Ven 11 Nov - 12:51
[Salon de madame Del Stelo, un jour de Bahlam 1900]
Ainsi, les on-dit étaient vrais – face à la splendeur des rues, le grandiose des bâtiments, voire l’allure du gratin, on ne pouvait qu’avouer l’opulente supériorité de la Cité aux Mille Lumières.
Et cela, Rufus l’avouait lui aussi, malgré son intense désintéressement pour la beauté des villes.
Cela faisait deux jours qu’il était arrivé. Deux longs jours de préparation, à disposer les automates, à les vérifier ; à répéter son discours, encore et encore, jusqu’à ce que s’embrume la frontière entre ses neurones et des rouages.
Mais, enfin, on y était. Le premier Grand Salon des Automates Epistostes d’Opale venait d’ouvrir ses portes, bien que son nom grandiloquant ne capta pas toute la vérité du moment – premier, il l’était ; porté par des industriels de l’Automatique epistoste, tout autant. Mais grand … S’installant sur tout l’étage de l’hôtel particulier d’une richissime héritière opaline, il s’étendait assez pour offrir de jolies vitrines à chaque produit ; mais il était concevable que pareille place fût à même d’accueillir une foule décente.
Enfin, cela n’avait aucune importance : l’entrée se faisait au copinage – voire, à défaut, au portefeuille -, ce qui colmatait considérablement le problème de place.
Si le Sapiarque était là, c’était en qualité d’expert. Bien que l’immense majorité du convoi epistoste se composa de chefs d’industrie et de commerciaux, une liste restreinte d’intellectuels furent invités pour combler les lacunes techniques des messieurs en costume trois pièces.
Des dizaines de stands, trois fois plus de produits ; le salon suivait son cours, et bien. Un brouhaha intéressé s’évertuait à étendre son emprise, tandis que de plus en plus d’argent promis s’échangeait d’une bouche à l’autre. La plus grande partie du cheptel mécanique se composait d’auxiliaires de vie : du simple automate servant de maison au majordome pétri d’engrenages, il y en avait pour tous les goûts. De son côté, le professeur Gnilierbaip se tuait à expliciter les détails de fonctionnement de chaque produit, demandé à tous les coins par de richissimes ignares (du domaine, c’est-à-dire tout son monde pour Rufus).
Enfin, parfois, entre deux demandes, il revenait à son propre présentoir. Une table flanquée de quelques oriflammes, portant à la fois l’emblème de l’Académie des Sciences et le sigle du plus friqué investisseur, couverte de proto-cerveaux et serties de petits automates de service ; voilà tout son royaume, qui faisait pale figure face aux merveilles de ses confères. Mais, payé à la présence et sans commission, ça ne l’intéressait guère de rivaliser dans une voie qu’il ne maîtrisait que trop mal.
Et puis, il était sapiarque. Il en avait l’habit et l’allure – finalement, là était la meilleure publicité.
Alors, il chaussa de nouveau son sourire et son air intelligent, l’œil à l’affût du moindre appel à l’aide d’un des vendeurs.
Ainsi, les on-dit étaient vrais – face à la splendeur des rues, le grandiose des bâtiments, voire l’allure du gratin, on ne pouvait qu’avouer l’opulente supériorité de la Cité aux Mille Lumières.
Et cela, Rufus l’avouait lui aussi, malgré son intense désintéressement pour la beauté des villes.
Cela faisait deux jours qu’il était arrivé. Deux longs jours de préparation, à disposer les automates, à les vérifier ; à répéter son discours, encore et encore, jusqu’à ce que s’embrume la frontière entre ses neurones et des rouages.
Mais, enfin, on y était. Le premier Grand Salon des Automates Epistostes d’Opale venait d’ouvrir ses portes, bien que son nom grandiloquant ne capta pas toute la vérité du moment – premier, il l’était ; porté par des industriels de l’Automatique epistoste, tout autant. Mais grand … S’installant sur tout l’étage de l’hôtel particulier d’une richissime héritière opaline, il s’étendait assez pour offrir de jolies vitrines à chaque produit ; mais il était concevable que pareille place fût à même d’accueillir une foule décente.
Enfin, cela n’avait aucune importance : l’entrée se faisait au copinage – voire, à défaut, au portefeuille -, ce qui colmatait considérablement le problème de place.
Si le Sapiarque était là, c’était en qualité d’expert. Bien que l’immense majorité du convoi epistoste se composa de chefs d’industrie et de commerciaux, une liste restreinte d’intellectuels furent invités pour combler les lacunes techniques des messieurs en costume trois pièces.
Des dizaines de stands, trois fois plus de produits ; le salon suivait son cours, et bien. Un brouhaha intéressé s’évertuait à étendre son emprise, tandis que de plus en plus d’argent promis s’échangeait d’une bouche à l’autre. La plus grande partie du cheptel mécanique se composait d’auxiliaires de vie : du simple automate servant de maison au majordome pétri d’engrenages, il y en avait pour tous les goûts. De son côté, le professeur Gnilierbaip se tuait à expliciter les détails de fonctionnement de chaque produit, demandé à tous les coins par de richissimes ignares (du domaine, c’est-à-dire tout son monde pour Rufus).
Enfin, parfois, entre deux demandes, il revenait à son propre présentoir. Une table flanquée de quelques oriflammes, portant à la fois l’emblème de l’Académie des Sciences et le sigle du plus friqué investisseur, couverte de proto-cerveaux et serties de petits automates de service ; voilà tout son royaume, qui faisait pale figure face aux merveilles de ses confères. Mais, payé à la présence et sans commission, ça ne l’intéressait guère de rivaliser dans une voie qu’il ne maîtrisait que trop mal.
Et puis, il était sapiarque. Il en avait l’habit et l’allure – finalement, là était la meilleure publicité.
Alors, il chaussa de nouveau son sourire et son air intelligent, l’œil à l’affût du moindre appel à l’aide d’un des vendeurs.