Mer 25 Jan - 17:24
Aux petits soins
Avec Halie Lunia
Un craquement résonna sous le sabot de ma monture écrasant une branche, faisant fuir un petit oiseau caché dans les bosquets à la recherche de baies. En l’espace d’à peine de quelques jours nous avions quitté le sable des dunes d’Aramila pour trouver la végétation de plus en plus luxuriante de la forêt de l’Arbre-Dieu. L’aridité laissa la place à l’humidité, j’eus beau retirer des couches de tissus ma chemise me collait à la peau. Je n’étais pas mécontent d’avoir troqué à Katorrin la démarche houleuse des dromadaires pour retrouver le trot plus commun des chevaux. Le chef de guide ralentit son canasson, entraînant à sa suite l’ensemble du groupe.
- Faut monter l’camp là bas.
Etonné de l’heure précoce de la journée, je questionnais Malouad.
- Ne peut-on pas ériger le campement lorsque le soleil touchera l’horizon, dans la forêt ?
Un vent de frayeur traversa le groupe.
- Ah non m’sieur Digo vous avez oublié les histoires qu’on vous a raconté ? C’est trop dangereux là d’dans ! Faut respecter les esprits qu’y vivent. C’est un lieu sacré et Dieu, dans sa miséricorde, accepte bien qu’on l’traverse. Faut pas non plus abuser de son hospitalité !
Les Aramilans étaient si superstitieux… Je n’allais pas à l’encontre de leurs décisions pour autant, ce qu’ils pouvaient prendre pour des malédictions n’étaient autres que les dangers d’une forêt sauvage.
- Très bien Malouad, campons.
Satisfaits de ma réponse, les guerriers religieux avancèrent plus sereinement jusqu’au plateau herbeux parsemé de roches. Nous y laissâmes paître les chevaux bien heureux de cette pause avancée avant d’installer notre base. Depuis les dunes de Saleek notre groupe avait pris ses habitudes pour les quelques fois où nous avions dormi hors d’un village. J’aidais à l’assemblage des tentes pendant que mes accompagnants s’occupaient de sécuriser les lieux et récupérer de quoi faire un feu. Ma tâche finie, je récupérais mes affaires, vérifiant que rien ne manquait, avant de sortir mon rebec. Le visage de Talis s’illumina en le voyant.
- Z’allons avoir l’droit à la chansonnette !
Je lui souris avant de me caler contre un rocher, laissant l’arche jouer sur les cordes de l’instrument d’où s’éleva une mélodie joyeuse.
La nuit fut calme, je passais mon tour de garde à observer la lisière de la forêt aux milles légendes sans apercevoir la moindre
Nous reprîmes les chemins à l'aube pour ne pas passer une nuit dans les bois. Je sentais mes guides à la fois honorés de fouler une terre sacrée, et effrayer d’éveiller la colère du Dieu-Arbre sur son territoire. Ce fut dans cette ambiance tendue que nous cheminions jusqu’à l’arrêt de mi journée pour se requinquer.
- Il nous observe … souffla Talis.
Personne ne l’entendit, seuls les chevaux hennirent soudain agités. Ce fut l’immobilité de l’homme qui m’alerta. Il fixait un point entre les branches, quelque chose semblait le fasciner, quelque chose que je ne voyais pas.
- Talis vous allez bien ?
- Le désastre est en marche nous avons fauté … Sommes que des impies qu’il faut blâmer.
Sa main glissa vers sa hanche où ses doigts se resserèrent sur la garde de son poignard. Ne comprenant pas ce qu’il se passait je restais inerte, la main posée sur son épaule pour l’engager à me regarder. Malouad fut plus réactif et se jeta sur son compagnon l’empêchant d’user de son arme.
- Une nagora l’hypnose, baisser tous les yeux !
Talis se débattait criant qu’il fallait purifier la Terre sacrée de nos âmes salies. Je me précipitais sur mon équipement médical pour y trouver un petit flacon que je déversais sur un bout de tissu. Malouad peinait à maintenir son ami à terre, je me ruai sur Talis pris de délire pour lui appliquer le tissu imbibé sur la bouche et le nez. Les vapeurs mirent quelques minutes à agir sur l’homme qui finit par se calmer, lâchant sa dague. Ses pupilles étaient dilatées, je commençais à douter de sa sobriété.
- A-t-il pris une drogue ?
- Non m’sieur, c’est la nagora ! Elle l’a hypnotisé j’vous dis !
Fronçant les sourcils d’incompréhension j’invitais Malouad à m’expliquer.
- C’est une bestiole d’la forêt, il la protège des indésirables ! Il rentre dans l’esprit des gens par les yeux ! Faut pas l’fixer sinon il vous pousse au pire pour se débarrasser d’vous !
Je regardais autour de nous pour apercevoir l’animal, Malouad me prit la tête entre ses mains.
- Non ! Ne le r’gardez pas, surtout pas.
Au sol Talis s’agita, tout se passa tellement vite … Son bras dessina un demi-cercle dans l’air pour finir sa course dans la cuisse du guide religieux, la lame du poignard bien ancrée dans le muscle. Solane et Astifa se jetèrent sur le dément pour le maintenir au sol, Malouad s’écroula sur le côté, du sang s’écoulant de son adducteur.
Cette fois je fus bien plus réactif, empoignant le mouchoir imbibé d'éther pour le replacer sur les voies respiratoires de Talis, ordonnant aux deux Aramilans de le lui maintenir. Je me précipitais sur la plaie pour y poser un garrot, il fallait à tout prix arrêter l’hémorragie.
- Malouad je sais que c’est douloureux, laissez moi intervenir. Lui ordonnais-je en rejetant la main qu’il maintenait sur sa blessure.
Le sang m’empêchait de voir la profondeur de la lésion, je ne m’y attardais pas pour compresser le muscle. Mon matériel n’était qu’à quelques mètres, je m’inquiétais des nouvelles réactions des deux religieux restés avec Talis fixant un point en hauteur.
- Ne regardez pas la nagora ! Leur criai-je.
Je pouvais bien gérer les urgences médicales, la faune beaucoup moins …