« Il va falloir que tu apprennes à faire sans moi, fille. Je ne peux pas m’occuper de toutes mes affaires en personne… Alors je compte sur toi. »
Sibylle ruminait sur ces mots alors que l’élégante voiture noire glissait lentement dans les rues d’Opale. Marcus demeurerait à l’intérieur de la voiture pour une fois – il était chauffeur aujourd’hui et ne viendrait que si elle appelait à l’aide. La cible avait beau avoir la réputation d’être… Impressionnante, les chances que Sibylle soit en danger étaient très faibles. Aujourd’hui, pour la première fois, elle se débrouillait seule.
La voiture s’éloigna du centre-ville pour s’enfoncer dans un quartier résidentiel plus calme, aux jolies maisons bordées de petits jardins remplis de plantes tropicales – figuier, bougainvilliers, palmiers, et aux petites haies en buis parfaitement taillées, accompagnées de délicates barrière de fer forgées peintes en blanc formant des arabesques s’aboutissant en fleurs dorées. Un endroit ou semblait régner la paix et où Sibylle entendait moins le boucan émotionnel de la ville. Même les hommes trouvaient le répit en certains lieux, semblait-il.
La voiture s’arrêta, avec elle le ronronnement du moteur au Myste.
« Prête, Mademoiselle ? » s’enquit Marcus en jetant un regard à la jeune femme dans le rétroviseur. Sibylle considéra sa question un instant, l’air pensive.
« Tu n’as rien à craindre, ton nom seul te protège. Mon nom seul te confère mon autorité. Tu es intouchable. »
Il allait falloir qu’elle use de ce nom qu’Ekaterina lui avait donné. Quel concept étrange, utiliser un nom, mais puisqu’il le fallait… « Prête. » répondit-elle finalement. Le chauffeur hocha la tête avant de s’extirper de la voiture afin de lui ouvrir la porte, lui tendant une main gantée pour aider sa frêle silhouette à tenir sur ses pieds. La voiture était… un peu basse à son goût. Avec un signe de tête, il retourna s’installer à sa place, et l’observa depuis la fenêtre alors qu’elle se tenait sur le perron.
Quelle jolie maison songea-t-elle, très différente de l’opulent manoir dans lequel s’enfermaient les Excelior. Avec ses arcatures qui ressemblaient à de la dentelle blanche et sa légère structure de bois, elle avait l’air… de respirer. Elle était bien différente de ces immuables manoirs de pierre. Un éclat lumineux attira son regard – c’était le reflet du soleil sur une structure en verre, visiblement remplie de végétation, dont elle ignorait l’usage. Qu’était-ce ? C’était étrangement beau.
Elle ne portait pas de gants aujourd’hui par soucis de… praticité. Elle n’aurait peut-être qu’une occasion de saisir les émotions de Miss Belerral alors… Elle s’état vêtue simplement, d’une robe au col et aux manches de dentelles rayée bleu et blanc, une robe adaptée à un jour de repos. Il ne fallait pas être trop formelle, lui avait signalé sa mère. Mais elle se sentait nue, sans ses gants. Ses doigts fourmillaient déjà.
Elle s’avança sur le perron pavé de pierre blonde, les paroles d’Ekaterina tournant en boucle dans sa tête.
« Souviens-toi, la politesse est clé. Tu t’avanceras, sonneras à la porte, t’annonceras et… »
- Bonjour, permettez-moi de me présenter. Je suis Sibylle, assistante de Madame la Conseillère de l’Intérieur. J’ai rendez-vous avec Madame Belerral, pouvez-vous me conduire à elle ? Merci infiniment.
Pour le moment, tout se passait dans l’ordre dicté par Ekaterina. Un bon départ.