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[1899] Le beurre et l'argent du beurre

[1899] Le beurre et l'argent du beurre Brandw10
Ven 15 Nov - 6:33

Les bouges infâmes de la basse ville

bas-quartiers d'Epistopoli


Même les quartiers les plus pourris de la cité des Science ne connaissaient pas la nuit. Dans les lampes qui grésillaient venaient se noyer des insectes de tous bords dans des étincelles mortuaires. Les bestioles craquaient sous le regard indifférent des miséreux qui s’amoncelaient là où on voulait bien d’eux. Le Cri du goret était l’un de ces établissements où la bière n’y était pas diluée à la pisse et où on pouvait de quoi se remplir le gosier avec peu. C’était le moins pire, comme on pouvait dire dans le jargon. C’était aussi un endroit où ou ne faisait pas n’importe quoi et où il valait mieux ne pas laisser traîner ses sales pattes si on voulait survivre assez longtemps. Les fauteurs de troubles y étaient donc mal vus, et encore plus ceux qui venaient là les armes au clair. C’était un endroit toléré où on tractait de choses et d’autres. Surtout de trafics de drogue et d’armes. Rien qui ne soit étonnant dans ce recoin mal famé. On était loin des quartiers huppés, alors on fermait les yeux. Un mal nécessaire ? Peut-être ?

- Un ramassis de trous du cul.


Certainement.

Encore une affaire de merde, avec un pauvre gamin qui s’était fait entraîner dans tout ce chaos et s’était retrouvé à dealer pour se payer ses traitements pour ses prothèses, elles-mêmes issues de mauvais traitement. C’était un cercle vicieux dans cette cité, où on pouvait se retrouver dans la misère pour rien à respirer les pots d’échappement des pourris luxueux de la haute ville. C’était la mère qui était venue, lorsque le gamin avait disparu. Comme toujours : la mère, la sœur. Le gamin. Parfois les voisins. Mais toujours y’avait les larmes, et les petits qui se faisaient broyer par le reste. Systématiquement, ça dégénérait : on venait pas dans son bureau pour les histoires simples. C’en était unes de celles-là. Peut-être qu’elle valait la peine d’être racontée, peut-être pas. Mais ça avait commencé par la disparition d’un gosse. Qui menait au Cri du goret. Drôle de nom, mais qui avait une histoire. C’était un ancien abattoir, qui avait été retapé en abreuvoir. Il avait gardé son nom car c’était aussi là, dans le temps, qu’on faisait disparaître les gars gênants. Les cris des cochons se mêlaient à ceux qui avaient foutu leurs pattes là où il fallait pas. C’était donc par là qu’il faudrait commencer, là où Redskin mettrait ses grosses paluches en premier.

Il avait contacté un de ses indic’, un gros lard appelé 48. Augmenté de tous les côtés, il bossait comme porte-flingue pour des sales types et avait roulé sa bosse un peu partout. Il ressemblait plus à grand-chose mais avait besoin de telles doses d’adaptateurs pour ses amplifications qu’il était devenu à moitié camé pour supporter la douleur et le manque. C’était pas facile de le faire parler, mais il avait le sens des affaires et du devoir. Phil l’avait sorti d’une ou deux merdes dans le temps, et ça avait valu une sorte d’entente mutuelle entre gros lards qui l’avait bien arrangé. Rendez-vous à dix-neuf heures, autour d’un verre. Comme d’hab. Il trainait tout le temps là-bas de toute façon.

Redskin se pointa naturellement avec une demi-heure de retard, un flingue chargé et une sale envie de s’envoyer de la gnôle au fond des dents. Mauvaise journée, comme toutes les autres. Cette ville de merde ne changeait pas et la misère de ceux qui n’étaient rien ne faisait que s’empirer. Ça sentait la guerre, cette histoire. Des tensions pas saines et des jeux de pouvoir qu’ils ne comprenaient pas en bas. Mais ils étaient loin de la dorure des Sapiarques, de ces foutus connards qui se pensaient plus intelligents. Phil poussa les portes du troquet et renâcla lorsque les effluves de vomi et de sueur lui brûlèrent les narines. Comme d’habitude, le silence se fit à son entrée. Puis les conversations reprirent. C’était le monstre local, le saraph du coin. Ça courait pas les rues. Et ça avait une sale réputation. Il s’avança vers le comptoir, fit un signe de la main. Lui aussi avait l’habitude de venir ici. Il tira un cigare d’une poche intérieure et l’alluma avec son briquet. Son verre en main il se tourna. Tiens, 48 était pas encore là. Certes, les heures étaient souvent indicatives entre eux, mais c’était rare que Phil soit le premier à arriver.
Ven 15 Nov - 12:00
Le Cri du Goret ? Drôle de nom quand on y pense, mais lorsqu’on y met les pieds pour la première fois, on entrevoit rapidement le pourquoi du comment. Un bar installé dans un putain d’abattoir. Quelle idée… Parait que la place était jadis l’endroit idéal pour faire [striker]couiner[/strike] disparaître de pauvres âmes. Fréquenté par les crevures de la pire espèce. Balayage rapide de la pièce, brève analyse de la clientèle, conclusion sans appel : c’est toujours aussi mal famé. Tournoyant lentement dans son contenant de verre, le whisky fraîchement commandé semblait comme lancé dans une valse flamboyante. Les yeux rivés sur le précieux spiritueux, attablé en solitaire dans le fond de la pièce, Zane rongeait son frein en silence. La raison qui l’avait poussé à se rendre ici, au beau milieu de la capitale du savoir ? Le business bien sûr. Peeter et lui avaient récemment été mis au parfum d’un plan plutôt juteux. Une cargaison d’arme s’apprêtait à quitter Espistopoli en toute discrétion. Faible escorte, très peu de gens au courant, un coup facile qui pourrait rapporter gros. Occasion rêvée pour prouver sa loyauté et affirmer sa place dans l’organisation, l’Opalin se porta aussitôt volontaire. Première étape, dénicher un indic’. Un gars du coin, un gus dénommé 48. Drôle de blaze si on doit donner son avis. Un camé susceptible de donner plus d’infos à propos du convoi.. moyennant finances bien entendu. Bah ouais, rien n’est gratuit en ce bas monde. Apparemment, ce 48 serait un habitué ici au Cri du Goret. L’information, c’est le pouvoir. Et derrière ses airs de toxico délabré en bout d’course, le type était à priori une véritable mine d’information.

Vidant son verre aussi sec, Zane scruta de nouveau la pièce à la recherche d’un client qui répondrait à la description donnée. Mais sans trouver son bonheur. Sur sa droite, un gamin plutôt frêle semblait végéter, le regard vague, comme perdu dans la mousse qui dépassait de sa pinte. Derrière lui se jouait une petite partie de poker entre trois vieux briscards, sûrement des habitués. Un peu plus loin, trois loubards asticotaient l’une des serveuses. Repoussant leurs avances graveleuses, cette dernière peinait à s’en dépêtrer.


Pauvres merdes.. pensa l’Opalin en les observant avec dédain.


Pas l’ombre d’une trace de l’optimisé recherché. Et pourtant, on lui avait bien dit qu’il passait le plus clair de son temps dans le secteur. Quelque chose clochait. Trois foutus jours que Zane traînait dans ce taudis et toujours aucune info supplémentaire sur le convoi. À mesure que les minutes défilaient, à mesure que les heures avançaient, le risque de voir la cargaison d’arme lui filer sous le nez augmentait, sans qu’il ne puisse malheureusement rien y faire. Il remarqua alors la présence d’un gaillard peu banal non loin de l’imposant comptoir en bois qui trônait au centre de la pièce. Peau rouge sang, carrure imposante, sûrement une de ces saloperies de Saraph. Le genre de gars qui t’arrache la tête en deux temps trois mouvements si t’as la mauvaise idée de le déranger. Cigare aux lèvres, lui aussi semblait attendre quelqu’un, jetant régulièrement un œil en direction de la porte. Et justement voilà qu’un optimisé grassouillet finit par se pointer, un optimisé qui correspondait parfaitement aux descriptions du dénommé 48. Alors que Zane s’apprêtait à lever son cul pour aller à sa rencontre, il se stoppa net lorsqu’il réalisa que sa cible était également celui que ce golgoth de Seraph attendait.


Mauvais timing. Fait chier… songea l’Opalin.


Il resta dans son coin, préférant observer les deux lurons en attendant patiemment son heure pour accoster celui qu’il supposait être 48. Ce qu’ils avaient à voir ensemble, c’était pas franchement ses oignons. À moins que le Seraph en ait lui aussi après la cargaison de flingues, auquel cas la situation risquait fort de se tendre. Faut dire que Peeter ne lui avait pas confié grand chose à échanger contre les tuyaux. Et s’il finissait par devoir en venir aux mains avec le colosse pourpre, Zane lui même ne parierait pas sur ses propres chances de l’emporter. Un détail retint alors soudainement son attention. Un peu plus loin, les vieux briscards avaient interrompu leur partie de carte et se murmuraient des trucs, l’attention tournée vers le nouvel arrivant. Même topo du côté des lourdauds de l’autre côté de la pièce, qui semblaient enfin avoir lâché la serveuse, reluquant désormais l’optimisé gras du bide. Quelque chose se tramait au Cri du Goret, et l’Opalin, main posée sous la table sur la crosse de son revolver, avait la désagréable sensation que les choses risquaient de se gâter dans peu de temps.
Ven 15 Nov - 18:13

Les bouges infâmes de la basse ville

bas-quartiers d'Epistopoli


Un autre. Voilà. De quoi noyer les asticots. On savait jamais quels vers on choppait à manger ici. Son bâton était à moitié calcine lorsque les claudications métalliques commencèrent à se faire entendre. Phil redressa la tête, espérait que cette fois était la bonne. Son siège grinça de souffrance lorsqu'il se redressa et que la tête enfarinée de 48 passa la porte. Sa bedaine suintait d'un horrible débardeur qui mettait en valeur son hygiène douteuse. Ses pupilles dilatées trahissaient un fix tardif qui avait émoussé son univers. Le Saraph grogna et alla à sa rencontre. Il se campa devant lui et renâcla. Le malfrat lui fit signe d'aller au fond, dans un recoin salle où un canapé jouxtait une table basse.

- T'as mis ton temps, 48. J'ai cru qu'on t'avait enfin mis une balle où tu le méritais.

- Ta gueule, Redskin. Rappelle-moi pourquoi je t'ai donné rendez-vous ici déjà ?
s'étonna l'augmenté, enfoncé dans le canapé.

Le détective haussa un sourcil et ses yeux safran étincelèrent d'une lueur mauvaise. C'était bien sa veine, le mec était encore stone. Complètement défoncé. Putain, parfait. Il devait nager dans un jus de cerveau et de greffes déficientes.

- Putain, mais t'es encore défoncé ? Tu veux que je te remette les idées en place ?

- Attends, attends ! Je peux gérer, je peux gérer. Désolé, Red', tu sais on vient de conclure alors c'est normal de prendre un peu de bon temps tu vois. fit l'amélioré, les mains en l'air pour se protéger de la pogne levée du saraph.

Le rouge baissa sa main et grogna une insulte dans un vieux langage. Il ralluma son cigare, tira une bouffée et sirota son whisky en attendant que l'autre camé commence à parler.

- Rien qui t'intéresse, une histoire de ... cargaison. Bref. Disons que quelques gars seront pas mécontents de voir certains autres gars se faire délester de leurs armes. Bon, tu voulais quoi ?

Le saraph fit une grimace qui signifiait qu'il en attendait plus mais il n'alla pas plus loin. Il soupira, posa sa main sur la crosse de son arme et la tapota, agacé. Le gamin, il était là pour le gamin. Le reste l'intéressait pas. Il se gratta la barbe et allait ouvrir le bec lorsque trois types à l'allure crasseuse vinrent se poser à côté d'eux. Des types du fond, qu'il avait aperçu de loin. Des types qu'il avait jamais vu. Logique. Sinon ils se seraient pas permis de venir l'emmerder.

- C'est toi 48 ? commença le plus petit des trois.

Une sorte de gringalet avec un chapeau melon et une moustache qui tombait sur des bajoues pleines de cicatrices. Sa tenue oscillait entre le kaki et le noir, et trahissait plusieurs augmentations mécaniques. Les deux qui l'accompagnaient partageaient comme un air de famille, les tâches de rousseur et l'air béat en sus. Ils avaient eux aussi quelques ajouts. Les trois partageaient le point commun d'avoir deux prothèses oculaires. Et de puer la vinasse. Le gros lard de 48 se figea et les regarda, une poussée d'adrénaline le ramenant à terre.

- J'étais là avant, tête de poodle. Alors tu dégages et tu me laisses lui causer et peut-être que je t'y autoriserai après. tonna le détective, droit dans les yeux du pauvre type qui ne recula pourtant pas.

- Je te parlais pas l'aberration. Tu vas être bien gentil et rentrer sucer les mamelles de ta pesta de mère, okay ?


- Oh merde ... murmura 48.

- Pardon ?! T'as dit quoi sac à merde ? grogna le saraph en se relevant.

Il se campa devant le gringalet qui sembla un peu rétrécir face aux têtes que lui mis le saraph. Les deux autres virent l'encadrer et posèrent leur main sur leurs armes. Redskin attendit. Un ange passa. Personne ne tira. Il ne répéta pas. Les trois hommes tentèrent de jouer les caïds puis firent demi tour. Ils levèrent les mains puis entamèrent de faire mine de partir lorsque le gringalet, arrivé à la porte, se retourna vers l'intérieur pour jeter un dernier regard. Phil s'était déjà rassit, et tirait à nouveau une latte de son cigare. L'événement ne semblait pas l'avoir marqué ni perturbé. Il en avait même un sourire en coin, heureux d'avoir pu poser ses sabots sur la table et fait monter la température. Il sembla pourtant tiquer et remarquer quelque chose car sa main se porta vers son arme une fraction de seconde avant que le gringalet n'ouvre sa gueule. Une fraction de seconde trop tard.

- 48, t'as le bonjour de Drogzy ! cria-t-il, avant de tirer un colt de sa poche et d'ouvrir le feu.
Ven 22 Nov - 11:00
Alors que le Saraph à la couenne écarlate semblait avoir mit les points sur les I et que la tension était retombée façon soufflet raté, l’un des gaillards ouvrit officiellement les hostilités. Colt dégainé, salutations distinguées adressées, les premiers coups de feu fusèrent en direction de 48. Évidement, fallait que quelqu’un en ait après lui… Et si ce porc optimisé venait à claquer ici et maintenant, l’Opalin pourrait alors dire adieu à la cargaison d’armes. Pas question de laisser cette petite bande de merdeux lui gâcher la fête. Zane donna un violent coup de pied chassé dans la table la plus proche, qui glissa jusqu’à heurter le tireur, l’interrompant aussi sec. L’un de ses acolytes dégaina alors pour ouvrir le feu à son tour. Plongeant précipitamment derrière le comptoir, l’Opalin échappa in extremis à une salve meurtrière. Pas une seule seconde à perde, si 48 venait à se faire trouer la peau, les précieuses informations sur la cargaison d’arme tant convoitée par Peeter s’évaporeraient. Rampant rapidement le long de son abris, Zane jeta un coup d’œil prudent pour se rendre compte de la situation. En moins de temps qu’il n’en faut pour dire Epistopoli, la salle commune du bar s’était transformée en champ de bataille. Impensable de quitter les lieux en l’état, surtout avec 48 sous le bras. Les probabilités de prendre une balle perdue étant très importantes, Zane se résigna à entrer dans la danse à son tour.


Quand faut y aller… soupira-t-il.


Saisissant une bouteille de rhum bon marché à moitié vide pleine qui trainait la, il bondit par dessus l’imposant comptoir en bois et frappa avec force la mâchoire du porte flingue le plus proche, qui en perdit son pétard. Volte-face, il esquiva de justesse un coup de surin qui lui était destiné et asséna un rapide coup de genou dans les côtes de son nouvel assaillant. Quelqu’un l’empoigna alors pour le projeter avec force contre une table un peu plus loin. Pestant, il se releva d’un bond, et avec adresse, il lança la bouteille de rhum. Tournoyant, sifflant, déversant son contenu, elle explosa en heurtant le front de l’un des joueurs de carte qui s’apprêtait à ouvrir le feu à son tour, le neutralisant sur le coup. Se tournant en direction de 48, Zane se précipita pour saisir un énième client belliqueux par le col, puis le tira en arrière pour le projeter avec fracas sur le plancher, et ainsi l’empêcher de s’en prendre à sa cible.


Quarant’huit c’est ça ? J’ai à te causer… lança le jeune homme souriant et plein d’aplomb.


Mais son sourire s’effaça brutalement lorsque l’imposante main rougeâtre du Saraph se posa lourdement sur son épaule. Expression fermée, nul besoin pour lui de piper mot, l’Opalin comprit que s’il souhaitait s’entretenir avec l’optimisé, il allait devoir prendre un ticket. Alors que ce dernier s’apprêtait à montrer pattes blanches pour espérer ne pas se prendre une raclée d’anthologie, un hurlement strident le prit de court. Crise de panique ou délire psychotique de toxico, 48 dérailla totalement. Agité, les yeux révulsés, il se jeta au sol et rampa frénétiquement sur quelques mètres avant de perdre totalement connaissance. Devant se spectacle pitoyable, Zane resta interdit, échangeant un regard dubitatif avec le Saraph qui ne semblait pas plus saisir la situation que lui.


Écoute mon grand.. j’ai rien contre quarante-huit. Je veux simplement discuter.. enfin s’il le peut encore…


Totalement éteint, écume au coin des lèvres, le gaillard gisait inerte sur le plancher. Était il mort ? Avait il prit une balle ? Venait il de vivre l’overdose de trop ? Difficile à dire. Mais les balles qui continuaient à fuser n’aidaient pas vraiment à réfléchir. Il fallait bouger d’ici et vite. Et au vu du gabarit de cet enfoiré, sortir de cette escarmouche en un seul morceau tout en se trimbalant sa carcasse.. l’aide du cornu semblait de plus en plus indispensable.