Ven 1 Nov - 15:59
Shanon, l'ombre d'opale
[histoire compléte]
[histoire compléte]
[justify] Entre deux missions, je me pose, repensant à ma genèse, cette histoire qu’aucun papier n’aurait assez de place pour tout raconter. Des voix accompagnent mes songes, me rappelant des détails que j’avais moi-même oubliés. Je caresse l’un de mes masques, affalés sur une chaise d’une de mes planques, pas véritable demeure, ni véritable maison. Non, juste un endroit où je me terre comme un rat, un de ces nuisibles que beaucoup rêverait d’exterminer. Je déglutis, ferme les yeux, par lesquels commencer ? Par la fin ou le début ? Par ce qui ma forger ou ce qui m’a vue grandir ? Non, bien sûr que non, rien de tout cela. Ma queue bat l’air jusqu’à elle aussi se calmer de cette colère toujours en moi. Combien comme moi souffrent à l’heure actuelle, comme j’ai souffert par le passé ? Peut-être est-ce par cela qu’il faut commencer. J’ouvre un instant les yeux, peut-être ne faut-il pas commencer par l’encre, mais par le stylo qui lui a permis d’exister. Je ferme de nouveau les paupières, lentement, aussi lentement que le début de cette histoire. Une voix me rappelle le nom de celui qui a été, oui, c’est vrai, ce timbré en avait un, de nom, un nom qu’aucun de nous ne devrait oublier. Nous, qui n’en avions pas, que matricule sur une liste de cobaye, que déchet ou réussite nous qui n’avions même pas de vie. Il y a ceux qui se comportaient comme des lions, ceux se repliant au fond comme une souris, mais au final, qu’importe, car nous étions tous en cage. Attendant que la grande mort vienne nous trouver, dans l’ignorance, se perdant dans cet enfer, notre monde n'avait pas d’arbre, pas d’herbe ni même d’animaux à part nos confrères. Notre monde se résumait à bien peu, a bien peu et à nous, à lui, à nous tous et aux sons que tout cela produisait. Loin du chant des oiseaux ou du hurlement des loups, les seuls hurlements étaient les nôtres, les seuls chants, les histoires que certains ramenaient dans leur cage avec leur propre corps, amas de chair. Puis je seulement parler d’enfance, d’adolescence ? Non, ce timbré ne nous a jamais vus ainsi. Ha oui, merci, ce timbré avait un nom, c’est vrai….
En 1746 le docteur Jonas Vash Gresley révait d’intégrer le magistère, héritier d’une immense fortune, il pensait son génie absolu et digne d’être loué, après tout, est ce qu’il aurait pu en être autrement ? Mais ce n’est pas lui que le Magistère choisi, mais son jeune frère qui avait renié son nom, il s’appelait Archibald… Jonas n’a jamais pu digérer ce fait, gardant à l’œil ce fameux magistère sans savoir ceux qui s’y passait réellement, jaloux. Il se rapprocha des Reddington et des Von Arendt, afin d’avoir plus de soutien, plus de pouvoir, au début, ses recherches étaient utiles, assez pour être engagé par l’une ou l’autre famille… Mais leur intérêt s’étiola au fur et à mesure que ce bon docteur allait plus loin, peut-être trop loin, ses recherches avait-elle vraiment de l’intérêt à ce moment-là ? Son frère fondait sa propre famille, préparais déjà sa relève, une descendance quand Jonas commençait des voyages à Epistolie. Un bras, une jambe, si quelque chose lâchait, il suffisait de le remplacer, pour vivre plus longtemps et mener d’autre recherche, encore et encore. Sa fortune maigrissait, mais lui restait toujours aussi fou dans sa carcasse métallique et ses expériences basculant de plus en plus dans l’horreur. Besoin de chair ? Pas de problème, il y a toujours des malheureux qui trainent dans les rues que personne ne cherchera jamais et des mères prêtes à vendre leurs enfants, pour peu qu’ils leurs appartiennent vraiment, contre quelques astras et le silence… Une vie était déjà passée quand une nouvelle horreur naissait, le myste était presque vénéré du docteur, voyant l’influence qu’il avait sur les corps et les objets. De la simple exposition à l’injection dans les veines, ses laboratoires illégaux voyaient les pires tortures, existant puis disparaissant, évitant de laisser des traces… Un de ses arrière-neveux disparut un jour, mais le docteur savait très bien où il était et n’en avait aucune empathie, même pour un être partageant, ne serais qu’en infime partie, ses gènes. Il tenta aussi de louer ses recherches aux Excelior, la partie plus ou moins légale tout du moins, mais il fut reçu avec mépris. Ce fut sans doute le début de sa fin, rancunier, il tenta d’ajouter un membre de cette famille dans ses expériences, mais le retour de bâton fut immédiat et le brave docteur dû à partir de ce jour, se méfier de chaque ombre après de nombreuses tentatives d’assassinats. Le génie se pensait inatteignable des sept familles, mais il apprit que sa carcasse métallique ne pouvait le protéger de tout.
La chute de Dainsbourg fut un choc pour Jonas, pris d’un élan patriote, il eut un but précis dans ces expériences, la création d’armes vivantes… Là où il condenserait tout son savoir accumulé, toutes ses expériences sur les corps et le myste, là où les dernières brides de sa fortune irait… Non, il savait qu’on ne pouvait se battre contre la brume en tout cas, pas comme on l’entend, mais il craignait surtout que cela donne l’opportunité aux autres nations d’attaquer et de s’emparer des trésors d’Opale. Xandrie pourrait s’alimenter seul avec la technologie nécessaire, les alliances militaires peuvent s’écrouler à tout moment, mais c’est surtout Aramila qui aurait tout intérêt à entrer en guerre, afin de raser définitivement ceux qui les rebutent. Il voulait en partie aussi devancer le magistère avec cette idée, être meilleures encore et le premier à réaliser quelque chose que même cette institution géante n’aurait pas pensé. C’est dans cette optique qu’il commença, illégalement certes, les expériences pour créer les parfaites armes vivantes, il achetait toujours des enfants ou des nouveau-nées, moins promptes à se rebeller, greffant ceux qu’il voulait comme créature, injectant du myste en masse dans les veines… La majorité succombait aux premières expériences, les autres… On l’appelait père, on ne savait pas trop ceux qui se passaient, cette boite de conserve nous souriait, nous donnait un bonbon quand on ressortait, il nous disait courageux. On ne connaissait que notre compagnon de cellule, il changeait de temps en temps. Surtout moi, aussi loin que je me souvenais, ces barreaux ont toujours été là, les numéros sur nos corps, mon monde était bien limité.
J’étais AV0563, les journées se ressemblaient, expériences, douleurs, bonbons, cellule, manger, dormir. Père à remarquer que j’étais plus résistant que les autres à ses expériences bien que je me montrais parfois violent et avec un fort besoin de sang. Il voulait toujours faire mieux que le magistère, cela est presque devenu de la compétition dans son esprit, le besoin de montrer qu’il était plus important qu’eux. Je n’ai jamais su d’où je venais, qui était mes véritables parents, mes besoins me laissent encore aujourd’hui penser qu’a ma naissance, j’ai dû être Strigois mais dans toute cette infamie, impossible d’être sure. Quel nom aurais-je dû avoir ? À quel destin on me prédestinait, celui-ci ou un autre ? La ou la souffrance se perd, on ne peut que se raccroché aux possibilités, aussi infime soit-elle. Le premier visage que je vis était métallique et les premiers cris atteignant mes oreilles étaient ceux vivant leur fin entre trois murs et des barreaux. Moineau encore gazouillant, je ne pouvais que noter ces voix multiples comme ce qui faisait partie de mon quotidien. Comme quelque chose de ni mauvais ni bon, une chose devenant simplement normale. Piqures et tortures, ça aussi dans mon esprit devint normale, tout le monde passait par là après tout, non ?
Plus je grandissais, plus j’étais en mesure de communiquer, il ne nous l’interdisait pas après tout. Parfois, des mômes plus âgés, encore intact partageait ma cellule ou l’une voisine, on nous disait que ce n’était pas normal, certains pleuraient pour sortir d’ici, on leur expliquait que père était gentil si on l’écoutait. Quand je repense à ce moi de l’époque, ça me donne envie de le gifler…. Peut-on parler d’hypocrisie de la jeunesse ou bien est-ce que la douleur que l’on recevait était si normale pour nous ? Pourtant, bien souvent, des voix s’éteignais, revenais au silence quand d’autres les remplaçaient. J’aurais dû déjà comprendre à ce moment-là non ? Alors même que des vies défilaient devant moi, que des assistants trainaient bien trop souvent des choses sous un drap devant ma cellule, le sol ayant pris depuis longtemps une teinte rouge. On n’en revoyait plus rapidement ou alors ils arrivaient à résister les premiers temps. AV0630 était une fille qui partagea longtemps ma cellule… Elle avait les yeux et les cheveux clairs, la peau mate, une voix encore plus jolie que la mienne. Malgré l’enfer dans lequel elle venait d’atterrir, elle savait rire, elle apprit aux autres aussi à rire. Elle était le premier bain de fraicheur de l’on recevait ici-bas. Elle m’apprit à chanter, je découvris que j’aimais bien ça, avec une craie qu’elle réclama plutôt qu’un bonbon, elle m’apprit aussi à lire et écrire alors que son visage commençait à pourrir, perdant de son éclat, a en oublié peu à peu son apparence d’autant. Elle me demanda mon nom et rit quand je lui répondis, me disant que ce n’était pas un nom et qu’elle, elle s’appelait Ava Loudea. AV0547 la taquinait souvent depuis une cellule adjacente bien qu’entre ces cages, c’étaient des murs où il était impossible de voir. Au fur et à mesure que je grandissais, ceux qui survivait aussi, créant des liens improbables, mais aussi des peurs, car au « à tout à l’heure » lancé, on savait que l’être ne revenait pas forcément. Ceux n’ayant pas été là depuis leur naissance ou presque étaient plus moroses… Ava devenait folle aussi…. Plus violente, plus méconnaissable. Pourtant, elle faisait de son mieux, même cette période où j’étais aveugle, ou je n’avais que sa voix qui, comme le reste, changeait, devenant de plus en plus inaudible… Elle chantait, je l’accompagnais, sans m’en apercevoir, à toutes ces voix qui était restées, je m’étais attaché, faisant acte dans ma petite tête d’enfant qu’ils ne disparaitraient pas alors qu’au fond, je savais, depuis que je m’étais éveillé. L’évidence était là, sous mes yeux, sous mes oreilles, sous mon nez, aucun doute permis, mais je me détournais, peut-être pour me préserver moi-même ? À AV0645 qui était arrivé plus âgé que beaucoup et qui malgré tout, c’était vite habitué, sans doute car il était orphelin des rues, il adorait les masques, il disait sans cesse que quand il sortirait d’ici, il en créerait une multitude, comme ça, même si on était changé, on ne nous jugerait pas sur notre apparence. AV0499 était plus âgé que moi bien que là aussi depuis tout petit, il écoutait surtout les autres parler, sa voix était réduite à des gargouillis, on savait globalement quand il était content ou non. J’aurais aimé savoir ses rêves. AV0496 était un autre mutant qui me ressemblait apriori, dans le sens où il avait bien résisté au myste malgré les changements, il était assez rebelle, bien plus que moi. C’est sans doute lui qui m’a le plus aidé à sortir de ce lavage de cerveau, il détestait père bien qu’il ne se révoltait pas ouvertement. Ils nous disaient être des survivants et qu’on devait sortir d’ici. Un jour il n’a plus rien dit cela dit, père lui avait couper la langue, n'aimant probablement pas qu’une de ses expériences le médise. AV0623 souhaitait devenir barde, quand elle m’entendait chanter moi ou Ava, elle parlait de quel instrument s’accorderais le mieux… Et tant d’autres me viennent à l’esprit, de numéro n’ayant jamais eu l’opportunité de rêver, d’autre mourant de désespoir et de ne pouvoir les réaliser, connaissant ce qu’était réellement le monde.
Un jour, AV0630 n’était plus rien qu’une masse informe avec des pattes d’araignées, le visage de la petite fille avait disparu et son esprit avec, se noyau dans la folie la plus totale, vrillant ce jour où la trouvant bizarre, je lui demandai si ça allait. Elle me sauta dessus, je criais, lui disant d’arrêter, je pleurais réellement…. Mais elle ne m’entendait pas, elle ne m’entendait plus, alors même que depuis ma naissance, j’étais habitué à voir les vies passées dans cette cellule et repartir, la réalité m’agressait de la pire des manières, certains furent surpris d’entendre de tel bruit, mais d’autres semblaient déjà s’y attendre ou le savoir… Ils n’étaient pas comme moi qui me cachais la vérité, leur morosité et leur silence n’étant qu’un signe qu’ils l’avaient depuis bien longtemps comprise. Un œil vers les barreaux pour voir père observer avec indifférence. Ce même être que j’avais dit a tant être gentil alors même que je n’avais jamais connu la gentillesse de la part d’un adulte. Nous n’étions que des fruits en train de murir pour lui, il en contrôlait la direction, la forme, tout. Après tout, il voulait une arme, l’innocence n’avait pas sa place. Des survivants, des mots qui reviennent en mémoire, sortir les griffes pour se défendre sous les cris de celle que j’appellerais aujourd’hui, ma première et ancienne amie. La violence, revenant aussi vite que la tristesse et le désespoir en mon cœur. Comprendre qu’il n’y avait plus de nous, plus de chant en commun, plus d’apprentissages fastidieux sur un des murs. Que les taquineries s’étaient arrêtées, que son sourire n’était plus possible depuis bien longtemps. Comprendre sa souffrance aussi de se sentir pourrir, de se sentir changer, pas habitué depuis sa naissance contrairement à moi. Combien de douleur dans ce corps ? Combien de fois a-t-elle regardées vers les barreaux en espérant que quelque chose vienne la sauver ? Combien de fois lui ai-je souhaité bonne chance en souriant alors que terrifier, elle était emmenée ? Non, cette Ava avait cessé d’exister, à présent, ceux qui étaient là voulaient me déchiqueter. Les larmes alors qu’on se défend, qu’on se jette dessus, prendre le dessus…. Et serrer la seule chose qui était encore un peu humaine, le cou jusqu’à ce que les mouvements ralentissent, s’arrêtent, que les milliers d’yeux se révulsent, que père applaudisse de ses mains métalliques alors que mon corps entier était secoué de tremblement. La première vie que j’ai prise, c’est celle d’une amie que la folie avait atteinte, une môme transformée par les lubies de celui que j’appelais père. La vérité que j’avais longtemps choisi d’ignorer, je venais de la réaliser de moi-même, autant victime que bourreau. Un moment gravé en moi au fer rouge, se rappelant à ma mémoire comme une lame incandescente. À ce souvenir, une voix posant ses mains sur mon cou, me privant d’air un moment avant que mon récit reprenne. Un frisson qui me parcourt l’échine, une évidence sous la forme de la vue floue de ce corps devant mes yeux. Le premier qui n’eut pas de drap, trainer hors de ma cage, la sourie gagnant peu à peu la fureur du lion. Mais même couverte, je n’aurais pas pu faire semblant de ne pas savoir alors que j’avais moi-même provoqué ça. Je restai mutique combien de temps ? Est-ce que seulement ce timbré le remarqua ? Non, ce n’était qu’un paramètre insignifiant pour lui. L’horreur monta, une arme doit savoir se battre. On pouvait déjà mourir par les expériences, maintenant, on pouvait aussi mourir de bien d’autre façon. Je crois que quelque chose se brisa en moi ce jour-là, les autres aussi depuis que ce timbré eut cette merveilleuse idée, peut-être était-ce voulu, que l’on était encore trop joyeux pour des expériences. La morosité s’empara de nous tous. Moi et AV0496 on survivait malgré tout, je le voyais souvent passé devant ma cellule. Il me jetait un regard à chaque fois, parfois même en ouvrant la bouche pour me rappeler ceux que sa férocité lui avait couté. Peut-être, car il voyait peu à peu la souris se transformer en lion. Garde ta rage, couve là précieusement, ne gâche pas tout. Car c’était évident, on ne pouvait rien faire, cette organisation au détail près, pour ne pas perdre le contrôle, pour que les expériences restent de simples expériences. Des corps aussi, là où avant il prenait la peine de les dissimuler, même partiellement, nous permettant de nous mentir à nous-mêmes, ce n’était plus le cas. On n’était pas des enfants, on était des amas de chair. J’eus le cœur de AV0645, le rein de AV0623…. Autant qu’on me donna leurs chairs, je gravais leurs rêves dans mon esprit, leurs aspirations, leurs douleurs s’ajoutaient à la mienne. Je voulais qu’on sorte tous de cet enfer, je ne voulais en laisser aucun…. Peut-être, car j’avais bien grandi, peut être que j’étais devenue plus cynique, peut-être parce qu’à présent, ces nouveaux qu’ils soient en âge de comprendre ou non, je voulais leur épargner toute la souffrance que nous avions déjà subie de notre côté. Quand il fut satisfait du côté biologique, ont eu droit à d’autres choses…. Renforcement des os et du foie notamment, modification des yeux afin de les rendre capable de voir dans le noir comme ce qui aurait dû être depuis le départ… Tout me parait flou à cette période, mon sang était devenu un poison pour moi-même, dégradant mon état, risquant à tout moment de me faire passer du côté des ingrédients. Pour cela, j’avais appris à cacher quand j’étais mal, pour m’éviter ce destin, pensé égoïste, car ne pas être un ingrédient signifiait qu’un autre le devenait. Pourtant, j’avais mes limites, me rapprochant petit à petit de cette possibilité. C’est sans doute ce qui se serait passé… AV0496 venait d’être emmené et un des rares assistants restants de ce timbré était venu me chercher, le chemin vers la salle d’expérience, j’étais brisé, je connaissais par cœur ce chemin, une nouvelle expérience, amélioration, mourir là-bas ou peut être en affrontant de nouveau un de mes frères de destin ?
Mais à l’aube de ceux qui était mes 15 ans, ce chemin ne fut pas aussi silencieux, du bruit puis un fracas, un homme déboulant avec d’autres, je n’avais jamais pu aller à l’extérieur, mais l’extérieur était venu à moi sous les traits de libérateurs. Aujourd’hui je me demande si c’est cela qu’elle espérait, est-ce qu’elle savait ? Ou est-ce qu’elle avait simplement un espoir non concret ? Après tout, beaucoup ne jetait pas de regard inutile vers le futur contrairement à elle. Des aspirations tout au plus, mais au fond, personne ne pensait un jour sortir d’ici. Et pourtant… Quand vous avez côtoyé l’horreur et la mort depuis le début de votre existence, quand vous voyez vos détracteurs se faire tuer et qu’un homme vous prend par les épaules en vous répétant que c’est fini, vous ne le croyez pas de suite. Puis quand enfin, vous voyez la vérité, vous pleurer, tout simplement. À mes 15 ans, on me serra fort pour la première fois, pour la première fois, on compatissait à ma douleur. Puis, je me suis souvenue de tous les autres, c’est sans doute la première chose que j’ai demandée qui a surpris ce sauveur, l’avenir pour les autres, les autres sans cesse, cet endroit avait fait de nous des frères, des sœurs. Et il y en a un que je considérais plus proche de moi que les autres alors même que nous n’avions pas parlé si souvent, surtout depuis que lui le pouvait plus, alors j’ai commencé à courir sur ce chemin que je connaissais par cœur, ce chemin dont beaucoup ne sont jamais revenues et qui avait fait de moi ce que je suis également. Mais ce ne fut pas AV0496 que je retrouvai, mais plutôt ses bras dans un bocal, sa tête ouverte sur un plateau, les yeux grands ouverts en ma direction, il allait devenir l’un de mes ingrédients. Je m’effondrai, c’était fini et alors, de manière irrationnelle, j’en voulus à ces sauveurs. S’il était arrivé une heure plus tôt ou peut-être même qu’une trentaine de minutes, alors peut-être qu’il serait encore en vie. Sous l’œil avisé de cet homme m’ayant poursuivie alors que d’autre sortait des cages les autres, je pris l’objet le plus lourd et contendant qu’il m’était possible, ma queue trahissant ma colère, mes larmes clamant ma tristesse. J’ai regardé cet homme qui m’avait serré dans ces bras, résolue, ne laissant aucun doute sur le sens de ma question ;
« - Où est-il ?! »
Ce père, ce timbré, il sembla d’abord hésiter à me répondre, comme s’il voulait m’épargner de l’horreur alors même que l’on trouvait dans une salle où gisait le corps de mon frère partiellement démembré. J’ai serré mon arme dans ma main, regardant un instant le sol, les oreilles baissées, criant ;
« - Laisser moi au moins ça ! Je n’en ai pas le droit ?! »
Je l’ai alors entendu soupirer. Il a fini non pas par me répondre, mais simplement me montrer une direction, une petite salle de ce laboratoire clandestin qu’il ne m’avait jamais été donné de voir, pas pour de sales expériences comme nous. Le docteur était encore en vie, interrogé par un homme qui l’avait attaché et avait autant de compassion à son égard qu’il en avait eu avec nous. Des pièces tombaient déjà de ce timbré sous l’interrogatoire musclé, ça demandait où était une fillette, il répondait qu’il y en avait eu tellement qu’il ne pouvait pas se souvenir de tous. Entendre ça sur le chemin attisait ma fureur, j’entendais des voix dans ma tête, celle du mort en premier, une voix qu’il avait quand sa langue était encore là. Me disant à quel point il avait raison, me disant le résultat de ma naïveté. AV0547 me taquinait quant a lui, disant que je lui devais bien ça après tout, que dans toute cette violence, j’étais comme un poisson dans l’eau. Tant de voix se superposaient alors que j’avançais, poussant l’individus qui me regardait étonner, arrêtant ceux qu’il faisait alors que je faisais face à la source de nos calvaires, habillé de simple haillon face à cette blouse blanche et cet air suffisant. Le gars qui m’avait indiqué la route et m’avait suivie se faisait incendier par son collègue… Je me demandais ceux qu’ils souhaitaient tant nous épargner, nous qui avions dû nous entretuer pour survivre, pour le satisfaire lui. Même dans cette situation, il semblait satisfait, m’admirant comme un artiste admirant sa toile.
Je n’étais qu’un produit pour lui, même plus un être vivant, l’ai-je seulement déjà été ? Après tout, l’odeur de cette pièce ne laissait aucun doute sur le contenu des bennes ici et là dans des coins de la pièce que même ces sauveteurs providentiels ne pouvaient complètement dissimuler par leur seule présence. Le chant AV0630 se superpose aux multiples autres voix alors qu’il sort ;
« - Ho, une de mes plus belles créations ! »
Comme si le plus important était encore le résultat de ces foutues expériences, je serre mon poing libre si fort que du sang en coule, je me mords la lèvre, il est à présent torturé, face à tout cela, mais il continue. Une voix me disant doucement de partir ne me parvient qu’en échos. Il a arraché tant de vies pour sa seule satisfaction. Ils s’attendaient tous à ce que je renonce, que je parte, que je me perde dans leurs gentillesses, mais ici, les enfants meurent, il ne reste plus que des survivants gravés d’un matricule sur leur poitrine. Alors je baisse cette arme improvisée aussi vite que je l’avais levé, frappant encore et encore cet esprit fou qui ne crie pas, ne se répand pas, mais rit simplement. Jusqu’à que ses yeux s’éteignent tout comme le cerveau, la dernière chose biologique certainement dans ce corps de métal. Même après ça, pris d’une fureur incontrôlable, je continue, encore et encore, ne laissant assister ces spectateurs qu’à une partie de l’horreur dont nous avons tous été victime depuis tant d’années. Jusqu’à que mon arme s’arrête en vol, retenue par une main immense, celui menant l’interrogatoire qui ne lâchait plus cet objet et celui qui m’avait accompagné qui me répétait que ça suffisait alors que j’essayais de dégager mon argument, tirant simplement dessus d’un regard fou. J’avais si mal au crâne, rien n’était clair, mais j’avais réussi à articuler.
« - Non ! Il n’a pas encore assez payé ! »
Des larmes de sang, cela a de quoi être impressionnant, mais à cette époque, c’était surtout accompagné d’une fièvre de cheval et ça ne sortait pas que par les yeux. Quelque part j’ai fini par lâché, cet homme, il s’appelait Azrael Filou, il m’a rattrapé, il m’a porté…. Je me suis réveillé quelques minutes plus tard seulement alors qu’il avait réuni les expériences que l’on pourrait dire encore apte, essayant de leur donner les premiers soins. Je voulais me relever, mais on m’a dit qu’il ne fallait pas, que je n’étais pas en état, que j’étais très malade, mais n’était-ce pas le cas plus ou moins de chacun ? Même ceux dont le corps allait encore relativement bien avaient l’esprit brisé à la limite de la folie. Personne ne se laissait vraiment faire, après tout jusque-là, quand on observait nos corps ou voulais nos prodigués des choses et autres, cela se soldait par de la souffrance, juste d’autres expériences. Ainsi, même lui qui avait des bases en médecine et les meilleures intentions du monde, c’était dur de le croire simplement. Il y avait quelques-uns plus âgé que moi, beaucoup plus des plus jeune, l’un des hommes tentait de calmer un enfant tout juste âgé a quitté le lait de sa mère, numéroté AV0854 sur sa petite poitrine. Les numéros étaient disparates, preuve seule de la mortalité des expériences.
Des voix nous parvenaient depuis les cellules, je compris qu’on n’était pas tous là, mais je compris surtout que ceux qui n’y étaient pas ne pouvaient pas être sauvés. J’ai regardé celui qui s’occupait de moi, suppliant ;
« - Je vous en prie, laissé moi y aller ! »
On s’est fixé les yeux dans les yeux, les miens si anormaux par rapport aux siens, du moins, je le croyais. Il était couvert des pieds à la tête, mais autour de ses yeux, il avait des traits bleutés gravés dans la peau. Peut-être est-ce pour cela qu’il comprit. Il me laissa passer, disant à quelques autres essayant de m’arrêter, de me laisser. Je m’aidais du mur pour avancer. Une cage était encore fermée, était-ce vraiment un humain ou une autre race connue qui était à présent là, bouffant sans ménagement ce qui avait dû être son camarade ? Des yeux fous, aussi des choses devenues incapables de se déplacer suppliant qu’on les tue. Il y a homme qui était là, devant une cage ouverte, celui qui restait ressemblait à une limace avec des bras et des jambes, se trainant sur la pierre en répétant « manger » sans arrêt avec un œil avide vers celui tenant une petite arbalète. Celui s’occupant de cela était si surpris de me voir alors qu’à ses pieds, gisait le cadavre d’un des assistants de ce timbré. Je me tenu aussi droit que possible devant lui, main tendue vers son arbalète.
« - C’est à moi de le faire.
- Qu’est-ce que….
- C’étaient mes frères ! mes amis ! mes camarades ! »
Ses mains se fit moins fermes sans pour autant me le donner, incertain. Donner une arbalète à un ado mutant de 15 ans que l’on vient de secourir peut sans doute être déroutant. Je n’attendis pas, m’emparant sans trop de difficulté et sous leur air paniqué (il ne savait pas trop quoi faire sans doute dans cette situation) je compris bien vite comment ça marchait, m’emparant du petit carquois de trait qui pendouillait à sa ceinture, j’armai, je visai. Je leur dis désolé, non pas de les tuer, mais de toute la souffrance qu’ils avaient vécue. Dans la tête, dans l’endroit où je supposais être le cœur, pour que les souffrances prennent enfin fin. À la moitié de la besogne, les trois s’étaient enfin ressaisis, marchant rapidement vers moi, les mains de l’ancien bourreau tendu comme en espérant reprendre sa besogne.
« - Tu n’es pas obligé de faire ça.
- Bien sûr que si. »
L’âge de l’ignorance était fini, les larmes coulant de nouveau sur mes joues témoins de cela. Mais un sourire aussi non de joie, mais de fatalité, le bourreau lâcha une larme à son tour, renonçant à me faire renoncer, me voyant mettre fin a la vie de ceux que j’avais appelés camarades. Il me le reprit que quand enfin j’eus fini, lâchant tout, m’écroulant contre un mur, ramenant mes genoux contre moi, posant mes bras pour y enfuir mon visage, pleurant jusqu’à l’épuisement, ma queue m’entourant également.
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« - Pourquoi te faudrait-il un nom pour agir ? »
On l’appelait Charco, il m’avait pris personnellement sous son aile, il était chef auto-désigné d’un petit mouvement réunissant simplement un peu moins d’une dizaine de membres étant eux même des expériences ou bien des proches ayant perdu frère ou mère là-dedans. Il avait commencé cela à l’origine en cherchant sa fille, enlever, il ne l’avait jamais retrouvé malgré les quelques laboratoires clandestins descendus et personne sauvé. Tests sur des Zoan, tests d’armes, expériences sur la psyché, les horreurs était multitude et cohabitaient souvent dans un même établissement. On était en route pour Epistolie, mon état nécessitant une vraie solution, tout comme d’autre personne sauvée, la plupart dont les expériences avait détruit le corps sans créer de mutation. Malgré mon état, j’insistais pour apprendre de tous, à me servir de couteau de lancer pour les uns, ou les manières et coutumes d’un ancien noble… Charco me disait que mon objectif pour l’instant c’était de me reposer, je lui avais donc parlé du fait que je voulais participer moi aussi, mais que je n’avais même pas de nom…. C’est pour cela qu’il m’avait dit cela…. Il n’avait pas tort… Mais je savais aussi qu’il était content de mon altitude, de ma façon d’être, moins renfermée que les autres sans doute, plus combatif. Même s’il devait souvent aller me récupérer auprès des autres gars à la fin, m’enguirlandant à chaque fois que j’allais trop loin dans mes forces alors que je n’étais pas en forme. Pour ne pas dire qu’il me ramenait au chariot par la peau du cou. Ironiquement, les quelques autres malades dans la même nécessité que moi dans le convoi s’ouvrèrent un peu grâce à ce petit manège, mais on dut en enterrer deux…. Les conséquences de leur vécu ayant eu raison d’eux avant que l’on arrive. Charco fut dur ce jour-là alors qu’il venait personnellement de reboucher ces tombes anonymes, serrant sa main sur mon épaule.
« - Tu vois ? Si tu ne veux pas finir comme eux, repose-toi. »
Bizarrement, c’est un ordre qu’encore aujourd’hui, j’ai beaucoup de mal à suivre. J’ai moins fait le guignol après ça, j’allais plutôt aux côtés des autres, les aider ou simplement leur tenir compagnie. Cela le fit sourire bien que je ne le vis pas, encore à ce jour, j’essaye d’être digne de ce qu’il a vu en moi.
Arrivé à Epistopoli, Charco rencontra en privé un ami là-bas. Un docteur examina dans un lieu secret, les quelques patients…. Quand ce fut mon tour, l’homme à la cigarette et aux cheveux bruns ne put s’empêcher de commenter ;
« - Faite attention docteur, c’est un très mauvais patient incapable de tenir en place plus de 5minutes »
Sous les rires des autres qui ne pouvaient qu’attester de cette vérité. Je crois que je lui lançais un verre à la figure, vexé bien que ça revînt à lui donner raison et qu’il avait rattrapé le projectile en plein vol avec un sourire.
Le docteur eut des propositions d’améliorations légères pour la plupart, d’autres des médicaments qui les suivraient à vie, mais moi…. Mes reins avaient beaucoup de mal à filtrer mon sang, celui ne m’appartenant pas, ça allait encore, mais celui qui était encore à moi, qui me restait, allait bientôt lâcher complètement. Il fallait le remplacer, un plus performant, mais cela revenait à m’ouvrir de nouveau alors que j’avais tant souffert déjà. Charco me regarda, il n’avait besoin de rien dire, il ne voulait pas m’imposer la chose, c’était mon choix. Ceux qui devraient être opérés bien que moins sévèrement, semblait aussi guetter ma réponse, on pourrait croire que mes paroles leur étaient adressées, mais c’était bien à moi-même que je donnais du courage. J’empruntai les termes de AV0496 qui étaient à présent les miens, qui prenaient tout leur sens en cet instant.
« - On est des survivants, on doit vivre pour tous ceux qui sont morts. Alors oui, si c’est pour vivre, j’accepte d’être ouvert et modifié une dernière fois, car cela ne sera pas pour les fantasmes d’un cinglé dans sa cave, mais pour avoir la chance d’avoir un avenir ou je serais libre. Non, où on sera tout libre, libre et vivant. »
Cela le fit sourire, alors que des « moi aussi j’accepte » se levèrent dans cet endroit. Le temps de me remettre, je passai une année à Epistopoli. À mon réveil de mon opération, Charco attendait à mon chevet, lisant un bouquin, lâchant l’air de rien ;
« - En fait gamin, tu voulais un nom. Je pense que je t’en ai trouvé un ; Savage ou plutôt Nandrim Savage. Si cela te convient bien sûr. »
Mais même moi je vis la légère couleur rosée sur ses joues, me faisant sourire devant sa gêne. Il tenait à veiller sur moi. Après tout, j’avais officiellement choisi de les rejoindre alors que j’aurais simplement pu profiter, me refaire faire une identité et savourer la liberté comme les autres, mais tant restait. Certains voulaient aider mais toujours sans rejoindre ce petit groupe, aux activités risquées mais illégal, ils pouvaient aider au moins financièrement. Moi, je choisis un côté plus sombre, me formant plutôt aux techniques de défenses et d’attaques des assassins et à l’espionnage, heureusement qu’un des membres faisait déjà cela, il devint mon instructeur, c’était risqué et il s’agissait de tuer et de voler, mais c’était pour la bonne cause. Et pourquoi j’aurais de la pitié à tuer des riches contre de l’argent quand eux même finance parfois les genres d’expériences desquels je suis issu ? Quand il ne s’agit de toute façon pas d’autre type de magouille. Et cela permet indirectement de récolter des informations pour nous, pour moi, notamment des planques de laboratoires illégaux bien que les horreurs d’ici n’étaient pas du même acabit qu’à Opale… J’y ai fait de nombreuse, peut-être trop nombreuses missions indépendantes à la cause dont on avait de temps en temps une information utile, si rare. Plutôt que d’avoir un nom pour vanter mes capacités dans le milieu de l’ombre, je choisis un autre moyen, demandant un masque, quitte à devoir cacher mon identité, autant que cela devienne ma signature. Charco hésita à me laisser là, surtout que les médicaments me permettant d’éviter les crises étaient produits ici et qu’il aurait donc été plus simple de me fournir bien que ça ne changeait rien au prix. Mais je lui dis que ma place était à Opale, que c’était à Opale que tant d’autres attendaient, que c’était à Opale que le myste faisait des ravages, que c’était à Opale où le magistère régnait, ayant débuté cette compétition de l’horreur…. Je parlai à Charco de mon envie d’espionner le milieu de la noblesse et des sept familles sur une longue durée, il refusa tout d’abord, disant que c’était trop risqué… Néanmoins, dans son dos, je commençai à travailler sur une identité précise dans ce but. La première étape était de trouver des familles nobles qui disparut dans d’étranges circonstances et où il ne serait pas possible de creuser trop profondément notamment au niveau de leur généalogie. Cela prit du temps, je continuais, m’améliorant et me rapprochant des autres, notamment lorsqu’on se réunissait pour parler de la suite et pour boire un coup, mettant un peu de gaieté malgré notre but à tout. On faisait ce qu’on pouvait pour secourir ce qu’on pouvait et leur offrir des premiers soins, à manger, de l’espoir.
Deux années plus tard, Charco me donnait de plus en plus de responsabilités. J’en étais heureux. Mon identité de noble avait aussi été trouvée, même si je faisais ça toujours aussi secrètement. Tous à part le chef m’avait cela dit suivie dans mon idée, notamment pour la rendre crédible. Plutôt qu’une famille noble difficile à vérifier, il était plus simple de prendre une famille déchue impossible à nier. Comme le dernier-né des Mileck, ayant disparu comme les autres membres à cause d’un incendie il y a une dizaine d’années. L’enfant a été encore qu’un enfant à cette époque, et le peu de choses que les gens savaient de lui, c’était qu’il était albinos. L’incendie était en plus probablement criminel, il avait été terrible apriori. Je dus apprendre des détails de cette famille, il ne fallait pas que mon ignorance face tout capoté…. Charco finit par le savoir cela dit, il enguirlanda tout le monde, mais il sut qu’il ne pourrait rien faire pour me faire renoncer… Alors comme quand j’étais en convalescence, c’est lui qui supervisa mon instruction, m’obligeant à retenir tous les noms sur quatre générations des Mileck, leur blason, ceux qu’ils servaient le plus lors de réception ou encore, leurs domaines de prédilection. Chose amusante, c’étaient les arts, dont la musique, et sacrifier des heures de sommeil entre mes missions d’espionnage ne me dérangeait pas pour apprendre la musique. Une de nos planques avait un piano en plus, quand je jouais, j’avais l’impression que AV0623 était à mes côtés, j’entendais sa voix me faire des commentaires sur mes accords, surtout s’ils étaient faux…. Et même si chacun était déjà mort, je voulais leur donner un nom, ainsi, je nommai AV0623 Eterine, Eterine Savage. Quand j’appris ensuite le violon, mon instrument qui devient mon préféré, c’est AV0496 que je dénommai selon son caractère intrépide lui ayant valu d’avoir la langue coupée. Il devint ainsi Ravos Savage, le poisson et ses taquineries quant à lui, Bubulle. Je l’entends s’amuser du nom que je lui donne, ça me fait sourire. On fit faire un nouveau masque pour cette identité de noble, de métal. Même si mes yeux étaient la seule chose que les gens verraient, ça et surement quelques mèches dont je prends soin d’en arracher les plumes, cela créditera ce nom sorti d’outre-tombe. Car les gens y verraient des manifestations d’un albinisme et le fait d’être si couvert la preuve du terrible incendie ayant frappé l’enfance d’un si jeune garçon. Je ne me présentai pas de suite à une réception, il était important de d’abord faire courir la rumeur de la survie et le retour de Rodevick Mileck, le noble déchu avide de reprendre ce qui lui appartient. Le masque de métal fut l’élément qui courut le plus à ce sujet, tout comme mon identité de Sans nom dans l’ombre, cela se révéla la pièce maitresse de cette nouvelle identité. Puis quelque performance dans la rue, dans des zones riches de préférence, jouant du violon, joliment vêtu, on me demandait parfois d’enlever mon masque. Charco vit la faille et fit beaucoup plus que nécessaire.
Il se procura un cristal alors que c’était bien cher, devenant un collier que je portais sans cesse, afin de modifier mon apparence, mais aussi déniché le blason familiale de la famille dont j’avais pris l’identité de l’un des l’heure. Peut la connaissais, seul ceux de la haute en somme, le fait qu’elle puisse ainsi se retrouver ailleurs que dans leur main semblait donc impossible. Cela me donna du crédit lors de la première réception de noble auquel j’assistai, enlevant mon masque devant une assemblée consternée, ne laissant voir qu’un jeune homme pale horriblement défiguré, aux yeux rouges, aux cheveux blancs, un artifice nécessaire pour ne plus laisser le doute, déclamant même d’une voix grave, de manière théâtrale, me fatiguant horriblement ;
« - Chères demoiselles, chers damoiseaux, est-ce cela que vous vouliez voir ? Je ne voulais point vous laisser voir ceci, mais puisque vous voulez tant faire fi de la bienséance, alors voici. Soyez témoin de ce qui a frappé ma famille alors que vous détourniez le regard et ne m’obliger plus à vous servir de spectacle si misérable, je vous en serai grée. »
Après ce jour, les doutes s’étaient dissipés, on ne me demanda plus de prouver quoi que ce soit, juste de faire valoir mes talents de danseur et de musicien. Après tout, un noble déchu peut valoir des regards et des envies, étant étiqueté comme facilement manipulable, espérant me duper alors qu’ils l’étaient tous.
Mais l’utilité de ce cristal ne s’arrêta pas là, cela rajoutait également une nouvelle carte à ma main dans l’espionnage. Un majordome, un vendeur, on ne savait pas qui j’étais, enfin encore moins qu’avant. Tout se déroulait pour le mieux, je faisais parfois navette entre Opale et Epistopoli, notamment pour me réaprovionner pour mes médicaments.
Jusqu’en 1900… Parfois il y avait des problèmes, on perdait même des membres, passant de 9 à 3 du jour au lendemain puis regagnant des membres avec difficulté. Qui finissait tué par le magistère, on honorait leur mémoire autour d’un verre même, mais ce jour-là…. Lors de l’attentat, par hasard, on était en pleine opération non loin, quand tout est allé de travers, on a paniqué, comme tout le monde, on a sorti nos armes aussi, pour se défendre, car on ne savait pas quoi faire. On a dû abandonner l’opération, on s’est sauvé de manière désordonnée, des victimes de l’événement avaient peur de nous, nous prenant pour les tarées religieux… Une fois revenue, on n’a pas pensé qu’on pourrait être suspecté, nous-mêmes on ne comprenait pas ce qui était arrivé. Même si les autorités nous avaient vu de long en large et en travers, même vite…
On a eu que quelques heures de répits avant que ces derniers répètent une de nos planques, là où on se trouvait tous, on n’a rien vu venir, obligé de se défendre comme on pouvait. Pourtant, on n’avait rien à voir avec le treizième cercle, mais aller expliquer ça à des armures folles putrides ? C’était la dernière invention du magistère, envoyer sur nos gueules, accompagné de soldat typique de leur rang, même s’il est vrai qu’on était ennemis de base vu nos activités. Charco fut grièvement blessé, alors que l’on fuyait à l’une de nos planques restantes., que pouvait-on faire contre ces monstres ? Mon cristal fut d’ailleurs détruit dans cet événement… C’est donc pour être mieux que ça que j’ai subi tout ça du timbré ? Comme si quoi que ce soit été possible. Les quelques jours d’après, furent catastrophique, compté les morts dont ceux en passent de l’être à cause de leurs blessures, ceux capturés par le magistère, ceux encore en vie… Il n’y avait plus que Charco, un docteur et moi. J’étais moi-même blessé bien que légèrement… Finalement, le docteur m’appela, je le regardai avec espoir, mais sa mine était sombre, il me fit un signe négatif de la tête, des larmes qui n’était pas de sang, ça fait longtemps que je n’en avais pas versé, je me précipitai dans la petite pièce où il était. Une table aménager en lit de fortune, des bandages gorgés de sang, un souffle douloureux. Il m’appela, je me précipitai, lui disant que j’étais là, saisissant sa main, la serrant si fort, l’ado avait bien grandi… Il me sourit.
« - Tout doux, ça va aller.
- Nan, ne me laisser pas.
- Ho, je sais que tu prendras très bien ma suite. Tu es courageux, tu es capable de tant de choses… Je n’ai qu’un seul regret, c’est que tu ne m’as jamais appelé père.
- Jamais ! »
Sa mine s’obscurcit quelque seconde. Je mis ma tête larmoyante contre sa main.
« - Celui que j’appelais père m’a fait beaucoup de mal à moi et tant d’autres, c’était un monstre. Alors je ne vous appellerais jamais ainsi, vous êtes bon, pour moi, vous ne serez jamais un père, car vous êtes mieux que ça, vous êtes plus que ça pour moi. »
J’eus le courage de redresser la tête, sa seconde main couvrait ses yeux qui coulait eux aussi à présent. Il toussa, du sang coulait de sa bouche, tachant sa barbe courte et grisonnante. Je m’agitai davantage, ignorant mes propres blessures.
« - Hoo, Nandrim, ma fille t’auraient tellement aimé, j’aurais tant voulu la revoir, elle serait un peu plus âgée que toi aujourd’hui…. Je sais que tu as donné le nom de famille que j’ai attribué à de nombreuse autre expérience sauvée, tu porteras notre espoir à tous.
- Votre fille ! je la retrouverais, donné moi votre nom, je n’ai jamais su le votre alors que vous m’avez donné le mien.
- Ho mon garçon…
- S’il vous plait, par pitié !
- Mon nom est… Loudea…. Ma fille… S’appelait Ava. »
Dit-il en rendant son dernier soupir, cette main que je tenais n’avait plus de force alors que je restais un long moment ainsi, choqué. Ce passé me revenait comme un fer brulant, les larmes redoublèrent d’intensité alors que je me penchai sur ce corps sans vie, répétant inlassablement la même chose.
« - Désolé… Je suis désolé… »
Le docteur qui vint me récupérer, une main chaleureuse sur l’épaule, comme autrefois… C’était à présent à moi de gérer alors que le deuil était toujours dans mon cœur…. On était anéantis mais je saurais faire revivre notre flamme….
Des larmes à la fin de ces songes, les multiples voix me rappelant l’espoir que j’avais choisi de porter, ont sa place. Je serrai mes doigts sur mon masque, le remettant, les veines bouillantes à ce souvenir. Le temps du repos est fini, je jette un dernier regard à ma planque poussiéreuse avant de retourner travailler. Cacher ma queue, redevenir une voix, un être invisible pour les grands qui ne se doute point de ma présence en leur sein. Mais aussi le souvenir de ceux responsables de la plupart des maux. Appelez-moi Shanon, cher magistère, vous payerez le prix de nos larmes.