, elle passera te voir avec son frère, qui pourrait être en mesure de soulager les maux de Papa. Tu ne retiens pas son prénom, et lorsque tu retournes dans ton laboratoire, tu es toujours autant incapable de te concentrer : tu ne penses qu'à la possibilité que ton père aille mieux, tu confrontes ta peur, la petite voix qui chuchote au creux de ton corps que tout pourrait mal se passer. Tu ne la comprends pas, ce n'est qu'une sensation dérangeante dans un coin de ta tête, tu ne t'y attardes pas, tu n'as pas suffisamment d'énergie pour ça. Les heures passent, nébuleuses, quand il est l'heure de rentrer, tu es comme en pilote automatique, l'esprit dans un duvet de fatigue physique et émotionnel que tu te retrouves à errer dans la cuisine, une tasse fumante à la main, observant le repas se préparer. Tu n'as pas faim, tu te forceras à manger pour montrer à ton père que ce n'est pas si compliqué de faire des efforts, même s'il ne se donne même pas la peine de sortir de sa chambre, prétextant de devoir travailler sur quelque chose d'important. Tu tournes en ronds, encore, et encore et encore, tu portes plus souvent ton pouce à ta bouche que la tasse désormais froide et tu guettes le moindre mouvement à la fenêtre, à tel point que lorsque tu vois deux silhouettes passer la grille de la demeure, tu te précipites dans l'entrée pour ouvrir la porte, sous le regard surpris de Charles : depuis quand lui voles-tu son travail ?

Et te voilà qui trépignes sur le palier, d'un pied sur l'autre, mordillant ta lèvre en fouillant dans ta tête à la recherche d'un moyen d'accélérer le temps, de les faire arriver plus vite dans la chambre de ton père... Quoi, tu es en pyjama devant tes invités ? Charles glisse un peignoir en soie sur tes épaules en te demandant de ne pas attraper froid, mais tu n'as que faire d'un rhume s'il peut permettre à ton père de guérir !

« Bonsoir, bonsoir ! Entrez, vite, s'il vous plait. », tu mitrailles alors que Charles débarrasses les nouveaux arrivants. Et tes bonnes manières, Prune ? Tu ne proposes pas de boissons à tes invités, tu ne les laisses pas se reposer ? Non, toi tu files vers les escaliers, trottinant sur la pointe des pieds, t'arrêtant à mi-hauteur pour leur demander muettement de te suivre jusqu'à la chambre du patient. Au Diable les commodités, quelqu'un souffre, ici !
Ven 7 Avr - 15:10

Organisme corrompu

Avec Prune Øystein



- Prune Øystein ?

Il connaissait la jeune femme de renom comme tout bon Epistote né dans le culte de la faction. Ce qui lui échappait était la connivence entre la riche héritière du monde automatique et sa sœur. Bien sûr il savait que Lyanna travaillait pour la plus grande entreprise du pays, de là à connaître la fille du grand Olivier Øystein.
Il n'eut pas besoin de questionner sa jumelle pour avoir de plus ample explication, un simple haussement de sourcils suffit. Lewën et Lyanna se connaissaient par cœur, on aurait pu croire qu'ils étaient une seule entité qui se complétait et se comprenait mieux que quiconque.
Lyanna lui conta sa rencontre avec la joviale Prune, jeune femme aussi érudit que simple, un poil naïve et le coeur sur la main. Le médecin comprit l’attachement de sa sœur pour la fille Øystein, un amour fraternel, presque maternel. Une jalousie aurait pu troubler ce moment de partage seulement ce sentiment n’était qu’une graine stérile qui jamais ne germerait dans le cœur de l’homme. Il faut l’avouer, Lewën était bien trop cartésien et réfléchi pour se laisser aller à ce genre d’absurdité sentimentale, et puis Lyanna resterait toujours Lyanna, sa jumelle intrépide qu’il chérissait d’une confiance aveugle.

- Je m’inquiète vraiment pour elle Lew, son père a vu un défilé d’incapables, des médecins de pacotilles si tu veux mon avis. Et encore je reste polie ! Je ne l’ai jamais vu comme ça la petite, te jure elle est méconnaissable, elle a perdu ses paillettes et ses bulles pétillantes.

Il ne put s’empêcher de sourire face langage de sa frangine et ses images verbales.

- Son père c’est son encre, son repère. Elle lui fit un clin d’oeil pour le jeu de mot qui laissa de marbre son frangin. Plus sérieusement, cette gamine est une perle, on ne peut pas la laisser comme ça. Je lui ai dit que nous passerions ce soir, tu es libre j’espère ?

Lewën était bien incapable d’en vouloir à sa soeur de lui imposer un patient aussi riche ou connu soit-il. Il savait que bientôt, ses échanges lui manqueraient. Il partirait pour une quête personnelle, loin de sa patrie, loin de sa famille, loin de son propre repère. L’urgence dans la voix de Lyanna lui rappelait son serment “je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions”, “je ferai tout pour soulager les souffrances”. Oui, ce soir ils iraient dans la demeure Øystein pour y soigner le grand patron de la multinationale ORI, père d’un petit bout de femme qui se faisait un sang d’encre pour l’unique parent qu’il lui restait. On oublie bien trop souvent qu’il n’y a pas qu’un malade à guérir, il y a aussi une famille à soulager.

Son matériel était prêt dans sa mallette, ils arrivèrent en début de soirée lorsque le globe lumineux qui éclairait Urh finissait de disparaître à l’horizon de leur planète. Une silhouette apparut sur le perron, une longue allée les séparait encore de l’entrée de la demeure. Lewën sentait l’anxiété de sa sœur, ce n’était rien face à celle de Prune. Il n’eut pas le temps de se présenter, comme il avait coutume de le faire, que déjà la brune les menait vers l’escalier les pressant de la suivre. Il laissa au majordome son manteau et son chapeau avant d’emboîter le pas à la demoiselle, précédé de sa sœur.

Arrivé en haut des marches il put questionner la jeune femme qu’ils venaient de rattraper.

- Depuis combien de temps votre père est-il malade ? Son état se dégrade-t-il ?

Lyanna l’avait prévenu, Monsieur Øystein était un homme très occupé, il prenait à peine le temps de se soigner, trop occupé à gérer son empire. Le médecin savait très bien comment fonctionnerait son patient, réponses concises voire expéditives dans le but de reprendre ses activités au plus vite et se débarrasser du rustre qui osait lui faire perdre du temps. Autant en gagner en ayant de point de vue plus ou moins objectif d’un proche. Quant aux symptômes, il les découvrirait avec le patient lui-même.
Prune répondit avec une voix qu’elle voulait assurée, les tremblements trahissant son tourment. Il suffit d’un regard entre les jumeaux pour que Lyanna prenne par les épaules la “petite” et la rassure d’un contact maternel.

Après avoir traversé un couloir, ils arrivèrent devant la porte de la chambre, déjà Lewën entendit la toux rocailleuse du malade. Il laissa Prune toquer et ouvrir la porte, présentant les nouveaux venus. Il fut affublé du seul statut de son métier et se permit de compléter la demoiselle.

- Lewën Digo Monsieur. Médecin de l’armée. Ex-médecin se corrigea-t-il en son for intérieur. Cela rassurait les gens de savoir que l’homme qui était en face d’eux avait une condition reconnue par le corps militaire.

Le grand PDG grommela, des médecins, il en avait déjà vu trop. Il avait assez de traitements à prendre pour tous ses symptômes. Le Portebrume n’eut pas à batailler, la petite demoiselle n’eut besoin que d’un regard entremêlant peur et espoir pour convaincre son paternel de laisser le nouveau venu l’ausculter.

- Tu te fais du mouron pour pas grand chose Trésor. Je vous assure Docteur, ce n’est qu’un vilain rhume, ça va passer.

- Je vais m’en assurer Monsieur si vous le voulez bien. Je sais que vôtre temps est précieux je ne compte pas en abuser.

Lewën regarda Lyanna qui comprit le message sans difficulté. Elle enjoint Prune de quitter la pièce d’un subtile “Est-ce possible de prendre une tasse de thé en attendant que ces hommes en aient fini ?”

Seul avec son patient qui crachait ses poumons à son dépit, Lewën enfila sa combinaison surmontée d’un masque au bec de corbeau empli d’herbes filtrantes. Il remarqua le regard d’homme de pouvoir chargé d’un mépris pour la tenue.

- Je ne suis pas un pestiféré Docteur.

- Cette tenue est aussi pour vous protéger Monsieur, votre état de santé est affaiblie que vous le vouliez ou non, je vois d’autres patients et je ne souhaite pas empirer votre situation.

D'expérience, Lewën savait manier les mots pour ne pas contrarier ses interlocuteurs. Il sortit son cône pour écouter le corps parler de lui-même. L’être humain n’est jamais honnête, autant se reposer sur le factuel, la source du “problème”.

-  Je vais vous demander d’ôter votre haut Monsieur et de vous asseoir.

Non sans bougonner l’homme d’affaires s’exécuta et l’examen commença. Percussion, écoute pulmonaire, cardiaque, observation des ganglions, palpations, Lewën ne laissa rien au hasard et étudia méthodologiquement chaque partie du corps d’Olivier Øystein.

- Cela fait longtemps que vous avez vos plaques dans le dos ?
- Quelles plaques ? répondit le patient fronçant les sourcils.

Le médecin avait sa réponse. Il enleva son masque, prit son carnet et y nota toutes ses observations.

- Quels traitements avez-vous ?

Avec une pointe d’exaspération, le quinquagénaire fit la liste de ce qu’on lui avait prescrit, y compris des traitements qu’il ne prenait plus suite à d’autres avis médicaux. Comprenant que chaque médecin y était allé de sa propre thérapie, Lewën décida de s’y prendre autrement, faisant un tri parmi la médication.

-  Depuis combien de temps faites vous les inhalations d’huile essentielle ?

La réponse ne satisfit pas le médecin.

-  Et vous n’avez aucune amélioration ?

Une réponse négative accueillit sa question.

-  Permettez moi de vous faire une prise de sang ?

Il enjoint l’acte à la parole, préparant une aiguille et plusieurs tubes. Il fit un premier test rapide qui rendit le sang de Sieur Øystein bleu, interloquant les deux hommes. L’un par la magie de la couleur, l'autre par la signification de la réaction chimique.

- Il faut que j’envoie les autres tubes en laboratoire.

Lewën gardait ses hypothèses pour lui, ne jamais inquiéter le patient avant des résultats prouvés.

-  Continuez à faire les inhalations, même si ça ne semble pas des plus efficaces cela empêchera les poumons de continuer à se remplir. Il faut bien boire aussi pour que vos mucus reste bien humide, c’est important.

- Il y a cette potion aussi qui me soulage la douleur. Il m’a été conseillé par un de vos prédécesseurs de ne pas interrompre le traitement au risque de détériorer ma santé. Il m’est arrivé de l’oublier, j’ai été pris de tremblement et une migraine épouvantable m’a clouée au lit.

-  Savez-vous quelles substances elle contient ?

L’homme haussa les épaules.

- Demandez à Charles, mon gouvernant, il a la prescription. C’est du sûr-mesure, la potion est réalisée en pharmacie sur recommandation du médecin. Docteur Lionel, vous connaissez ?

Lewën secoua négativement la tête, l’esprit ailleurs.

-  Puisqu’elle vous soulage continuez là, je reviendrai dans quelques jours après les résultats du laboratoire. Vous pouvez arrêter ces trois comprimés, je n’en vois aucune utilité. Autant limiter les éventuels effets secondaires. Merci Monsieur Øystein de votre temps, ne prenez pas cet état à la légère. Votre fille a besoin de vous voir au mieux pour être rassurée.

Après avoir rangé son matériel, Lewën redescendit, attendu comme le messie. Il gratifia la jeune femme d’un sourire qui se voulait rassurant, ne s’engageant sur le pronostique de son paternel.

-  Je préfère m’assurer des résultats de ses prises de sang avant de rendre un diagnostic mademoiselle, soyez rassurée, votre père est bien suivi. Si son état empire n’hésitez pas à m’envoyer un coursier. Il griffonna une adresse sur son carnet, en déchira la feuille pour la donner à la jeune génie.  Je reviendrai dans quelques jours avec de plus amples connaissances sur la santé de Monsieur Øystein et un traitement approprié.

Il fit un signe de tête à Prune avant de se manifester auprès du majordome, lui demandant la fameuse ordonnance qui, malheureusement, ne lui apprit pas grand-chose de plus sur ce que contenait la potion miracle. Il demanda à Charles où il faisait faire la décoction et s’il pouvait garder le papier pour se rendre lui-même à la pharmacie.

- Ce n’est pas en pharmacie Monsieur qu’il faut vous rendre, il a bien été précisé par Docteur Lionel de se rendre au laboratoire de l’alchimiste Flanel au coin du quartier des chimistes.

Fronçant des sourcils, Lewën ne comprenait pas encore l’importance de cette information. Il ne tarda pas à quitter la demeure sans avoir une dernière parole rassurante pour la protégée de Lyana. Marchant derrière son frère, la mécanicienne posa un lourd regard sur son jumeau en attendant que sa langue se délie. Sentant le poids qui s’attardait sur sa nuque l’homme ne se tourna guère lâchant néanmoins le peu qu’il savait.

-  Je ne pense pas que Monsieur Øystein soit atteint d’un quelconque virus ou d’une maladie virulente.



Dernière édition par Lewën Digo le Jeu 27 Avr - 17:35, édité 1 fois
Jeu 13 Avr - 15:30
Deux tasses de thé sur la table du salon, recroquevillée sur le fauteuil sur lequel tu as prit l'habitude depuis toute petite de te glisser pour lire, au coin du feu, en espérant que Papa finisse par pointer le bout de son nez pour passer une soirée avec toi, loin de l'entreprise familiale, loin des impératifs aristocratiques, juste un père et sa fille, loin de tout. Le menton posé sur la caboche de IAN que tu serres fort contre toi, pris en otage, les yeux posés sur le feu crépitant de la cheminée. On te parle, la voix de Lyana se mêle aux flammes pourléchant les buches. Les tentatives sont vaines, et tu t'en voudras peut-être plus tard de ne pas avoir été capable de tenir la conversation, d'avoir ri de bon cœur pour faire passer la boule au fond de ta gorge, de t'être confiée au moins, d'avoir posé une multitude de questions sur les capacités de son frère — un peu tardivement, peut-être, les questions, ça se pose avant que le médecin soit seul à seul avec le patient, non ? — ou tout simplement d'avoir partagé avec elle tes nouvelles inventions, tes idées en élaboration, tout, n'importe quoi, pour faire passer le temps plus vite, pour que le silence ne s'appesantisse pas entre vous. Quelle piètre hôte tu fais, vraiment !

Tu n'y peux rien, tu te sens crispée, bloquée dans ta tête, et comme tu aimerais être une petite souris pour te glisser dans la chambre du malade et observer les moindre fait et geste du médecin, entendre les questions, les réponses, ne rien y comprendre, ne pas savoir déchiffrer les expressions sur leur visage, mais au moins, au moins ! être présente avec eux, ne pas perdre une miette de la consultation. Ca t'aurait rassurer autant qu'inquiéter. Il n'y a donc aucune solution pour t'apaiser ? Même le goût du thé n'atteint pas ta langue, et si tu te brûles les lèvres, tu le remarques à peine. Réveille-toi, Prune, ne flanche pas !

Il est de retour ! Le médecin, vous gratifie de sa présence, et c'est à ce moment que tu remarques sa démarche mal assurée, son appui sur l'une de ses jambes semble peu naturel. Peut-être ton regard s'y attarde-t-il un peu trop longtemps avant que tu ne te reprennes et plonges tes yeux dans les siens, écoutant attentivement, buvant ses paroles comme la plus douce des mélodies. Tu n'y apprends pas grand chose et te redresse en laissant IAN retrouver le sol, s'étirer, grincer en forçant le trait. Son visage, Prune, concentre-toi sur son visage. Qu'est-ce que tu sais y voir, que peux-tu y voir ? Rien, tu n'y vois rien. Peut-être devrais-tu assimiler quelque chose, n'importe quoi, mais c'est un visage, semblable à tant d'autre. En serrant le papier entre tes doigts, tu acceptes l'accolade de la mécanicienne, accorde même un petit sourire et un remerciement au duo lorsque tu refermes la porte derrière eux.

Alors Prune, ça va mieux ?
Non, pas du tout.

*
* *

Quatre jours. Quatre jours durant lesquels tu ressens chaque grain tomber dans le sablier. Quatre jours où tu notes méticuleusement tous les changements dans l'état de Papa. Quatre jours où tu n'as de cesse de questionner Lyana du regard, quêtant l'espoir, les réponses, la solution. C'est long. Comment quatre jours peuvent-ils te sembler aussi long ? Tu as attendu bien plus longtemps une évolution dans cette situation, tu as pris ton mal en patience, tu as souffert en silence... Souffert ? Non, Papa souffre, toi, Prune, tu ne sais pas ce que tu as, mais tu le ressens de plus en plus fort, et tu veux t'en débarrasser, de cette chose qui te colle à la peau, qui te fait te sentir sale, plus sale encore qu'après une journée à bosser dans le cambouis pour réparer un Automate en piteux état. Combien de temps pourras-tu encore continuer comme ça ?
Heureusement pour toi, tes limite ne seront pas atteintes cette fois-ci. Le cinquième jour, on t'accueille avec une grande nouvelle : un médecin t'attend dans ton bureau, le frère d'une mécano. Pas la peine d'attendre que ton interlocuteur se remémore le prénom de la travailleuse : ça ne peut qu'être eux, et tu le remercies d'un large sourire en t'engouffrant dans l'ascenseur avec ton petit Automate, te mordant l'intérieur de la joue.

Pas de nouvelle, bonne nouvelle ?

Les portes coulissent et IAN disparait après avoir annoncé "partir préparer le thé". Du thé ? Quelle drôle d'idée ! Toi, tu cavales presque dans le couloir et pousse la porte de ton bureau, tombant effectivement sur les jumeaux. Garçon, fille, garçon, fille, garçon, garçon, garçon. Ta collègue s'approche, t'accueille dans ton antre impersonnelle où ne passe que le minimum de temps syndical, t'invites à te joindre à eux, à prendre place à ton bureau. Tu t'y refuses, incapable de tenir en place, de t'asseoir. T'asseoir ?! Non, tu préfères rester debout, toisant l'homme du regard, en silence, longuement.

« ... Oh, pardon : merci infiniment pour l'importance que vous donner au cas de mon père. Je n'ai pas pris le temps de vous remercier la dernière fois, j'étais... je suis, encore, dans tous mes états. »

Un sourire, tu inspires. La sincérité dans ta voix fait fondre la soeur qui s'approche de toi pour te cajoler encore une fois, mais tu t'esquives en fouillant dans ton sac, en sortant le carnet que tu as consacré au cas de ton père : une petite amélioration y est à constater, d'après toi, mais pas assez suffisante, loin de là, pour que tu puisses considérer la chose en bonne voie de guérison. Des deux mains, tu tends ton œuvre au médecin, tandis que IAN apparait, tasses fumantes et pot de sucre présents sur un plateau.

« Je ne sais pas si ça pourra vous être d'une quelconque utilité mais je n'arrivais pas à rester sans rien faire, alors... quand le carnet change de main, tu déposes une tasse devant le médecin, en tends une à ton amie, conserve la dernière dans tes mains, pianotant dessus sans pouvoir t'en empêcher. Vous avez trouvé quelque chose, de votre côté ? »
Jeu 27 Avr - 19:06

Organisme corrompu

Avec Prune Øystein



Tôt le lendemain Lewën se rendit lui-même au laboratoire pour y déposer les tubes prélevés joints d’une note avec les analyses à réaliser. La numération des différentes variantes sanguine connues, la recherche d’infection bactérienne, et celle de produits nocifs pour la santé. Ici, les analyses étaient les plus poussées d’Urh, bien sommaires quant on sait ce qui se fait dans des mondes parallèles tel que le nôtre, je vous l’accorde. Revenons-en à ce brave médecin dont les méninges ne cessaient de tourner, éludant les hypothèses une à une pour ne garder que les plus probables. Les premiers résultats ne tomberaient que deux jours plus tard, en attendant il aurait le temps de se rendre chez Flanel pour découvrir quelle molécule miracle stabilisait l’état du patient. Peut-être n’était-ce qu’une question de dosage pour enrayer l’infection pulmonaire une bonne fois pour toute.
Malheureusement on le reçut avec méfiance, il dû jouer de son identification à l’ordre de la médecine pour qu’on finisse par le gratifier d’un sec : “Madame Yvantrak en charge de la préparation n’est pas là ce jour, il vous faudra revenir demain Monsieur”.

Il était contrarié, lui qui pensait avoir quelques premiers éléments de réponse dès ce jour ! Se renfrognant il ne lâcha pas pour autant. Autant combler le temps utilement, il irait voir sa sœur à la pause du déjeuner pour qu’elle l’aide à découvrir ce qui pouvait bien attaquer la santé d’un gaillard comme Monsieur Øystein. En attendant, il préparerait son exil, non sans un pincement au cœur.

Midi sonna dans la Capitale, l’horloge aux milles rouages rythma le pas claudicant de Lewën. Il arriva devant une grande bâtisse où trônait fièrement le nom d’ORI en l’honneur du fondateur de cette usine à gaz technologique : Øystein Robot Industry. Comme on pouvait le rencontrer un peu partout dans le monde des grands industriels, le bâtiment était fait de verre et d’acier. Il était immense, non … Gigantesque. Le Portebrume ne s’imaginait pas tout ce qu’abritait le lieu, entre bureaux administratifs, de logistique, ateliers de productions, laboratoires de recherche, entrepôts … Il en fallait de la superficie. Non, Lewën ne se posait pas toutes ses questions, les seules qui l’obsédaient concernaient l’état de santé du PDG des lieux.

- Lewën ? Que fais-tu là ?

Le dépigmenté sortit de sa rêverie pour offrir un sincère sourire à sa jumelle. Il était toujours heureux de voir le doux visage de sa frangine. Il sortit un mouchoir en tissu de sa poche et l’offrit à cette dernière.

- Tu as de la suie sur la joue.

Elle rit, son sourire illumina son visage. Elle n’en avait que faire, de toute façon elle se re-salirait dans les heures qui suivraient. Pleine de vie la femme relança son frère sur sa venue.

- J’ai un service à te demander, peux-tu me lister les produits dangereux avec lesquels Monsieur Øystein aurait pu être en contact ?

Haussant les sourcils, Lyanna lui rappela qu’elle ne connaissait pas l'emploi du temps de son grand patron. Prenant sous le bras son frère, elle l’invita à s’éloigner des oreilles indiscrètes de la standardiste ayant tiqué au nom du PDG.

- T’as pas mangé toi je parie ? Tu sais Lew, c’est pas en maigrissant que tu vas devenir invisible ! Allez viens on va grignoter un truc à l’extérieur. J’vais proposer à Prune, ça la fera sortir un peu, puis elle en sait peut-être plus sur les chantiers que son père visite !

Lewën la retint, il préférait ne pas mêler la fille plus que nécessaire. Il ne souhaitait surtout pas qu’elle se fasse des scénarios tant qu’il n’avait pas les résultats du laboratoire. Après tout, il explorait cette voie pour s’occuper. Peut-être se fourvoyait-il complètement et une simple infection bactérienne était à l’origine de tout ce mal. Les symptômes y correspondaient parfaitement. Seulement, le test qui avait rendu le sang bleu indiqué un empoisonnement … Ou était-ce une interférence ?
Lyanna haussa les épaules avant de s’échapper pour prévenir ses collègues d’atelier et revint débarbouillée, faisant sourire son fraternel.

- J’peux bien te faire une liste, mais m’faudrait plusieurs pages ! Tu sais bien qu’on utilise pas que des produits sains dans le pays !

Lyanna parlait la bouche pleine d’un pain chaud aux ingrédients plein de graisses. Elle avait obligé son frère à goûter, il mangeait sans conviction.

- Si tu pouvais essayer de te renseigner discrètement. Te connaissant tu dois bien avoir des camarades un peu partout. Peut-être a-t-il été en contact avec un nouveau produit ?

Elle fit mine de réfléchir, mâchant bruyamment sa bouchée.

- Tu pourrais peut-être fermer la bouche quand tu manges non ?

Elle lui sourit et en rajouta des caisses …

- J’ai p’t’être bien trois quatre contacts qui pourraient m’aider sur ça. conclut-elle à grande mastication, riant devant l’accablement de son frère.

***

Cette fois la fameuse Madame Yvantrak était présente et de son air acariâtre jaugea le médecin.

- Ce sont des informations confidentielles Monsieur.

- Regardez bien le nom du patient sur l’ordonnance, êtes-vous certaine de vouloir faire obstruction dans la recherche de soin d’un des grands dirigeants industriel du pays ?

L’argument fit mouche, et ce n’est pas sans un regard de dédain qu’elle l’invita à le suivre dans le laboratoire de préparation. Lewën observa les lieux, bien entretenus, clairs. Il y régnait un air de maîtrise et de savoir-faire. La femme à l’ossature saillante et aux cheveux tiraient en arrière d’un chignon strict lui sortit les différents flacons rangés sous clé qui servaient à la décoction. Elle sortit également un papier avec les quantités de chaque élément à mélanger. Le médecin les étudia et les reconnut tous, sauf un. Un stimulateur de défense immunitaire, quelques vitamines, un décontractant … Rien de bien fantastique qui expliquerait un meilleur état de santé.

- Que contient ce flacon ?

La femme le toisa.

- Seul le Docteur Lionel le sait, il nous l’amène lui-même.

De quoi intriguer l’homme qui , une fois sortit en remerciant ironiquement la femme de sa coopération, tâcha de connaître l’adresse du cabinet médical de son confrère. Malheureusement, il n’eut pas satisfaction de rencontrer l’homme dont le lieu d’exercice resta aussi mystérieux que l’ingrédient de sa fiole.

***

Prune resta debout, trépignant, face à lui qui était installé dans un fauteuil. Il ne fit pas plus attendre la demoiselle, révélant ses découvertes. Les résultats du laboratoire étaient formels, il n'y avait plus de doute sur ce qui rendait le patient malade.

- Votre père subit un empoisonnement. Malheureusement la nature de celui-ci m’échappe encore, j’aurais besoin de votre coopération pour découvrir si de nouveau produits sont utilisés et si Monsieur Øystein aurait été mis en contact avec eux.

Il savait que ce qui se tramait ici relevait du secret de fabrication, Prune ne semblait pas s’en soucier et acquiesça aussitôt.

- J’aimerais rencontrer le docteur Lionel aussi pour que nous puissions discuter de son remède. Il n’y a rien d’exceptionnel dans sa décoction sauf un liquide qui me reste inconnu. Savez-vous où je peux le trouver ?

Lyanna lui donna un coup de coude et lui somma d'arrêter son air si formel. Ce que le médecin ne savait pas encore était que son enquête en solitaire allait se transformer en un trio improbable.
Mar 2 Mai - 23:10
Empoisonnement. Ce mot n'est pas étranger à ta base de données, tu en connais le sens, la portée, la définition, même. Pourtant, ainsi prononcé, dans ton bureau, par un représentant du corp médical, il se charge de mauvais augure, de drame, d'une lourdeur moite, gluante. Les poumons de Papa, imprégné d'une substance visqueuse, nocive, prenant le pas sur l'espace nécessaire à l'oxygène, encore, et encore, et encore, ou voile corrosif rongeant ses muqueuse à petit feu, nécrosant ses alvéoles jusqu'à ce qu'il ne puisse plus respirer sans souffrir le martyr, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus supporter la moindre bouffée d'air... Une pierre te tombe dans l'estomac, brusquement, tes phalanges se resserrent sur la porcelaine entre tes mains, le thé fumant disparait un instant de tes capteurs et si tu ne t'étais pas reprise à temps, la tasse se serait dérobée, brisée, et la boisson brûlante, aspergée sur tes invitées.  Empoisonnement. Difficile de lire sur le visage du médecin — ah ! comme si tu savais le faire, en pleine possession de tes moyens. Est-ce grave ? Doit-on s'inquiéter ? Tu en as vu défiler, ces dernières semaines, des hommes à la mine grave, des grands gaillards à l'estime de soi tutoyant les étoiles, et là... Rien. De la neutralité, du sérieux. Du professionnalisme ? Tu te vois perdre ta contenance, lui attraper les épaules pour le secouer frénétiquement : réagis, monsieur, dis-moi comment va Papa !

Hum, non, tu ne le feras pas.

Il feuillette ton carnet, le médecin, sans doute plus par respect pour ta dévotion que par réelle intérêt, et sermonné par sa sœur, tu observes le duo, traitant les informations qu'on vient de te déposer dans le cerveau. Papa va mal. Il faut aider Papa. Sauver Papa. Peut-être que IAN ressent l'électricité de tes méninges en activités, aussi s'éloigne-t-il dans un coin de la pièce, tranquillement, veillant sur toi de loin, prêt à intervenir en cas de besoin. Tout va bien. Tout. Va. Bien.

« Bien, donnez-moi... Dix, non, cinq minutes. »

Qu'il est surprenant de t'entendre, si calme, presque posée. En contournant le bureau, tu n'as qu'un objectif en tête : prendre part à la résolution de ce mal qui le ronge, qui te ronge, qui ronge ta petite bulle de l'intérieur et qui ne doit pas s'étendre, s'éterniser, au risque de la faire éclater. Alors tu t'actives, retrousses tes manches métaphorique et passe à l'attaque en passant derrière ton bureau. Tu bondis plus sur ta chaise que tu ne t'y installes, et te mets à pianoter sur ton claver jusqu'à trouver les derniers ajouts à la base de données d'ORI. En les recopiant soigneusement sur une feuille vierge, tu prends conscience que quelque chose ne va pas : ces substances, certes, ne sont pas toutes exemptes d'effets secondaires sur l'organisme, mais pourquoi ton père serait le seul à en souffrir ? Lui qui ne se tient pas en première ligne d'exposition ? Peu à peu, tu fronces les sourcils, te mords la langue en silence. Ce n'est qu'en tendant le papier plié au médecin que tu te permets d'émettre ta remarque, que tu ne saurais conserver pour toi :

« Sans vouloir remettre en doute votre hypothèse, je ne pense pas que cet... Que ça vienne d'ici. Papa n'est plus un homme de terrain depuis des années, et s'il devait être empoisonné par l'un de nos produits, il ne serait pas le seul, et nous aurions subit des pertes conséquentes parmi nos ouvriers. Les derniers changements en dates concernent le traitement des matériaux utilisés pour concevoir nos automates ; rien qui ne soit à destination des dirigeants. Et pour être tout à fait honnête, si tel était le cas, ça serait plutôt moi, ou Lyana, qu'il faudrait ausculter. »

Des faits, rien que des faits. Lyana et toi, vous manipulez bien plus que Papa. Un empoisonnement dû à une nouvelle entrée dans l'empire devrait s'étendre bien plus qu'à son dirigeant actuel. Ca ne fait pas sens, la logique ne suit pas. Et il ne te vient même pas à l'idée que l'empoisonnement puisse être ciblé, qu'il puisse y avoir quelqu'un derrière tout ça. Non, si empoisonnement il y a, il ne peut qu'être fortuit, une erreur, une maladresse. Il arrive que des choses ne puissent être expliquée, que des concours de circonstances se joignent à "Pas de Chance" et qu'un pauvre petit Homme finisse mal en point. Le monde n'est pas logique.

Tu tapes encore, sur ce pauvre clavier, quelques lignes, des mots en rafale qui se mêle à la toile d'araignée numérique reliant les appareils entre eux : Prune est momentanément indisponible, merci de laisser un message ou de revenir plus tard. Cette formalité faite, tu délaisses l'écran et te diriges vers la porte, faisant signe à IAN de te rejoindre, maintenant la cloison ouverte pour les jumeaux.

« Je vous accompagne. Docteur Lionel est notre médecin depuis... En fait, je crois que c'est lui qui a assisté ma mère durant ma naissance. C'est un homme occupé, mais il se débrouille toujours pour nous recevoir, lorsque nous nous donnons la peine de nous déplacer jusqu'à son cabinet. »

*
* *

À quatre dans une voiture, tu t'évertues à remplir ton rôle de carte parlante, donnant les directions au conducteur. Quatre ? Oui, tu comptes IAN dans le lot, sagement installée entre tes jambes, sa tête dodelinant au rythme de la route. Quatre, parce que Lyana s'est mêlée au groupe, joyeusement, happée par l'envie de découvrir la vérité, d'enquêter, de démêler ce nœud invraisemblable. Ah, quel charmant groupe vous faites ! Pas un pour rattraper l'autre, Sherlock Holmes n'a qu'à bien se tenir Pendant tout le trajet, tu trépignes, tes jambes s'agitent, et IAN a la présence d'esprit de ne pas te le faire remarquer : qui sait comment tu pourrais réagir, à l'instant T, tu ressembles à une cocotte minute prête à exploser.

« C'est là ! »

Bâtisse morose, ensemble de bâtiments ternes, alignés sur le trottoir, similaire, sans âme. Rien pour les différencier, si ce n'est le numéro gravé sur la plaque d'argent, à côté des portes. Celle qui vous intéresse, la numéro 38, dispose d'une annotation précisant que le cabinet du Docteur Lionel se trouve au quatrième étage, ainsi que les horaires de consultation. Sans y prêter attention, tu tiens une seconde fois la porte à tes partenaires d'infortunes, et te diriges vers les escaliers. Pas une seconde, tu penses à la jambe meurtrie du docteur, qui t'es complètement sortie de la tête. Ton père accapare ton esprit, sa toux, sa fièvre, sa douleur, et quand tu te plantes devant le bureau de la secrétaire, ce sont tes deux mains que tu poses à plat sur la surface luisante.

« Mademoiselle Oystein ! Nous vous attendions ? Vous aviez rendez-vous ? ses yeux survolent le listing, les noms, surprises de ne pas y voir figurer le tien.
— Candace, est-ce que le Docteur est disponible ? C'est urgent.
— Monsieur ? Son état ne s'est toujours pas amélioré...? à ses sourcils froncés, son inquiétude n'est pas feinte, une mèche grisonnante s'échappe de derrière son oreille lorsqu'elle penche la tête, et dans la salle d'attente, les oreilles distraites écoutent l'échange. Docteur Lionel est en consultation, il devrait bientôt avoir terminé, patientez un petit instant, il vous recevra dès qu'il aura terminé. Messieurs dames...?
— Ils sont avec moi, merci beaucoup, Candace. »

Hochement de tête, la réceptionniste n'ose te tenir tête. D'un mouvement, tu diriges le petit groupe proche de la porte menant à la salle de consultation, sous le regard curieux des patients ; un simple sourire de ta part, et personne n'ose dire quoi que ce soit : à moins que la nature humaine ne privilégie les messes basses aux éclats de voix d'indignation ? Sous les yeux amusés de Lyana, tu sautilles sur place, incapable de rester sans rien faire, l'esprit ressassant le nom des substances présentes sur la liste donnée à Lewen : non, décidément, ça ne va pas.

« Tu vas traverser le parquet, si tu continues à gesticuler comme ça. »

La voix robotique de IAN, à laquelle tu réponds en tirant la langue, brise l'attente et fait apparaitre le médecin et son patient à la porte de la salle. Bedonnant, souriant, le professionnel remercie son malade et pose un regard chaleureux sur la nouvelle arrivante. En un échange de regard avec sa secrétaire, il fait entrer le quatuor dans la pièce, s'excusant auprès de la salle d'attente. En refermant derrière lui, de sa voix rocailleuse, il s'enquiert des tenants de cette visite.

« Comment va votre père ? Mieux, j'espère ! »
Mar 9 Mai - 16:44

Organisme corrompu

Avec Prune Øystein



Lewën lisait le petit carnet tenu par Prune durant ces jours d’attente. Qu’il devait être difficile pour la demoiselle de prendre son mal en patience quand elle voyait celui de son père s’installer un peu plus chaque jour. Le médecin comprit tout l’espoir qu’il avait redonné à la fille Øystein, un cadeau empoisonné, sans mauvais jeu de mots quand on connaissait la cause de l’état de santé de l’homme.
L’ex militaire écoutait la jeune femme tout en parcourant la liste des produits potentiellement dangereux lorsqu’elle la lui remit. D’après le carnet, pas de franche amélioration, d’après Prune, l’empoisonnement ne venait pas de l’entreprise. Lewën ne dit rien, laissant ces dames dans l’expectative. Lyana ne manqua pas de le sermonner quant à son silence. Il réfléchissait, perdu dans sa bulle d’hypothèses comme Prune était enfermée dans sa bulle d’incertitudes. Il ne devait pas faillir.

Dans la voiture Lewën s’accorda un moment de répit en observant le petit automate qui ne lâchait pas d’une semelle sa conceptrice. IAN. Lyanna lui en avait déjà parlé, vendant les prouesses technologiques et d’intelligence du robot. L’homme, peu intéressé par le domaine, l’avait écouté d’une oreille distraite. La tête bougeante au rythme de la route n’aspirait pas à une quelconque ingéniosité de ce petit être de métal qu’il connaissait comme celui qui amenait le thé au moment le plus opportun. La fille semblait y être particulièrement attachée, en cela le IAN méritait toute reconnaissance.
Lyana rétrogada les vitesses lorsque Prune s’exclama, ils étaient arrivés. Bien que sa soeur lui ait modifié son cockpit de conduite pour l’adapter à sa jambe folle, s’il pouvait s’absetenir de conduire il le faisait. Sa jumelle jouait régulièrement les chauffeurs lorsqu’il ne pouvait atteindre sa destination à pied.

Dans la salle d'attente, il repensa aux certitudes de Prune. L’empoisonnement ne pouvait venir de l’entreprise. Elle avait raison, le PDG ne serait pas le seul dans cet état, surtout s’il ne se risquait plus sur le terrain. Alors quoi ? Où ? Comment ? … Qui ? Des idées de complotistes se formèrent à l’orée de son esprit, chassées aussitôt pour revenir à l’essentiel. Soigner ? Mais comment soigner si l’origine du mal était inconnue ?

Docteur Lionel semblait être un homme affable, il tendit le bras aux nouveaux que Prune oublia de présenter. Il écouta attentivement la jeune fille sur l’état de son père et sembla préoccupé quant au peu d’évolution de la maladie. C’est à ce moment-là que Lewën prit la relève.

- Docteur, je soupçonne Monsieur Øystein de subir un empoisonnement.

Le patricien leva des sourcils étonnés puis les fronça, interloqué.

- Mais qui voudrait empoisonner Monsieur Øystein ? Je le connais depuis des dizaines et des dizaines d’années, c’est un homme qui peut se montrer parfois dur, mais juste. Il prend soin de ses employés, de sa famille, de ses amis …

- Mon frère pense plutôt à un empoisonnement lié à l’utilisation d’un produit chimique. Ce qui nous étonne, Prune et moi, il y aurait plus de malades si tel était le cas. Elle marqua un temps de pause avant de reprendre, plus soupçonneuse que quiconque dans la pièce. Il n’a jamais été question d’une tentative malsaine. Cependant vous avez raison de l’évoquer, n’oublions pas que Monsieur Øystein est à la tête d’un empire. C’est une raison suffisante pour bien des personnes. Reste à savoir qui pourrait en bénéficier.

Attentif à l’état de Prune tout en écoutant la conversation, il sembla à notre médecin voir la petite ingénue défaillir. Son robot la soutenant, Lewën intervint, posant une main amicale sur son épaule frêle.

-  Ce n’est pas la raison de notre visite Docteur. Il semblerait que votre remède aide notre patient. L’homme tiqua au mot “notre”. N’était-il pas le médecin de famille depuis … Toujours ?  J’aimerais connaître l’ingrédient que vous fournissez vous-même au laboratoire d’alchimie. Il me semble être le plus pertinent dans la stabilité de la santé de notre homme. Je me demandais même s’il ne faudrait pas l’augmenter pour passer d’un état stable à la guérison.

Le regard que le Docteur Lionel posait sur son confrère redoubla d’intensité, une lueur illuminant son visage.

- Je vois que vous êtes bien renseigné. Vous auriez dû me contacter plus tôt, ça vous aurait évité de vous donner tant de mal. A moins que mademoiselle Øystein ne reconnaisse plus mon travail ? Préférant se fier à des inconnus ?

Pourquoi était-il sur la défensive ? Lewën pouvait comprendre que l’homme sentait ses compétences remises en doute, ce n’était pas le cas au contraire.

- Je pense qu’il y a malentendu Monsieur. Comprenez que Prune soit désespérée, l’avis de plusieurs médecins n’est jamais de trop, surtout si nous arrivons à nous entendre pour trouver ce qui sortira Monsieur Øystein de cette mauvaise passe. L’empoisonnement est avéré, les prises de sang sont formelles.


Le dépigmenté laissa les informations se codaient dans l’esprit du médecin de famille avant de reprendre.

- Il y a bien l'utilisation de charbon en cas d’empoisonnement mineure alimentaire, mais il ne me paraît peu pertinent d’utiliser ce soin au vu des symptômes plus lourds de Monsieur Øystein, surtout qu’il empêcherait votre potion d’agir. D’où ma question, quel est cet ingrédient secret ? Juste pour m’assurer de ne pas prescrire un inhibiteur à celui-ci.

L’homme se radoucit, son traitement n'était pas remis en doute. Il fit le tour de son bureau et attrapa un livre qui était sur une étagère. Il tourna longuement les pages avant de stopper sa recherche.

- Ah la voilà. La digitaline. Peu de laboratoires arrivent à en extraire l’essence, le produit est rare. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’amène l’échantillon moi-même.

Lewën se rapprocha de l’encyclopédie pour y découvrir les vertus de la plante.

- Pourquoi faire préparer la potion par des alchimistes plutôt qu’une pharmacie ? enchaîna Lyanna.

Le sourire doux du Docteur Lionel se tinta d’agacement.

- Madame Yvantrak est une amie de confiance qui travaillait, jadis, en pharmacie. Je lui fais confiance les yeux fermés. Elle a ouvert son alchimisterie qui lui permet plus de libertés qu’une pharmacie. Maintenant veuillez m’excuser Mademoiselle Øystein, des patients attendent leur rendez-vous.

Il fit signe au groupe de regagner la porte.

- Je viendrai m’acquérir de la santé de votre père sous peu. Cette histoire d’empoisonnement nous fera avancer dans la découverte d’un remède efficace, soyez en certaine. Nous pourrons éventuellement songer à augmenter la dose de digitaline, bien que coûteuse, si elle sauve la vie  de votre père. Madame, Monsieur …

La porte se referma quelques secondes plus tard derrière eux, aucun patient n’ayant été appelé à leur suite. Le médecin de famille avait visiblement besoin de souffler avant la consultation suivante.

Une fois à l’extérieur Lewën invita ses partenaires à un repas, histoire de requinquer le moral de l’ingénieure qui ne disait plus un mot.

- Un bol d’huile de coude et une assiette de boulons pour le p’tit Monsieur ! s’amusa à commander Lyanna pour IAN, faisant un clin d'œil à Prune qui sortit enfin de sa torpeur.

Après avoir laissé sa soeur détendre l’atmosphère, Lewën revint malheureusement sur un sujet des plus sérieux.

- Prune, j’ai un service à vous demander. Pensez-vous être capable d’étudier, qui dans votre entourage, pourrait attenter à la vie de votre père ?

Sa sœur lui fit les gros yeux, prenant sa protégée par les épaules. Son jumeau ne savait décidément pas y mettre les formes. Pourtant Lewën voyait une force en la jeune fille et ne voulait pas la ménager, sans la brusquer pour autant.

- Lyanna pourra  vous aider, elle est une adepte des théories du complot. J’ai encore quelque chose à vérifier, je vous tiens au courant très vite dès que j’ai mon résultat.

Lyanna le fixa, elle comprit que quelque chose perturbait son frère et réussit à glisser discrètement quelques mots à Lewën après le déjeuner. Pour seule réponse elle obtint :

- Dirige l’attention de Prune sur le Docteur Lionel, je sais que tu peux être bien plus subtile que moi. Je vais faire vérifier sa potion.

La marque chimique retrouvée dans le sang de Sir Øystein pourrait être confondue avec cette digitaline habituellement prescrite en cas d’insuffisance cardiaque. Monsieur Øystein n’avait pas de problème cardiaque... Ce que le Docteur Lionel ignorait était que la mère des Digo était herboriste, et Lewën en avait consigné une grande connaissance sur les plantes. Dont celle-ci : à forte concentration, la digitaline était très toxique.
Mar 16 Mai - 21:04
Spectatrice. Tu n'es qu'une spectatrice de cet échange, joute verbale improvisée sous tes yeux de jeune femme paniquée. Ce n'est pas que tu ne désires pas participer à la conversation : oh, comme tu en aurais des choses à dire, à ce médecin qui n'a pas tenu compte de tes inquiétudes, qui n'a su que te servir des discours paternaliste où mots savants et citations de revues médicales ponctuaient chaque fin de phrases, telles des justificatifs tombées du ciel et incontestables. Tu en aurais, des mots pour lui, tout un tas de mot qui ne seraient plaisant à entendre et qui te changeraient indéniablement en furie, incapable de fermer le robinet de colère, d'angoisse et de fatigue qui goutte de plus en plus chaque jour, qui grince et menace de faire péter la pression d'une seconde à l'autre. Oh, comme tu en aurais des choses à dire, dans cette pièce, comme tu aimerais pouvoir fermer la porte à clef et imposer tes propres conditions : personne ne sort d'ici avant qu'une réponse ne soit trouvée, et une solution donnée aux maux de ton père. Toi, tu n'es pas pressée, tu peux passer des semaines ici, s'il le faut, mais nul doute que ce n'est pas le cas de tout le monde, et sûrement pas d'un médecin dont la salle d'attente n'est jamais vide. Seulement voilà : tu ne dois pas exploser. Mieux vaut ne rien dire et observer, plutôt que de céder à tes pulsions et ruiner cette visite. Qu'il est dur de se faire violence, de ne pas laisser paraitre ton agacement, tes craintes, toutes ces choses qui tourbillonnent dans ta tête depuis trop longtemps. Intenable, presque... Douloureux ?

Et quelque chose ne va pas, dans tout ça.

Tu le sens, mais tu n'arrives pas à mettre le doigt dessus. Une intuition, un pressentiment. L'impression d'avoir un mot sur le bout de la langue, refusant de sortir. Peu importe le nombre de fois que se repasse la scène dans ta tête, rien n'y fait : tu n'arrives pas à trouver ce qui cloche. Dans le restaurant, tu ressasses encore, tapant machinalement du pied sous la table, fixant ton regard sur l'argenterie. Certes, Monsieur Lionel n'était pas des plus avenant, mais tout le monde le serait, si l'un de ses confrères venait dans son bureau pour remettre en doute ses décisions, son autorité ? Mais tout de même ? Il y a quelque chose, quelque chose...

La voix de Lyanna qui te tire de ta torpeur, notamment. Le repas fut nébuleux, tant tu peinas à conserver la tête hors de l'eau : quel goût, ton plat, Prune ? Tu serais bien incapable de le dire, à vrai dire, tu n'es même plus certaine de savoir si tu as vraiment été capable de manger quoi que ce soit. Non, toute ton attention, tu l'as concentré sur la requête du médecin : trouver des têtes susceptible d'en vouloir à Papa. Rien que d'y penser, ton coeur se serre. Non. Tout simplement non. Papa ne peut pas avoir d'ennemis, il est tellement gentil, tellement prévenant ! Il ne lève jamais la voix, même lorsqu'il est hors de lui, et si la colère l'anime, si des erreurs sont faites, il tâche toujours de traiter les autres avec respect, n'abuse jamais de son autorité, même s'il faut parfois se montrer ferme, voire pousser les autres dans leurs retranchements pour qu'ils surpassent leurs limites. Papa ne peut pas avoir d'ennemis...

« Pas vrai ? »

Tu as fait part de tout ça à Lyanna, quelques jours après cette étrange journée. Tu avais besoin de faire du tri dans tes idées, de dormir, de rassembler les éléments avant de la solliciter. Elle est adorable, Lyanna, tu l'apprécies autant que tu peux le faire, et oui, effectivement, ses pupilles se dilatent lorsqu'il s'agit de mener l'enquête et d'élaborer des théories. Tu l'as écouté pendant de longues heures, en vidant une tasse de thé après l'autre dans le petit salon. Les domestiques sont évidemment à supprimer de la liste d'office : jamais, Ô grand jamais, ils pourraient attenter à vos vies. Vous êtes une famille, tous autant que vous êtes. Les membres du conseil d'ORI ? Non, vous êtes reliés par le sang, ce qui est à lui est à eux, par association, qui voudrait s'en prendre à sa propre chair ? (que tu es naïve, petite Princesse)
Vint ensuite les têtes pensantes des différentes branches de l'empire, les plus gros investisseurs, les quelques hommes licenciés pour faute grave, et ceux dont les partenariats ont été refusés. Une liste vertigineuse qui te donna mal à la tête autant qu'elle te fit froid dans le dos ; tant d'ennemis potentiels, sérieusement ??

Avant qu'elle ne rentre chez elle, tu demandes à Lyanna comment joindre son frère, et dès lors qu'elle eut quitté la propriété, tu attrapes le téléphone, sautille à chaque tonalité, et lui demande s'il est possible de le rencontrer, aussitôt que possible.

« Je peux me rendre chez vous, s'il le faut, j'ai des... théories, à vous partager, et je saurais me montrer insistante s'il le faut, même si ce n'est pas très polie de ma part. »
Lun 26 Juin - 18:11

Organisme corrompu

Avec Prune Øystein



- Je vous attends au 15 de l’impasse Hulule.

Il n’y avait pas grand chose à ranger avant l'arrivée de Prune. Il y avait eu de la vie ici fut un temps, des couleurs, des rires, des confidences, de la tendresse. Aucun souvenir ne trahissait ces quelques temps de bonheur. Il n’en parlait pas, à bien y regarder c’est comme si rien ne s’était passé. Cette relation avait-elle seulement existée ? Lyanna en avait été témoin quelques fois. Elle avait bien essayé d’en parler avec son jumeau, elle se heurtait à à un mur, systématiquement. Jamais elle ne l’avait vu si renfermé à l’évocation de son nom. Quand bien même il ne s’agissait que d’une allusion. Rien. Ni agacement, ni chagrin, ni joie. Juste du silence. Il ne voulait pas remémorer quoi que ce fut de ce temps. Il en avait effacé chaque trace de ce lieu de vie, aseptique de son passage.

Il relut le rapport rendu il y avait à peine quelques heures, c’était sans équivoque : la digitaline était à l’origine de l’empoisonnement. Était-ce par inconscience ou était-ce calculé ? Bien que développée, la médecine était encore à ses prémices, parfois l’on tâtonnait pour trouver un remède et alors soit le miracle se faisait, soit la mort s’amusait. Tout semblait si bien pensé pourtant.

L’on sonna, Lewën alla ouvrir. Il avait toujours refusé d’avoir quelconque aide à domicile. Son statut, plus encore celui de son père, lui aurait permis d’avoir un domestique, il n’en fit rien, préférant gérer ses affaires par lui-même, même les plus ingrates.

- Entrez Prune je vous en prie.

La jeune femme ne se fit pas prier. L’entrée était volontairement petite, il ne leur fallut que quelques pas pour atteindre la pièce du séjour où le médecin l’invita à s'asseoir sur un fauteuil confortable. Il n’y avait que peu d’éléments de décorations. La maison dans laquelle Lewën s’était installée il y avait de cela quelques années n’était pas un lieu où il pensait y voir la vie s’épanouir. Non, elle était fonctionnelle. Spacieuse, il était habitué aux grands espaces de part sa naissance aisée, seuls les meubles faisaient office d’ornementation. Un salon attenant à la pièce de repas où trônait une table en bois d’acajou brute avec son banc et ses tabourets. Depuis quand n’avait-elle pas servi ? Lorsqu’il restait chez lui - il ne considérait ce lieu comme un chez lui, plutôt une demeure de passage où il stockait ses affaires et trouver le repos depuis qu’il y était seul - il restait le plus souvent dans le petit bureau où les grandes baies vitrées lui permettait de lire à la lumière du jour. C’était sa pièce, le seul endroit ici où il se sentait chez lui : une bibliothèque recouvrait la blancheur maladive du pan de mur, remplie d’études et d’encyclopédies quasiment lu dans leur intégralité par leur propriétaire. Ouvrages de sciences rangés par thème et par ordre alphabétique, révélant le petit côté maniaque de l’homme. Il y en avait d’autres exactement où se trouvait actuellement notre invitée, trop impatiente pour remarquer ce détail.

- Souhaitez-vous boire du thé ? Autre chose ? Proposa-t-il par politesse sachant pertinemment que la jeune femme ne souhaitait rien d’autre que lui parlait de ses fameuses théories.

IAN se proposa de s’en occuper ce qui surprit Lewën, comment allait-il faire sans connaître les lieux ? Il le laissa partir en cuisine - visiblement le petit robot avait déjà un plan de sa demeure dans ses cartes mémoires - pour se concentrer sur la brune.

- Je vous écoute.

Il n’en fallut guère plus pour que la langue de Prune se délia, les mots s’enchaînèrent sans pause, oubliant les ponctuations, mais non sans émotions. L’homme l’écouta avec grande attention, prenant au sérieux chacune de ses idées, les confrontant à ses preuves et ses propres théories. Il était tellement concentré qu’il ne remarqua pas le plateau que le petit robot avait ramené avec le nécessaire pour la pause thé. Ce ne fut que lorsque la vapeur vint embuer ses lunettes que Lewën décrocha quelques secondes pour attraper la tasse tendue par l’automate en se questionnant demandant comment il s’y était aussi vite retrouvé. Certes tout était parfaitement rangé, mais de là à trouver chaque chose si rapidement ? Il questionnera Prune plus tard, l’heure était aux premières révélations.

- Vous avez fait un travail gargantuesque Prune, vous devriez écouter votre instinct. Vous seule pourrait découvrir qui, et pourquoi.

Il se leva pour attraper le rapport qu’il avait laissé de côté sur la table et s’approcha d’une étagère pour en prendre un livre botanique qu’il ouvrit sur la page de la digitaline. Des annotations y figuraient, il ne s’agissait pas là de son écriture, pourtant ressemblante. Petite, penchée, rapide. Non, sous ses yeux la plume de sa mère y avait inscrit quelques observations : "Efficace contre les problèmes cardiaques, régule le rythme, la puissance et distribue bien le sang à tous les organes. Attention, effets bénéfiques en microdosage. Si surdosage les molécules attaquent le système pulmonaire du patient."

- Il faut arrêter le traitement de votre père. Immédiatement.
Lun 17 Juil - 22:53
Tu parles avec aplomb. Ta voix se déverse dans ce salon. Avec conviction, se colle aux meubles, au mur, à la moindre surface. S'y agglutine avec son lot d'informations, d'émotions. Il y a bien trop longtemps que tout stagne en toi, que tu ne sais plus vers qui te tourner pour partager ces pensées qui te rongent sur l'état de ton père ; il souffre, indéniable évidence qui te fait suffoquer. C'est ton cœur qui s'exprime, la voix de l'affecte qui dicte tes tournures de phrases et tes enchaînements erratiques, emprunte des connaissances à ta matière grise. Et si le timbre est fort, le tremblement léger laisse entendre un débordement, un trop plein de tout et de rien à la fois, d'inconnus, de questions sans réponses, et de jours interminables à attendre quelque chose, un signe, n'importe quoi. Rien. Jamais rien.

IAN, posté à tes côtés, ne perd pas une miette de l'échange, de ton monologue, des réactions du médecin à tes paroles. Concentré sur toi, oui, il l'est ; quand est-ce que tu t'es sentie autant écouté par un professionnel de la santé ? Depuis que Papa est malade, ce sont eux qui te parlent, te paternalisent, te noient d'informations et de louanges concernant leurs remèdes miracles, leurs cures, leurs méthodes révolutionnaires, et toi, tu pouvais poser toutes les questions, autant que tu voulais, tu n'obtenais qu'une montagne de sophisme en guise de réponses, et Papa qui une fois seul à seule, te demandait de bien vouloir écouter, faire confiance aux médecins. Comment peut-on faire confiance, lorsqu'on ne comprend rien ? Que l'on ne veut pas t'expliquer ?
La tasse entre les doigts, la fumée dans le nez, tes pensées ressassent ces derniers mois de calvaires et toutes ces choses que tu as remarqué, noté, sans parvenir à mettre le doigt sur leurs étrangetés. Les lèvres se pincent, les paupières se plissent, et si le livre ne s'était pas présenté à ton champs de vision, tu te serais recueilli en toi-même pour une énième inspection.

L'annotation, tu l'as lit une fois. Puis deux. Puis trois. Encore et encore, jusqu'à ce que les mots se bousculent sous tes pupilles, jusqu'à ce que leur sens s'imprègne dans ta peau, dans ta tête, dans ton sang qui se glace puis se met à bouillir, plus chaud encore que le liquide que tu enserres de plus en plus fort. L'automate saisit le tumulte intérieur et tourne la tête vers sa maîtresse, conservant un silence religieux, attentif aux moindres mouvements, au plus faible écho d'une douleur intérieure, d'une crise de nerfs on ne peut plus légitime. Mais tu tiens bon. Ta vision se brouille d'émotions, aucune larme à l'horizon, et tu t'efforces de respirer longuement, lentement, hochant la tête à l'indication du médecin.

« Dès que je rentre, je m'assure de jeter ce truc au fond de l'évier, soyez-en certain. »

Ta voix gronde, Prune, plus colérique et rageuse que jamais. IAN est en état d'alerte, son processeur s'agite à l'intérieur et lorsque tu te lèves de ta chaise pour faire les cents pas, portant ton pouce brulant à tes lèvres pour en mordiller la peau, c'est en direction du médecin qu'il s'avance, pour ne former plus qu'un avec cette figure d'autorité et de sécurité : si tu flanches, ils sauront intervenir. Mais tu ne flancheras pas, oh, ça non. Tu es peut-être une petite chose perdue dans un monde trop grand pour elle, qui ne comprend rien à rien aux mœurs et à ce que l'on attend d'elle, mais tu ne flanches pas, Prune, tu gardes la tête haute, et fonce tête baissée, toujours, c'est ta spécialité.
Un pas, un souvenir. Tu retraces toutes ces journées une à une, les visites, les prescriptions, les discours et la colère des praticiens. Ce ne sont pas des mots qui sortent de ta bouche, mais des marmonnements, des grognements spontanées qui répondent à ton flot de pensées. Au commencement, une toux. Tenace, et si forte qu'elle aspirait l'énergie de ton paternel. Un coup de froid, peut-être, rien de plus : ça arrive, avec l'âge, et quand on sait que Papa est un bourreau de travail qui ne prend pas le temps de se reposer, tu tiens ça de lui, il est facile de se dire qu'il a tout simplement pu mettre son système immunitaire à rudes épreuves et en récolter les frais. Et puis, il commence à prendre de l'âge, le colosse, quand bien même il refuse de l'admettre, sa santé n'est plus aussi vigoureuse qu'avant.
Une toux, donc, qui ne s'estompe pas malgré la consultation avec le Docteur Lionel. Docteur qui a lui-même conseillé d'essayer d'autres méthodes pour soulager les poumons, les muqueuses, sans trop attaquer l'organisme. Docteur qui à lui-même introduit la substance dans les traitements. Docteur qui s'est braqué très vite face à tes questions, et la confrontation avec Lewen.

Tu t'arrêtes.

« Il était bizarre, le Docteur Lionel, non ? Ses réactions étaient beaucoup plus virulentes qu'à son habitude et je n'ai pas cessé de me dire que quelque chose clochait, sans parvenir à mettre le doigt dessus. Encore maintenant, j'ai beaucoup de mal à saisir... Pourquoi il était tant en colère après vous ? S'il voulait véritablement soigner mon père, n'aurait-il pas mieux valu coopérer avec vous et mettre vos deux esprits en commun pour augmenter les chances de trouver une solution ? Vous pensez qu'il... Que... »

Les sourcils se froncent, et ton regard fait la navette entre le médecin, l'automate, le livre, et les tasses de thé. Silence.

« Comment on fait, pour savoir. Qu'est-ce qu'on doit faire ? J'en ai plus qu'assez de rester les bras croisées et d'attendre que d'autres agissent à ma place. Ca dure depuis beaucoup trop longtemps, sans succès.
— Prune, tu n'es pas en train d'envisager quelque chose d'illégal, n'est-ce pas ? interviens l'automate, tout en connaissant déjà les intentions de sa propriétaire.
— Moi, je pense qu'à partir du moment où on cherche à empoisonner quelqu'un, on peut s'attendre à ce qu'une réaction illégale nous tombe sur le coin du nez. Je suis presque certaine qu'il y a une règle tacite qui autorise à le faire.
— La loi du Talion. Tu penses à la loi du Talion, mais ce n'est pas vraiment comme ça qu'il faut l'envisager.
— Oui, bah Talion ne nous en voudra pas de trouver un double sens à sa loi, hm ?
— Tu as conscience que je ne peux pas te laisser faire ce genre de choses ?
— Il n'y a absolument rien qui t'interdit de me laisser faire.
— Oh, juste le bon sens. »

Et que tu lèves les yeux en grimaçant, parce qu'il a raison. Pourtant tu ne peux te résoudre à rester là, les bras croisés... Et c'est désespérée que tu poses ton regard dans celui du médecin, espérant obtenir du soutien de sa part ; bien qu'il y ait peu de chance qu'il veuille se lancer dans un cambriolage nocturne avec toi... Pas vrai ?
Sam 29 Juil - 11:49

Organisme corrompu

Avec Prune Øystein



Lewën avait suivi le discours silencieusement, étudiant les réactions de la jeune prodige tout en réfléchissant à l’état de santé de son père. Il fallait arrêter le traitement oui, mais aussi aider les muqueuses respiratoires à se remettre de l’affront qu’elles avaient subi. Les traitements Epistotes étaient efficaces, c’était indéniable, cependant, il y avait trop souvent d’effets secondaires, souvent de faible incidence, mais dans l’état affaibli de Monsieur Øystein mieux valait éviter le moindre risque. Et toute cette pollution qui n’aiderait pas l’homme à mieux respirer …

Prune en était venue à l’apogée de sa pensée, débat mené avec son automate qui la rappelait à l’ordre.

- Oeil pour oeil, dent pour dent, souffla le médecin.

Cette seule phrase insuffla une lueur d’espoir à la brune.

- Je suppose que vous savez où habite Docteur Lionel ?

Elle acquiesça, le regard plein d’espérance.

- Vous vous doutez bien que je n’approuverai pas qu’on empoisonne le Docteur Lionel, telle est la loi Talion si je ne m’abuse.

IAN sembla se détendre autant que cela soit possible pour un automate. Peut-être que ce médecin aux cheveux incolores arrivera à raisonner sa protégée, elle ne se lancerait pas dans l’aventure toute seule, si ?

- Par contre je pourrais aller le voir, dès maintenant, pour m’entretenir avec lui sur l’état de votre père qui ne cesse de se dégrader, à petit feu. Je saurai tenir la conversation, seul. Je vous dirai de m’attendre en voiture, mais votre impatience vous mènera peut-être à me rejoindre et à vous perdre dans la demeure de Monsieur Lionel. Je suis certain que IAN veillera à ce que vous retrouviez votre chemin non sans vous perdre dans l’office du médecin ou toutes pièces susceptibles de vous apporter quelconques informations.

Il était incroyable de pouvoir décoder l’humeur du petit automate, renfrogné par cette idée saugrenue et dangereuse. Il n’était pas juste un tas de ferrailles soudées répondant aux ordres de sa mécanicienne. Non, il avait sa propre conscience. N’était-ce pas là le propre de la technologie ORI ? L’heure n’était pas à l’étude des prouesses d'ingénierie. Une étincelle de revanche scintillait dans le regard de Prune et un sourire s’était dessiné sur ses pâles lèvres. Lewën prit le temps de bien la cadrer.

- Prune, je vous demanderai de ne prendre aucun risque inconsidéré, ne vous attardez pas trop, nous serons sur un terrain inconnu et le Docteur Lionel ne sera pas dupe s’il vous trouve à fureter chez lui. Il s’adressa cette fois au petit robot. Vous êtes la seule voix de la raison ce soir IAN, je sais que vous veillez sur Prune, vous semblez bien vous y retrouver dans les demeures inconnues, guidez la autant que vous pouvez et surtout évitez de croiser qui que ce soit.

Lewën se leva, récupéra ses affaires, prêt à partir. Il claudiqua jusqu'à la porte et l’ouvrit.

- Après vous Mademoiselle.

C’était presque en sautillant que la demoiselle sortit, un nouvel élan d’énergie traversant son être. Se sentir soutenu, ça changeait la donne.

- Allons trouver Lyanna, elle sera notre chauffeur. Je me souviens qu’elle avait confectionnait un bouton d’alarme qui pourrait nous être utile. dit-il en marchant jusqu'à son véhicule. Devant la mine interrogative de Prune il précisa. Ce sont des porte-clés dotés d’un petit bouton poussoir connectés les uns aux autres. Si quelqu’un appuie dessus, tous les porte-clés émettent un bip strident en guise d’alerte en même temps. Ils n’ont pas une grande portée, dans le périmètre d’une demeure ça devrait fonctionner. Si elle les a toujours, nous aurons chacun le nôtre. Je demanderai à Lyanna de rester en voiture, elle est pleine de ressources, elle saura nous aider au besoin.

Ils partirent retrouver Lyanna, par chance, elle était là. Avec l’affaire Øystein il faut dire qu’elle restait sur le qui-vive, prête à aider sa protégée. Les étoiles étaient alignées avec eux, Lyanna avait fouillé dans sa boîte à souvenirs pour retrouver les bips alerteurs, ainsi les avait-elle nommée plus jeune. Elle avait toujours eu un don pour la technologie, comme si les connexions de fils et de fer l'avaient toujours habité, tout comme la Brume se révélait à lui.

- Il va te falloir un box pour entreposer toutes tes créations si tu gardes tout. La taquina Lewën.

- J’en ai un. répondit sérieusement sa jumelle.

Elle l’avait mouché, mais cela ne l’étonnait pas. Là où Lewën faisait un tri des plus strictes, Lyanna gardait tous souvenirs qui retraçaient sa vie, les bons comme les mauvais moments.
C’était sans surprise que l’idée de l’espionnage avait conquis la sœur Digo qui se réjouit de partager l’aventure avec eux. Lewën savait pertinemment qu’il se serait pris un soufflon s’ils étaient partis sans sa jumelle, elle était déjà bien trop impliquée dans l’affaire.

- Passons d’abord chez vous, jetons la potion, je passerai demain apporter à votre père un aérosol respiratoire. La contamination de notre airs n’aidera en rien sa guérison.

Sous les conseils de Lewën ils attendirent que la nuit soit confortablement installée pour rendre visite à leur comparse. L’effet de surprise et les balbutiements du sommeil auront peut-être l’avantage de faire parler l'inconscient de l’homme.

***

Lewën tira le levier de la grande porte. Trois coups sourds frappèrent le bois sculpté. Il était face à un manoir, il était clair que la réputation du Docteur Lionel nourrissait l’homme de coquettes richesses. Que pouvait lui apporter l’affaiblissement du PDG d’ORI ? Lewën commençait à remettre en doute sa probable culpabilité. Les fenêtres en carreaux étaient fermées, le dépigmenté devrait redoubler de ressource pour laisser le temps à Prune de pénétrer discrètement la demeure et de fouiller les lieux.

Les minutes s’écoulèrent, la porte finit par s’entrouvrir sur une Intendante qui ne laissa passer qu’un filet d’où Lewën pu observer un œil vert le fixer.

- Je vous prie sincèrement d’excuser ma présence, l’état de Monsieur Øystein s’est fortement dégradé, je n’arrive pas à le stabiliser je souhaite m’entretenir avec Docteur Lionel, je pense qu’il est le plus compétent pour arriver à endiguer le mal qui ronge son patient.

Il se doutait que l’homme n’était pas loin, caressait le grand médecin dans le sens du poil, le vanter, l’amadouer avec assez de subtilité pour ne pas qu’il se doute de la supercherie. Il entendit sa voix ordonner à l’Intendante de laisser Lewën entrer. Il fit un discret signe dans le dos à l’attention de Prune et Lyanna encore en voiture. La mission pouvait commencer. Lyanna aiderait Prune à entrer par effraction, car tel était le cas, avant d’attendre patiemment que la prodige et son automate ressortent.

- Je m’excuse encore Monsieur, annonça Lewën en passant le pas de porte.

Docteur Lionel se tenait au pas d’un escalier qui menait à l’étage. Il posa son fusil sur une table contre l’escalier. La famille Lionel avait-elle déjà reçu des menaces ?

-  Je viens quérir votre aide pour votre patient. Son état se détériore petit à petit. Je ne trouve aucune solution viable.

Montrer sa faiblesse, son incompétence pour que l’autre se sente puissant, oubliant toute méfiance.

- Il est vrai que son mal est dur, je pense être sur la bonne voie pour lui prodiguer les soins qui le rétablira. Peut-être devrai-je aller rendre visite à Monsieur Øystein dès à présent.

Ce n’était pas le plan, pourtant cela donnerait tout loisir à Prune de visiter le manoir. Il ne pouvait se résoudre à la laisser seule même si IAN veillait sur elle.

-  Monsieur Øystein venait de trouver le sommeil lorsque je suis partie. J’ai dû donner un cocktail de valériane, passiflore et tilleur pour l’apaiser. Lui et sa fille. Le voir ainsi mine Mademoiselle Øystein, je m’inquiète également de son état.

Dans la faible clarté du salon où l’avait mené le propriétaire des lieux Lewën ne manqua pas de remarquer le petit sourire de satisfaction de l’homme.

- Comment avez-vous connu la famille Øystein ? demanda innocemment le complice de Prune.

Que la joute verbale commence !
Dim 19 Nov - 17:16

Organisme corrompu

Avec Prune Øystein



Cela faisait pas loin d’une heure que Lewën explorait les possibles remèdes pour guérir Olivier Øystein de son “infection” lorsqu’un bip retentit. Il regarda son porte-clés et pris quelques secondes pour écouter un éventuel écho dans la maison. Rien. Il se justifia auprès du Docteur Lionel :

- C’est un patient, son état a dû se dégrader je dois le retrouver au plus vite, veuillez-m’excusez !

Il attrapa son manteau et s’échappa, aussi prestement que l’alarme retentissait. Il fut soulagé de voir, cachés à l’arrière de la voiture, Prune et IAN. Lyanna eut la présence d’esprit de s’asseoir côté passager pour laisser Lewën prendre le volant, le docteur Lionel ne manquerait pas d’observer la scène par sa fenêtre. L’obscurité jouait en leur faveur.

- Nous en avons découvert assez, IAN a scanné de nombreux documents. commença Prune.

- L’intendante a failli nous mettre le grappin dessus ! IAN a été extraordinaire !

- Parce que tu y étais ?! la coupa Lewën qui avait quitté le lotissement.

Sa sœur se justifia d’un haussement d’épaule avant de servir un clin d'œil à sa protégée. La suite du trajet fut silencieux, Prune rassemblant les pièces du puzzle, Lewën concentré sur la route - n’oublions pas qu’il a en horreur de conduire - et Lyanna échafaudant déjà des plans pour coincer le Docteur Lionel. Le doute s’amenuisait de plus en plus, le médecin de famille en voulait à la vie du paternel. Ils se posèrent chez cette dernière pour découvrir et décortiquer ce que IAN avait recueilli : un dossier rédigé par Albertin Geward qui s’avérait être le gendre du Docteur Lionel. Prune expliqua alors se souvenir de tension avec le créateur lors du conseil d’ORI où des financements étaient étudiés pour différents projets. Celui-ci avait reçu le refus catégorique du PDG, et malgré l’avis favorable de certains actionnaires, la voie du Président prévalait celles de ses associés, sa part détenue prenant le monopole.
Alors tout prit sens pour Prune. Profitant d’un rhume carabiné, le Docteur Lionel en avait profité pour empoisonner son patient, s'affaiblissant de jour en jour. Dans son agenda elle avait pu y voir figurer le prochain conseil de financement. Albertin allait y re-proposer son projet éthiquement douteux. Sans la présence de son père, le financement risquait d’être accepté.

Les jours passèrent et le père Øystein reprenait ses forces. Une purification respiratoire avait été imposé par Lewën par de longues inhalations matin, midi et soir. De voir son père guérir redonner vie à la jeune Prune dont la hargne et l’amertume envers celui qui avait toujours pris soin de sa famille grandissait. Elle put parler à son père des découvertes qu’ils avaient faites, et ensemble ils décidèrent de simuler la faiblesse de l’homme pour ne pas alerter le Docteur Lionel. Lewën laissa le médecin traitant reprendre les rênes, substituant ses traitements avec des placébos.

Le père de Prune joua parfaitement la comédie et quelle fut la surprise lorsqu’il arriva tout fringant au conseil de financement trois semaines plus tard. Le projet d’Albertin fut définitivement refusé, ne pouvant être présenté que deux fois. Il s’entretint avec ce dernier en présence de Prune, Lyanna et Lewën qui l’accablèrent de preuves à son encontre - bien que la plupart furent irrecevable auprès des autorités judiciaires car subtilisées illégalement - et la pression fut-elle que l’homme avoua, détaillant et dénonçant le Docteur Lionel sans vergogne comme étant à la tête de ce plan. Lewën recueillit les aveux grâce à sa conque enregistreuse et les autorités purent prendre la main sur l’affaire en allant arrêter l’empoisonneur. Cherchait-il seulement à affaiblir le PDG d’ORI ou aurait-il été jusqu’à sa douce mort ? L’histoire ne nous révèlera pas.

Cette entraide eut comme conséquence d’ouvrir les portes à Lyanna au sein de l’entreprise Øystein, et à Lewën d’affirmer une bonne réputation en tant que médecin. Réputation dont il ne profiterait guère puisqu’il partit quelques semaines plus tard à travers Urh pour étudier la Brume. Il avait gagné une petite sœur de cœur et un laisser passé dans le monde de l’industrie Øystein.