Dim 29 Jan - 23:32
Le Fleuve
- ft. une vache titanesque
Le chaos croulait entre les herbes fauves et a travers le brouillard épais, comme une trainée de poudre prête à être incendiée. Dans cette confusion de mouvements, de bruits et de lumières, Percéphale avait perdu palmes avec le réel, l'espace d'un instant trop désarçonnée par cette cacophonie de foudre et de voix. Une douleur vive assenée à son crâne, ses rhinophores et ses sensations dressés à vifs, elle mit un moment à se ressaisir. De brusques éclairs avaient tonnés contre la terre et fendu l'air comme une seule lame; et devant ses yeux grèges hasardés vers le titan, brume dissipée de l'horizon, s'élevait ce maudit bovidé, hideux, difforme, aberrant. Cette vache. L'écume aux lèvres, le poil sale, la chair pendante, et l'attitude démesurée. A ses pattes infectes foulant la boue, une fumée dense et grise avait fait son chemin autours de la Perce-rive et de ses compagnons, et en jetant un regard d'incompréhension à son côté, interpelée par un cri, elle découvrit le sort de Tiphaine. Elle semblait à la fois tétanisée et en proie à une épouvante sans pareil. De son corps brûlé s'échappait comme des nappes de cendres et sa voix se brisait au moindre mot. Et puis, de nulle part, comme dans un monde onirique où rien n'avait plus sens, la vision de Persival se floua pour prendre la forme d'un souvenir nouveau et d'une nostalgie étrangère. D'une sensation de bien être qui lui fila la nausée quand elle entrevit le visage de Lawrence. D'une confusion qu'elle n'arriverait pas même à expliquer de ses mots.
D'un mouvement hâtif, le triton ferma les yeux et se secoua la tête, paumes sur la peau. Est-ce que ce vaste scénario avait le moindre sens ? Elle avait entendu des récits impressionnants dans sa jeunesse; mais rien, Ô grand rien n'égalait le désordre et l'agitation qui régnait sous ses yeux. Les voix de ses compagnons atteignaient à peine son esprit. Tout n'était que chaos et sensations intrusives et violentes. Il lui fallut un instant pour se calmer et faire le vide autour d'elle. Elle ne savait pas ce que le vieux capitaine allait encore trafiquer, mais on ne lui dirait pas deux fois de décamper de là.
D'un bond, Percéphale se leva, attrapa la seconde par le bras et, sans attendre d'assentiment, l'entraîna avec elle loin de ce tumulte. On entendait la voix bruyante de Lawrence retentir dans leurs dos, et cette musique insoutenable traçant ses échos dans l'air encore pesant. « Laissons-le se débrouiller avec sa foutue musique. J'avais dit que ce serait pas la dernière chose que j'entendrai avant de mourir, et je compte bien tenir parole. » Un coup d'oeil à Tiphaine lui assura que, dans ses yeux, l'orage n'était pas passé. On lui avait raconté des histoires similaires. Deux esprits dans un seul regard. Elle comprenait à demi-mots ce qu'il se passait, bien qu'incertaine. « Essayons d'être en vie encore un peu, ok ? »
Devant elles, quelques mètres plus loin, on entendait la cohue du reste du groupe - mais leurs éclats n'annonçaient rien de bon. Allons bon, qu'est-ce qu'il se passait là bas ? Cette trainée de poudre, prête à flamber à la moindre étincelle, s'insinuait encore sous leurs pieds et jusqu'au reste du convoi; on distinguait très péniblement des silhouettes qui n'étaient pas à leurs côtés plus tôt encore. Les couleurs d'Epistopoli brillaient à travers le brouillard épais. Mains toujours sur le manche de sa hallebarde, à l'affût, la nudibranche guetta le danger. Ils étaient à nouveau au bord du rivage. Elle fit signe à sa comparse d'être discrète et se glissa aux bords de l'eau, en retrait, dans une volonté d'humidifier sa peau et de préparer ses mécanismes de défenses.
Quand, désarçonnée, une bourrasque d'air vint lui prendre la gorge, agresser ses rhinophores et noyer sa vision à nouveau. Je déteste ce qu'il se passe.
D'un mouvement hâtif, le triton ferma les yeux et se secoua la tête, paumes sur la peau. Est-ce que ce vaste scénario avait le moindre sens ? Elle avait entendu des récits impressionnants dans sa jeunesse; mais rien, Ô grand rien n'égalait le désordre et l'agitation qui régnait sous ses yeux. Les voix de ses compagnons atteignaient à peine son esprit. Tout n'était que chaos et sensations intrusives et violentes. Il lui fallut un instant pour se calmer et faire le vide autour d'elle. Elle ne savait pas ce que le vieux capitaine allait encore trafiquer, mais on ne lui dirait pas deux fois de décamper de là.
D'un bond, Percéphale se leva, attrapa la seconde par le bras et, sans attendre d'assentiment, l'entraîna avec elle loin de ce tumulte. On entendait la voix bruyante de Lawrence retentir dans leurs dos, et cette musique insoutenable traçant ses échos dans l'air encore pesant. « Laissons-le se débrouiller avec sa foutue musique. J'avais dit que ce serait pas la dernière chose que j'entendrai avant de mourir, et je compte bien tenir parole. » Un coup d'oeil à Tiphaine lui assura que, dans ses yeux, l'orage n'était pas passé. On lui avait raconté des histoires similaires. Deux esprits dans un seul regard. Elle comprenait à demi-mots ce qu'il se passait, bien qu'incertaine. « Essayons d'être en vie encore un peu, ok ? »
Devant elles, quelques mètres plus loin, on entendait la cohue du reste du groupe - mais leurs éclats n'annonçaient rien de bon. Allons bon, qu'est-ce qu'il se passait là bas ? Cette trainée de poudre, prête à flamber à la moindre étincelle, s'insinuait encore sous leurs pieds et jusqu'au reste du convoi; on distinguait très péniblement des silhouettes qui n'étaient pas à leurs côtés plus tôt encore. Les couleurs d'Epistopoli brillaient à travers le brouillard épais. Mains toujours sur le manche de sa hallebarde, à l'affût, la nudibranche guetta le danger. Ils étaient à nouveau au bord du rivage. Elle fit signe à sa comparse d'être discrète et se glissa aux bords de l'eau, en retrait, dans une volonté d'humidifier sa peau et de préparer ses mécanismes de défenses.
Quand, désarçonnée, une bourrasque d'air vint lui prendre la gorge, agresser ses rhinophores et noyer sa vision à nouveau. Je déteste ce qu'il se passe.