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❝ Sous un ciel immense. ❞  » ft. sibylle

❝ Sous un ciel immense. ❞  » ft. sibylle Brandw10
Lun 19 Déc - 14:08
Un pas, puis un autre...

Drapée par les délicates caresses de la Lune, recouverte des reflets bleus presque duveteux, 47 ne conserve qu'un souvenir nébuleux, brumeux, de comment elle s'est retrouvée en ces lieux. Un voyage, comme un mirage, hors de sa tanière, mémoire éphémère. L'odeur des feuilles, la rudesse du sol sous ses pieds, la vague impression d'être épiée, qui pourtant ne l'a pas arrêté. Une effluve dans le nez, légère fragrance, à peine discernée, se cachant sournoisement parmi la cacophonie furieuse peuplant la forêt. Un simple coup de vent, et la senteur disparaît, fugace, irréelle. Elle agit comme le pire des poisons, prenant le contrôle de son esprit, oblitérant son instinct de survie, la plongeant dans une sorte de léthargie. L'Araignée n'a même pas réfléchit une seconde avant de quitter son nid.

Si c'était un piège ? Est-ce vraiment une bonne idée, de se perdre dans la nuit ?

La petite voix a failli. Elle n'est pas parvenue à percer le charme qui la transit. La bestiole s'est enfoncée, encore et encore, toujours plus loin sur les sentiers labyrinthique, fort peu pratique. Guidée par son nez, persuadée de pouvoir s'y fier, malgré l'étrangeté de la nuitée. Pas même un prédateur n'aurait su comment l'arrêter. Peut-être, plus tard, une fois perdu dans le noir, se rendra-t-elle compte de son inconscience, et paiera le prix de sa décadence. Peut-être même, qui sait, qu'elle se sentira profondément gênée par son comportement d'enfant prêt à tout pour assouvir une curiosité mal placé. Mais pour l'heure...

C'est cachée dans les branches d'un arbre humide que l'odeur l'a guidé.

En contrebas, un étang, sombre, pétillant. Les étoiles y clignotent, animent la surface de l'eau sur la surveillance bienveillante de l'Astre nocturne. Et taquinant les paillettes lumineuses du bout des doigts, une silhouette radieuse, perdue dans les bois. Le teint opalin, le sourire serein, la demoiselle aux cheveux tombant en cascade sur une tunique humide se pavane en toute simplicité, marchant dans les eaux glacées. De ses gestes se dégage une douceur parfumée à la senteur sucrée, chimérique qui l'a envouté. 47 observe en silence, oubliant presque sa propre existence. Elle qui n'a connu qu'ombres et macabres, se sent submergée par l'ineffable.

Et tout autour, la nature semble charmée...

Elle veut s'approcher.
Une envie irrépressible de toucher. Elle s'approche... Poser sa main sur cette peau diaphane. Encore un peu... Voire même, de planter ses crocs, goûter son âme ? Rien qu'un peu...

Mais la branche craque, met brusquement fin au spectacle.

Ses pupilles se dilatent, le voile brumeux se déchire sous ses yeux durant cette violente entracte. Elle se sent dégringoler, sans cesser de la regarder. Son corps éclate la surface de l'eau, le froid glacial n'attend pas pour lui mordre la peau. Aucun cri. Aucun bruit si ce n'est le vacarme que sa chute a produit. La mutante prend doucement conscience de ce qui se passe, retrace vaguement le chemin effectué depuis son nid. Sans l'odeur dans le nez, elle se sent bernée, et le charme rompu, la voilà déçue. Ses muscles se crispent, deviennent rigides ; une bien belle rançon pour ce tempérament intrépide.  Rien de cassé, malgré ses os gelés, se sont d'abord ses cornes qui émergent de l'obscurité. Puis le haut de son visage, ne laissant pas apparaitre plus que son nez. Le regard toujours rivé sur cette chose dont elle ne peut se détacher. Soupçon de colère, de crainte, et une vive curiosité, font scintiller ses pupilles dilatées.

❝ Allons allons, petite araignée, veux-tu vraiment la croquer ? ❞
Jeu 22 Déc - 18:13

Sauvage.
J’étais sauvage. Je suis née sauvage et la liberté coule dans mes veines. Je me souviens parfois lors de ces nuits de pleine lune où elle se glisse hors de la maison, pensant que je l’ignore, oubliant qu’elle n’est pas exempte du pouvoir qu’elle exploite… Je me souviens que ma captivité n’est qu’une illusion. Je ne suis pas un papillon épinglé a un mur, survivant dans une boîte, aux élytres miroitant pour le bon plaisir de ceux qui regardent ave leurs yeux affamés. Non, je demeure agile, aucun filet ne m’attrape. Sauvage, je suis née sauvage, le cœur battant d’un écosystème fourmillant de vie. Quand elle s’en va, je redeviens presque qui j’étais – territoire inconquis, bête sauvage.


Sauvage. Elle n’est pas la seule à fuir la nuit. Peut-être le sait-elle, peut-être y a-t-il cette sagesse en elle de ne pas me retenir. Je ne sais pas, je ne suis pas l’Oracle que l’on veut faire de moi. Je sais ce qu’elle pense, pas ce qu’elle ressent. Mais en ces nuits de pleine lune, moi aussi je m’échappe, je me glisse dans les ombres, sans que personne ne me remarque. Je savais me faire discrète, quand j’étais sauvage. Je n’ai pas oublié, pas complètement. Ces nuits-là, aussitôt que je sens sa présence s’estomper, je descends aux écuries, pieds nus, en chemise de nuit, seul témoin de ce que je suis devenu. Je suppose que la pudeur est la seule infection humaine qui a réussi à s’ancrer en moi – mais elle ne m’empêchera pas de fuir, de passer la nuit à célébrer l’époque où j’étais sauvage, solitaire Sabbat d’une fée sans lac. Morpheus sait où nous allons. Il me laisse me glisser sur son dos sans un bruit, sans un souffle – mon destrier, mon compagnon garde mes secrets près de son cœur, sous ses grandes ailes bleues. Nous faisons fi du froid mordant de la nuit ensemble alors qu’il m’entraîne en silence dans le firmament étoilé, la seule chanson du vent dans ses plumes nous accompagnant.


Sauvage. Je me souviens quand je mets pied à terre dans la forêt de l’Arbre-Dieu. Il y a quelque chose de puissant en ce lieu – peut être y en a-t-il eu une autre comme moi par le passé. Je le saurai si elle était toujours là, mais en attendant, depuis que j’ai découvert cet étang… Je me souviens de comment je vivais chaque jour et chaque nuit, sauvage, au milieu des roseaux des poissons et des serpents, des troupeaux de licornes qui migraient me racontant les histoires de la Forêt de Jade, au milieu du chant des oiseaux. Ces nuits de pleine lune, je me souviens de ce que c’était, d’être un animal. D’être le plus sauvage de tous, celui qui redoutait le moins l’humanité et qui s’y opposait le plus, jusqu’à mon dernier souffle. Quelle ironie, quelle mascarade ! Mais c’est plus fort que moi, parfois je joue à redevenir sauvage. Je pense que sans ces eaux salvatrices, sous la canopée de l’arbre immense, je deviendrai folle à lier. Si seulement j’étais toujours sauvage.


Je ne suis pas seule, mais la vie ici est pure, elle n’est pas touchée par la pensée qui pervertit les émotions. Le bonheur, la peur et la tristesse y sont palpables dans leur forme la plus naturelle : celle qui permet à toute forme de vie de tisser des liens et de survivre. Pas ces formes d’émotions chimériques qu’éprouvent les hommes comme… la mélancolie, cette même maladie qui me ronge lorsque je pense à l’époque où j’étais encore sauvage. De la tristesse, du bonheur et du désespoir en même temps… Quel goût doux-amer, quelle émotion difficile à comprendre. Ou l’injustice, la vengeance. Les animaux n’ont nul besoin de vengeance – ils sont incapables d’éprouver de tels sentiments, car la nature fait son œuvre – la vie va et vient sans jamais laisser de dette.


Quand je m’enfonce dans les eaux cristallines constellées des étoiles et du reflet de la lune blafarde, une pure euphorie emplie mes poumons. Je sens mes cheveux coller à ma peau, je les vois onduler comme de l’encre à la surface de l’eau tout autour de moi. Les lucioles, les libellules, les poissons – tous s’approchent de moi sans crainte, comme si j’avais toujours vécu parmi eux, comme si j’avais toujours été la gardienne de ces lieux. Si ce n’était pas si proche d’Opale, j’y aurais sans nul doute coulé des jours heureux. Je m’imagine facilement régner sur ce territoire nimbé de Brume. Je me contente de régner pendant ces nuits volées où Morpheus m’emporte haut dans le ciel et me ramène à l’aube, trempée et sentant les étoiles et la vase – mais apaisée. Ce dernier boit en silence au bord de l’étang, observe, monte la garde. Il n’a rien à craindre tant que je suis là, aucun animal n’aurait l’idée de me prendre pour cible. Pourtant…


Pourtant ce soir, quelque chose trouble mes eaux habituellement paisibles. Quelque chose tient la tête de Morpheus haute, les oreilles plaquées contre son encolure alors qu’il hennit faiblement, sentant quelque chose dans l’air. Quelque chose fait frémir les lucioles et fait fuir les poissons. Quelque chose réveille en moi un instinct guerrier, sauvage. Une présence, incomparable à toutes celles que j’ai pu croiser durant ma longue existence.


Une présence… deux présences ? Non, une. J’ai beau me projeter au-delà de mes sens, je peine à en discerner les contours. Je sens la colère d’un homme et l’effroi d’une bête. Je sens la faim d’un prédateur et la cruauté d’une personne – par-dessus tout je sens la confusion, une émotion universelle. Quelqu’un, quelque chose ? – m’observe, soupèse mon existence comme je soupèse la sienne. Le reflet de mes yeux scintille sur les eaux claires – ils scrutent l’obscurité, sans parvenir à discerner un intrus mais ils saisissent une ombre fugace. Quelque chose est là, oui. Homme ou bête, chaque créature comprend le langage sensible. Il transcende tout être et est le seul langage que je connaissais, quand j’étais sauvage.


Tu n'as pas à me craindre mais ne te méprends pas, je ne suis pas une proie. Attaque-moi, et je t’attaquerai aussi.


Ainsi parlait mon être et ainsi parlait la vie sauvage. Je pense qu’elle aussi, cette chose, cette bête, est sauvage.

Jeu 19 Jan - 0:52
Le charme semble brisé, une éraflure sur la toile délicieusement composée. Le chant de la nature s'amenuise, prêtant attention à son arrivée pernicieuse. Son œil ne quitte pas la chimère, le monde semble disparaitre autour d'elle. Seule sa silhouette reste nette, tangible, ses cheveux de jais, sa peau blanche, si blanche... La branche brisée flotte non loin de son visage, peut-être la dissimule-t-elle à l'aide de son feuillage ? L'étrangère ne fixe pas son regard, qui vogue ça et là avec suspicion, se sentant désormais observée, voire même en danger, son allure change, l'aura délicate se recouvre d'épines acérées, réveillant l'instinct prédateur de l'araignée. Les dents serrées, pupilles dilatées, la bête toise la belle, sent son corps se contracter, prêt à se défendre, à tuer —

Tuer ? Non. Pas elle. Surtout pas elle.

Son estomac se soulève en réponse à son instinct assassin, ses tripes se tordent et une grimace de dégoût apparait sur ses lèvres masquées par l'eau. Elle ne saurait se pardonner si elle en venait à lever la main sur cette chose. Elle se sentirait mourir en osant ne serait-ce que lui arracher un de ses cheveux. Comment ? Pourquoi ? L'immondice ne sait pas. Elle le ressent, aussi vivement que la brûlure de l'eau gelée lui paralysant les bras, les jambes, rougissant sa peau à l'allure si poussiéreuse, si inerte, brumeuse. Un sixième sens déroutant, prenant le pas sur son envie de survivre, son inclinaison à se méfier de l'inconnu, à mordre avant d'être mordue. Hors de question de s'en prendre à cette ingénue.
Et sous le ciel étoilée, la chose se met à bouger avant que leurs yeux ne puissent se croiser. L'eau se meut sur son passage, traçant des courbes à chacun de ses mouvements, lents, calculés, de petits pas précautionneux de ceux qui ne souhaitent pas effrayer une trouvaille fugace, éphémère et merveilleuse. De derrière les feuilles, 47 apparait, les cornes fièrement dressées vers la lune, ne prenant pas la peine de se redresser ; n'en ressentant pas l'utilité. À chaque pas, son cœur perd de sa lourdeur léthargique, laisse une douce chaleur l'envelopper, raviver chacune de ses cellules, faire papillonner son cœur aux aguets.

Jusqu'à l'apaiser.

À portée de main, 47 se dévoile enfin. Créature trempée sous le ciel étoilé, les gouttes dévalent son corps, pluie saccadée. Et dévorée des yeux, comme l'objet le plus précieux, le joyau de pureté semble l'appeler, ne demande qu'à être touché. Autour d'elle, les ailes bleues suspendent leurs mouvements, observent l'intruse venue perturber la beauté de cette soirée. Captent-ils le danger ? Ressentent-ils qu'Araignée sous ce masque de quasi humanité ? Pourquoi ne se sont-ils pas éloignés à son arrivée, préférant rester collés à cette existence sublime plutôt que de répondre à leurs instincts primaires ?

Cette attraction qu'elle n'est pas en mesure d'expliquer, n'est-elle donc pas la seule à en être touchée ?

Incapable de s'exprimer — il n'a jamais été question de discours et d'opinions lorsque son existence fut créée, habituée à répondre par des grognements plus ou moins intenses, des mouvements de la tête sommaires et des regards assassins, 47 demeure silencieuse. Elle aimerait parler, pourtant, animée d'une envie irrépressible de partager, d'ouvrir son cœur et ses pensées d'âme égarée. Pourrait-elle être comprise ? Qu'espère-t-elle véritablement trouvé ? Ses lèvres s'entrouvent sur un silence de plomb, cadencé sur les clapotis de l'eau. Des mots inexistants s'embrassent, ses pupilles cherchent à communiquer : mais vile Araignée n'a jamais appris comment se faire aider. Une boule dans la gorge, étouffante, qui remonte, lentement, doucement ; comme le bout de ses doigts s'approchant de son bras trempé, de ce tissu froissé...

Et lorsqu'enfin la peau est effleurée, qu'une connexion frêle et fugace se crée, un mot apparait. Vide de sens, étrange fulgurance qui bouleverse ses sens.

« Maman. »