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❝ mécanismes aristocratiques ❞

❝ mécanismes aristocratiques ❞ Brandw10
Lun 20 Mar - 17:25
Il y a la sécurité de ton foyer, les domestiques qui s'affairent à rendre l'espace accueillant, bienveillant, se rendant disponible pour la moindre de vos envies, le moindre besoin, qui sont là pour toi, pour Papa, qui savent se rendre aussi précieux que n'importe quel membre de ta famille. Il y a la chaleur de ton lit, de tes draps qui sentent la fleur fraîche, de tes couvertures toutes douces qui t'enveloppent à souhait dans un sommeil réparateur, tous tes livres qui débordent de ta bibliothèque personnelle, toutes tes feuilles volantes qui dressent le portrait de ton bazar mental qui n'a de cesse de se mouvoir, d'évoluer, de muter. Il y a le monde extérieur, qui te tend les bras, toutes ces choses que tu veux apprendre, découvrir, t'en imprégner les neurones pour faire germer de nouvelles graines, de nouveaux songes, de nouvelles possibilités, pour goûter de nouvelles saveurs et rendre réelles tes connaissances académiques, celles que l'on t'a inculqué dès ton plus jeune âge et que tu n'as de de cesse de faire grandir, encore et encore, jusqu'à ce que tout déborde et vienne noircir le papier, ou intégrer la base de donner de IAN, fidèle associé.

Il y a tout ça, et pourtant, il n'y a que dans ton laboratoire personnelle que tu te sens pleinement chez toi. Ton petit monde où tes idées prennent vie, où tes créations jaillissent de ton esprit. Concentration de matériel high-tech gracieusement fournis pour répondre à tes besoins techniques, une sorte d'entrepôt, immense boîte de conserve brillante où ta magie opère.
Dans le complexe industriel Oystein, où les usines s'imbriquent et coopèrent pour façonner vos individus mécaniques et veiller au bon déroulement de leur conception, tu possèdes deux pièces, deux endroits rien qu'à toi ; privilège que tu dois à la renommée de Papa dans l'entreprise, dont tu n'as pas conscience, petite Princesse uniquement heureuse de pouvoir travailler sereinement, sans avoir à te soucier du bruit ambiant, des œillades par-dessus ton épaule, ou de devoir expliquer à qui que ce soit tes moindres faits et gestes, une fois tes projets validés par l'assemblée.
Un bureau, où la poussière pourrait s'accumuler si le ménage n'y était pas fait une fois par semaine tant tu n'y mets jamais les pieds, si ce n'est pour y ranger tes dossiers, blue-prints, et autres archives portant ta marque de fabrique. Toi, tu pourrais parfaitement les laisser traîner dans ton atelier, ton laboratoire sacré, mais Papa t'a toujours dit de garder ce genre de choses bien rangés, à l'abri du danger... Et IAN veille au grain pour que jamais tu ne daignes oublier. Une petite pièce qui sert d'extension à ton cerveau, dans un sens, ton petit musée personnel à la vue imprenable sur Epistopoli, contrairement à ton laboratoire, où la lumière artificielle se fait Reine, bunker creusé dans le sol de la cité.

Ce sont tes derniers jours à l'intérieur de ta caverne avant ton premier pas dans ta grande aventure personnelle. Tu t'étais promis que tu partirais dès que tu aurais terminé tes créations en cours, et ce moment est en train d'arriver. Les dernières pièces sont arrivées durant la semaine, tu as pu les assembler tranquillement, faire preuve de patiente pour manipuler ces minuscules mécanismes, les faire se répondre et correspondre à la perfection ; oh, que tu aimes quand prend forme une nouvelle entité sous tes petits doigts de fée ! Cette sensation que la vie prend forme, que tu façonnes une nouvelle créature, que ce que tu avais en tête depuis si longtemps va bientôt pouvoir rejoindre le monde et se mouvoir sous tes yeux, que tu pourras la nommer, la voir grandir, évolution, apprendre, se développer.... Est-ce un sentiment similaire que ressentent les mères pour leurs bébés ? Oui, sans hésitation, tu considères chacun de tes Automates comme ta progéniture, de IAN à ces animaux mécaniques que tu es en train d'engendrer.

Le programme d'aujourd'hui ? Tu en trépignes d'impatience rien que d'y penser, sautillant dans l'ascenseur malgré les conseils de ton acolyte mécanique te rappelant la dernière fois, quand tu t'es mise à sauter sur place avec un peu trop d'énergie, et que vous vous êtes retrouvés coincés pendant des heures dans ce petit habitacles. Mais comment te retenir ? Tu vas tester ton programme sur eux, aujourd'hui, leur donner un semblant d'âme, les faire bouger, répondre à des signaux, remplir ces corps vide d'énergie, pour la toute première fois ! Bon, évidemment, ce processus ne te convient pas tout à fait : toi, tu aurais souhaité leur offrir un cristal, directement, qu'ils aient une âme rien qu'à eux, pour vivre leur vie pleinement, sans avoir à dépendre de toi, oh ça non. Mais c'est trop tôt dans le processus, trop d'aléas, comment savoir si les animatroniques auront des comportements propices à l'espèce souhaitée ? Comment s'assurer qu'un esprit humain ne s'y retrouvera pas coincé ??? Tu reformules leurs craintes à ta manière, et tu les comprends, tu as conscience de ces éléments, tu aimerais y remédier, mais pour l'heure, toi non plus, tu n'y as pas suffisamment songée pour que la solution soit trouvée. Il faudra se contenter de programmes pour un certain temps encore. Ne désespère pas, petite Prune, un jour, tu parviendras à avoir des animatroniques parfaitement autonomes !

« Il va falloir faire des tests, les convaincre de me laisser faire des tests, tu marmonnes pour toi-même en observant l'aiguille dégringoler d'un bout à l'autre du cadran.
— Tu penses en avoir le temps ? Tu pars en voyage dans quelques jours, Prune.
— Je sais ! Mais si je les convaincs avant de partir, je pourrais m'y mettre directement en rentrant.
— Peut-être serait-il plus judicieux de les laisser tranquille avant ton départ. L'Assemblée a suffisamment de sujet à traiter pour le moment, avec les nouveautés du Sapiarque.
— Mais justement, IAN ; une nouvelle sorte d'Automate permettrait de rivaliser, non ?
— Ah, Prune... »

Une pointe de désespoir dans sa voix ? Tu ne t'y attardes pas, ta petite bulle merveilleuse ne saurait souffrir du jugement des autres. Tu as confiance en tes créatures, et tu sais qu'elles s'épanouiront un jour parmi la civilisation. Tu fais bien plus attention aux timbres qui te parviennent, alors que tu tires la langue en direction de ton Automate. Des paroles, en provenance de ton laboratoire ? Non, tu dois rêver. Tes oreilles te jouent des tours, tu n'as pas suffisamment dormi cette nuit, ça doit être ça, oui.
Les mains enfoncées dans ton bleu de travail, tu procèdes à un dernier petit saut, et les portes s'ouvrent devant toi, devant vous, sur deux hommes tournant autour de ton poste de travail, où sont d'ores et déjà installés le chien mécanique sur lequel tu dois essayer ton programme, et le petit papillon, d'une finesse fabuleuse, si précieux, si fragile... Tu en reconnais un, d'homme : Papa a tourné son visage dans ta direction lorsque les portes se sont ouvertes, t'accueillant avec un sourire, bien que ses yeux soient un peu teinté de reproche. Le même regard qu'il te glisse à table lorsque vous avez des invités et que tu t'échappes mentalement d'une conversation dont tu connais déjà la chanson.

D'un froncement de sourcil, tu lui réponds ; ne devrais-tu pas être celle qui reproche, en le trouvant ainsi en ces lieux, accompagné qui plus est, sans ton accord ? Sur tes lèvres se forment un milliard de questions, mais aucune n'a le temps de s'échapper, de se formuler, car ton regard est attrapé par une main qui s'approche du papillon, une main dont tu ne connais pas les intentions. Tu te souviens de toutes ces heures passées à le fabriquer, à batailler avec les pièces, à te mordre la langue de peur d'en briser un fragment. Hors de question que tu laisses quiconque le toucher, non, pas maintenant, pas si prêt du but !
Et te voilà qui bondit hors de la cage d'ascenseur et te précipites sous les paroles de ton père, en direction de cet intrus, pour te placer entre lui et ton œuvre, mère protégeant son enfant, prête à montrer les dents alors que ton cerveau rattrape les mots de Papa, ❝ Enfin la voilà ! Prune, je te présente le Ministre des Affaires Etrangères... ❞

Silence. Gros. Gros silence. Tu ne le lâches pas des yeux, ce "Ministre". Et puis pourquoi un Ministre voudrait...! Oh. OH. Une visite. Oui, on t'en a parlé. Tu te souviens vaguement de ce passage lors de la dernière réunion, de l'euphorie dans les prises de paroles, de l'importance de cette visite pour les affaires. Le "Ministre", c'est donc lui, celui que tu regardes en fronçant les sourcils ?
Mar 21 Mar - 19:52
Mécanismes Aristocratiques


Lorsque les invitations étaient arrivées à l'attention des Ministres à venir visiter le complexe industriel Oystein, la plupart avaient décliné, peu intéressées à l'idée de quitter leur confort et leurs petites habitudes. Seul Ekiel Reyes avaient répondu favorablement à l'opportunité qui s'offrait à lui de découvrir Epistopoli. Nul doute que sa venue allait faire grand bruit et que les petits plats seraient mis dans les grands pour l'accueillir comme il se devait.
Il était de bon ton de maintenir de bonnes relations avec ses voisins et plus encore d'apporter de nouvelles technologies à Xandrie et pourquoi pas de nouveaux partenariats. La diplomatie pouvait faire des miracles pour peu que l'on soit ouvert d'esprit et que l'on s'intéresse vraiment à ce qui se faisait et à ce que pouvait proposer autrui. Et puis Ekiel était curieux de découvrir la capitale du savoir. Oh bien sûr, il en avait entendu parler, mais rien de tel que de se rendre par soi-même de quoi il retournait exactement.
Le voyage serait long et le Strigoi aurait tout le loisir d'envisager de nouvelles ententes entre les deux factions et pourquoi pas rencontrer le grand Sapiarque. Sans doute serait-il tenu au fait de la visite du Ministre Xandrien.

Voici que la cité du savoir s'offrait au regard d'Ekiel Reyes et le moins que l'on puisse dire, c'est que le Strigoi ne l'avait pas imaginé aussi compacte et polluée. L'air était lourd pour ne pas dire irrespirable à cause d'un nuage de pollution permanent qui flottait au-dessus de leurs têtes. Les habitants ne devaient jamais voir la lumière du soleil ou alors en de rares occasions. Ils vivaient sous des lumières artificielles de néons en permanence et cela ne semblait pas les déranger outre mesure. Le ministre n'aimait pas particulièrement le soleil, mais l'idée de ne plus le voir n'était pas envisageable. Quelle tristesse de vivre ainsi perpétuellement dans un air vicié et suffocant. Il fallait sans doute être né ici pour supporter de telles conditions de vie ou être payé une fortune pour y demeurer.
A mesure que son véhicule progressait dans les rues, il remarquait la disparité qui régnait. Tout comme Xandrie, Epistopoli avait ses bas et hauts quartiers et curieusement les automates étaient cantonnés près de leur lieu de travail ou dans le centre-ville, des quartiers à moindres risques. Il paraissait qu' Epistopoli étaient encore moins fréquentables que la capitale Xandrienne.

Sa voiture arrivait finalement devant le complexe industriel Oystein et s'immobilisait pour permettre au Strigoi d'en descendre. Il était attendu par un homme d'âge mûr tout aussi grand que lui et aux regards émeraude et son cortège d'assistant. L'accueil était chaleureux et les deux hommes avaient tôt fait de laisser de côté les mondanités pour laisser place à une visite moins diplomatique et plus conviviale. Ekiel Reyes avait le don de mettre les gens à l'aise malgré son rang de Ministre et cela jouait favorablement en sa faveur. Il n'en demeurait pas moins redoutable en affaire.
La visite du complexe et de ses installations fut longue, très longue, mais très enrichissante sur un point de vue technologique. Pas à dire si Xandrie possédait ne serait-ce que la moitié de cette technologie avancée, elle n'aurait plus besoin d'être sous la coupe d'Opale et ça Ekiel en était parfaitement conscient. Il fallait que les choses changes et il allait tout mettre en œuvre pour que cela arrive.

Ekiel posait de nombreuses questions quant à la fabrication et le fonctionnement des automates. On sentait chez lui un réel intérêt pour le travail qui était accompli et développé au sein de ces industries, de même pour le personnel qui y travaillait bien que beaucoup semblaient avoir été remplacer par des robots. L'humain n'avait quasi plus de place ici-bas. Pourtant, il était nécessaire et vital et Epistopoli  paraissait l'avoir oublié. Les automates avaient beau être perfectionnés jusqu'à avoir reçu le don de parole, il n'en restait pas moins des machines. Pour perdurer dans le temps, ils avaient besoin de leurs mécaniciens ou créateurs. La visite du complexe se terminait sur une note plus détendue, par le laboratoire robotique de Prune, la fille du maître des lieux. Tous les assistants avaient été libérés de leur obligation pour l'occasion. Ekiel avait cru comprendre que la demoiselle en question n'aimait pas trop qu'on vienne empiéter sur son territoire. Aussi se demandait-il quel serait l'accueil qui lui serait réservé ?

L'homme ne tarissait pas d'éloge sur sa progéniture et sa formidable capacité à créer des automates de plus en plus perfectionnés. Cela rappelait à Ekiel combien son père adoptif était fier de lui et de son parcours. Sans doute le serait-il encore plus aujourd'hui.
Tout à leur discussion, le Strigoi apprit que l'épouse de Monsieur Oystein était décédée alors que Prune était encore une petite fille. Il n'avait pas été facile pour lui de jouer à la fois le rôle de père et de mère. Surtout quand la jeune fille avait atteint l'adolescence. Ô moins, elle avait eut la chance d'avoir des parents aimants et attentionnés, ce qui n'était pas donné à tout le monde.

Ekiel découvrait donc l'antre de la demoiselle, un antre vide de toute présence humaine et il en fut presque déçu après avoir tant et tant entendu parler de Prune et de ses prouesses par son géniteur. Un rapide coup d'œil sur divers projets en cours, couchés sur le papier et sur un écran d'ordinateur, avant qu'il ne vienne à s'intéresser de plus près à deux créations qui trônaient sur le poste de travail. Un chien mécanique et un papillon d'une finesse remarquable. Combien d'heure avait-elle passé dessus pour parvenir à de tels résultats ? C'était prodigieux. Ekiel Reyes était si fasciné par le travail accompli qu'il ne vit pas les portes de l'ascenseur qui s'ouvrait sur une jeune femme en bleu de travail.
Sa curiosité le poussait à vouloir examiner de plus près le papillon, plus vrai que nature. Il tendait une main en direction de ce dernier et se ravisait au moment même ou une furie bondissait entre lui et la création de la demoiselle, lui en interdisant l'accès. Elle faisait barrage de son corps , telle une mère poule veillant sur sa couvée. Les prunelles azurées de Strigoi se posaient sur le visage féminin qui le fusillait du regard, tandis que les présentations étaient faites. Ekiel s'amusait de la situation pour le moins impromptue, plus qu'il n'en prenait ombrage. Voilà qui était peu banale comme entrée en scène. Il esquissait un petit sourire en coin.

"Je présume que cette charmante demoiselle est votre fille, Messire Oystein ?" 

L'homme se confondait en excuses devant l'attitude de Prune. Ne lui avait-il pas rappelé le matin même qu'un invité de marque viendrait visiter leur complexe et qu'il faudrait être là pour l'accueillir avec respect.

" Ne vous excusez pas. Il n'y a pas mort d'homme, du moins pas encore. À moins que votre fille ne puisse me fusiller de ses beaux yeux verts ?"

Ce n'était qu'une boutade puis à l'attention de la demoiselle qui pour le regarder devait lever la tête.

"Damoiselle Oystein, c'est un honneur de vous rencontrer... enfin. Je commençais à douter de votre existence tellement vous avez brillé par votre absence durant la visite. Votre père m'a tellement parlé de vous et de vos prouesses en robotique que j'avais hâte de vous rencontrer." 

Un silence avant de poursuivre.

"Ekiel Reyes Zadicus et accessoirement Ministre des Affaires Étrangères de Xandrie. Et si vous me parliez de ces petites merveilles que vous protégez telle une louve. J'aimerais en savoir plus sur la façon dont vous les avez fabriqués."

De toute évidence, le Strigoi ne lui tenait pas rigueur pour ce manquement à l'étiquette et mettait tout en œuvre pour la mettre à l'aise.

Codage par Libella sur Graphiorum
Sam 25 Mar - 22:19
Par-dessus l'épaule de cet homme, Papa te fait les gros yeux, communiquant avec ses prunelles l'importance de ta bienséance. Ne soit pas trop rude, ne montre pas les dents, petite louve qui protège ses enfants ; si le paternel a laissé l'inconnu entrer dans ta tanière, c'est qu'il estime que tes secrets seront bien gardés ! Tu sens son regard pesé sur toi bien que tu ne puisses pas vraiment le lui rendre, trop occupée à conserver le cou plié pour poursuivre cette bataille de regards. Le paon pavane, IAN quitte la cage d'ascenseur, faisant entendre le mécanisme de son corps, ses petits pas automatiques se rapprochant de sa partenaire. Lui, même sans le voir, tu sais qu'il secoue la tête, qu'il s'amuse de la situation, que malgré le poids du temps qui passe, tu ne finiras jamais de le surprendre par ton audace, ta spontanéité et les situations dans lesquelles tu sautes sans réfléchir, petite enfant effrontée !

Mais à ta menace silencieuse, l'homme répond avec douceur, taquinerie, élégance qui te coupe l'herbe sous le pied. À quoi tu t'attendais ? Prune, tu étais prête à lui grogner dessus, à faire honte à Papa, à provoquer un fou rire à IAN, et le voilà qui enrobe ses mots de miel pour calmer ton humeur, te rassurer. Il monte patte blanche, malin comme il est... Mais tout de même ! Comment Papa a-t-il osé le laisser s'approcher si près de tes bébés, sans ta supervision, sans ton consentement ?? Oh, comme tu meurs d'envie de grimper sur une chaise pour te faire plus grande que lui, le surplomber pour faire entendre ton point de vue sur la question, sur cette odieuse, odieuse intrusion !

« Evidemment, Sir Zadicus. Il était question de vous présenter les dernières créations de Mademoiselle aujourd'hui. Il faut croire que dans l'euphorie liée à ces nouvelles "naissances", cette dernière en ait oublié votre venu, ne lui en tenez pas rigueur : ses méninges sont prodigieuses mais étrangement sélectives. »

Clameur de IAN, volant à ton secours. Il a traversé la pièce pour te rejoindre, ton preux chevalier, mais tu ne l'entends pas de cette oreille. Bouche ouverte, tu étais déjà prête à déclarer quelque chose, toi aussi, avant qu'il ne te prenne de court — décidément, c'est la journée ! Pantoise, tes lèvres se scellent de nouveau, déglutition nerveuse lorsque tu prends conscience de la situation. Prune Oystein, tu es tête en l'air, tu agis sans réfléchir, voilà où ça te mène.

Là. À une distance non réglementaire d'un ministre. Prête à remettre l'avenir de ta famille en jeu pour tes créations. Juste ici. Faire un pas en arrière ? Tu n'y penses qu'en entendant Papa se racler la gorge pour combler le silence, briser la glace, remettre la machine en marche. Le visage s'adoucie enfin, le corps se détend, tes pupilles font la navette rapidement, de IAN à ton père qui t'encourage silencieusement, de ton père au ministre. Un sourire apparait, ta tête se penche.

« C'est maintenant que je me confonds en excuses, moi aussi...? »

L'innocence de cette question ! Papa est au bord de l'évanouissement et il n'en faut pas plus à IAN pour prendre les choses en main. Littéralement, il t'attrape la main et tu tires vers l'ordinateur pour mettre fin à ce triste spectacle qu'est ta découverte du bon sens. « Prune, est si on testait les programmes, maintenant ? » propose-t-il comme on le ferait à une enfant pour détourner son attention ; et le pire, c'est que ça fonctionne. Tes neurones se remettent à fonctionner correctement, ton enthousiasme revient ! Bon, tu n'es pas totalement débarrassée de ta réticence concernant l'intrus (non, pas l'intrus, Prune, l'invité !) mais s'il ne se remet pas en tête de toucher quoi que ce soit sans ton autorisation, ça devrait aller. Pas vrai ? Dans ton dos, tu entends Papa s'approcher, venir appuyer les paroles de IAN à l'attention du ministre, et l'Automate quant à lui te glisse à l'oreille lorsque tu te penches pour récupérer la carte d'accès dissimulée dans ses entrailles, la demande du Ministre. ❝ Comment tu fais, Prune, pour créer tes Automates ? ❞

« Comment je... les mots se perdent sur ta bouche quand tu glisses la carte dans l'ordinateur et qu'il te faut taper sur ton clavier. Tout commence par une idée, une envie, une lubie dirait Papa. Elle germe dans ma tête, prend de plus en plus de place jusqu'à ce qu'il me faille l'ébaucher quelque part, d'abord une silhouette, puis les dimensions de chaque pièce nécessaire à son fonctionnement, les matériaux voulus pour chaque pièce. Parfois on change d'avis en plein milieu alors on recommence, et lorsqu'on est satisfait de ce qu'on a sous les yeux, on passe commande pour les pièces, qui prennent plus ou moins de temps à arriver, mais c'est pas tant grave parce que le plus important c'est que tout soit exactement comme on l'a mit sur le papier, sinon ça fonctionnera pas et il faudra encore recommencer, et on sera un peu déçu de devoir attendre encore. »

Tes mots roules sur ta langue, tu parles sans effort alors que ton corps est tout occupé à faire apparaitre sur l'écran ton interface de programmation. Avec toutes les précautions du monde, tu attrapes le papillon entre tes mains, le déposes sur une surface blanche, allumes une lampe, abaisses un verre grossissant entre toi et l'Automate afin de ne pas manquer la minuscule encoche prévu pour le connecter à l'ordinateur. Ta voix module alors que tu te concentres, pince en main, pour glisser les files à l'intérieur de ta création.

« Ensuite... Ensuite, j'assemble les pièces, je pourrais laisser les machines le faire à ma place en leur donnant accès au blue-print mais j'aime cette phase de l'opération, et j'estime que c'est à moi de le faire, pour le premier, au moins, parce qu'il sort de moi, quand même, je dois lui apporter une attention toute particulière. Et quand le corps est prêt, on s'attaque à l'esprit. Enfin, pas tout le temps, maintenant, l'esprit, il prend possession de la machine de lui-même, mais là en l'occurrence, je dois m'en occuper pour... certaines raisons. »

Transfert en cours. Tu en profites pour t'accroupir, ouvrir le placard de ton bureau, en sortir une petite boite contenant 7 boules de couleurs. Tu en disposes 5 à divers endroits, en donnes une à ton père, la dernière, bleue, au Ministre.

« Vous saviez que les papillons se servent des couleurs, notamment, pour trouver les fleurs à leur convenance pour se nourrir ? Placez vous où vous voulez, et ne bougez plus. »

Un "ding" significatif retentit. Le transfert est fini. tu retournes à ton écran, vérifiant que tout est prêt, tu entres la commande pour diriger la préférence du papillon vers le bleu, mets en route le programme. Les ailes s'activent pendant que tu retires les fils, délicatement. L'insecte mécanique caché dans tes paumes, tu inspires à fond, te tournes face à tes invités.

« Il va certainement être un peu timide au début, ne lui en voulez pas trop, c'est son tout premier jour dans le monde, c'est assez... Impressionnant. »

Mais il volera, tu le sais. Tu as confiance en lui, c'est ton enfant, tu as pris soin de lui pendant des mois, tu l'as cajolé, et aujourd'hui, maintenant que tu ouvres ta cachette pour lui dévoiler ton laboratoire, ça y est, il va pouvoir s'envoler !
Mer 29 Mar - 21:20
Mécanismes Aristocratiques


Mais c'est que la petite demoiselle semblait avoir un sacré tempérament. Ce qui n'était pas pour déplaire au Strigoi. Et rien que pour recevoir un regard courroucé de la sorte, cela valait un si long déplacement. Oh bien sûr, il n'ignorait pas que dans son dos, le paternel de Prune devait lui faire les gros yeux ou bien lui signifier par geste de calmer le jeu, mais il paraissait évident qu'elle n'en faisait qu'à sa tête depuis bien longtemps, ou alors qu'elle était fichtrement maladroite avec le protocole. Sans doute un peu des deux. En un sens, cela ramena Ekiel à sa jeunesse où Vladimir tentait en vain de lui inculquer les bonnes manières. Sans conteste était-ce l'apanage de la jeunesse de se comporter de la sorte, quelle que soit la race à laquelle on appartenait.

Voici qu'un bruit métallique attirait l'attention du ministre et qu'un automate s'avançait dans leur direction, secouant la tête comme s'il était dépité par tant de maladresse. Cette mécanique était-elle douée de raison, voire de parole ? Ça notre illustre invité allait vite le savoir. Prune semblait ne pas apprécier que son géniteur ait délibérément amené ici un étranger sans lui en demander la permission. Mais cette permission, Monsieur Oystein était en droit de l'ignorer, étant propriétaire des lieux. Alors à quoi bon agir de la sorte avec tant d'agressivité ?

Puis voici que la mécanique ambulante venait à prendre la parole, affirmant que sa maitresse était prête à faire découvrir au ministre ces dernières créations. Que toute à sa joie de leur influer un souffle de vie, elle en avait oublié la venue d'Ekiel Reyes et la bienséance qui allait avec. Le Strigoi affichait une moue dubitative quant à ses affirmations, doutant fortement que cela soit le cas. Il penchait plus sur le fait qu'elle avait oublié ou que cela ne l'intéressait pas le moins du monde. Cela paraissait beaucoup plus plausible.

"Sélectives... vraiment ? Je vois." 

Un petit sourire avant de fixer de nouveau la demoiselle qui, bouche close, cherchait quoi argumenter suite à tout cela. Elle paraissait bien nerveuse. Etait-ce du par sa proximité avec le Strigoi ou bien réalisait-elle qu'elle avait commis un impair ? Le padré derrière eux se raclait la gorge. Comme par miracle, le Strigoi vit le corps de Prune se détendre légèrement comme sous l'effet d'une baguette magique, mais il ne s'attendait certes pas à entendre ce qu'il entendit sortir de la bouche de scientifique.
Il y eu un long silence avant qu'Ekiel ne se mettre à rire devant la remarque de Prune si spontanée. Comme si elle cherchait l'approbation de son père par cette question. C'était réellement risible. Après quelques secondes, Ekiel reprit son éternelle apparence distinguée.

"Mademoiselle Oystein, vous êtes tout bonnement formidable. Une telle spontanéité est à marquer d'une croix blanche. Si un jour, on m'avait prédit que j'entendrais pareil questionnement, je n'y aurais pas cru. Alors oui, il serait de bon ton de vous excuser, mais passons outre pour cette fois. Ce moment est plus embarrassant pour votre cher père qu'il ne l'est pour moi. En tout cas, vous m'avez fait bien rire." 

Ekiel prenait un peu de distance avec Prune, lui laissant ainsi plus de manœuvre possible autour de sa table de travail tandis que l'automate entraînait sa maîtresse vers un ordinateur, lui suggérant de tester les programmes. Une diversion qui semblait faire mouche puisque aussitôt la jeune femme s'activait comme si ses méninges se remettaient en marche. À la question posée par le Strigoi, elle ne tardait pas à trouver réponse. Prune lui expliquait tout le cheminement qu'elle avait fait pour en arriver jusque-là, pas à pas, méthodiquement et avec une telle passion qu'il était facile de se laisser emporter par son récit. C'était une passionnée, tout comme Ekiel l'était dans son domaine. Il était rare de rencontrer de telles personnes, passionnée par ce qu'elles faisaient et cela avait quelque chose d'admirable.
Le ministre suivait avec attention les moindres gestes de la scientifique et allait jusqu'à regarder par-dessus son épaule son interface de programmation.

"Je vous envierai presque d'être capable de telles prouesses, Mademoiselle. Vous paraissez si jeune. Monsieur Oytein, vous pouvez être fière de votre fille. Ce qu'elle accomplit est simplement prodigieux."

Ekiel se tue après cette brève interruption, écoutant chaque explication avec attention, comme buvant les paroles de Prune. Il aurait aimé être capable de telles prouesses. C'était comme donner la vie en quelque sorte. De toute évidence, la scientifique aimait mettre la main à la patte pour la touche finale et cela devait lui apporter une grande satisfaction lors de réussite et une terrible déception en cas d'échec. Pourtant, allez donc savoir, Ekiel doutait que la Prune puisse rencontrer beaucoup d'échec. Elle semblait être du genre à persévérer jusqu'à arriver au but. Jusqu'à ce que tout soit parfait. Perfectionniste.

Une petite boite sortie d'un placard et voici que Prune dispersait 5 boules dans le laboratoire, en donnait une à son père et une dernière, une bleue à Ekiel, le conviant à se placer où il voulait et à ne plus bouger par la suite. Que diable avait-elle en tête ? Ekiel examinait la sphère bleue se demandant à quoi elle pouvait servir avant qu'un ding ne retentisse. Quelques manipulations sur le clavier et voici que les ailes du papillon se mettaient en mouvement. Avec beaucoup de précautions, Prune libérait la fine mécanique de ses entraves et le prenait dans ses paumes.
Quelques mots comme pour se rassurer elle-même avant qu'elle n'ouvre les mains et que le papillon ne prenne un envol timide. Virevoltant dans le laboratoire à la recherche de quelque chose. Il s'approchait d'une ou deux sphères, stagnait une ou deux secondes au-dessus avant de passer à la suivante. Ekiel suivait de regard, la progression de la fine mécanique. Comment une si petite chose faite de simples composants électroniques pouvait-elle voler ? En d'autres temps, cela aurait tenu du miracle ou de la sorcellerie. Mais là, c'était de la science ni plus ni moins. Parfaitement immobile, il attendait que le papillon vienne là où Prune l'avait décidé. L'insecte virevoltait plus vrai que nature, qu'on s'y serait trompé jusqu'à venir se poser sur la sphère que le ministre tenait dans sa main.

"Impressionnant, dites-vous. C'est beaucoup plus que cela, je vous l'assure. Je suis bluffé. Une telle technologie pourrait être utilisée en bien des domaines. Si petits, si insignifiant qu'on ne les remarquerait même pas. Vous êtes une personne étonnante damoiselle Prune et vous surpassez sans doute bien des scientifiques de renoms."


Codage par Libella sur Graphiorum
Ven 7 Avr - 23:31
Tu vois ta création voler de ses propres ailes et tes yeux brillent tant tu t'émerveilles. Ses premiers pas, enfin. Tu suis sa trajectoire gracile et gracieuse, ses virevoltes et douces arabesques quant il explore les recoins de la pièce, guettant sa cible avec légèreté, le temps de s'adapter. Tu ne te souviens pas de tes premières visions du monde, évidemment, personne ne peut se targuer d'avoir pleinement conscience de ses premiers souffles dans l'Existence, mais tu revis un peu cette première découverte à travers yeux, tu te glisses autant que tu peux dans leur peau, dans leurs yeux. Une fois encore, tu as insufflé la vie, et tu ne cesseras jamais d'avoir des papillons dans le ventre à chacune de ces naissances, à chaque nouvelle création, chaque nouveau compagnon.
Premier vol réussi, la petite bestiole se pose sur sa cicle, replie ses ailes, tâche accomplie. Le sourire affiché sur tes lèvres défie la lumière artificielle du laboratoire, ton père te gratifie d'un regard imprégné de fierté, de tendresse ; exit la tension d'il y a quelques minutes, il t'en tiendra rigueur plus tard dans la journée, ou ce soir, lors du souper. Pour l'heure, il n'osera pas gâcher ta célébration, ton contentement, ton ravissement.

Prochaine étape, lui trouver un nom. Ton coeur palpite à cette idée. Nouveau baptême, nouvelle identité ! Qu'il te tarde d'apprendre à connaitre cette nouvelle source de vie, son tempérament, ses anticipations, sa... Doucement, Prune, tu as déjà oublié ? Cette douce créature ne possède pas encore de personnalité. Elle n'est que code, que programmation, une enveloppe charnelle mécanique sans aspiration. Il te faudra attendre encore -combien de temps ? aucune idée, tu le déplores- avant de pouvoir apprendre à la connaitre pleinement. Les palpitations laissent place à un pincement, tout comme tu presses tes lèvres l'une contre l'autre pour signifier la légère douleur que t'inflige ce constat : cet être n'est pas encore complet, mais bientôt, c'est une promesse, il le sera.

C'est IAN qui se charge de vagabonder dans le laboratoire pour ramasser les petites balles, tandis que tu tapotes sur ton clavier pour demander à la petite chose de revenir vers toi. Ainsi, le Ministre n'aura pas l'audace de vouloir de nouveau y laisser la marque de ses doigts. « Si petits, si insignifiant qu'on ne les remarquerait même pas. » Cette phrase te fait tiquer plus que de raison, pour peu, tu la prendrais comme un affront personnel. Une de tes créatures, insignifiante ?! Tu te sens de nouveau froncer les sourcils et inspire à fond pour les forcer à se détendre. Non, Prune, ça n'en vaut pas la peine, inutile de montrer les crocs, il ne sait pas, voilà tout. Comment pourrait-il savoir à quel point cette petite chose est sublime, porteuse d'espoir, décisive ?? Ton automate réceptionne la balle de Papa, puis celle du Ministre, les range dans la boite, qui disparait de nouveau sous le bureau.

« Quand ils seront prêts, je les mettrai à la disposition des mineurs et autres chercheurs de ressources, pour scanner les zones à risques et parvenir à s'infiltrer dans des endroits étriqués. Ils seront les yeux furtifs des travailleurs. Quant à lui... »

Ton bras accompagne ta parole pour se diriger vers le chien, toujours à sa place. Quant à lui, oui ? Qu'allais-tu révéler à cet homme, exactement ? Tu fermes la bouche, gonfles les joues, tourne rapidement la tête en direction de ton paternel, les yeux suspicieux.

« A-t-il signé une clause de confidentialité ? »

Le silence, encore. Décidément, la fluidité de la journée n'est pas au beau fixe. Au tour de ton père de froncer les sourcils, et tu n'es pas capable de savoir si c'est ton comportement, ta question, ou un subtil mélange des deux qui justifie son expression. À vrai dire, tu te surprends toi-même, cette question est arrivée si subitement à ton esprit que tu n'as su la contenir, et tu te rends petit à petit compte de sa portée. Signifie-t-elle elle aussi un affront, un manque de confiance envers l'un des Grands Noms d'une nation ? Dans un sens, oui, totalement, mais il n'est certainement pas des plus judicieux de te montrer aussi transparente à ce sujet. D'un geste de la main, tu fais signe à ton père de ne pas te répondre, de ne pas répondre à ta place, préférant remédier à la situation de toi-même. Ainsi, tu reportes ton attention sur le Ministre, lui offrant un petit sourire, sincère, beaucoup trop sincère.

« Excusez-moi, je ne suis pas très agile avec les convenances, et je me précipite sur les conclusions sans prendre le temps d'étendre ma pensée. Vous êtes ici dans mon atelier, et j'y apporte une attention toute particulière. Ceci est mon antre, ma caverne secrète, où je m'adonne à la création et l'expérimentation. Très consciencieusement, d'aucun pourrait dire... religieusement ? Et bien que je ne saisisse pas tout à fait la teneur de votre visite -j'ai la fâcheuse tendance à ne pas être très assidue lors de nos réunions-, je sais qu'il me tient très à cœur que mes secrets ne se mettent pas à vagabonder un peu partout sans mon accord, d'autant plus si, comme vous l'avez dit, vous estimez que je surpasse des esprits éminents de notre société. »

Fichtre, comme tu détestes cette façon de parler ! Tu te sens insipide, vide, défaite de ta propre personnalité. Mais c'est une ficelle de la haute que l'on t'a apprise à maîtriser, et que tu fais en sorte de ne pas avoir à le manier très souvent. Pourtant, là, ici et maintenant, tu t'y plies par convenance, pour sauver les apparences, prouver à ton père que tu es capable de te faufiler dans ce monde dont tu ne saisies pas tout à fait les règles, lorsque tu y vagabondes.

« Si je peux me permettre d'être parfaitement honnête avec vous, non Papa, ne me regarde pas comme ça, j'y tiens beaucoup, souffles-tu lorsqu'il s'approche de toi pour prendre la relève de ta prose. Je ne suis pas du tout à l'aise lorsque l'on pénètre mon atelier. Vous êtes la première personne à y entrer depuis...
— Un an et sept mois, croasse IAN.
— C'est ça. Mon comportement n'est sans doute pas excusable pour autant, mais ceci explique cela. Je me sentirais plus à l'aise avec la certitude que vous repartirez d'ici en conservant vos souvenirs pour vous, à moins que vous ne souhaitiez véritablement me revoir furibonde... Mh, je ne suis pas certaine d'être très crédible en disant cela, mais je le pense vraiment ! »
Dim 9 Avr - 14:03
Mécanismes Aristocratiques


Il est des jours plus difficiles que d'autres et présentement sans était un. Non seulement la demoiselle en face de lui était hostile à sa présence, mais elle se montrait agressive dans sa façon d'être. Alors certes, il était un intrus dans son monde, dans son espace personnel, dans son laboratoire, mais il était avant tout un invité et pas n'importe lequel et ça la petite demoiselle semblait l'oublier.
Fort de ses bonnes manières et de son calme à toutes épreuves, Ekiel restait égale à lui-même. Se contentant d'endurer la situation. Une situation fort embarrassante pour son hôte d'ailleurs, qui allait devoir réparer les bévues de sa chère progéniture.
Alors oui, voir une bestiole automatisée prendre son premier envol avait été formidable, mais il ne fallait pas abuser. Ce n'était rien de plus qu'un assemblage de pièces diverses et d'une programmation. Alors oui, Xandrie était loin de cette technologie, mais ce n'était pas pour rien que le Strigoi était là. Car derrière l'invitation faite, il y avait autre chose de plus important et Prune l'ignorait.

Ekiel s'appuyait contre la table de travail et observait IAN ramasser les petites balles, jetant un œil de temps à autre sur la demoiselle penchée sur son ordinateur. Est-ce là son quotidien ? Enfermée dans ce laboratoire avec, pour seule compagnie, cette mécanique douée de parole. Une mécanique qui était sans doute aussi une de ces créations. Il se demandait combien de temps, il lui avait fallu pour le créer. Des semaines ? Des mois ? Des années ?

Ekiel laissait le papillon retourner à son point de départ, imaginant pleinement ce qu'il pourrait faire avec de tels automates, voire des plus gros. Rivaliser avec Opale... oui, c'était une solution. Si Xandrie venait à acquérir de l'armement automatisé, elle serait à même de se défaire de l'emprise d'Opale. Et pour cela, il n'y avait qu'un moyen, faire entrer Epistopoli et Opale en concurrence sur le marché de l'énergie.

"J'imagine que par la suite, cette petite créature sera dotée d'énergie cristalline afin de la rendre automone. Qu'il lui sera inutile d'être reliée à cet ordinateur sauf pour sa maintenance ou un changement de programme." 

Prune lui expliquait qu'elle destinait sa création aux mineurs. Vouloir épargner la vie de ses semblables étaient une bonne chose. Cette Prune était vraiment surprenante. Pourtant, il sentait comme une tension qui demeurait entre eux et il ne se l'expliquait pas. Sans doute était-elle toujours mécontente de l'avoir trouvé ici.

"C'est un noble geste de votre part. Peu sont ceux qui se soucient des mineurs et de leurs conditions de travail. Vous éprouvez donc de l'empathie pour autrui et bien plus que la plupart des mortels. Voilà qui est intéressant." 

Ekiel fait quelques pas dans la pièce et vint poser une main amicale sur l'épaule du paternel de la demoiselle. Il exerce une légère pression et lui adresse un regard entendu. Comme si les deux hommes s'étaient mis d'accord sur quelque chose précédemment. À moins que ce ne soit pour le rassurer quant au comportement de sa fille. Allez savoir.

"J'imagine que vous comptez donner un nom à votre création ? Avez-vous déjà une idée ? J'imagine que non. Chaque chose en son temps. "

Elle poursuivait sur le chien qui attendait lui aussi d'avoir le don de vie, mais s'arrêtait subitement, demandant si Ekiel avait signé une clause de confidentialité. Ekiel se retournait vers elle, non sans un regard sur père de cette dernière.

"Une clause de confidentialité ?! Sérieusement ?! Me prenez-vous pour un opportuniste qui fort de ce qu'il aurait vu et appris irait vendre cela à la concurrence ? Je ne suis pas n'importe qui et on ne me surnomme pas l'incorruptible pour rien. J'ai la réputation d'être un homme intègre et honnête. Qui plus est, je doute que votre père, ici présent, ne m'aurait pas amené en ce lieu s'il n'avait pas confiance en moi. Est-ce que je me trompe ? Car en la matière, vous êtes la plus à même de le savoir."

La tension dans l'air devenait plus vive. Il y eu un long silence tandis que les deux se jaugeait. Puis des excuses, certes maladroites, mais des excuses quand même.

"Il est certain qu'il vous manque certaines manières en matière de convenances et vous êtes comment dire… maladroite dans vos propos, voire agressive. Il est heureux que je ne sois pas homme à prendre cela au pied de la lettre et qu'il m'en fasse davantage pour m'offusquer, sans quoi cela aurait tourné à l'incident diplomatique."

Quelques pas de plus, se rapprochant de Prune.

"Je comprends aisément qu'il puisse vous déplaire de me voir dans votre laboratoire, mais vous allez devoir faire avec, durant quelques jours encore, car je n'en ai pas fini avec la compagnie Oystein. Quant à votre manque d'assiduité aux réunions et bien, vous allez devoir le corriger tant que durera mon séjour, j'en ai peur. Pour tout vous dire, votre cher père me confie à vos bons soins, ce qui signifie que je m'en remets donc à vous pour le reste de mon séjour.
Pour ce qui est de vos secrets, ils demeureront en ce lieu, je puis vous l'assurer. Je m'y engage sur mon honneur. Effectivement, vous manquez cruellement de crédibilité, mais cela se gagne avec l'âge."
 

Ekiel Reyes marquait une pose, s'apprêtant à subir un déferlement de protestations par la suite.

"Une dernière petite chose. Au vu de mon déplacement en Epistopoli, vous êtes tenue de m'accompagner à chaque visite, dîners ou réceptions mondaines qui seront donnés. Votre père s'y est engagé formellement. Je gage que vous auriez aimé être mis au courant un peu plus tôt, mais comme vous étiez absentes... certaines décisions devaient être prises.
Je suis parfaitement conscient que cela ne doit pas vous enchanter, mais il en va de la réputation de la compagnie Oystein. Aussi, je gage, que vous vous conforterez à l'étiquette et honorez la parole donnée par votre père."


Le Strigoi lui laissait le temps de digérer tout cela, demeurant silencieux, guettant la moindre des réactions de Prune. Une bombe à retardement, il la percevait ainsi présentement. Nul doute qu'elle allait protester et tenter de faire changer son père d'avis, mais pas ici, pas devant lui. Monsieur Oystein avait engagé sa parole et parole donnée ne pouvait être reprise sans être considérée comme une insulte. Alors non, en bonne fille, noble de surcroit, elle se conformerait à l'étiquette par obligation.
Le silence devait de plus en plus pesant.

Codage par Libella sur Graphiorum
Dim 9 Avr - 20:59
Ca y est, ta petite bulle éclate et tu te retrouves par terre, confronté à la férocité des faits. T'as merdé, Prune, piétiné la réputation de ton père, la prestance de ta famille. Un petit être comme toi, qui en sait pas se tenir, qui ne tourne pas sa langue sept fois dans sa bouche avant de s'exprimer, qui vise toujours à côté de la plaque avec ses semblables. Qu'est-ce qui t'es passé par la tête, Prune ? Bien sûr qu'il fallait se taire, se mordre la langue, sourire, répondre par l'affirmative, toujours, se montrer docile, encore, et laisser cet individu fouler du pied ton repaire en silence, te faire violence pour ne rien laisser paraître. Tu aurais pu planter tes ongles dans la paume de tes mains, te mordre le bout de la langue jusqu'à sentir le sang pulser sous tes dents, réciter mentalement les lignes de codes à implanter dans ton nouveau compagnon canidé. Tu aurais su trouver mille et un stratagème pour rendre cette rencontre agréable pour ton vis-à-vis, pour ne pas rompre le charme que Papa s'est donné tant de mal à installer. D'ordinaire, tu n'aurais même pas eu besoin de faire quoi que ce soit pour ne pas le froisser ! Ton existence même, toujours un peu de travers, toujours sur le fil du monde, n'aurait pas pu jouer sur son humeur. Mais non, non ! Pas aujourd'hui. Pas quand tu te sens acculée dans ton univers à toi, pas quand tu as l'impression d'être agressée, en danger, pas quand tu ne te sens pas à l'aise dans ta propre petite chaumière. Tu n'as pas pu, voilà tout, et tu as sorti tes griffes de petit chaton, dérisoires petites griffes qui ne servent pas à grand chose pour affronter le monde. T'as merdé, et cet homme, ce Ministre, te le fait parfaitement bien comprendre.

Le silence, tu t'en accommodes. Le regard de ton père, un peu moins. La lueur dans ses yeux. Tu sens qu'il est tiraillé, entre son envie de voler à ton secours et celui de te laisser là, apprendre de tes erreurs, comprendre que tu ne peux plus jamais, Ô grand jamais, commettre un tel impair. Oh, ne t'en fais pas, il te connait, il sait parfaitement que tu n'en es pas à ta première gaffe, ni à ta dernière. Il sait, tout le monde sait ici que tu es excentrique, inoffensive, mais parfois tellement toi qu'il est compliqué d'anticiper les réactions de ceux qui ne t'ont encore jamais rencontré. Il t'a briefé, maintes et maintes fois, et tu as oublié. Il n'aurait pas pu faire plus, mais aurait pu faire beaucoup moins, et rien n'aurait changé. Tu l'as sur le bout de ta langue, ce mot, celui que traduisent ses pupilles en te regardant, malgré son sourire compatissant. Ah, ça y est, tu l'as trouvé :

Déception.

Et le voilà qui s'approche, lui qui a osé souillé ton monde. Et qu'il te toise, t'abreuve de paroles que tu n'avais pas entendu depuis des années, des ombres contre lesquelles ton père s'est toujours opposé, estimant que tu n'avais pas à les endurer, à les combattre seule, à leur accorder une quelconque importance. Elles sont là maintenant, et quand tu dévies ton regard pour le planter dans celui de sir Zadicus, tu es seule. Les mots flottent dans ta tête, perdent de leurs substances, deviennent une bouillie informe qui t'assaille et t'enveloppe et monte monte monte toujours plus haut le long de ton corps jusqu'à t'engloutir entièrement. Vulnérable sans ta bulle.

« ... Prune ? »

La voix de IAN, comme un écho. Tu reconnectes et dépose ta main sur sa tête froide instinctivement, comme le ferait une mère avec son enfant. Tu inspires, longuement, après avoir pris conscience que tu n'avais plus d'air dans tes poumons, que ton système s'est arrêté en même temps que tes pensées. Inquiet ? Il l'est autant qu'il puisse l'être, et ton père t'observes toujours derrière l'épaule de son invité. Il s'approche en silence, ne veut pas que son instinct de père passe avant la vigueur de l'homme d'affaire. Les mots se reforment, reconstruisent les phrases, les demandes. Il te faut un petit temps avant de tout réécouter à l'intérieur de toi, et si tu fronces légèrement le nez le temps de rembobiner, c'est un sourire qui apparait sur ton visage lorsque tu en as terminé. Petite Princesse, tu perds de ton éclat pour te plier aux codes, us et coutumes de ce monde dans lequel tu te sens à l'étroit.

« Pardonnez ma confusion, Monsieur. Prise au dépourvu par mon étourderie, je n'ai su réagir autrement qu'en montrant les dents. Ce n'est pas dans mes habitudes, soyez-en assuré ! Ma réputation est plutôt d'être quelqu'un de profondément insouciant, loin de la petite sauvage que je vous ai offert en arrivant. Hum... »

Non Prune, ne serre pas les poings. Contente toi de resserrer légèrement tes phalanges sur la tête de IAN. Inspires, expires, focalises ton attention sur les iris du Ministre. Bleu. Beau bleu. Presque apaisant, si l'on oublie à qui il appartient. Non Prune, ne te mords pas la lèvre, ne secoues pas la tête pour chasser toutes les choses qui viennent de la prendre d'assaut, docile petite Prune, les bonnes manières petite Prune, oui, tu es dans ton atelier, mais tu n'y es plus chez toi pour l'instant, tu es chez eux, les autres, ceux qui ne voient pas le monde comme toi, ceux qui veulent te retirer tes couleurs pour te faire rentrer dans leurs teintes. Ta deuxième main rejoint la première sur la tête de ton pense-bête ambulant, et ton sourire se ravive encore plus, parce qu'il faut sourire, c'est important ! Comment oserait-on ne pas sourire avec un si joli minois !

« Considérez cette rencontre comme un crash-test. Un désastreux crash-test. Je n'ai pas bien réglé la machine, la programmation n'était pas optimale. Je vais tout faire pour modifier les éléments perturbateurs, ainsi votre séjour sera bien plus agréable que cette... interlude ? »

C'est presque en riant que tu prononces ce dernier mot. Tes doigts te démangent, tu veux les bouger, les mettre en mouvement, tripoter, créer, faire quelque chose, pour recréer ta bulle, te remettre en sécurité, dans ton petit univers rien qu'à toi. Joviale comme tu es, on pourrait s'attendre à ce que tu tendes une main franche dans sa direction, comme pour sceller un pacte entre vous, enterrer la hache de guerre. Mais non. Tu ne sais pas faire ça. Tu ne peux pas faire ça. Le contact physique, c'est pas trop ton truc, t'as plutôt tendance à te crisper quand on se met en tête de te toucher. À la place, tu tapotes la tête de IAN, et reprends, plus enjouée encore, comme un bouclier.

« Et puisque tous ici ont pleinement conscience de mon manque d'assiduité pour ce qui est de retenir les rendez-vous, je vous laisse, monsieur Zadicus, aux bons soins de IAN, qui se fera un plaisir de prendre connaissance de vos obligations actées. Et soyez certain que cette fois, il fera en sorte que je sois belle et bien présente à chacune d'entre elles, pour ne pas finir recouvert de peinture phosphorescente. »

Rapide, tu t'esquives, t'éloignes de l'intrus, te réfugiant malgré toi auprès de Papa, dont les lèvres osent à peine prononcer quoi que ce soit face à ton état. Tu aimerais pouvoir lire ses pupilles comme un livre ouvert, mais la déception entache tout, apparait comme un flash, tant et si bien que tu te dérobes même à son contact, à lui, alors que tu n'as jamais véritablement répugnée son emprise, petite fille cajolée à outrance. À peine l'idée de te réfugier dans ta chambre pour laisser toutes ces choses s'évaporer te traverse l'esprit que ce dernier te demande si tu auras besoin de discuter, de vider ton sac, avant de te retrouver après de lui pour le diner. Ainsi donc, ton calvaire est loin d'être terminé. Loin de soupirer, il te faut au moins glisser tes mains dans tes poches et jouer avec la couture de ces dernières pour te canaliser. Des choses à dire ? Oh, tu en as des centaines ! Mais à quoi bon tergiverser sur le fait que tu devais occuper les jours à venir en préparant ton voyage, ton excursion pour ta quête de vérité ? Rien, rien de bon là-dedans, alors autant ne rien dire, et tout ira bien.

Lorsque le ministre réapparait à vos côtés, tu t'inclines légèrement, t'excuses à demi-mots tout en annonçant que tu ne lui feras pas l'honneur de partager sa voiture et de découvrir son gîte ; tu as tes propres obligations à tenir ici, et tu as déjà fait suffisamment de dégât comme ça. En maîtresse des lieux, tu prends tout de même le temps de les raccompagner, lui et Papa, jusque dans l'ascenseur.

Ce n'est qu'une fois certaine qu'ils ne réapparaîtront pas, que tu te permets de soupirer, et de t'asseoir sur le sol, le temps de te calmer.

*
* *

Il fait déjà nuit lorsque tu réapparais devant la porte du manoir. Le silence règne, les lumières sont éteintes. Tu as loupé le dîner, tant mieux, tant pis, ne sachant plus trop sur quel pied danser, et aucun son n'est sorti de ta bouche depuis que tu t'es retrouvée seule, dans ton atelier. Tu boudes ? On peut dire ça, oui, IAN a bien tenté de te faire la discussion, mais le mutisme a perduré, et encore maintenant, tu ne sais pas si la boule au fond de ta gorge va disparaitre de sitôt. Comme une ombre, tu es entrée, sans un bruit, les chaussures à la main, sur la pointe des pieds. Tu ne veux croiser personne, ne parler à personne. Pas ce soir, pas maintenant. C'est ridicule, tu retiens ton souffle en montant les marches, alors que IAN sautille en grinçant durant son ascension. Si on te voyait !

Dans ta chambre, ça ne va pas mieux. Sous l'eau bouillante non plus. Ta tête est lourde, elle tourne, tourne toute au rythme de tes pensées effrénées. Tu te repasses la scène en boucle sans le vouloir, le regard de ton père, surtout. Tu veux lui parler. T'excuser. Tu sais que tu ne dois pas être désolée, tu es ce que tu es, pas la peine de culpabiliser. Mais. Parce qu'il y a toujours un mais.

Tu étouffes, dans ta robe de chambre, les cheveux humides. Tu étouffes les fenêtres ouvertes, sur ton balcon. Tu étouffes. Besoin d'air. Maintenant. En silence tu t'éclipses et IAN ne cherche pas à te suivre. Il a compris que la journée était déjà suffisamment éprouvante comme ça. Tu es pieds nus dans la cuisine lorsque tu te prépares un en-cas en cuisine, dans le noir, et tu es pieds nus lorsque tu t'évades dans le jardin, foulant l'herbe avec plaisir, jusqu'à rejoindre le verger, les pruniers du domaine. Tu t'adosses à l'un d'eux, le plus grand, le plus puissant, et vise le ciel et les étoiles, énumérant les constellations dont tu te souviens, creusant dans ta mémoire brumeuse, chassant le brouillard petit à petit, canalisant ton esprit, portant machinalement ton sandwich à ta bouche ; car même sans avoir faim, il faut se nourrir, pour être en forme, et affronter les journées à venir...!
Mar 11 Avr - 10:23
Mécanismes Aristocratiques


Ekiel Reyes se montrait sans doute un peu trop rude et direct avec la petite demoiselle Oystein, mais parfois, il était bon de rappeler certaines choses qui étaient d'usages dans le monde dans lequel ils évoluaient. La voir si déconfite ne lui plaisait pas, car il n'avait pas eu l'intention de la mettre mal à l'aise, bien au contraire, mais elle avait tout fait pour que cela arrive. Ce qui était fait, était fait et on n'y pouvait plus rien. À présent, Prune devrait réfléchir à tout ça. À son comportement et à ses manières. Il la jaugeait de son mettre quatre vingt, comme un précepteur mécontent l'aurait fait. Seulement, il n'était pas précepteur, il était Ministre et Chef d'état, cela impliquait de se comporter envers lui avec respect et égard.
Il y eu un long flottement qui durait un certain temps avant que Prune ne semble revenir à la réalité, réalisant les impairs qu'elle avait commis. Et voici qu'elle s'excusait, une fois de plus, de son étourderie, du fait qu'elle aurait dû mettre les formes et ne pas se montrer si offensive. Affirmant que ce n'était pas habituel chez elle. Qu'elle était de nature insouciante plus que sauvage .

Le Strigoi la sentait tendue comme un arc prêt à décocher sa flèche. Il notait les poings serrés, la respiration plus saccadée, les palpitations de son cœur plus rapide. Elle était certes noble, mais manquait cruellement de savoir-vivre. Étonnant d'ailleurs quand on pense à son père qui lui a tout d'un noble posé, vertueux et respectueux. Sa fille avait reçu une bonne éducation à n'en pas doutée et pourtant il y avait une faille de taille dans cette éducation. Et l'étourderie n'excusait pas tout.

Prune le scrutait leurs regards plongeant l'un dans l'autre et l'espace d'une petite seconde, Ekiel eut la sensation qu'elle perdait pied, comme beaucoup d'autre en sa présence. Le fait d'être un Strigoi ajoutait aux troubles de la demoiselle.
Elle ajoutait qu'il fallait considérer cette première rencontre au combien désastreuse comme un crash-test. Qu'elle n'avait pas bien réglé la machine. Pardon, avait-il bien entendu ? La machine. Non mais sérieusement, se comparait-elle a un vulgaire tas de ferraille pour ainsi faire passer son incorrection ? Elle ne manquait décidément pas d'air. Il allait répliquer lors qu'elle affirmait que le reste de son séjour se passerait mieux. Il eut un léger haussement de sourcil, comme s'il doutait que la chose soit encore possible. Ekiel restait silencieux, écoutant et observant les moindres faits et gestes de Prune, comme un prédateur.

Par sa présence, il avait brisé la petite bulle de confort dans laquelle Prune s'enfermait, loin du monde réel. La réalité venait la rattraper jusque dans son antre. Une réalité au combien cruelle et la personne de ce ministre aux allures hautaines et aux paroles bien tranchées. La nervosité de Prune s'accentuait et elle se mettait à pianoter sur la tête de IAN, pour se donner consistance ou pour trouver un moyen de se détendre. Allez donc savoir. Ekiel Reyes croisait les bras et poussait un soupir, ne la lâchant pas du regard. Allait-elle lui tendre la main pour sceller un accord ? Pour lui signifier que ce qu'elle venait d'affirmer n'était pas du vent et qu'elle tiendrait son engagement. Elle ne le fit pas et Ekiel pinçait les lèvres.

Et puis soudainement, elle annonçait qu'elle se retirait, le laissant aux bons soins de IAN, qu'il noterait les disponibilités d'Ekiel , lui assurant qu'elle serait présente à chaque obligation future. C'était tout, elle en restait là, comme ça ? Diantre, voilà qui était encore plus désobligeant que ce qu'elle venait de faire jusqu'à présent. Lui avait-on demandé de prendre congé ? Non. Un autre manque de respect à notre ministre qui intérieurement se demandait s'il n'y avait pas des fessées qui se perdaient. Il laissait le père et la fille s'entretenir quelques minutes avant de les rejoindre. Prune s'excusait de ne pouvoir partager leur voiture et de ne pouvoir les accompagner jusqu'à leur demeure, ayant quelques obligations à remplir qui ne pouvaient être décalées. Le ministre acquiesçait et la laissait donc quitter les lieux. Il restait ainsi en compagnie du père de la demoiselle qui venait une fois encore à réprimander le comportement de sa fille. Ekiel coupait court à cela, ne souhaitant pas s'éterniser là-dessus, préférant poursuivre les visites et parler affaire. Le reste de la journée s'écoulait sous de meilleurs auspices.



Le soir venu, le ministre séjournait alors chez la famille Oystein. Comme Ekiel pouvait s'y attendre, Prune avait manqué le dîner. La soirée était passée, accompagné de son lot de discussions d'affaires et de bons vins. La nuit était déjà bien avancée et ne parvenant pas trouver le sommeil, le Strigoi s'était aventuré en dehors du manoir, marchand là où les mèneraient ses pas. Pour l'occasion, il avait troqué ses vêtements luxueux contre une tenue plus décontracté composé d'une chemise de soie blanche légèrement ouverte et d'un pantalon noir.
 Il appréciait la quiétude de la nuit après les tumultes de la journée. En levant les yeux vers le ciel, il eut la surprise d'apercevoir les étoiles. Ainsi parfois le nuage de pollution se dissipait et offrait à la vue de tous, la magnificence de la voûte céleste. Certes les étoiles paraissaient un peu moins brillantes qu'à Xandrie, mais il en appréciait la beauté. Il y avait tant de beauté en ce monde que même maintenant après 200 ans d'existence, il les appréciait encore. Il poursuivait sa marche au travers du jardin qui même en pleine nuit était magnifique. Il parvenait jusqu'à un verger de pruniers et apercevait un peu plus loin une silhouette qui venait de prendre place au pied d'un arbre. Il n'était pas le seul à promener à cette heure si tardive. Il restait quelques secondes à distance et s'avançait en direction de la personne. Son pas si léger ne trahissait pas sa présence. Quel ne fut pas son étonnement de découvrir Prune, sandwich en bouche et en robe de chambre. Elle n'avait pas remarqué sa présence, aussi s'annonçait-il ?

"Puis-je me joindre à vous ?"  

Ce timbre de voix, elle le reconnaîtrait à n'en pas douter. Peut-être même prendrait-elle la fuite afin d'éviter une autre confrontation avec le Strigoi.

"Je crois que nous sommes partis sur de mauvaises bases. Il serait bon de faire plus ample connaissance dans le but d'améliorer nos rapports. Ne pensez-vous pas ?"

Il lui tendait une perche, sa voix paraissait plus douce, et son allure n'avait rien à voir avec le ministre guindé et austère qu'elle avait rencontré plus tôt dans la journée. Il semblait plus abordable. Pour détendre l'atmosphère, il lançait taquin.

"Très sympa votre tenue. Vous vous promenez souvent en peignoir ? "

Une lueur espiègle dans le regard. Il restait debout attendant qu'elle l'invite à prendre place près d'elle. Courtois en toutes circonstances, alors que d'autres auraient pris leur aise sans attendre.

Codage par Libella sur Graphiorum


Dernière édition par Ekiel Reyes Zadicus le Sam 15 Avr - 9:48, édité 1 fois
Ven 14 Avr - 21:38
Non, encore lui ??

C'est la surprise à n'en pas douter qui se glisse sur ton joli visage, lorsque de ta contemplation tu es tirée. Toi qui pensais pouvoir te détendre, te voilà de nouveau crispée, les yeux ronds, la mastication suspendue, et le nœud dans ta gorge qui se resserre, comme une enfant prise sur le fait d'une bêtise affreuse, n'attendant plus que la réprimande qui s'annonce sévère... Allons, Prune ! Tu es chez toi, ici ! Bon, tu l'étais aussi dans ton atelier, s'il faut vraiment jouer sur les mots et leurs portées, mais cette fois-ci, tu n'as rien à te reprocher : tu ne vas quand même pas t'enfermer dans ta chambre durant l'entièreté de son séjour.... Enfin, tu ne sais même pas combien de temps il va rester, en plus !

Bonté divine, tu ressembles à un animal apeuré, face à un rapace aux serres acérés. Foutaises que ceci ! Si tu te sens en danger, tu n'as qu'à hurler, et les domestiques — voire même Papa lui-même ! — rappliqueront en moins de temps qu'il n'en faut pour y penser. Mais... Mais cette sensation qui t'attrape la gorge, est-ce vraiment une réaction face à un danger ? La question reste en suspend, alors que tu analyses silencieusement tous les éléments de ta journée, ton taux de crispation, tes nerfs à vifs, tes émotions exacerbées. Comment peux-tu faire le tri judicieusement ? Comment ne pas te tromper ? Tu te trompes toujours, il est vrai, et ce soir, IAN n'est pas là pour te corriger, t'offrir des options, des suppositions adéquations à tes sensations. Et le silence s'attarde, plus que ne le voudrait les convenances — tient donc, elles sont encore ici, les convenances ? —, puis tu finis par hocher la tête à la première question.

Parce qu'il n'y a aucune raison valable à lui refuser l'accès au verger, et que tu ne peux pas — quand bien même tu en meurs d'envie — lui dire que non, ce soir, il est la dernière personne avec qui tu souhaites partager ton oxygène, mais qu'il ne faut surtout pas le prendre personnellement, puisque tu aurais également du mal à le partager avec ton propre père, là, tout de suite, et qu'il en irait de même pour IAN, ce qui est assez idiot, puisqu'il ne respire même pas, le bougre !

« ... Quand j'ai l'impression d'étouffer, seulement. » que tu lâches comme un cheveux sur la soupe après une déglutition difficile, comprenant enfin qu'il attend ton aval pour s'asseoir, tu diriges ta main d'un geste évasif sur l'herbe non loin de toi — pas trop près non plus, hein !

Il s'installe, avec une grâce certaine que tu supposes dans la fluidité de ses mouvements ; tu l'observes du coin de l'œil, tout en remettant ton encas dans son torchon, te sentant bien incapable de poursuivre en de telles circonstances. Tes pieds s'enfonces dans les brins d'herbe, pour s'ancrer dans le sol, ou pour disparaitre, pour y trouver un interrupteur qui ouvrirait une trappe, et te ferait disparaitre, telle Alice jusqu'au Pays des merveilles. Le silence entre vous se réinstalle, accompagné par la brise légère dansant avec les feuilles des arbres, bruissant le long des branches, chatouillant la verdure. Ta gorge est sèche, tant tu es tendue, mais tu te vois mal, très, très mal, te lever et disparaitre dans la cuisine, alors tu endures en silence : inutile de lui donner du grain à moudre pour d'autres remarques sur ta personne.

Faire connaissance...

« Donnez-moi un secret... »

Un murmure plus qu'une réelle amorce de discussion, les mots sont sortis seuls, impulsés par cet arrière goût toujours présent à l'arrière de ta langue d'une intrusion dans ton intimité : une injustice que tu as du mal à avaler. Après tout, pourquoi serais-tu la seule à te dévoiler ???  Tes genoux remontent et tu les enserres de tes bras.

« S'il-vous-plaît ? Je ne peux pas vous faire l'affront de demander les raisons de votre présence à Epistopoli, puisque je suis supposée le savoir depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, n'est-ce pas ? Alors, un secret, pour repartir sur de bonnes bases. Ou une... Anecdote ? Un petit bout de vous, puisque vous avez vu un petit bout de moi que peu peuvent se targuer d'avoir déjà observé. »

Inconvenance, Prune, Inconvenance. Mais ce mot n'a pas sa place chez toi, il n'a pas sa place dans ce verger, et s'il veut véritablement repartir sur de bonnes bases, et s'il veut le faire ici, là, maintenant, alors il devra se plier à ton insouciance ; tu as déjà suffisamment ternie pour aujourd'hui.
Sam 15 Avr - 16:04
Mécanismes Aristocratiques


De toute évidence, la demoiselle ne s'attendait pas à se trouver en présence qu'une tierce personne à cette heure tardive de la nuit et encore moins en la présence d'Ekiel Reyes. La surprise qu'il lisait sur le visage féminin était évidente. Les yeux écarquillés, la bouche restée ouverte sur une portion de sandwich, la posture crispée, tout chez elle laissait à penser qu'elle appréhendait cette rencontre. Qu'elle la redoutait même. La voir subitement prendre les jambes à son cou, ne l'aurait pas étonné plus que ça. Mais c'était sans compter sur les réactions que provoquaient les Strigois chez ceux qui les côtoyaient de près. Cette fascination était-elle qu'il était difficile pour le commun des mortels de rester impassible. Cette faculté était utile notamment lorsqu'il était question de se nourrir, mais ce n'était présentement pas le cas. Ce pouvoir était présent en toutes circonstances, qui le veuille ou non. Une question demeurait alors que son regard bleu se posait sur Prune au travers de ses longs cils bruns. Se sentait-elle en danger ? Il n'avait pourtant pas eu l'intention de lui faire peur en l'abordant.
Après une hésitation, elle finissait par justifier le comment du pourquoi elle se trouvait en peignoir. Elle n'avait donc pas compris qu'il s'agissait d'une boutade et une façon de l'aborder plus simplement. Ce n'était pas grave si elle n'avait pas saisi la subtilité du jeu. D'un geste elle de la main, elle l'autorisait à prendre place auprès d'elle, mais elle ne s'attendait pas à ce qu'il s'assoit à moins de 50 cm de sa petite personne. Si près que cela pourrait en être dérangeant.

"Étouffant, vraiment ? Je suppose que ma présence en votre demeure et le fait que vous deviez m'accompagner en est la cause. Si tel est le cas, vous m'en voyez navré, car tel n'était pas mes intentions."

Les mots étaient sortis facilement en toute sincérité avec une pointe de regret. Mais cela n'était peut-être que le fruit de son imagination après tout. Comment le ministre hautain et donneur de leçon pouvait-il se montrer à ce point différent ?

" Votre domaine est magnifique bien que j'en ai découvert qu'une infime partie. J'ai été particulièrement attiré par la quiétude du verger et du bassin naturel qui se trouve un peu plus loin. Je ne vous apprends rien, puisque vous vivez ici depuis toujours. Par contre, j'ai été surpris de pouvoir contempler les astres dans une cité si polluée." 

Il laissait sur doigts courir sur l'herbe fraîche en une caresse à la limite du sensuel, de quoi donner des palpitations à demoiselle près de lui. Ekiel tentait de briser la glace, avec prune, mais cela risquait d'être plus compliqué que prévu. Il se souvenait alors d'un petit détail qui peut être ferait mouche et attiserait la curiosité de Prune.

"Je me suis permis de vous faire porter un présent pour les gènes occasionnés dans votre laboratoire. Vous l'aurez demain dans la matinée. J'espère qu'il vous plaira. Si tel n'est pas le cas, n'hésitez pas à me le retourner. Je pense ne pas mettre trompé dans ce choix et j'espère que vous le porterez lors de la réception de demain soir."

Il tournait légèrement la tête vers Prune, la fixant quelques secondes avant de revenir à la contemplation du verger, l'entendant lui dire de donner un secret ou une anecdote. Voilà qui était peu singulier comme façon de briser la glace. On notait un léger haussement de sourcil chez le ministre, visiblement surpris par une telle demande. Aussi, lorsqu'elle le suppliait presque, lui affirmant ne pas vouloir l'offenser sur les raisons de sa présence à Epistopoli, il la sentait plus désemparée qu'autre chose. Ekiel tournait sa personne entièrement vers elle, assit en tailleur et lui prenait les mains avant d'en porter une à ses lèvres, y déposant un doux baiser.

"Très chère, votre père m'a tout expliqué ou approximativement tout vous concernant. Vos étourderies, votre spontanéité et le fait que vous énonciez tout haut ce que vous pensez. Alors ne vous inquiétez pas pour les affronts et autres âneries du genre qui pourraient survenir, votre famille n'en sera pas inquiétée et les accords qui doivent être signés, le seront."

Un sourire à en faire tomber plus d'une et d'un en pâmoison. Il se penchait et venait murmurer d'une voix sucrée, à son oreille.

"Si je devais vous révéler un de mes secrets, je crains que cela ne vous perde, mais je suis enclin à vous en révéler un."

Il lâchait les mains de Prune et venait replacer une mèche rebelle derrière l'oreille de la demoiselle.

"C'est beaucoup mieux ainsi. Un petit bout de moi donc..." 

Il faisait mine de réfléchir quelques secondes.

"Si je vous disais que je ne suis pas de votre monde et que j'ai été adopté, me croiriez-vous alors que tout chez moi transpire la noblesse jusque dans le moindre de mes faits et gestes ?"


Codage par Libella sur [/url]Graphiorum
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Lun 17 Avr - 22:58
Allons bon.

L'ambiance se métamorphose sans que tu y sois pour quelque chose. L'air se décompose, perds de sa lourdeur première et se voile d'un poids différent, une texture collante, presque moite, audacieuse. Les codes, l'étiquette la proximité de ceux partageant une discussion intime, les chuchotements des conversations que l'on glisse en aparté, loin de la foule et des festivités. Les confidences qui ne se font que la nuit, les moments partagés en secret, loin de tout... Tu sais, tu les connais ces moments-là, on t'a appris à les voir venir, à t'en extirper, ou à les apprécier. Tu les as vécu à travers de nombreux romans, pour te raviver la mémoire, Prune, parce que les fêtes tu t'y rends rarement, surtout depuis que tu n'es plus une enfant.
Il est près, trop près. Si près que tu pourrais entendre son sang battre dans ses veines si tu te concentrais, l'air entrer et sortir de ses poumons, et le moindre froissement de tissu lors de ses mouvements. Il en va de même pour lui : sent-il a quel point tu ne sais pas naviguer dans ces situations où il faut se montrer gracieuse ? Ton indifférence envers tout ça transparaît-il sur ton visage, dans tes gestes, dans ta posture ? Oui, sans doute.

En ce qui te concerne, ce moment n'a rien de charmant, et tu ne sais quoi penser de ce changement de caractère, de ces manières, de cette voix siripeuse. Veut-il te séduire ? Ma pauvre enfant, tu ne te poses même pas la question, ça ne te vient même pas à l'idée que cette situation, cet acte numéro deux de cette pièce de théâtre des plus étranges puisse être jouée avec une arrière pensée ! Non, toi, tu préfères t'en aller dans tes souvenirs lorsqu'il complimente le verger. Son verger. Ta mère n'avait pas son pareil pour l'agencement. Tout, ici, de l'intérieur au manoir au jardin, est de son fait. L'emplacement des arbres, le nombre de petit poisson présent dans le bassin la couleur des tapis, le tissu des taies d'oreiller, en passant par l'argenterie, sont autant de rappels à elle, à sa bienveillance, à son perfectionnisme acharné, tant dans son travail que dans sa volonté d'offrir à sa famille un cocon familial chaleureux, doux, où se réfugier, se reposer.
Parfois, tu l'oublies, que ce manoir est comme une extension d'elle, comme un vestige de son passage physique sur Urh. Et parfois, tu es tellement imprégnée par sa présence que tu pourrais la voir apparaître pami les arbres, dans la cuisine, au coin du feu, quand ce n'est pas son odeur ou sa voix qui t'attrape au détour d'une pièce, ou encore la sensation de ses bras qui t'enveloppe la nuit quand tu grelottes parce que tu t'es endormie la fenêtre grande ouverte, encore une fois.

Tu te perds. Un sourire s'installe peu à peu sur ton visage, si beau, si pur lorsque tu te demandes ce que ta mère penserait de cette situation, quel conseil avisé elle t'aurait donné. Tu n'as jamais pu aborder les mondanités avec elle, comment évoluer en société, parmi tes semblables. “Elle aurait pu tenir un journal.” Tu y songes lorsque tu rédiges le tien studieusement.

Et ce pauvre Ministre qui te fait part d'une surprise, qui te parviendra demain matin ! Décidément, vous n'êtes pas codés pareil, deux énergumènes qui tentent de communiquer ensemble, en vain. C'est fou, vous avez les mêmes mots à disposition, pourtant ! Tu te contentes de secouer la tête lorsqu'il laisse entendre qu'en cas de déception, le cadeau peut être retourné : s'il y a bien quelque chose que tu refuses catégoriquement de faire, c'est de retourner ce que l'on t'offre.

Qu'en est-il de ce baiser ? Tes mains dans les siennes, tu prends conscience de la fraîcheur de ta peau, de la petitesse de tes doigts, de la blancheur de ta peau, aux fines cicatrices plus blanches encore qui habillent tes phalanges, fourberies du métal te rendant la monnaie de ta pièce. Respire, Prune. Respire. Ne te crispe pas trop, tout va bien se passer. Oh ? Ton père lui a dressé ton portrait, vraiment ? Eh bien, Papa a oublié une information des plus importantes, il semblerait, à moins qu'il ne s'en soit pas aperçu lui-même ; il est vrai que lui, tu ne l'esquives pas, lorsqu'il veut te toucher.

« Oh...? Dois-je comprendre que je n'ai plus de secrets pour vous ? »

Tu chuchotes, maintenant, comme on s'adresserait à un enfant pour le rassurer, et c'est toi que tu tentes de leurrer en parlant tout bas, en te concentrant sur ta voix, pour faire passer ce moment. À n'en pas douter, beaucoup de personnes donnerait beaucoup pour se retrouver à ta place, et toi, petite chipie, tu aimerais bien échanger ta place, sans rien demander en retour ! Ah, si tu n'existais pas, Prune, il faudrait t'inventer, vraiment ! Hop, que tu retiens ta respiration, et que tes doigts sursautent entre les siens lorsqu'il s'approche plus près encore de ton visage, que tu sens son souffle te chatouiller l'oreille. Tu rougis, ça oui, d'inconfort, de manque d'oxygène ! Ri-di-cule.

Quand enfin arrive son secret... Tu ris. Un rire franc, mélodieux, qui t'échappes et que tu modules pour l'estomper, ramenant tes mains contre tes genoux, pinçant tes lèvres entre-elles.

« Eh bien, je vous dirai que vous n'avez pas à en rougir, loin de là. Vous maîtrisez bien mieux notre monde que moi, aussi puis-je dire que vous êtes bien plus légitime d'y appartenir ?? C'est tout un art, les mondanités, je ne vous apprends rien, il faut être constamment à l'affût, ne jamais se relâcher, et c'est... Incroyablement courageux, de plonger dans ces eaux sans y être né ? Vous... » tu fronces le nez, hésites, mais finalement, pourquoi hésiter. « Vous êtes un excellent comédien, on dirait vraiment que la scène vous appartient, qu'elle se plie à vos moindre désir. Et pourtant, le public est très difficile à satisfaire ! »
Mar 18 Avr - 20:41
Mécanisques Aristocratiques


Un ciel étoilé, la quiétude des lieux, le léger bruissement du vent dans les arbres, deux jeunes gens... Qui les auraient surpris, aurait certainement cru à un rendez-vous galant, alors qu'il n'en était rien. C'était plutôt une rencontre fortuite, une occasion de mieux se connaître afin réparer les incompréhensions de la journée. Et le mot était léger les concernant. Car oui, il y avait eu rencontre, mais tout ne s'était pas passé comme ça l'aurait dû. L'un sérieux comme une pierre tombale et l'autre sur la défensive. Pas aisé de se comprendre, admettons-le.
Aussi, comme l'opportunité s'était présentée, Ekiel l'avait saisi, mais c'était sans compter sur le fait que la demoiselle serait toujours aussi mal à l'aise en sa présence.
Ekiel mettait tout en œuvre pour que Prune le perçoive sous un autre jour, ou plutôt une autre nuit. Bien qu'il restait égal à lui-même, il paraissait moins strict et plus enclin à un dialogue décontracté, loin des turpitudes de la vie politiques et de celles des affaires.

Alors oui, il était charmant et oui, il restait courtois, mais il n'en demeurait pas moins un prédateur par sa nature de Strigoi. Un prédateur qui avait parfaitement conscience du pouvoir qu'il pouvait exercer sûr autrui. Un pouvoir tel, qu'il était capable d'influencer les décisions, de faire plier les gens à ses propres volontés. Seulement voilà, présentement, il ne le voulait pas, mais il savait que si son regard accrochait plus que de raison celui de Prune, cela arrivait. Qu'elle se sentirait toute chose en sa présence et ne comprendrait pas vraiment ce qui lui arriverait. D'autre en aurait abusé pour assouvir leurs desseins, mais pas lui. Il n'était pas comme ça.

Pourtant, lorsqu'il lui prenait les mains, il la sentait se tendre comme dans le laboratoire lorsqu'ils s'étaient retrouvés en présence la première fois. Est-ce le fruit de son imagination ou bien exerçait une certaine révulsion chez la demoiselle ? À moins que cela ne soit autre chose ? En l'état actuel des choses, Ekiel était incapable de dire de quoi il retournait.
Il gardait quelques minutes les dextres de Prune entre les siennes et remarquait les petites cicatrices qui se trouvaient sur les doigts. Il y passait un pouce en une caresse de plus délicate.

"Une si charmante demoiselle ne devraient pas souffrir de pareilles marques sur les mains. "

Puis il l'avait lâché, bien qu'un petit sourire était apparu sur le minois de Prune. Ah, devait-il y voir un signe ou non ? Il ne fallait pas s'emballer, si ça se trouve, elle avait pensé à quelque chose d'heureux, ni plus ni moins. Il se passait une main derrière la nuque alors qu'elle chuchotait, comme par peur qu'on ne l'entende. Il sourcillait légèrement

"Plus de secret est un grand mot. Disons qu'il vous a dépeint dans les grandes lignes. Je préfère découvrir le reste par moi-même afin de me faire ma propre opinion sur votre personne. "

Et voici qu'elle se met à rire alors qu'il lui dévoilait son secret. Il fronçait légèrement les sourcils. Qui avait-il de risible là-dedans ? La réponse venait d'elle-même, de la bouche de Prune. Une réponse qui était flatteuse en soi.

"Oh, je vois, vous êtes comme qui dirait allergique à tout ce qui touche de près ou de loin les codes de notre société mondaine. Il ne vous a pas dû être aisé de vous plier à cela depuis votre plus tendre enfance. Pour ma part, cela a été un vrai calvaire, pour ne pas dire un supplice, mais mon père adoptif n'a rien lâché. Si vous saviez le nombre de précepteurs qu'il a fallu pour m'inculquer tous ces rudiments. Et je vous épargne les sempiternelles heures de maintien. Mais au final, cela ne m'a pas trop mal réussi, puisque vous me pensiez de votre monde. Comme quoi travail et acharnement payent toujours. "

Un léger sourire avant de se pencher et de lui donner un petit coup à d'épaule à l'énoncer du public à satisfaire.

"Parce que c'est vous le public ?" 

Ses prunelles bleues accrochaient celle de Prune plus longtemps que nécessaire.

" Vous aurais-je satisfaite ?Du moins en partie ?  


Codage par Libella sur Graphiorum
Dim 23 Avr - 23:05
Bien sûr qu'il reste des zones d'ombres ! Comment Papa aurait pu lui conter tes pensées les plus intimes, lorsque tu restes une énigme à part entière entre tes propres introspections ? Tes réactions, ta manière de percevoir le monde, de l'envisager, de progresser à l'intérieur, tes cheminements de pensées, tes passions, la véracité même de ton existence... Autant dire que tout en toi est un énorme point d'interrogation. Tu t'en accommodes, préférant virevolter et bondir d'une journée à l'autre, joyeuse, téméraire, pleine de vie, dans ta bulle à toi qui se répand sur le monde, accueillant ses contours et ses aspects étranges, les englobant dans ta sphère particulières qui brillent, scintillent, rayonnent.

Un monde dont tu apprends les codes sans les comprendre. Des codes que tu mets en pratiques quand tu y penses. Des pensées qui te font voguer sur une petite barque sous le ciel étoilé. Ô Prune, quelle navigatrice candide tu es !

Ton rire fond dans le noir, les paroles du Ministre remplacent l'éclat de ta voix. Tu te détends presque, maintenant que tu as pu laisser un peu de ton naturel faire surface, tes muscles s'adoucissent, ta prise autour de tes jambes devient un effleurement calme, et tu te balances, de gauche à droite, machinalement, comme une enfant, pour rythmer tes pensées, pour ne pas rester sans bouger. L'odeur de l'herbe, des prunes, du bois t'enveloppe, t'aides à te sentir en sécurité. Maman veille sur toi, tu le sens, maintenant, tu la redécouvres dans les senteurs sans même y prêter attention. Tu te sens mieux. Pas bien, encore, tant de choses restent à évacuer, mais tu n'as plus l'impression désagréable d'être traquée, de devoir rester aux aguets, que le moindre souffle un peu trop brusque pourrait te porter préjudice. Tu serais presque capable de t'étendre dans l'herbe pour offrir ton corps à la voûte céleste, mais... non, nous n'irons pas jusque-là. Un secret, c'est un bon début, la glace se brise, se fissure petit à petit, tu peux le sentir dans ton corps. Oh, qu'il en fait, des efforts !

Comment ? Se montrer suspicieuse ? Allons, Prune est bien incapable de cela.

« Allergique... le mot est trop fort. Disons... Que ma présence dans la haute société est similaire à celle de l'huile dans une bassine d'eau. Nous pouvons cohabiter sans souci, la bassine ne va pas imploser, et si on me mélange suffisamment fort, il est possible que je m'adapte à l'eau, que ma présence dissonante soit moins flagrante, mais peu importe à quel point on s'acharnera, je ne serais jamais dans mon élément. J'ai appris, comme vous, pendant des heures et des heures les eus et coutumes nécessaires pour évoluer, les codes et les clefs de cette société. Je les connais, je sais comment me tenir lors d'un repas, comment évoluer durant un bal, comment me déplacer sur des hauts talons en étant parfaitement droite et aussi grâcieuse qu'une chatte. C'est une seconde peau, qui devient de plus en plus étroite au fil des ans, car j'imagine que ce que l'on m'excusait lorsque j'étais encore une enfant devient une tar maintenant. »

Bizarre, que tu parviennes à mettre des mots aussi simplement sur ce que tu ressens depuis un certain temps déjà. Peut-être parce que jusqu'à présent, tu n'avais jamais cherché à mettre de mots sur ce maux. Peut-être parce qu'il est plus facile de trouver des réponses sur soi-même lorsque nos ressentis font résonnances avec ceux d'autrui.

« Moi ?? Toi, le public ? Quelle drôle d'idée ? Petite Prune, la Princesse de l'à peu près, aussi à l'aise en société qu'un poodie au milieu d'une portée de bébé reptiles ? Oh, non, je... »

Ta voix qui s'éteint, et ton mouvement de négation des deux mains qui ralentit puis s'arrête. Piégée, dans ses yeux bleus. Tu y plonges, y nages, longuement, comme tu l'aurais fait dans une eau calme, limpide, peuplée de faunes et de flores sublimes que tu n'aurais pu t'empêcher de partir découvrir, quitte à manquer d'air, quitte à t'y perdre, à y rendre ton dernier souffle ; satané curiosité. Tu t'y perds, trempes tes songes dans cet océan étincelant, envoutant balances tes peines et tes angoisses à la surface, les observes couler, toujours plus loin, et tu t'approches du rebord, te demandant si tu arriveras à les voir atteindre le fond. Tu t'approches, encore, et encore...

« Je ne suis pas le public à satisfaire... »

Poc. Tes mains contre l'herbe fraiche lorsque tu n'es plus en mesure de te pencher sans perdre l'équilibre. Proche, trop proche. Tu réalises. Oh. OH. Ben alors, Prune, c'était quoi ça ?! Panique, ton coeur palpite. Te redresser ? Oui, c'est ça, redresse-toi, vite. Prune... Prune ? Non, non, ne te recroqueville pas sur le sol, en te cachant le visage ! Ca ne va pas te faire disparaitre, tu ne vas pas fusionner avec l'herbe...!

« ... Je suis un piètre public. »
Sam 29 Avr - 10:45
Mécanisques Aristocratiques


Prune ne finissait pas lui expliquer qu'évoluer dans la société avec les codes en vigueurs était pour elle comme si on cherchait à mélanger de l'eau et de l'huile. Ils cohabitaient, se toléraient, mais ne se mélangeaient pas. Elle s'adaptait à ce monde parce qu'elle n'avait d'autre choix et puisqu'elle n'avait jamais connu que ça. Elle avouait que cela commençait à être de plus en plus étouffant pour elle. Ainsi la fille de bonne famille qui avait grandi dans cette société aisée ne se sentait pas à sa place. Qui l'eut cru ?
La demoiselle se confiait avec une facilité déconcertante. Était-ce pas que Ekiel lui avait confié un secret ? Ou parce qu'il se montrait différent de ce qu'il paraissait au grand jour ? Il est vrai que sous le ciel étoilé tout semblait différent. Prune paraissait moins timide, moins distante, plus loquasse. Étrangement, lorsqu'elle lui parlait du fait qu'elle évoluait dans ce monde depuis sa plus tendre enfance, cela le ramena à sa propre enfance .

Une enfance qu'il aimerait effacer de sa mémoire à tout jamais. Être né dans les bas fond d'Opale.  Avoir pour géniteurs, des personnes qui ne se souciaient pas de toi et qui se moquaient de ce qui peut t'arriver, n'était pas ce qu'il y a de mieux pour commencer sa vie dans ce monde. Car Ekiel était né ainsi, non désiré.
Alors que ses parents auraient pu sen débarrasser, ils avaient fait le choix de se servir de lui. Son père ne voyait en lui qu'un moyen de ramener de l'argent à la maison. Peu importait la façon de se le procurer, il fallait qu'Ekiel en ramène chaque jour sous peine de prendre des corrections à coups de ceinture ou à coups de poings. Sans compter qu'il commandait au gamin d'accomplir certaines besognes qui n'étaient pas recommandables. Tous les moyens étaient bons pour ne pas être inquiété par les autorités et Ekiel ne comptait plus le nombre de fois où il avait manqué de se faire choper. Lorsque par malheur, il ne ramenait pas assez d'Astras, il subissait la colère de son paternel. Les cicatrices dans son dos en étaient la preuve, et il ne comptait plus le nombre de coups qu'il avait enduré sans que sa mère ne lève le petit doigt.
Cette femme n'avait rien de maternelle et peu importe le devenir de son fils, seul comptait son petit business de trafic de sang humain et de batifoler avec son amant. Car si amour il y avait eu entre ses géniteurs, il y avait bien longtemps que ce dernier avait disparu. Mais les apparences demeuraient et Ekiel en payait le prix fort, chaque jour. Il n'était rien d'autre d'un moyen de s'enrichir, nul amour, nulle compassion, rien, juste du mépris et de la violence. Telle avait été l'enfance d'Ekiel, aussi rien d'étonnant que cela ait tourné aussi tragiquement.

Il chassait tout cela de se pensées, revenant à quelque chose de beaucoup plus plaisant, le temps qu'il passait avec Prune, présentement. Voici qu'elle s'étonnait lorsqu'il lui demandait si elle était le public à satisfaire. Etait-ce si étonnant que ça ? Après tout, il n'y avait qu'elle dans ce jardin. Soudain, quelque chose changeait, Prune agissait de manière différente, n'étant plus vraiment elle-même. Quelque chose venait de se passer. Une chose qui était le fait d'Ekiel, ses prunelles bleues étant restées un instant de trop plongées dans celle de Prune. Voici que la magie opérait, ou plutôt l'attraction qu'il pouvait exercer sur les autres sans qu'ils puissent résister. Elle était comme hypnotisée par Ekiel et tout semblait la pousser à se rapprocher de lui. Elle se penchait en avant, si bien qu'il se demandait jusqu'où elle irait ? Alors qu'une petite phrase franchissait ses lèvres, affirmant qu'elle n'était pas le public à satisfaire. Elle se penchait entre et si elle continuait ainsi, elle allait perdre l'équilibre et lui tomber dans les bras. L'idée était plaisante en soi, car Prune était fort ravissante, mais cela n'était pas convenable. Il rompait alors le charme, coupant le contact visuel, brisant de lui-même cette attraction forcée. Les mains de Prune rencontraient l'herbe fraîche et elle prenait ainsi conscience de la folle situation dans laquelle elle se trouvait. Elle se reculait subitement, ne comprenant pas ce qui venait de se produire. Et ce n'est pas Ekiel qui allait lui dire ce qui venait de se passer, car cela reviendrait à révéler sa nature de Strigoi et il en était hors de question. Ce secret, il le gardait depuis deux siècles.
Pour éviter tout mal-être à la demoiselle, il noyait le poisson.

" Vous ?! Un piètre public ?! Nullement. Je vous trouve même beaucoup plus intéressante que la plupart, et pardonnez l'expression, des dindes sans cervelle qui gloussent et se pavanent dans les soirées mondaines." 

Ekiel se levait et lui tendait une main.

" Vous plairait-il de me parler de ces magnifiques jardins, tout en nous promenant dans ces allées.  À moins que vous ne trouviez cela inconvenant ? Ce que je comprendrais parfaitement. Je ne voudrais pas que votre père, vous reproche quoi que ce soi. Auquel cas, j'irai m'entretenir avec lui."

Il attendait, main tendue, sa silhouette élancée se détachant sous la ciel étoilé.

Codage par Libella sur Graphiorum
Dim 7 Mai - 21:52
Boumboumboumboumboumboumboum. Vacarme incessant martyrise tes tympans, tes tempes, ta poitrine. Ton sang se déverse furieusement dans tes veines, te monte au visage. Chaud, atrocement chaud. La noirceur de la nuit, la faible luminosité de la lune et la lumière artificielle de la rue lointaine t'aident à cacher l'état de tes joues, de ton visage tout entier, voire même de ton corps paniqué. La chamade dans ta cage thoracique, ton cœur voulant s'arracher à sa prison et disparaitre, s'enfuir, quitter ces lieux où les émotions réapparaissent et matraquent tes sens. Pauvre petite Prune, ton calvaire recommence.
Respire, il faut respirer avant toute chose. Si tu dois te concentrer sur une seule et unique fonction, c'est ta respiration. Respirer, lentement. Une bouffée après l'autre pour calmer ton cœur, tes tremblements. Tu ne comprends pas ce qui t'arrive ? Pas grave ! Tu n'en es pas à ta première incompréhension. Contente toi de gérer comme tu en as l'habitude : souris, prends sur toi, et ça passera. Faire comme si les mots déversés par ses lèvres continuaient de faire sens à tes oreilles et ne s'étaient pas changés en une bouillie infâme, faire comme si tu n'avais pas l'impression de t'étouffer, de disparaitre de l'intérieur. Aaah, la Princesse en aura vécu des choses, en une simple journée.

Main tendue, invitation lancée. La convenance voudrait que tu acceptes, que tu te glisses dans les vêtements de l'hôte parfaite, avenante, conviviale. Que tu partages avec lui quelques souvenirs de ta mère, de son agencement méthodique de chaque arbre et sa volonté de créer quelque chose d'éternelle, de chaleureux, de sécurisant pour sa famille, son foyer. Tu pourrais le faire, en d'autres circonstances, tu le ferais même avec grand plaisir ! Parler de ta mère ravive toujours de la joie au fond de toi, une chaleur qui coule dans ton corps et t'enveloppe tendrement. Mais ce soir... Non, pas ce soir. En joignant ta main à la sienne pour te redresser, évitant soigneusement de croiser son regard, tu secoues lentement la tête, perdant tes yeux dans le ciel constellé.

« Pour être parfaitement honnête avec vous, mon cher Zadicus, j'ai atteint mes limites pour aujourd'hui, et je crains que poursuivre notre tête-à-tête ne me mette dans une situation délicate. Mais je vous en prie : notre verger est à votre disposition, si vous êtes suffisamment curieux et attentif, vous pourrez y trouver des vestiges de mon passé, de mon enfance. J'étais assez aventureuse, au grand dam de mon père qui perdait tout ses moyens en me voyant escalader les branches pour récolter les fruits. »

Encore des souvenirs que tu attrapes au vol et chéris.

« Pour l'heure, je vais vous abandonner... Mais nous aurons tout le temps nécessaire pour un nouvel aparté, si vous souhaitez toujours de ma compagnie en tant que guide ! tu ris, retrouves de ta sincérité, de ton tempérament enthousiasme et insouciant. Je vous assure encore une fois que je ne manquerai pas à mes obligations : je serais belle et bien à vos côtés demain soir, pour vous soutenir durant les mondanités, même si pour tout avouer, il est fort possible que ça soit moi qui me serve de vous comme d'un soutien émotionnel...! sourire franc, quasi-complice, tu glisses tes mains dans ton dos comme une enfant en t'éloignant sur la pelouse, en direction du manoir. En attendant, Monsieur le Ministre, je vous souhaite une agréable nuit, et un bon séjour parmi les pruniers, qui je le sais, ont des tonnes d'histoires à partager. »
Jeu 11 Mai - 19:33
Mécanismes Aristocratiques


Ekiel était conscient de l'état dans lequel se trouvait Prune, il devinait le rouge de ces joues, son cœur battant la chamade, son corps ressentant une étrange sensation. Tous ces signes ne les connaissaient que trop pour les avoir provoqués mainte fois sur diverses personnes. Seulement, il n'avait pas envie d'user de son talent sur elle en cette nuit paisible, c'est pourquoi il avait rompu le contact visuel prolongé. Cela n'avait que trop duré à son goût et puis la voir plus détendue, plus elle-même n'était pas pour lui déplaire. Elle possédait cette fraîcheur que beaucoup n'avait plus et une beauté naturelle émanait d'elle, presque candide et innocente. Sous le halo de la lune se dessinait le sourire de la demoiselle, mais il était aisé de comprendre quelles émotions la traversait présentement. Aussi, lorsqu'il lui tendait la main, attendant sa réponse, il fut quasiment déçu de la voir décliner son invitation à se promener dans le jardin. Mais il en comprenait les raisons pour les avoir lui-même énoncées. Les convenances les rattrapaient et quoi de plus naturelle. Il lui adressait un sourire convenu lorsqu'elle énumérait ce qui l'empêchait de poursuivre cet aparté avec lui.

" Ô vous me voyez navré de ne pouvoir poursuivre cet échange des plus agréable en votre compagnie, mais j'en comprends les raisons. Je vous laisse donc regagner votre demeure et votre lit. Je n'avais pas conscience qu'il se faisait si tard. Il est vrai que la journée a été un peu rude pour vous et j'en suis l'unique responsable. Je m'en excuse."

Ekiel aidait Prune à se relever avec une délicatesse hors du commun.

" De grâce, appelez-moi Ekiel. Zadicus est certes mon nom, mais c'est mon père que l'on appelait ainsi. "

Elle lui parlait des quatre cents coups qu'elle avait faits dans le jardin sous le regard inquiet de son père et Ekiel eut une vision de la chose pour le moins amusante.

" Vous étiez une réelle casse-cou. Il m'aurait plus de vous connaître à cette époque, juste par curiosité." 


Elle s'apprêtait à prendre congé, mais le rassurait quant à sa présence à ses côtés le lendemain, ainsi qu'à la soirée qui était prévue, allant jusqu'à plaisanter quant au fait qu'il serait plus un soutien pour elle qu'elle ne le serait pour lui. Le Strigoi la sentait comme inquiète, voire en panique de devoir se plier à ce genre de mondanité. Il posait une main sur l'épaule de Prune, se permettant ce geste un peu trop cavalier.

" Je suis certain que vous serez parfaite, j'ai confiance en vous. Et si jamais ces mondanités viennent à vous êtes trop pesantes. Un mot de vous et je ferai en sorte que nous écourtions cette soirée. Il serait navrant que cela devienne un poids pour vous, plus qu'un plaisir. Si vous avez besoin d'un soutien quelconque, vous pourrez compter sur moi. "

Après ces quelques mots, il la regardait s'éloigner alors qu'elle lui souhaitait une agréable nuit.

" Bonne nuit Prune, faites de beaux rêves. A demain. "

Il la fixait quelques instants avant de tourner les talons et de partir explorer le verger. Cette rencontre fortuite, si tardive soit-elle, avait été fort constructive et agréable. Demain serait un autre jour et nul doute que la tension qui régnait entre eux se serait estompée.



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Jeu 18 Mai - 21:56
Nuit trouble. Dire que tu as réussi à trouver le sommeil facilement serait mentir, et tu as eu bien du mal à tenir en place dans ton lit, voire même dans ta chambre, tant tu as ressassé ta journée, ou plutôt cette soirée à laquelle tu ne t'étais pas préparée. Comment la définir ? Eh bien, une expérience, à n'en pas douter, mais pour quoi, pour qui, avec quels facteurs ? Tu n'en as encore aucune idée, et cette conversation en tête à tête avec la lune, allant et venant sur la pointe des pieds d'un bout à l'autre de ta chambre n'a su t'apporter aucune réponse. Estimes-toi heureuse de ne pas avoir encore plus de questions en suspension dans ta petite tête, elle est déjà suffisamment lourde comme ça ! Enfin, tu es tout de même parvenue à trouver le sommeil, à une heure certaine, et forte de ton léger répit, tu as pu entamer ta nouvelle journée en pilote automatique. La force de l'habitude et de tes insomnies : tellement récurrente que ta mémoire musculaire sait parfaitement comment te faire quitter ta chambre et te mener à ton travail sans qu'aucun dégât ne soit à éplorer. Aucun homme à l'horizon lorsque tu t'es rendue dans la cuisine pour avaler une tasse de thé en vitesse, réceptionner l'en-cas que votre cuisinière t'as réservé, et hop, direction l'empire ORI, pour mener à bien ce que tu as laissé sur le feu.

Car oui, même toute endormie, tu ne perds pas le nord, et c'est encore tes automates adorés qui accaparent tes pensées. Toute ta journée sera rythmée par tes essais, tes mises au point, tes modifications légères de programmation, sous l'œil discret de IAN, supervisant cette longue session. Petit assistant en or, il prend note, photographie, filme même dans sa base de données les éléments à consacrer et revisionner plus tard, lorsqu'il faudra rédiger un compte rendu complet de ces petits bijoux. Il n'est pas une seule fois question de ta petite escapade nocturne, ni même de reprendre le cours de ton insomnie ; ce qui pesait dans ta tête n'est plus, te voilà toute à tes préoccupations habituelles, dans ton élément. Oh, bien sûr, tu n'en as pas pour autant oublié l'existence du Ministre. Tu sais qu'il séjourne chez toi, et tu te souviens également que tu te dois de l'accompagner durant ses rendez-vous, notamment celui de ce soir, cette festivité dont tu as parfaitement oublié les tenants et aboutissants.

Eh, après tout, faut pas trop t'en demander non plus, hein ?

*
* *

« Un paquet vous attend dans votre chambre, mademoiselle. », tels sont les mots prononcés par Charles lorsque qu'il réceptionne ton manteau à ton retour. Ces mêmes mots qui ont provoqué un électrochoc dans ton petit cerveau, faisant revenir l'entièreté de la soirée à ta mémoire. Un cadeau. Oui, il était question d'un cadeau. Il l'a vraiment fait. Oh... Oh. IAN a ta suite, tu as ouvert la porte de ta chambre, armée d'appréhension et d'une bonne dose de curiosité que tu ne sauras sans doute jamais réprimée. On ne change pas sa nature profonde, et la naïveté, tout comme la curiosité, l'envie de tout connaitre et de tout comprendre, coulent dans tes veines aussi naturellement que ton sang. Le fameux paquet trône sur ton lit, là, tout paisible, attendant que tu daignes poser un regard sur lui. Etait-il déjà là lorsque tu es partie, ce matin ? Impossible de t'en souvenir, tout est bien trop brumeux dans ta tête, et bien peu t'intéresse la réponse à cette question. Tes doigts dénouent le ruban, sous le regard de ton petit automate. S'il avait perçu le moindre danger, la moindre bizarrerie, il te l'aurait dit. Du
moins, il aurait fait en sorte pour que tu n'ouvres pas le colis, qu'il passe entre d'autres mains avant d'arriver aux tiennes : tant de rôles qu'il doit combler pour assurer ta sécurité, certains, comme celui-ci, dont tu n'as même pas conscience.
Aucun danger, donc. Pourtant, ton cœur se serre dans ta poitrine lorsque tu découvres ce qui se cache derrière, se comprime et te coupe le souffle. Une robe. Sublime, délicate, fluide, jeu de dentelle couleur lavande dans laquelle tu auras, assurément, l'allure d'une petite fée. Une robe. Symbole de l'aristocratie, de l'injonction, des codes, de cette pièce de théâtre dans laquelle tu as du mal à manœuvrer.

Splendide costume dont tu te pares pour la soirée. Quelques gouttes d'essence fleurie derrière les oreilles, sur les poignets, une coiffure dégageant ta nuque, parsemée de perles — tu en connais quelques-unes, des parades pour avoir l'air parfaitement dans ton élément. IAN t'observe comme il le fait à chaque fois, dans ces moments rituel où tu tentes de te persuader que c'est là-bas qu'est ta place, parmi les tiens, à rire, parader, danser, jouer. Ton pendentif est troquée par une fine ligne d'argent qu'il attache autour de ton cou, posant quelque instant sa tête contre ton épaule dénudé. Il te transmet sa force, son courage, parce que tu l'as déjà compris, ce soir, il ne montera pas avec toi dans la voiture. C'est le rôle du Ministre, ce soir, ça lui de te protéger, de s'assurer que tu sois en sécurité. Tout comme il sera ton rôle de le divertir, le présenter, et s'assurer qu'il profite tout à fait des festivités.

« Vous êtes ravissante, mademoiselle. » lance chaleureusement le majordome lorsque tu t'engouffres à l'arrière de la voiture, t'offrant un sourire dès plus chaleureux auquel tu réponds par une boutade sur l'inconfort d'avoir à marcher avec des talons haut. En riant, il te temps de quoi te couvrir durant l'attente du Ministre : il serait dommage que tu attrapes froid avant même d'avoir affronté la noblesse épistote.
Mer 24 Mai - 21:25
Mécanismes Aristocratiques



Ekiel avait prolongé sa promenade nocturne après avoir été gentiment éconduit pas Prune qui préférait se retirer après une journée éprouvante. Il avait flâné dans le verger s'imprégnant du lieu et de ses essences, imaginant la fille du maître des lieux, enfant, courant partout, emplissant de son rire joyeux le verger. Il avait cheminé longtemps, avant de regagner le manoir et la chambre qui lui avait été mise à sa disposition. Une chambre spacieuse à la décoration raffinée. Nul doute que c'était œuvre de feu Mme Oystein. Près de l'entrée, deux énormes malles étaient ouvertes, laissant apparaître bon nombre de vêtements tous plus luxueux les uns que les autres. Tout était parfaitement rangé et compartimenté à l'image du Ministre que l'on connaissait. Vu le nombre de vêtements, on pouvait se demander si le Strigoi ne comptait pas rester un peu plus longtemps que prévu en Epistopoli.

Au matin, après le petit déjeuner et avoir répondu à quelques courriers urgents, il avait été convié par son hôte à faire le tour de la cité et de ses points cruciaux. Plus la visite avançait et plus Ekiel se confortait sans son opinion. Il fallait trouver de nouveaux accords commerciaux avec cette faction aux avancées technologiques incroyables. Il était temps pour Xandrie de couper le cordon avec Opale et d'avancer par elle-même. La journée défilait entre rencontres, visites et autres discussions plus ou moins importantes. Étonnamment, Ekiel n'éprouvait pas autant d'enthousiasme que la veille, sans doute parce qu'il avait une autre préoccupation en tête, la soirée à venir. Il se demandait si Prune avait reçu le paquet qu'il lui avait fait porter et surtout si la tenue qu'il avait choisie lui plairait. Mais le plus important était de savoir si elle daignerait la porter.

Vint l'heure de s'apprêter et de se parer d'un bel habit. Ekiel optait pour une tenue très raffinée. Aucuns détails n'avaient été laissés au hasard. Il se regardait une dernière fois dans le miroir, parfait.
Il était en retard. Le dernier rendez-vous de la journée l'avait accaparé plus que nécessaire et cela l'avait contrarié. Pourtant, il affichait bonne figure, prenant sur lui. Après tout, sa cavalière n'avait pas à subir son humeur pour quelque chose dont elle n'était pas responsable.
Voici que la porte du manoir s'ouvrait sur un ministre de fort belle allure. Il ajustait sa veste et son regard se posait sur la voiture qui était déjà là. Il descendait l'escalier de son pas assuré et se dirigeait vers le véhicule. Avant qu'il n'ait eu le temps de poser une main sur la poignée, le majordome le prenait de vitesse. Il le remerciait d'un signe de tête et s'engouffrait à l'arrière de la voiture.
Comme il le pensait, Prune était déjà là, éblouissante, à mille lieux de la demoiselle en bleu de travail qu'il avait rencontré la veille. Une légère inclinaison et Ekiel effectuait un baisemain avant de prendre place près d'elle.

" Veuillez m'excuser de mon retard. Je n'ai pu me libérer plus tôt. Vous êtes ravissantes. Cette tenue vous va magnifiquement."

Le véhicule démarrait les menant sur le lieu de la réception. Cette dernière se tenait au dernier étage d'un complexe moderne, bien différent du beau manoir des Øystein.
Traversée la ville n'était pas une mince affaire tellement celle-ci était embouteillée. À croire que tout le monde, s'était donné rendez-vous à cette soirée mondaine. Il leur fallait une vingtaine de minutes pour arriver à destination. Une fois la voiture arrêtée, la porte venait à s'ouvrir. Ekiel en descendait et offrait alors une main à Prune avant de lui offrir son bras tout naturellement.
Il se rappelait les paroles de la demoiselle, lui avouant ne pas être dans son élément lors de telles festivités. Son regard bleu l'observait en coin, avant qu'une main réconfortante ne se pose quelques secondes sur la dextre de Prune et qu'il ne lui murmure.

" Laissez-vous guider. Tout ira bien et si jamais vous désirez à un moment donné quitter la soirée, faite le moi savoir et je vous raccompagnerais."

Ils traversaient le grand hall sous le regard de quelques invités qui prenaient le même chemin qu'eux, celui des ascenseurs. Ils atteignaient le dernier étage en quelques secondes. Là, les portes s'ouvraient, laissant apparaître, à la vue de tous, un couple. Et quel couple ! Il ne manquait ni de charisme, ni d'élégance. La demoiselle est accompagnée de son chevalier servant, de haute stature, habillé avec raffinement. Un costume d'un noir profond, composée d'une veste au col et aux revers de manche, brodés de fil d'argent, Une chemise blanche agrémentée d'une lavallière couleur lavande, d'un gilet gris satiné et d'un pantalon au tombé impeccable. Quant aux chaussures, elles étaient assorties à l'ensemble et parfaitement cirées. Nul doute que ce costume avait dû demander des heures de travail, tout comme la magnifique robe que portait Prune. Il se penchait vers Prune et lui susurrait à l'oreille.

" Prête ? Entrons dans la danse très chère. Il nous faut rejoindre le maître de cérémonie et je crains que cela ne soit quelque peu difficile. Nous sommes déjà le centre de mire de la soirée. " 

Un léger sourire se dessinait à la commissure de ses lèvres alors qu'il leur frayait un passage à travers les invités. Certains arboraient fièrement des couleurs et des tenues qui trahissaient leurs factions ou leurs fonctions. Bien vite, le couple était pris d'assaut par une multitude de personnes souhaitant être présentées au ministre et à Prune. Comme à l'accoutumé, la verve du Strigoi était fluide, une qualité de premier plan pour un chef d'état. Il ne s'attardait pas plus que nécessaire, esquivant parfois un maladroit ou un écrasage de pieds malencontreux, veillant à ce que Prune n'en fasse pas les frais.


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Dernière édition par Ekiel Reyes Zadicus le Dim 4 Juin - 18:47, édité 1 fois
Jeu 1 Juin - 22:14
Comme une envie de taquinerie lorsqu'il t'annonce qu'il n'a su être à l'heure ; c'est de bonne guerre, toi-même n'as pas été en mesure d'honorer l'horaire de la veille. Les mots ne sortent pas cependant, et tu te contentes d'un sourire éclatant et de secouer la tête face à ses excuses, tu ne saurais lui en tenir rigueur, après tout, ça fait toujours ça de moins à passer parmi la Haute Société. Ah, qu'elles ne t'ont pas manqué, ces interminables soirées où les âmes se pavanent et rient sans une once de sincérité, même toi qui ne sait interpréter les émotions de tes paires, tu sais reconnaitre que tout est factice, lors de ces douces nuitées. À peine la voiture démarre, que tu as hâte de t'y engouffrer pour le chemin du retour. Charles le sait, et s'assure de coups d'œil furtif dans le rétroviseur que tu ne manques de rien, que tu ne peines pas à dissimuler ta réticence à honorer les convives de ta présence. Pourquoi faire, finalement ? Que tu sois ici ou là-bas, ça ne change rien, ils sauront passer une bonne soirée sans toi, et ce n'est pas les quelques conversations que tu sauras tenir qui leurs laisseront des souvenirs mémorables, oh, loin de là. Il est d'ailleurs de plus en plus rare que les sujets proposés parviennent à t'intéresser. Toujours les mêmes rengaines, les ragots, les nouveautés familiales, les avancées des uns, l'écroulement des autres, les médisances sur les peuples plus modestes... Rien que d'y penser, une moue se glisse sur ton visage : tu donnerais beaucoup, pour profiter de ta soirée avec une tasse de thé, dans le petit salon de ton cocon : avec ton père, voire même le ministre, à bavasser tranquillement, sans avoir besoin de faux semblant. Vous pourriez même jouer ensemble, ressortir les vieilles boites poussiéreuses qui comblaient les soirées familiales, avant.

Voyons, Prune, voilà bien longtemps que tu n'es plus une enfant ! Range donc tes caprices dans un coin de ta tête et fait bonne figure. Sourire, il faut sourire, se montrer pleine de vie, voltiger, s'intéresser, officier ta curiosité et te laisser porter par le rythme de la soirée. Tu penseras plus tard, il suffit de faire attention à ce que tu dis, ce que tu fais, un juste milieux entre ton tempérament innocent et les codes à respecter. Ah, tu vas encore rentrée épuisée ! C'est dingue quand même, t'es capable de passer des nuits entières recroquevillée sur ton plan de travail pour réparer des petites erreurs de conception sans que la fatigue ne se fasse ressentir, mais quelques heures parmi les tiens, et tu pourrais dormir des jours et des jours tant tu es épuisée.

Dans l'ascenseur, encore quelques seconde de répit te sont offertes, que tu emplois à observer discrètement ton partenaire : peux-tu lui faire confiance ? L'intuition te manque encore à son égard, incapable de faire le tri, de te fier à quoi que ce soit. Ce soir pourtant, il sera ton rempart, ton bouclier de fortune contre les assauts répétés de la société. Il te faudra lui faire confiance pour naviguer, tout comme tu faisais confiance à ton père autrefois, lorsqu'il t'accompagnait encore dans les soirées, ou plutôt, lorsque tu l'accompagnais, toi, faisant tes premiers pas dans ce vaste océan où tout est bien trop grand pour un petit poisson tel que toi. Alors, prête ? Tu inspires longuement, hoche brièvement la tête. Non, tu ne seras jamais prête pour ça, mais il le faut bien, tu n'auras jamais le choix, à ce niveau là. Les portes s'ouvrent et tu pénètres les lieux, somptueux, majestueux, où s'étend le luxe à perte de vue, de la tapisserie aux lustres, de la grandeur du buffet, aux parures choisies par l'assemblée. Des coiffures extravagantes, des costumes magnifiques, l'odeur de l'alcool, des fruits, et la musique surplombant les conversations, que personne ne prend réellement la peine d'écouter. Toi, tu jettes un regard aux musiciens, te demandant s'ils se sentent aussi étriqués que toi dans cette pièce, entourés de ce brouhaha, comment parviennent-ils à se concentrer ? Tu as déjà la tête qui s'embrouille sous tous ces maux, et tu viens à peine d'arriver !

Le ministre ? Brillant, vraiment. Un millier d'étoiles se pavane autour de lui, illumine ses paroles, ses sourires. Il progresse savamment, gracieusement, à l'aise dans son rôle, il semble être né sur scène et maîtriser la foule d'une main de maître, bravant les attroupements, rebondissant aux traits d'esprit, maniant les conversations au gré de ses envies. Elevée au rang d'art, cette pratique est admirable, et tu peines à ne pas poser ton regard sur lui lorsqu'il le pratique ; oh, que tu aimerais avoir son aisance, pour berner ton public... Un serveur s'approche, vous offre des coupes, tu y trempes tes lèvres et fronce le nez, berk, l'alcool, comment font-ils pour apprécier s'en abreuver.
Farandole humaines, tout s'emmêle. Les convives ne cessent de vous tourner autour, d'apostropher l'invité star. Des rires, des pas de danse, des messes basses et œillades curieuses que tu remarques à peine, trop occupée à contenir les tiennes, à focaliser ton attention sur ta propre situation. C'est trop, bien trop, et lorsqu'un homme t'effleure le bras et qu'une effluve fruitée s'écrase sur ton visage, tu ne peux t'empêcher de tressaillir, de sursauter.

« Demoiselle Oystein, quelle surprise ! Il est si rare que vous nous honoriez de votre présence. », vite, ton cerveau passe en revu tous les grands noms de l'aristocratie pour les greffer au-dessus de son visage et ne pas embarrasser ton père à travers ton ignorance, mais heureusement pour toi, il ne prend pas la peine de te laisser répondre quoi que ce soit, et enchaîne, sur le ton de la connivence, rapprochant son visage plus près encore - pourquoi faut-il toujours que l'on se cale aussi près de ton nez ? « Pour ne rien vous cacher, nous étions même inquiets de se trouver sans nouvelle de vous, après ce qui vous est arrivé...
— Ce qui m'est...? réponds-tu, penchant la tête d'incompréhension, conservant ton sourire de façade en reculant d'un pas, instaurant une distance de sécurité.
— Oh, très chère ! Toutes mes excuses, je manque à tous mes devoirs, quel goujat je fais !! Evidemment, vous devez encore être toute secouée ; une bien affreuse situation dans laquelle vous vous êtes trouvée, et nous sommes tous ravis de vous trouver saine et sauve. Et dire que cette vile machine aurait pu attenter à votre vie ! »

Silence. Enorme silence. Son sourire ravageur attend une réaction, quelque chose, n'importe quoi. Certainement pas à ce que tu restes de marbre, en apparence, en serrant tes doigts autour de ton verre. Pamyfja. Il parle d'elle, n'est-ce pas ? De... D'eux. Ton visage se ferme, le sourire disparait, et le visage de ton vis-à-vis transpire l'incompréhension. Eh bien quoi, s'attend-t-il à ce que tu réagisses autrement, lorsqu'il ose médire sur le cas d'un Automate en ta présence ? Et puis, pourquoi se permet-il de dire quoi que ce soit à ce propos : il n'était pas là, lui dans cette boulangerie...! Tu ouvres la bouche, et te ravise au dernier moment. Pas de vague. Surtout pas de vague. Ton regard se glisse par-dessus son épaule, et voilà que plusieurs regard se détourne de toi, évitant à tout prix de croiser tes pupilles. Ah.
Prise de court, ton attention s'élance sur le ministre à tes côtés, en pleine conversation. Munie de ton allure enfantine, tu t'accroches à son bras, ravivant l'éclat de ton sourire. Il doit être ton acolyte, ce soir, ton bouclier, ton chevalier, pas vrai ?

« Sir Zadicus, il serait dommage de ne pas rendre hommage à cette robe, ne pensez-vous pas ? Allons donc danser un peu, notre hôte voudrait que vous profitiez des festivités comme il se doit, et il est de mon devoir de m'en assurer...! »
Dim 4 Juin - 18:46
Mécanismes aristocratiques



Ekiel excellait dans bien des domaines, mais en société il était le roi, menant d'une main de maître les discussions, les abrégeant au besoin, afin de passer à autre chose, et cela, sans que personne s'en offusque. Pas à dire, il savait y faire le bougre. Il œuvrait avec une habileté déconcertante, tel un poisson dans l'eau, n'en oubliant pas pour autant la jolie Prune à chaque conversation, lui demandant son avis sur divers sujets abordés. Il n'était pas concevable de laisser la femme qui l'accompagnait faire office de pot de fleurs.
En bien des occasions au cours de sa longue vie, il avait remarqué des personnes accompagnées de faire-valoir qui n'avait pour but que de se pavaner aux côtés de l'invité sans avoir leur mot à dire. Le Strigoi détestait le fait qu'on puisse se servir d'une personne pour se faire mousser. Cette pratique était à ses yeux dégradante et totalement irrespectueuse.

Alors oui, le Ministre des Affaires étrangères de Xandrie avait une façon bien à lui de voir les choses, c'est ce qu'on appelait avoir de l'éducation et du savoir-vivre. Il était hors de question que la fille Oystein soit reléguée au rang de simple potiche pour faire jolie dans le paysage.
Elle n'était pas comme la plupart de toutes ces femmes ou jeune femme qui se dandinaient et riaient niaisement à la moindre de ses remarques. Cela avait le don de l'agacer au plus haut point. Et tout ça dans l'espoir de se faire remarquer de lui ? Quelle absurdité et perte de temps. Aucunes ne trouvaient grâce à ses yeux. Cependant, il n'en demeurait pas moins avenant et courtois, avec des manières dignes d'un prince, que beaucoup d'homme devaient lui envier. Comme s'il était d'un autre temps, d'une autre époque...

Lorsqu'un serveur approchait afin de proposer des boissons, il déclinait aimablement, retournant à sa conversation avec d'autres invités. Il gardait cependant un œil attentif sur Prune. Il sentait son malaise et devinait qu'elle préférait être dans son laboratoire, plutôt qu'ici avec lui à subir ce supplice. Car au vu de leur entretien de la nuit dernière, c'était une torture pour elle de devoir assister à de telles réceptions. Ce soir, elle prenait sur elle et affichait bonne figure parce que c'était son devoir d'hôtesse et de fille de bonne famille.

Ils passaient ainsi de groupe en groupe au gré du bon vouloir Ekiel qui poussait parfois l'audace à éviter habilement quelques personnes avec qui il n'avait pas l'intention d'interagir. Soudainement, un mouvement à leur côté attirait son attention et lui faisait perdre le fil de la discussion quelques secondes. Le Strigoi se focalisait sur l'individu qui envahissait leur espace ou plus exactement l'espace de Prune, avec à la clé un geste qu'il qualifiait de bien trop familier. Depuis quand abordait-on une demoiselle de façon si cavalière ? Et depuis quand se rapprochait-on si près en faisant fit du protocole ? Cette manière de faire déplaisait à Ekiel et le regard qu'il portait sur l'aristocratique en disait long. N'éduquait-on pas la jeunesse de la haute dans cette faction ? Ne lui apprenait-on pas à se tenir en société ? Il y avait des codes à suivre et visiblement ce jeune homme en faisait fi. Même s'il connaissait Prune comme cela semblait être le cas, il n'était pas convenable d'agir de la sorte.

Et voici qu'il parlait d'une situation de danger dans laquelle Prune se serait trouvée et dans laquelle était impliqué... un automate. Voilà qui venait piquer la curiosité d'Ekiel. Mais c'est de la colère qui montait en lui présentement. L'homme se tenait trop près de Prune qui machinalement reculait d'un pas, venant serrer un peu plus fort l'avant-bras du Ministre. Il prenait cela comme un signe de détresse et plus encore le silence de la demoiselle face aux paroles de l'individu. Comment osait-il évoquer d'un tel incident lors d'une réception ? Le lieu n'était pas approprié ! Qui plus est, de nombreux regards étaient portés sur eux, comme si tous attendaient des réponses de la part de Prune. Le silence persistait, devant de plus en plus pesant, si bien que Prune se pendait un peu plus fort au bras d'Ekiel, effectuant une habile pirouette pour échapper à tout cela. Et le soutien tant espéré qu'elle sollicitait de son chevalier à l'armure étincelante trouvait une réponse positive à sa demande.

" Dansez ? Avec grand plaisir. "

Un sourire puis aux personnes en leur compagnie.

" Mesdames, Messieurs, si vous voulez bien nous excuser."   

Alors que le couple passait devant l'importun , Ekiel lui glissait quelques mots d'un ton glacial.

" Monsieur, je vous saurai gré de ne plus importuner Damoiselle Oystein, auquel cas, je serai dans l'obligation de vous demander réparation."

Il n'ajoutait rien d'autre et s'avançait en compagnie avec Prune sur la piste de danse. Ils s'élançaient alors, virevoltant allégrement et légèrement au rythme de la musique. Les corps se frôlant, se séparant avant de revenir l'un vers l'autre avec une grâce et une élégance rare, comme si l'un et l'autre se connaissaient depuis toujours. Comme s'ils avaient toujours dansé ensemble, alors que c'était une première. Nul faux pas, nul mouvement disgracieux, tout était parfait jusqu'au bruissement des tissus à chaque pas. Ils voguaient sur les notes en toute harmonie sous les regards appréciateurs de l'assistance. Alors qu'ils se tenaient l'un contre l'autre, Ekiel murmurait quelques mots à l'oreille de sa partenaire.

" Est-ce que tout va bien ? Je vous sens nerveuse depuis l'intervention de ce jeune homme." 


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