Sam 9 Nov - 18:51
Ouverture
A tous ceux qui brillent
Sous la nuit encore jeune, dans son habit de lumière, la mégalopole resplendissait.
Finies les routes de terre, finies les pagodes discrètes et usées, finies les chandelles et les lanternes pour éclairer difficilement le coin des rues. Les pierres polies et usées par le temps et les souliers des travailleurs étaient noyés par le bitume. A la place des comptoirs et des petites maisons s’alignaient des immeubles à n’en plus finir, des tours immenses qui grattaient le bout du ciel, parées de plaques de verre qui leur donnait des airs d’étoiles. La cité entière était un diamant - la belle ville, en tout cas. Ses bas-fonds, condamnés à l’obscurité, restaient nappés de ténèbres.
On y respirait bien, étrangement bien - les lampes éclairaient seules les coins des rues sans qu’on ne vienne vérifier l’état de la chandelle. Une magie epistote - sans aucun doute. Mais sous des cils courbes, un regard n’était pas dupe : la vraie magie venait de la main attentive qui veille à sa flamme, pas d’un cristal antique qui se suffit à lui-même. Passéiste? Peut-être. Mais devant cette débauche de moyens, elle admettait que l’humain lui manquait.
Il régnait une ambiance électrique devant le Marquis - une foule s’était massée devant ses portes pour fumer quelques substances alors que se pressait à son entrée une petite rivière qui n’avait pour but que de se faire une place dans la salle de concert. Chacun resplendissait comme un diamant, véritable dandy ou splendide muse - même si la musique amassait les foules, on se demandait rapidement si on n’était pas là pour être vue plus que pour écouter la dernière pièce.
Petite souris discrète, une spinelle solitaire se faisait une place dans ce torrent humain. On ne la reconnaissait qu’à ses tresses grenat, elle qui avait troquée son kimono et ses sandales xandriennes pour une longue robe noire de velours qui ne laissait apparaître que son dos par une large découpe - capter le regard de ceux qu’on a derrière soi protège aussi bien ses arrières que de révéler trop de clavicule. Le noir pour seule couleur? Heureusement non - il en fallait bien pour atténuer pareille crinière, et tous ces bijoux qui ornaient chaque phalange, son cou, ses poignés. Et autour de son cou jusqu’à sa taille, c’était un long dragon d’or qui finissait par achever ce tableau. Cobra de Xandrie, de la tête au pied - mais son parfum n’était pas celui des écailles et du sang, à la place, elle laissait derrière elle une traînée de camélia, de jasmin et de fleur d’oranger.
Rapidement, elle s’était frayée un chemin jusque dans le hall, distillant des sourires autour d’elle et feignant la solitude avec des œillades désolées. Gente dame, seule, ici? Certainement pas. Mais de la même façon qu’on remportait une partie de janggi, il fallait savoir placer chaque pion avec délicatesse. Surtout quand on avance dans le palais adverse…
Mais pour quel objectif? Depuis les salons monétaristes et les tables de taverne moins recommandables, l’eau avait coulé sous les ponts, les indices remontés aux oreilles. Le portrait de l’ancien ministre commençait à prendre forme, à chaque nouvelle journée s’ajoutait un coup de pinceau, une nouvelle couleur, une nouvelle lueur. Trio infernal envoyé en mission… Non, pas tout à fait. Plutôt en chasse. Si ils voulaient ramener au Guet et à Chaya de quoi aiguiser leurs crocs sur du cuir strigoi, il leur fallait d’abord localiser le dit fugitif. Le ministre aurait eu des liens avec Epistopoli - avec Seraphah Von Arendt, pour être précis. Le propriétaire du Marquis était un homme convoité, riche de ses rapports avec l’Alliance et avec le pouvoir en place. Un homme de goût à en juger le luxe de l’endroit - féline, Lan-Lan tenait fermement une invitation qu’elle présenta à un portier qui lui indiqua d’une main un escalier recouvert de velours rouge. Tout sentait le raffinement. Mais sous les diamants, elle espérait surtout trouver de quoi faire avancer leur route.
Alors qu’elle grimpait les marches, elle refusa son plan. Ce n’était guère plus qu’un squelette, une ébauche de plan plus qu’un véritable tableau. Elle aimait se laisser la marge de l'imprévu, ce qui n'était pas le cas de ses compagnons de route. L’Aramilan était aussi dur à lire que son jeu était parfait, et Gerald, lui, faisait route avec la légèreté des princes en camouflant un professionnalisme certain. Un sourire éclairait sans cesse la commissure de ses lèvres. Avec un rien d’épice et ce qu’il fallait d’étincelles, ils feraient des merveilles…
Ces quelques jours lui avaient permis de faire quelques achats, assez pour renforcer ces quelques possessions - exposées à tous, encerclées d’or. De quoi faire s’assurer quelques secrets, par substance ou par choix. Rapidement, l’escalier débouchait sur un balcon où s’alignaient trois rangées de chaises finement décorées. Une loge pour les invités privilégiés, assez grande pour accueillir une quinzaine de personnes et leur permettre d’apprécier l’opéra en toute discrétion. Oh, elle n’était pas là par hasard. Non seulement elle pourrait apprécier la pièce, mais également les autres spectateurs. En se concentrant discrètement, son esprit en chercha un autre… tout proche.
°Je suis en place.° Pense-t-elle dans l’esprit d’Azur. Ou, du moins, elle espérait bien avoir atteint la bonne cible.°Surpris? Ne montre rien.°
Il pourrait sans doute entendre sa voix, mais elle ne serait pas à portée de regard. Et n'importe qui la croiserait des yeux ne verrait pas ses lèvres bouger. Merveille que la télépathie - pouvoir glisser sur les esprits, envahir leur crâne en toute discrétion… Voilà une amusante trouvaille pour orner ses oreilles. D’autant qu’elle avait tout le loisir de s’amuser. °Si tu as besoin d’aide… Penses à moi.°
Confirmation faite, la poupée décrocha ses pensées prestement pour chercher son deuxième interlocuteur. Ils étaient trois loups à avoir envahi l’édifice ce soir-là, divisés, chacun là où il aurait le plus de chance de glaner des informations. Sa mission, à elle, se résumait à un nom: Rufus Garibaldi. Il était toujours compliqué de savoir comment cet éminent scientifique était relié à Ekiel, mais celui-ci avait définitivement loué ses services pendant son temps à Epistopoli. Et quelle aubaine : il avait le siège à côté du sien.
°Prêt à négocier quelques œuvres d’art?° comme une colombe sur un arbre trop haut, sa voix s’était manifestée dans l’esprit d’Arno sans plus de cérémonie - à quoi bon? L’effet de surprise était plus délicieux. °J’ai trouvé ma place - bonne chasse, et flairez-nous un bon tuyau.°
Elle rompit le contact avec sa boucle d’oreille presque immédiatement, laissant s’évanouir ses pensées - la salle se remplissait petit à petit, laissant grossir comme une tempête un brouhaha de voix, de diamants, de secrets. La nuit s’annonçait mémorable pour Epistopoli… Et plus encore, pour eux.
Finies les routes de terre, finies les pagodes discrètes et usées, finies les chandelles et les lanternes pour éclairer difficilement le coin des rues. Les pierres polies et usées par le temps et les souliers des travailleurs étaient noyés par le bitume. A la place des comptoirs et des petites maisons s’alignaient des immeubles à n’en plus finir, des tours immenses qui grattaient le bout du ciel, parées de plaques de verre qui leur donnait des airs d’étoiles. La cité entière était un diamant - la belle ville, en tout cas. Ses bas-fonds, condamnés à l’obscurité, restaient nappés de ténèbres.
On y respirait bien, étrangement bien - les lampes éclairaient seules les coins des rues sans qu’on ne vienne vérifier l’état de la chandelle. Une magie epistote - sans aucun doute. Mais sous des cils courbes, un regard n’était pas dupe : la vraie magie venait de la main attentive qui veille à sa flamme, pas d’un cristal antique qui se suffit à lui-même. Passéiste? Peut-être. Mais devant cette débauche de moyens, elle admettait que l’humain lui manquait.
Il régnait une ambiance électrique devant le Marquis - une foule s’était massée devant ses portes pour fumer quelques substances alors que se pressait à son entrée une petite rivière qui n’avait pour but que de se faire une place dans la salle de concert. Chacun resplendissait comme un diamant, véritable dandy ou splendide muse - même si la musique amassait les foules, on se demandait rapidement si on n’était pas là pour être vue plus que pour écouter la dernière pièce.
Petite souris discrète, une spinelle solitaire se faisait une place dans ce torrent humain. On ne la reconnaissait qu’à ses tresses grenat, elle qui avait troquée son kimono et ses sandales xandriennes pour une longue robe noire de velours qui ne laissait apparaître que son dos par une large découpe - capter le regard de ceux qu’on a derrière soi protège aussi bien ses arrières que de révéler trop de clavicule. Le noir pour seule couleur? Heureusement non - il en fallait bien pour atténuer pareille crinière, et tous ces bijoux qui ornaient chaque phalange, son cou, ses poignés. Et autour de son cou jusqu’à sa taille, c’était un long dragon d’or qui finissait par achever ce tableau. Cobra de Xandrie, de la tête au pied - mais son parfum n’était pas celui des écailles et du sang, à la place, elle laissait derrière elle une traînée de camélia, de jasmin et de fleur d’oranger.
Rapidement, elle s’était frayée un chemin jusque dans le hall, distillant des sourires autour d’elle et feignant la solitude avec des œillades désolées. Gente dame, seule, ici? Certainement pas. Mais de la même façon qu’on remportait une partie de janggi, il fallait savoir placer chaque pion avec délicatesse. Surtout quand on avance dans le palais adverse…
Mais pour quel objectif? Depuis les salons monétaristes et les tables de taverne moins recommandables, l’eau avait coulé sous les ponts, les indices remontés aux oreilles. Le portrait de l’ancien ministre commençait à prendre forme, à chaque nouvelle journée s’ajoutait un coup de pinceau, une nouvelle couleur, une nouvelle lueur. Trio infernal envoyé en mission… Non, pas tout à fait. Plutôt en chasse. Si ils voulaient ramener au Guet et à Chaya de quoi aiguiser leurs crocs sur du cuir strigoi, il leur fallait d’abord localiser le dit fugitif. Le ministre aurait eu des liens avec Epistopoli - avec Seraphah Von Arendt, pour être précis. Le propriétaire du Marquis était un homme convoité, riche de ses rapports avec l’Alliance et avec le pouvoir en place. Un homme de goût à en juger le luxe de l’endroit - féline, Lan-Lan tenait fermement une invitation qu’elle présenta à un portier qui lui indiqua d’une main un escalier recouvert de velours rouge. Tout sentait le raffinement. Mais sous les diamants, elle espérait surtout trouver de quoi faire avancer leur route.
Alors qu’elle grimpait les marches, elle refusa son plan. Ce n’était guère plus qu’un squelette, une ébauche de plan plus qu’un véritable tableau. Elle aimait se laisser la marge de l'imprévu, ce qui n'était pas le cas de ses compagnons de route. L’Aramilan était aussi dur à lire que son jeu était parfait, et Gerald, lui, faisait route avec la légèreté des princes en camouflant un professionnalisme certain. Un sourire éclairait sans cesse la commissure de ses lèvres. Avec un rien d’épice et ce qu’il fallait d’étincelles, ils feraient des merveilles…
Ces quelques jours lui avaient permis de faire quelques achats, assez pour renforcer ces quelques possessions - exposées à tous, encerclées d’or. De quoi faire s’assurer quelques secrets, par substance ou par choix. Rapidement, l’escalier débouchait sur un balcon où s’alignaient trois rangées de chaises finement décorées. Une loge pour les invités privilégiés, assez grande pour accueillir une quinzaine de personnes et leur permettre d’apprécier l’opéra en toute discrétion. Oh, elle n’était pas là par hasard. Non seulement elle pourrait apprécier la pièce, mais également les autres spectateurs. En se concentrant discrètement, son esprit en chercha un autre… tout proche.
°Je suis en place.° Pense-t-elle dans l’esprit d’Azur. Ou, du moins, elle espérait bien avoir atteint la bonne cible.°Surpris? Ne montre rien.°
Il pourrait sans doute entendre sa voix, mais elle ne serait pas à portée de regard. Et n'importe qui la croiserait des yeux ne verrait pas ses lèvres bouger. Merveille que la télépathie - pouvoir glisser sur les esprits, envahir leur crâne en toute discrétion… Voilà une amusante trouvaille pour orner ses oreilles. D’autant qu’elle avait tout le loisir de s’amuser. °Si tu as besoin d’aide… Penses à moi.°
Confirmation faite, la poupée décrocha ses pensées prestement pour chercher son deuxième interlocuteur. Ils étaient trois loups à avoir envahi l’édifice ce soir-là, divisés, chacun là où il aurait le plus de chance de glaner des informations. Sa mission, à elle, se résumait à un nom: Rufus Garibaldi. Il était toujours compliqué de savoir comment cet éminent scientifique était relié à Ekiel, mais celui-ci avait définitivement loué ses services pendant son temps à Epistopoli. Et quelle aubaine : il avait le siège à côté du sien.
°Prêt à négocier quelques œuvres d’art?° comme une colombe sur un arbre trop haut, sa voix s’était manifestée dans l’esprit d’Arno sans plus de cérémonie - à quoi bon? L’effet de surprise était plus délicieux. °J’ai trouvé ma place - bonne chasse, et flairez-nous un bon tuyau.°
Elle rompit le contact avec sa boucle d’oreille presque immédiatement, laissant s’évanouir ses pensées - la salle se remplissait petit à petit, laissant grossir comme une tempête un brouhaha de voix, de diamants, de secrets. La nuit s’annonçait mémorable pour Epistopoli… Et plus encore, pour eux.
- Résumons:
Arrivée en première au Marquis, Lan-Lan, dans une robe des Grands Jours (petit clin d'oeil à Mireille Darc), donne une invitation pour la première de la première du nouvel opéra. Elle est conduite jusqu'à une loge privée où sera bientôt installé un certain Rufus Garibaldi. Elle confirme sa position via télépathie à ses deux compères, et attend sa cible pour quelques mots discrets.
Mer 13 Nov - 0:16
Ouverture
Soft power
Oubliez le style industriel post-moderne d’Epistopoli. On ouvre les espaces, on ajoute du détail et du raffinement partout où les yeux se portent : encorbellements, colonnes striées, lourdes tentures savamment froissées. Miroirs, dorures, vases et velours des canapés, le Marquis ouvre sur un monde feutré un peu hors du temps façonné par un démiurge artistique flamboyant.
Le grand hôtel s’est aussi imposé comme scène artistique de référence, avec sa compagnie théâtrale et ses ballets, qui viennent égayer la morosité productiviste de scientifiques sérieux et bien barbants. Si tous ne s’intéressent pas à l’art, il est de bon ton de le laisser penser. Pour bien paraître, pour montrer son bel esprit, porté sur les questions de philosophie. En tout cas, c’est un très bon moyen de divertir les femmes, de conduire sa maîtresse à un spectacle électrisant…
La dernière lubie de Seraphah Von Arendt est la création d’un opéra grandiose. Il n’ambitionne rien de moins que d’arracher le succès de l’année à Opale, anciennement réputée dans cet art. L’Envol de de Sankhir est un opéra composé par Frederico Albergiatti, Opalien de son état… mais son drame social a été mal accueilli par ses pairs. Comme le dit la maxime : nul n’est prophète en son pays. L’Envol de Sankhir offre un voyage allégorique sur les origines du redoutable dragon rouge régnant sans partage sur la mer d’Opale. Car avant d’être un dragon, Sankhir était, selon l’œuvre, un charmant jeune homme.
Fils de bonne famille, il n’en était pas noble pour autant. Sa famille bourgeoise avait fait fortune en important des gemmes de Lapis et convoitait l’ascension. Sankhir, lui, était innocent. Au détour d’un jardin, il tombe fou amoureux à la vue de Philoména Ozwinfeld. Les flèches de l’amour opèrent, percent les cœurs de la prime jeunesse dès l’acte I. A l’acte II, les tourteraux se voient en secret en esquivant leurs responsabilités, évitant de justesse d’être surpris par Arturio, le frère aîné de Philoména dans un amour encore chaste. A l’acte III, les choses se corsent. Sankhir prend son courage à deux mains pour demander la main de son aimée au chef de famille, Arturio, qui la lui refuse et l’humilie publiquement. Une Philoména éperdue essayera d’amadouer son frère pour bénir cette union roturière. On pense alors que les deux amants alliés jusqu’au bout vogueront sur les ailes de l’amour pour dépasser leur condition à tout prix. L’acte IV met en scène la tentative de fuite des amoureux au port d’Opale. Philoména est rattrapée par sa femme de chambre qui tente de la dissuader de s’enfuir, ce qui causerait sa ruine et celle de l’honneur des Ozwinfeld. Elle n’y entend rien, mais Arturio arrive et la capture avant de l’enfermer dans la tour familiale à Opale, d’où elle voit le navire de Sankhir partir sans elle. L’acte final est un désespoir poétique. Sankhir part seul sur l’île aux Dragons, dont il gravira la plus haute falaise, avant de se jeter dans la mer. Son suicide est interrompu par la brume, qui le rattrape et le transcende par sa métamorphose en puissant dragon. A l’annonce du suicide de Sankhir, Philoména deviendra folle, mais sera tout de même mariée contre son gré à l’un des enfants des Sept par intérêt économique. Sous forme d'épilogue, on comprend que dans l’interprétation de cet opéra, Sankhir rôde en quête de sa flamme perdue...
A l’affiche, Keshâ’rem dans le rôle de Sankhir, partage l’avant-scène avec Rodriguo Salvini, un Opalien dans le rôle d’Arturio Ozwinfled et de Lycia Cassandre – amie de Keshâ – dans le rôle de Philoména Ozwinfeld. Les amants sont séparés par une barrière esthétique infranchissable, deux univers différents. N’est pas membre du sérail qui veut. Malgré le titre éponyme, Philoména est le personnage central de la tragédie, aux prises avec des choix moraux impossibles.
Depuis plus de deux mois, Keshâ’rem est dans une bulle hermétique au monde extérieur. Les choses s’accélèrent avec la préparation des décors, les répétitions générales. Les distractions sont évacuées sous l’emprise implacable de son maître de musique : Jacob Herd, dictateur tout puissant au perfectionnisme tortionnaire. Sa baguette rigide s’abat quand sa concentration flanche. Il ne vit plus que part elle. Au nom de l’Art, ses problèmes rétrécissent jusqu’à l’insignifiance. Ses doutes, ses peurs, ses craintes et son désespoir, même sa nébula, il les jette dans le feu du dragon naissant qu’il doit interpréter. En cette soirée de première, un trac abominable l’étreint. Le poids de la foule rassemblée.
Seraphah a fait un ramdam médiatique en mettant en avant la touche artistique unique de la compagnie, sur les effets spéciaux, les décors, les jeux d’acteurs et les tableaux dansés venant rehausser la performance musicale aux moments charnières. Dans l'esprit de l'ambassadeur, la culture est un instrument d'influence douce pour amadouer les cœurs. Maints industriels, savants, diplomates sont réunis en une fourmilière grouillante d’opulence, tout le gratin bedonnant, les critiques d’arts vicieux, pariant à pile ou face le succès ou la décadence. Et tout ce beau monde a fort besoin de divertissement pour échapper à une réalité de plus en plus angoissante, après les attentats. Soyez sûr que la sécurité est à son plus haut niveau. Armes et artefacts sont interdits, sauf pour ceux ayant adopté des cachettes audacieuces au moment des fouilles.
L’heure approche, des hôtesses à la sobriété impeccable accompagnent les invités jusqu’à leurs sièges cauteleux en velours rouge. Certains jouissent d’une vue exclusive depuis les des loges privés. On y arbore jumelles et éventails. D’autres sont assis sur un parterre en forme de U surmonté d’une estrade où autant attendent en cancanant.
Peu à peu, les membres de l’orchestre prennent place dans la fosse, la harpiste s’essaye à quelques accords pour délier ses doigts, alors que les cuivres s’organisent. Bientôt, deux coups retentissent, la lumière s’éteint. Les conversations meurent soudainement, quand le chef d’orchestre rejoint son pupitre, suivi d’un tonnerre d’applaudissement lorsqu’il salue le public.
L’ouverture démarre en trombe sur une mélodie instrumentale. Juste après, le rideau se lèvera, dévoilant la mise en scène.
Parti pour trois heure, l’opéra sera scandé de deux entractes de trente minutes pour permettre à chacun de s’aérer les méninges et de prendre des rafraîchissements au bar et au fumoir.
Le grand hôtel s’est aussi imposé comme scène artistique de référence, avec sa compagnie théâtrale et ses ballets, qui viennent égayer la morosité productiviste de scientifiques sérieux et bien barbants. Si tous ne s’intéressent pas à l’art, il est de bon ton de le laisser penser. Pour bien paraître, pour montrer son bel esprit, porté sur les questions de philosophie. En tout cas, c’est un très bon moyen de divertir les femmes, de conduire sa maîtresse à un spectacle électrisant…
La dernière lubie de Seraphah Von Arendt est la création d’un opéra grandiose. Il n’ambitionne rien de moins que d’arracher le succès de l’année à Opale, anciennement réputée dans cet art. L’Envol de de Sankhir est un opéra composé par Frederico Albergiatti, Opalien de son état… mais son drame social a été mal accueilli par ses pairs. Comme le dit la maxime : nul n’est prophète en son pays. L’Envol de Sankhir offre un voyage allégorique sur les origines du redoutable dragon rouge régnant sans partage sur la mer d’Opale. Car avant d’être un dragon, Sankhir était, selon l’œuvre, un charmant jeune homme.
Fils de bonne famille, il n’en était pas noble pour autant. Sa famille bourgeoise avait fait fortune en important des gemmes de Lapis et convoitait l’ascension. Sankhir, lui, était innocent. Au détour d’un jardin, il tombe fou amoureux à la vue de Philoména Ozwinfeld. Les flèches de l’amour opèrent, percent les cœurs de la prime jeunesse dès l’acte I. A l’acte II, les tourteraux se voient en secret en esquivant leurs responsabilités, évitant de justesse d’être surpris par Arturio, le frère aîné de Philoména dans un amour encore chaste. A l’acte III, les choses se corsent. Sankhir prend son courage à deux mains pour demander la main de son aimée au chef de famille, Arturio, qui la lui refuse et l’humilie publiquement. Une Philoména éperdue essayera d’amadouer son frère pour bénir cette union roturière. On pense alors que les deux amants alliés jusqu’au bout vogueront sur les ailes de l’amour pour dépasser leur condition à tout prix. L’acte IV met en scène la tentative de fuite des amoureux au port d’Opale. Philoména est rattrapée par sa femme de chambre qui tente de la dissuader de s’enfuir, ce qui causerait sa ruine et celle de l’honneur des Ozwinfeld. Elle n’y entend rien, mais Arturio arrive et la capture avant de l’enfermer dans la tour familiale à Opale, d’où elle voit le navire de Sankhir partir sans elle. L’acte final est un désespoir poétique. Sankhir part seul sur l’île aux Dragons, dont il gravira la plus haute falaise, avant de se jeter dans la mer. Son suicide est interrompu par la brume, qui le rattrape et le transcende par sa métamorphose en puissant dragon. A l’annonce du suicide de Sankhir, Philoména deviendra folle, mais sera tout de même mariée contre son gré à l’un des enfants des Sept par intérêt économique. Sous forme d'épilogue, on comprend que dans l’interprétation de cet opéra, Sankhir rôde en quête de sa flamme perdue...
A l’affiche, Keshâ’rem dans le rôle de Sankhir, partage l’avant-scène avec Rodriguo Salvini, un Opalien dans le rôle d’Arturio Ozwinfled et de Lycia Cassandre – amie de Keshâ – dans le rôle de Philoména Ozwinfeld. Les amants sont séparés par une barrière esthétique infranchissable, deux univers différents. N’est pas membre du sérail qui veut. Malgré le titre éponyme, Philoména est le personnage central de la tragédie, aux prises avec des choix moraux impossibles.
Depuis plus de deux mois, Keshâ’rem est dans une bulle hermétique au monde extérieur. Les choses s’accélèrent avec la préparation des décors, les répétitions générales. Les distractions sont évacuées sous l’emprise implacable de son maître de musique : Jacob Herd, dictateur tout puissant au perfectionnisme tortionnaire. Sa baguette rigide s’abat quand sa concentration flanche. Il ne vit plus que part elle. Au nom de l’Art, ses problèmes rétrécissent jusqu’à l’insignifiance. Ses doutes, ses peurs, ses craintes et son désespoir, même sa nébula, il les jette dans le feu du dragon naissant qu’il doit interpréter. En cette soirée de première, un trac abominable l’étreint. Le poids de la foule rassemblée.
Seraphah a fait un ramdam médiatique en mettant en avant la touche artistique unique de la compagnie, sur les effets spéciaux, les décors, les jeux d’acteurs et les tableaux dansés venant rehausser la performance musicale aux moments charnières. Dans l'esprit de l'ambassadeur, la culture est un instrument d'influence douce pour amadouer les cœurs. Maints industriels, savants, diplomates sont réunis en une fourmilière grouillante d’opulence, tout le gratin bedonnant, les critiques d’arts vicieux, pariant à pile ou face le succès ou la décadence. Et tout ce beau monde a fort besoin de divertissement pour échapper à une réalité de plus en plus angoissante, après les attentats. Soyez sûr que la sécurité est à son plus haut niveau. Armes et artefacts sont interdits, sauf pour ceux ayant adopté des cachettes audacieuces au moment des fouilles.
L’heure approche, des hôtesses à la sobriété impeccable accompagnent les invités jusqu’à leurs sièges cauteleux en velours rouge. Certains jouissent d’une vue exclusive depuis les des loges privés. On y arbore jumelles et éventails. D’autres sont assis sur un parterre en forme de U surmonté d’une estrade où autant attendent en cancanant.
Peu à peu, les membres de l’orchestre prennent place dans la fosse, la harpiste s’essaye à quelques accords pour délier ses doigts, alors que les cuivres s’organisent. Bientôt, deux coups retentissent, la lumière s’éteint. Les conversations meurent soudainement, quand le chef d’orchestre rejoint son pupitre, suivi d’un tonnerre d’applaudissement lorsqu’il salue le public.
L’ouverture démarre en trombe sur une mélodie instrumentale. Juste après, le rideau se lèvera, dévoilant la mise en scène.
Parti pour trois heure, l’opéra sera scandé de deux entractes de trente minutes pour permettre à chacun de s’aérer les méninges et de prendre des rafraîchissements au bar et au fumoir.
- Résumons:
Keshâ’rem est en coulisse avec les chanteurs et les chœurs de l’opéra. On vous dépeint ici le programme que vous aurez le plaisir de trouver en fascicule, le décor, les personnes en présence…
Les lumières s’éteignent et la foule accueille dans un tonnerre d’applaudissements le chef d’orchestre pour l’ouverture instrumentale qui a lieu avant le lever de rideau.
Sam 16 Nov - 11:40
Epistopoli. Je n’ai pas beaucoup exploité cette contrée. D’une part parce que le temps me manque, d’autre part parce que je crains cet endroit. Déjà, l’air est irrespirable, complètement pollué par leurs foutues usines. Bâtie sur les ruines de Sancta, Epistopoli est devenue une puissance technologique impressionnante, ce qui en fait un réel concurrent pour Opale. Il est d’ailleurs fort à parier qu’on en entende parler d’ici peu, quand une certaine révolution sera mise en marche sur Xandrie. De simples déductions basées sur des logiques institutionnelles et économiques. Ici, la lumière du soleil ne passe que partiellement, obstruée par des nuages grisâtres. Mais personne ne s’offusque, c’est normal. Tout va très vite. Des véhicules déboulent de tous les côtés, des commerces ouverts tous les dix pas, un monde effroyable… Si une missive ne m’amenait pas en ce lieu, je ne me serais jamais risqué d’y mettre les pieds. Mes espions suffisent amplement à remplir mon carnet de notes.
Parait-il que je vais assister à un spectacle dans un théâtre appartenant à l’illustre Seraphah Von Arendt. On le cherche pour obtenir certaines informations, alors quoi de mieux que d’aller dans un lieu qu’il fréquente régulièrement et qui lui appartient. Pour l’occasion, le brave Geralt d’Omanie, riche noble de Xandrie, est de sortie. Vêtu très chiquement, comme à mon habitude, j’arpente les rues bruyantes d’une démarche assurée. Un long manteau noir, laissant apercevoir en-dessous un joli costume trois pièce de la même couleur. Une petite cravate pour se donner un air aristocratique, comme on aime. Je force un regard hautain, supérieur, qui ne reconnaît que ceux de son espèce. Les vauriens autour de moi ne m’intéressent guère. Des fourmis qui grouillent désespérément dans un monde trop dense pour eux.
Face à la somptueuse porte d’entrée de l’établissement, fermement protégée par des hommes de la sécurité, je sors mon invitation grâce à laquelle on devrait me laisser entrer sans encombre, et ce même malgré la condescendance que je dégage. Je ne dois pas être le premier à agir de la sorte. Après quelques pas, un homme me tend la programmation que je lis très brièvement. Aujourd’hui, à l’affiche, L’envol de Sankhir, qui est une histoire extrêmement célèbre, adaptée en pièce de théâtre. Parmi les comédiens, je reconnais Keshâ’rem Evangelisto, avec lequel nous avons partagé quelques aventures à oublier. Mère m’a très souvent lu cette histoire, autrefois, lorsque nous passions notre temps sur les routes, sans but précis si ce n’est survivre. Quelle douce mélancolie qui s’empare de moi.
Lorsque j’entre dans la salle de théâtre, tandis que les spectateurs prennent place, j’avoue reste un long moment dans une sorte de transe contemplative. Je n’ai jamais caché mon amour pour les belles choses et cette salle était absolument magnifique. Dans cette ambiance tamisée, je perçois de beaux reliefs dorés qui décorent toute la salle. Après m’être imprégné de l’ambiance, je retourne dans le hall d’entrée pour emprunter les escaliers menant au balcon d’apparat dans lequel se trouve ma place. Même si les spectateurs sont issus d’un certain milieu, pas question pour Monsieur d’Omanie de se mélanger avec les nouveaux petits riches du coin. Ma place, n’en déplaise à certains, se trouve dans le haut du panier. Une fois sur place, je constate que la vue sera absolument parfaite. Je ne manquerai rien de ce spectacle tant attendu. J’en oublie presque la raison de ma venue. Et comme si elle lisait dans mes pensée, Lan-Lan me parle dans ma tête. N’occupe-t-elle pas déjà suffisamment de place dedans ?
Surpris ? Tu serais surprise de savoir sur quel piédestal je te place avant d’être moi-même surpris par tes atouts. *, ai-je pensé à l’adresse de ma camarade qui était en train de s’installer à sa place. * Bon courage, Lan-Lan. Ne prends aucun risque inconsidéré. Une pensée, j’interviens. *
Cela peut sembler chevaleresque, mais elle sait très bien que je peux être à ses côtés en une fraction de seconde. Cet échange a eu le mérite de me remettre dans le grand bain. Une jolie jeune femme s’installe au siège à côté du mien. Marguerite Delaunay. Non, je ne la connais pas personnellement. Et pourtant, je sais absolument tout d’elle. Pensez-vous réellement que je choisirais une place hasardeuse ? Non. Riche étrangère, elle se plait à venir régulièrement sur Epistopoli. Elle connait toutes les grandes pontes de la cité, les côtoie plus ou moins directement et détient certainement quelques informations qui pourront m’être utiles. Le travail est en moi, à chaque instant de ma vie. Je ne me rappelle pas la dernière fois que j’ai réellement été moi-même.
« Bonsoir, Madame. Je me nomme Geralt. Geralt d’Omanie. », fis-je en baisant délicatement la main qu’elle me tend.
« Oh. D’Omanie, me dites-vous ? Cela m’évoque quelque chose. Ne seriez-vous pas ce noble courageux de Xandrie ?
- Votre perspicacité m’impressionne, madame.
- Marguerite Delaunay, enchantée, Geralt. »
Les présentations sont faites. La chasse peut maintenant commencer, à l'instant même où les rideaux s'ouvrent pour annoncer le début de la représentation.
Parait-il que je vais assister à un spectacle dans un théâtre appartenant à l’illustre Seraphah Von Arendt. On le cherche pour obtenir certaines informations, alors quoi de mieux que d’aller dans un lieu qu’il fréquente régulièrement et qui lui appartient. Pour l’occasion, le brave Geralt d’Omanie, riche noble de Xandrie, est de sortie. Vêtu très chiquement, comme à mon habitude, j’arpente les rues bruyantes d’une démarche assurée. Un long manteau noir, laissant apercevoir en-dessous un joli costume trois pièce de la même couleur. Une petite cravate pour se donner un air aristocratique, comme on aime. Je force un regard hautain, supérieur, qui ne reconnaît que ceux de son espèce. Les vauriens autour de moi ne m’intéressent guère. Des fourmis qui grouillent désespérément dans un monde trop dense pour eux.
- Geralt d'Omanie:
Face à la somptueuse porte d’entrée de l’établissement, fermement protégée par des hommes de la sécurité, je sors mon invitation grâce à laquelle on devrait me laisser entrer sans encombre, et ce même malgré la condescendance que je dégage. Je ne dois pas être le premier à agir de la sorte. Après quelques pas, un homme me tend la programmation que je lis très brièvement. Aujourd’hui, à l’affiche, L’envol de Sankhir, qui est une histoire extrêmement célèbre, adaptée en pièce de théâtre. Parmi les comédiens, je reconnais Keshâ’rem Evangelisto, avec lequel nous avons partagé quelques aventures à oublier. Mère m’a très souvent lu cette histoire, autrefois, lorsque nous passions notre temps sur les routes, sans but précis si ce n’est survivre. Quelle douce mélancolie qui s’empare de moi.
Lorsque j’entre dans la salle de théâtre, tandis que les spectateurs prennent place, j’avoue reste un long moment dans une sorte de transe contemplative. Je n’ai jamais caché mon amour pour les belles choses et cette salle était absolument magnifique. Dans cette ambiance tamisée, je perçois de beaux reliefs dorés qui décorent toute la salle. Après m’être imprégné de l’ambiance, je retourne dans le hall d’entrée pour emprunter les escaliers menant au balcon d’apparat dans lequel se trouve ma place. Même si les spectateurs sont issus d’un certain milieu, pas question pour Monsieur d’Omanie de se mélanger avec les nouveaux petits riches du coin. Ma place, n’en déplaise à certains, se trouve dans le haut du panier. Une fois sur place, je constate que la vue sera absolument parfaite. Je ne manquerai rien de ce spectacle tant attendu. J’en oublie presque la raison de ma venue. Et comme si elle lisait dans mes pensée, Lan-Lan me parle dans ma tête. N’occupe-t-elle pas déjà suffisamment de place dedans ?
Surpris ? Tu serais surprise de savoir sur quel piédestal je te place avant d’être moi-même surpris par tes atouts. *, ai-je pensé à l’adresse de ma camarade qui était en train de s’installer à sa place. * Bon courage, Lan-Lan. Ne prends aucun risque inconsidéré. Une pensée, j’interviens. *
Cela peut sembler chevaleresque, mais elle sait très bien que je peux être à ses côtés en une fraction de seconde. Cet échange a eu le mérite de me remettre dans le grand bain. Une jolie jeune femme s’installe au siège à côté du mien. Marguerite Delaunay. Non, je ne la connais pas personnellement. Et pourtant, je sais absolument tout d’elle. Pensez-vous réellement que je choisirais une place hasardeuse ? Non. Riche étrangère, elle se plait à venir régulièrement sur Epistopoli. Elle connait toutes les grandes pontes de la cité, les côtoie plus ou moins directement et détient certainement quelques informations qui pourront m’être utiles. Le travail est en moi, à chaque instant de ma vie. Je ne me rappelle pas la dernière fois que j’ai réellement été moi-même.
« Bonsoir, Madame. Je me nomme Geralt. Geralt d’Omanie. », fis-je en baisant délicatement la main qu’elle me tend.
« Oh. D’Omanie, me dites-vous ? Cela m’évoque quelque chose. Ne seriez-vous pas ce noble courageux de Xandrie ?
- Votre perspicacité m’impressionne, madame.
- Marguerite Delaunay, enchantée, Geralt. »
Les présentations sont faites. La chasse peut maintenant commencer, à l'instant même où les rideaux s'ouvrent pour annoncer le début de la représentation.
- Résumé:
- Geralt d'Omanie aka Azur arrive dans la place, admire les lieux, s’empreigne de l'ambiance et s'installe. Il fait la connaissance d'une certaine Marguerite Delaunay. D'après les recherches effectuées en amont, elle semble fréquente la haute d'Epistopoli. Je ne prétends pas qu'elle apportera des informations capitales, mais c'est une piste comme une autre.
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