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[1901] Zone A Défendre

[1901] Zone A Défendre  Brandw10
Dim 20 Oct - 23:55

Avant-poste du Magistère

sur la route de Zénobie




Le crépitement des moteurs à Myste faisait vibrer la Brume au travers des balises électrogènes déployées pour sécuriser l'atterrissage. Tout autour étaient disposés des tentes d'où un bourdonnement caractéristique émanait, elles-même entourées de soldats du Magistère, armés de Nascents luminescents. Les Tartares encadraient les machines, veillaient sur elles et quelques officiels d'Opale attendaient l'arrivée du dirigeable avec un air impatient. Bien qu'il ne fasse pas nuit, la pénombre reignait sur ces terres et l'air nauséabond du Nord soulevait des volutes agressifs de Malice, qui frappaient sans cesse dans la zone des balises pour finir absorbées et transformées par elle. Le vent soufflait suffisammet fort pour forcer les opalins à tenir leurs effets et tenter de conserver un minimum de dignité. L'imposant aéronef aux couleurs d'or et de carmin acheva de sécuriser la zone, tandis que les troupes au sol s'occupaient de l'attacher avec suffisamment de solidité pour qu'il ne soit pas la proie des éléments. Après quelques minutes, une passerelle en fut déployée et menée au bastingage du véhicule. Les stockages de l'arrière furent ouverts et on entreprit d'en sortir de nombreuses caisses frappées du sigil de la sinistre organisation.

Dans l'ombre claqua un ordre sec et ce furent une dizaine de soldats en armure dorée qui émanèrent en premier du véhicule, dans un pas ordonné ils portaient la bannière d'une des Sept familles. Assorties à leurs couleurs, ils constituaient la garde d'un des membres éminents de la décadente Splendide. La Cité aux mille lumières avait recraché sur le front l'un de ces plus éminents spécimens car derrière la horde de soldats en armure vint un homme engoncé dans une tenue de cuir serrée, un chapeau melon porté sur son chef. Ses hautes pomettes portaient le rouge des intempéries tandis que ses prunelles d'opale féérique observaient la scène avec un sourire satisfait. Il marqua un temps d'arrêt pour observer les Prometeus entâmer la descente et tirer des murmures béats chez les spectateurs. Un Tartare en armure noire vint se positionner derrière lui, portant ses effets. Le Docteur observa son assemblée d'accueil puis entreprit de descendre lentement pour ménager le spectacle qui se dessinait devant lui. Il observait la Brume vorace qui leur avait donné tant de mal dans les airs, Elle qui frappait les balises. Il observa le vent rageur et les machines qui se déployaient çà et là. Il inspira un grand coup, chassa l'air poussiéreux de ses poumons pour le substituer par celui du succès. Ils approchaient de Zénobie.

- Docteur Von Arendt ! Vous voilà enfin ! le salua un des responsables de ce qui semblait être cette nouvelle base dans la Brume. Je commençais à désespérer, depuis que les installation des Prometeus ont connu des ava...

Un éclair fendit la pénombre et le fracas les fit tous chanceler. Tenant son chapeau, Vladimir lui fit signe d'avancer. L'officiel lui hurla de le suivre sous les vents toujours plus puissants. Le zeppelin du Magistère remit en marche ses turbines pour tenter de lutter contre le ressac que les vents assassins lui faisaient subir, un véritable chaos cette avancée. Il ne manquait que la pluie à ce chaos. Et comme s'il suffisait de penser à une déconvenue pour en voir la queue, de grosse gouttes froides se mirent à suinter du ciel avant d'écraser dans une averse glacée l'avant-poste. On escorta le petit groupe à l'abri, dans une tente où une table avait été dressée avec quelques frugalités. Le Docteur s'en approcha, épousseta son manteau et enleva ses gants de cuir pour révéler ses pâles doigts arachnéens. Il ôta son chapeau et entreprit de se réchauffer ses vieux os en s'approchant d'un poêle à Myste qui tournait dans un coin. Dehors, la pluie grognait contre la tente et rebondissait avec colère sur les assistants qui peinaient à décharger le matériel. Les Prometeus, quant à eux, se positionnèrent devant l'entrée de la tente. Peu importaient les éléments, ils montaient la garde. Aucune autre instruction ne leur avait été donnée.

- Docteur Von Arendt, veuillez excuser l'accueil de notre climat ... yféen. Plus nous avançons vers Zénobie, plus nous rencontrons ce type d'aléas. Les choses semblent très aléatoires par ici et la Brume est omniprésente. Quoi qu'il en soit, merci d'être venu nous prêter main forte. Nous ne remercierons jamais assez le Docteur Forth pour son aide inestimable ...

Vladimir haussa un sourcil et se tourna vers lui. Son manteau de cuir dégoulinait, serré sur sa silhouette malingre. Il en ouvrit lentement les pans et révéla une tenue démodée mais chaude. Son veston enfermait une chemise en satin, simple. Il en tira une montre gousset et la rangea sans adresser la moindre attention à l'officiel. C'était la huitième fois aujourd'hui qu'on félicitait Forth pour les Prometeus. A la dixième, il y aurait un meurtre. Il chassa les tics nerveux qui animaient les ridules de ses yeux et soupira. Ce jeune ergoteur parvenu qui s'était arrangé pour s'arroger la primeur de l'invention du Baron. Il soupira. Mieux valait que ce soit ainsi.

- Heum ... Je suis Logan Thimis, responsable de ce camp. Je coordonne l'assaut sous ordres direct de la Garde, par l'intermédiaire du Lieutenant. J'appartiens donc au corps logistique ... bref. Enchanté. se reprit-il en lui tendant une main que le Docteur ne saisit pas.

Le Baron regarda la main et fit signe à Prométhée de s'avancer et de poser sa malette sur la table. Vladimir s'en approcha et l'ouvrit pour en sortir un cristal dans un écrin. Il le sortit, le porta à ses mains puis referma le tout dans la malette.

- Bien, monsieur Thimis. Nous sommes ici parce que les unités déployées sur le front ne vous ont pas donné satisfaction, c'est bien cela ? commença doucement le Docteur à mesure que les éclairs de la tempête s'intensifiaient.

Voilà qui sonnait difficile pour le zeppelin, mais ce n'était plus son problème.

- Et bien ... ce n'est pas ... enfin oui, on peut voir comme ça. Le dispositif a connu plusieurs avaries et les Prometeus déjà déployés n'ont pas pu être ... réattribués. Merci, d'ailleurs, de nous avoir garni en nouvelles recrues : les dernières ont cessé de ... heu ... fonctionner.

- Avaries, de quel type ? s'étonna le Docteur.

- Et bien ... des pannes, des dysfonctionnements ... un peu tout ça ... Je ne saurai dire : dès qu'on a fait remonter l'information, nous avons été informés que nous étions les seuls dans ce cas : les autres ont l'air de fonctionner ... alors ... et bien, je suppose que c'est pour cela que vous êtes là ?

Le Baron acquiesça.

- Oui, et aussi la raison pour laquelle nous vous avons livré des pièces de rechange. Dans l'attente, vous pourrez profiter de mes Prometeus personnels.


Logan tiqua et écarquilla les yeux. Cela voulait dire qu'il ne s'agissait pas vraiment d'une ressource supplémentaire pour lui et que son problème n'était pas véritablement réglé, mais il aurait au moins cela pour le servir. Il serra les dents et s'inclina pour remercier le noble, avec des idées sombres en tête. Il se redressa, raide, et renifla un peu bruyamment. Cela sentait plutôt mauvais ici. Il tourna un oeil intrigué vers le Tartare en armure noire.

- Dans l'attente que je répare votre dispositif, vous pourrez les utiliser comme s'ils étaient votres. Bien entendu, tout dommage vous sera facturé. Bien. Cela étant, je suppose que vous m'avez aménagé des quartiers convenables ? Je prendrai mon repas là-bas, avec mon Tartare. Je vous remercie de faire livrer mes effets, ainsi que les divers rapports concernant les avaries sur vos machines. ordonna-t-il d'un sourire qui n'en était pas un.

L'officiel s'exécuta avec un rictus gêné et entreprit d'accéder aux demandes du Baron, comprenant à mi-mots qu'il venait de se faire sortir de ses propres quartiers. Il organisa les déménagements, conscient que plus il accèderait rapidement aux exigences de l'Assistant du Docteur Forth, plus vite il serait débarassé de lui. Sans compter qu'il avait plus important à gérer que l'égo d'un scientifique au rabais. Ainsi, au bout de quelques heures, Vladimir se retrouva assis au milieu du chaos de la tempête qui soufflait, le nez dans les rapports et les quelques pièces mécaniques du dipositif. Il ne lui fallut pas longtemps pour identifier le problème. Le problème était qu'il n'y en avait pas : le dispositif aurait dû marcher à la perfection ... et pourtant. Pourtant quelque chose ne tournait pas rond. C'était comme si quelqu'un ou quelque chose avait tenté de sabot...

Le souffle d'une explosion retentit et des dizaines de cris percèrent les hurlements de la tempête. Prométhée dégaina son épée et passa par l'entrée de la tente, suivi d'un Docteur qui avait remis son imperméable et se ruait pour découvrir ce qu'il se passait. Les deux tombèrent sur un spectacle de flammes et de chaos. Les Prometeus qui avaient été attribué à la garde des machines étaient à terre et finissaient de se consumer tandis que le camp courrait dans tous les sens pour tenter de quoi arrêter l'incendie, qui prenait des teintes bleutées caractéristiques du Myste. Vladimir renâcla et recula d'un pas lorsque les flammes crépitantes s'élevèrent haut dans le ciel. Il s'éloigna tant que possible tandis qu'on hurlait à l'attaque, au sabotage. Puis soudain ...

- Là ! Ils sont là ! Les saboteurs ! Attrapez-les !
Dim 27 Oct - 22:02

Zadig sans Voltaire

Se faire voir et se faire entendre


Vous allez rire, mais l’effet va bien au-delà de ce qu’on avait prévu. Mais, que voulez-vous, j’adore les feux d’artifice. Normalement, j’aurais dû être plus calme, j’aurais dû prendre mon temps. Mais derrière une apparence de maîtrise, je n’avais qu’un objectif : faire vite.

Je ne savais pas bien pourquoi, je ressortais avec cette impression floue et vague de mon récent passage à Xandrie. Je n’avais retenu que ce sentiment d’urgence diffus. Je n’aimais pas ça, ça me rappelait de mauvais souvenirs ; vous savez, c’est comme quand vous avez quelque chose sur le bout de la langue. Vous vous concentrez dessus et ça vous échappe constamment. Il ne restait que les yeux de rubis… et l’urgence.

Nous étions partis vers le nord, séparément, chacun à notre tour et par des moyens divers. Nous remontions la piste sans chercher à nous faire repérer. Parfois, dans un camp, que ce soit à Oxenfurt ou plus haut, nous nous croisions, échangions un regard entendu avant de nous séparer à nouveau. Lan-Lan semblait trouver la situation presque amusante. Qu’est-ce qui ne l’était pas, après tout ? Le contact qu’elle avait amené avec nous aussi. Il y avait un visage qui revenait régulièrement dans le groupe avec lequel il se déplaçait. Si j’étais à l’avant-garde, je devais bien avouer qu’on faisait chou blanc pour l’instant. Rien à signaler par ici, s’il était passé, il avait déjà disparu.

On avançait, parce que la caravane passe. Il y avait eu du mouvement, on avait aperçu un strigoï qui aurait pu être Zadicus par ici ; on nous jurait qu’il était parti par là. Toujours plus vers le nord, sans réelle logique. Qui, sinon un nanti en soif d’aventure, aurait tout laissé en plan, amis, cachette et famille pour assouvir sa curiosité envers la Brume ?

Et la Brume donc, l’ennemie intime, je sentais bien qu’elle serpentait, curieuse engeance. Va savoir qui nous étions pour venir nous aventurer en son nid. Ce n’était peut-être pas une première et peut-être que j’avais déjà vu pire. Le pire, ce n’était pas ce qu’on pouvait y trouver, c’était ce qu’on n’y trouvait pas. Je ne pouvais que tirer mon chapeau bas aux Sentinelles qui l’arpentaient, chapeau dont les bords ne tarderaient pas à déborder tels des gouttières bouchées.

En plus, je n’aimais pas la pluie, ce n’était pas mon univers. C’est froid, c’est impossible de complètement faire disparaître l’humidité, on s’enrhume. Un terrain déjà traître devenait mortel avec ce sol glissant. Ça faisait des heures qu’on marchait là, ça ne seyait pas à notre équipée et je me garderais bien de raconter à mes collègues que j’avais plusieurs fois failli perdre une botte dans des tourbières. Jaruk devait bien en tenir son content de rire, maudit macaque orangé adoré. Il s’amusait bien quand nous étions dans les camps à l’abri des balises. C’était moins vrai à l’extérieur où il préférait se tenir à l’abri autour de mon cou, ses petites griffes griffant les protections de cuir sur mes épaules.

Mon terrain à moi, c’est la ville, la jungle et le sable. Mais que voulez-vous, l’adaptation est reine. J’avais dû renier mes vêtements amples et aérés pour des cuirs plus isolants et des couches de fourrure. Le froid venait aussi à notre rencontre, en plus de scènes d’affrontements dont je me serais bien passé. Qu’est-ce qu’il était venu foutre par ici ?

À mesure que je pestais, j’en appris plus sur les rumeurs de ce qui se passait au nord, près du front. On ne se refait pas, même dans ce genre de situation où tout semble mû par un but commun, ça jacasse. C’est là que j’ai entendu parler de ce Zad. L’information était parcellaire, mais il semblait jouer de persuasion et parvenir à se fondre dans les ombres ou, en tout cas, à se faire discret facilement. Est-ce que ça pouvait être notre homme ? Honnêtement, je n’en savais rien, pas plus que je ne trouvais logique sa propension à attaquer les balises électrogènes. Si ce n’était pas lui, c’était tout de même le moment de faire une bonne action et de trouver une raison pour notre groupe de se reformer par pur hasard.

Hasard qui allait prendre la forme d’un feu d’artifice. Que voulez-vous, si ça se trouve, cette opérette m’avait donné des envies d’entrées théâtrales. J’allais m’assurer que tout le monde dans le périmètre soit alerté.

C’est comme ça que vous vous retrouvez avec un petit narangpé qui s’amuse avec des câbles électriques et un filou qui joue de la dague pour dévisser des plaques de ventilation. Ça chauffe, ça vibre, ça devient critique. J’attrape Jaruk par la peau du cou avant que nous nous éclipsions d’un clignement d’œil, après m’être bien assuré de m’être fait voir.

Vous voyez, c’est comme ça qu’avec un peu de chance, on lance des rumeurs et que des chasseurs remontent notre piste rapidement. Venez, très chers, il est temps qu’on se retrouve, vous ne pensez pas ?

Quand je parle de chasseurs, je parle bien sûr du reste de mon groupe, mais aussi des chasseurs comme Zad, surtout. Peut-être qu’il n’en aurait rien à faire, mais même un fou doit avoir les yeux rivés sur ce genre de situation. Voir d’immenses arcs électriques éclairer la scène avant que la balise n’explose et détonne. Il pourrait y voir de la concurrence ou y voir des alliés qui cherchent à ralentir l’avancée. Il ne prendrait pas mal de voir un camp opalin en panique… Mais rien de bien méchant, pas vrai ? Ils doivent en avoir encore un bon paquet en réserve, ces machins qui, soi-disant, nous protégeaient. Je vous laisse deviner si je parle des balises ou des soldats en armure qui ont envahi les rues d’Opale. Même les Cassandre les trouvent étranges, ces Prometeus…

Dans tous les cas, j’espérais que la troupe nous retrouverait rapidement. C’était la seule chose qu’on avait dite : quand vous pensez que c’est un signal de réunion, rejoignez le point en hauteur le plus proche à l’Est. J’attendais donc entre deux roches fendues, spectateur moi aussi de ce petit manège d’un camp en alerte, une cape déjà trempée me servant de couverture de fortune. J’espérais aussi qu’ils sortiraient rapidement de l’ombre.

Je n’en pouvais plus de la pluie.
Sam 2 Nov - 19:47

Les grands saboteurs

Une autre aiguille dans une autre botte de foin


Le doux ronron de la pluie lui caressait l’arrière des oreilles, un chat de percussions et de brises acharnées, le tintamarre sauvage d’un félin indomptable. Les felinimbus étaient-ils de sortie? Sous la lunette d’une longue vue, un améthyste solitaire scrutait le ciel avec fièvre et patience. Il y avait quelque chose d'électrique dans le fond de l’air. Quelque chose d’effréné. Quelque chose de fou.

Ma demoiselle, vous ne devriez pas vous avancer ainsi, c’est dangereux !

Hmm? Ah, oui. L’aventurier. Elle n’avait pas vraiment retenu son nom, seulement sa fonction. Un explorateur, fin limier de la Brume dans cette terra incognita de tous les possibles. Il avait roulé sa bosse à travers le monde, rendu borgne à Dainsbourg, il n'a cessé d’apporter ses lames et canons depuis. Et aujourd'hui…

C’est pas facile tous les jours vous savez.

Hmm-hmm ponctua-t-elle. Parfois, elle lui répondait à grand coup de Ah oui?, flairant que le bougre, dans sa Brume, ne voyait pas grand monde et prenait un grand plaisir à converser - n’importe quel interlocuteur, pourvu qu'il ne soit pas sa seule personne, pouvait devenir rafraîchissant.

Ils viennent de finir la route, v’savez! L’alliance a fait du bon travail, puis avec Opale aussi. C’est un sacré prodige. Une belle prouesse même. M’enfin…

Flash - un éclair blanc lacéra le ciel, fendant le territoire humide et vaseux d’une nappe blanche qui l’obligea à plisser les yeux. Le crépitement des balises fut un temps étouffé par le tonnerre, obligeant son charmant interlocuteur à mieux se taire. Mais ce n’était pas le sol inondé d’une Brume énervée qui capta immédiatement son attention. Dans ce clair-obscur se déchirait une ombre titanesque, silhouette de verre au travers les nuages. Un monstre de fer - un zeppelin?

Oh… De la compagnie, donc… Il n’y avait rien pour les épargner, ces temps-ci.

Son sourcil s’arqua dans un rictus désagréable qui ne manqua pas de sauter aux yeux leur accompagnateur. Oh, vous en faites pas Madame! Sûrement les Opalins, ils ont un camp, par là-bas. Et ça va pas fort, en ce moment. Il fit mine de regarder à droite et à gauche avant de se pencher en avant, non sans une mine forcée de secret un peu grotesque. Il paraîtrait qu’ils ont quelques soucis de matériel… Si vous voyez ce que je veux dire.

Il accompagna son geste d’un clin d’œil un rien forcé, et bien évidemment, elle lui répondit par un sourire convenu. Cela ne dépassera pas mes lèvres. Mais j’avoue avoir du mal à vous suivre, quels soucis?

Le malheureux les arrêta, comme s'il percevait la présence des Opalins derrière la broussaille environnante. Et avant de poursuivre, il réunit ses deux mains en coupe contre ses lèvres, scellant un peu plus leur secret.

C’est qu’ils ont… Des défaillances techniques. Mais dont la cause est nébuleuse. Pour ne pas dire… Enfin, on raconte que c’est délibéré.

Oh ! Lan-Lan ouvrit ses deux yeux grands, rincés de pluie et de surprise, déposant sur ses lèvres une main bien étonnée. Opale se démarquait par son soutien dans cette grande course vers la libération de Zénobie - bien malgré la lente et inexorable chute de sa propre nation. Ils déployaient les grands moyens… Si un grain de sel s’était coincé entre ses rouages, elle n’osait imaginer par quelle force de frappe répondrait ses dirigeants. Le feu, sans nul doute.
Elle n’était pas optimiste, mais c’était tout de même une piste - tout ce qui pourrait les rapprocher du but était bon à prendre. Depuis combien de semaine s’étaient-ils lancé sur la route? Même si, jusqu’ici, l’expérience était des plus grisantes, elle devait admettre commencer à ressentir un rien… D’impatience. Un mot aimable à son interlocuteur, et la jeune femme fit brusquement volte-face, dardant sur le ciel sa longue vue à la recherche du monstre de métal… Pour y croiser un écusson bien familier. Oh… Oh!

Geralt? Lan-Lan passa outre la figure interloquée de l’aventurier pour appeler brusquement son compagnon de route - se rendant rapidement compte que sa voix avait été étouffée par le tonnerre, elle l’appela une nouvelle fois - pivotant complètement pour mieux apercevoir les deux frères avancer un peu plus loin sur le chemin.

Elle les avait retrouvé il y a quelques jours. Leur destination? Le Nord, plus au Nord. Curieuse stratégie, la séparation - leur route s’écrivait par bribe, tantôt commune, plus souvent séparée, avançant sur des chemins brisés, lointains, souvent différent. Leur ravissant bambin était à l’initiative, ayant imposé la division pour rendre le règne plus assuré. Faire choux blanc à Aramila avait toujours un goût amer dans sa gorge diaphane - elle aurait préféré repartir avec une tête dans son sac - mais ni sac ni tête dans ses affaires. Seulement la déception du vide, et des on-dits par dizaine. Leur cible avait traîné le nom de Xandrie et les corps de ses victimes dans la boue - il lui arrivait encore de les voir quand elle fermait les yeux. Et avec ces images décharnées, des envies de vengeance lui montaient au crâne, toujours plus ténues, toujours plus vives…
Mais jamais assouvies.

Quand l’assassin parvint à sa hauteur, elle fit un signe à l’aventurier de poursuivre quelques instants sa route, signifiant par un sourire polie que leur discussion était des plus privées. Il s'exécuta à contrecœur, mais elle attendit qu’il soit suffisamment loin pour exposer sa découverte à son acolyte - son frère n’était pas encore à portée d’oreille mais elle n’avait pas de temps à perdre. Ses mots étaient pressés, hachés, mais elle conclut par:

Derrière ce bois doit se trouver un camp Opalin d’envergure, un zeppelin aux écussons Von Arendt est en train d'atterrir - sans doute à la recherche de la petite souris qui détruit leur matériel. Elle avait une idée derrière le regard, une électricité sans doute aussi vibrante que les éclairs qui traversaient le ciel. Je n’en suis pas sûre mais… Crois-tu que ça pourrait être notre cible?

Une autre pensée agitait ses neurones - leur prochain point de rendez-vous avec l’Aramilan était non loin. Ce serait dommage si…


BOOM

Ses pensées, tout comme le cri de l'aventurier, furent fauchées net par une explosion - suffisamment proche pour qu’ils puissent la rejoindre à pied. Son cœur s’emballa - ça ne serait pas aussi facile… Si?


Dernière édition par Lan-Lan Fà le Mer 6 Nov - 19:06, édité 1 fois
Mer 6 Nov - 16:46
 
Il est toujours très amusant de voir un gaillard prendre Lan-Lan pour un petit bout de femme à protéger. De nous tous, elle est certainement la plus dangereuse et celle capable des pires atrocités pour s’en sortir. Ne vous fourvoyez point, je ne cite ici que des qualités, et non des défauts que beaucoup mentionneraient sans aucune vergogne. Seuls ceux qui vivent ces aventures peuvent comprendre à quel point nous vivons dans un monde dangereux. La guerre, la Brume, les animaux fantastiques… tant de choses que des personnes s’évertuent pour le dissimuler des individus communs. Ils ne l’accepteraient, se figeraient de peur et se tueraient avant même d’avoir essayé de survivre. D’autres, par contre, se battent jour après jour pour le salue de l’humanité. Grand respect à ces personnes. Puis, il y a les idiots comme moi, qui suivent une femme dans une traque aussi dangereuse que la bataille qui se prépare sur Zénobie. Aussi dangereuse parce que c’est précisément la route qui mène à cette bataille que nous suivons actuellement.

Comme promis, je suis mademoiselle Fà dans cet objectif commun que nous avons. Bien naturellement, malgré ses réticences, j’ai embarqué ce pauvre Zephyr avec moi. Malgré nos vêtements de pluie, le temps reste fort peu agréable, bruyant et floue. Nous avançons dans l’inconnu dans les pires conditions possibles. Malgré nos tricornes sur la tête, nos élégantes bottes, nous sommes trempés. Nos beaux cheveux blonds, attachés en queue de cheval par un magnifique nœud, sont trempés aussi. Je sens le souffle chaud de mon frère, juste derrière moi, qui signe peu à peu mon arrêt de mort. Autour de nous, des balises permettent de nous déplacer dans la Brume, sauf que des crépitements nous rappellent régulièrement que ce confort peut s’achever à tout moment. Marcher dans la Brume, sous la pluie, au milieu de nulle part, autant vous dire que c’est la mort assurée.

Voilà des jours que nous marchons sans résultat. Parfois en compagnie de Lan-Lan, parfois uniquement avec Zephyr, parfois seul avec moi-même. J’ai beaucoup chassé dans ma vie, alors je sais qu’une traque peut être très longue. Mais croyez-moi, chasser avec la menace perpétuelle d’être ensevelie par la Brume, c’est une autre paire de manches. J’avoue être sous-tension depuis trop longtemps et me languis que tout cela cesse une bonne fois pour toute. La dernière aventure avec le viscuphage m’a légèrement immunisé. J’ai voulu croire en certaines personnes, qui ont cruellement manqué d’efficacité, je me suis donc trop exposé pour lamentablement finir dans les pâquerettes. Ou dans la vase pour être précis. Mais si nous sommes ici, à supporter toutes ces péripéties, c’est pour un objectif bien précis. Retrouver l’homme qui a terni l’image de notre nation nous permettra sans aucun doute d’enclencher la marche vers la révolution. Notre révolution.

Lan-Lan me sort brutalement de mes pensées. Ou plutôt avec une douceur, quand on pense à ce joli sourire et à ce regard empli d’une détermination désastreuse. Cet adjectif a toute sa place, oui. Chaque fois que ce regard croise le mien, je me retrouve aussitôt dans un bourbier dans lequel je dois jouer avec ma vie. Un zeppelin Vont Arendt, du sabotage chez les opalins, un lien avec notre cible ? « Difficile à dire, Lan-Lan. Opale a tellement d’ennemis, surtout aussi éloignée de ses propres lignes… notre cible aurait tout à perdre en se faisant ainsi remarquer. », ai-je dit d’une mine plutôt triste de devoir poursuivre nos recherches un long moment. En effet, l’ancien ministre serait stupide de prendre le risque d’être confronté à des Tartares ou Prometeus.

Cette fois-ci, très peu de temps après ma prise de parole, ce n’est pas la belle demoiselle qui me sort de mes songes, mais bien l’explosion d’une balise. Mes sens se mettent aussitôt en alerte, Zephyr se rapproche instantanément de moi, prêt à dégainer. Du calme, du calme. L’explosion a été si proche que nous pouvons rapidement nous rendre sur les lieux. La pluie obstrue la visibilité, les sons subtiles, les odeurs… Je déteste la pluie. Sincèrement, je la hais du plus profond de mon être. De plus, l’idée de me retrouver une nouvelle fois, aux côtés de ce pseudo-scientifique aux tendances macabres, ne m’enchante pas des masses. Encore moins avec ses gardes du corps traités comme du bétail, des chimères reconstitués à partir de restes. Nous poursuivons notre chemin sous cette pluie battante, silencieusement, l’humeur morose et les sens éveillés. Lan-Lan semble étonnamment savoir où se rendre et accélère même le pas, et ce malgré les recommandations de l’aventurier.

« Qu’est-ce qu’elle fiche ? Que tu l’apprécies ne me pose aucun problème, sauf si ça inclut de risquer inutilement nos vies, Geralt. », pesta Zephyr à voix basse. Son inquiétude était tout à fait légitime, mais je sais Lan-Lan méticuleuse et précautionneuse. Je pose délicatement la main sur l’épaule de mon grand-frère, demi-frère pour être précis, pour calmer ses ardeurs et le rassurer. En réalité, cet homme n’a absolument pas besoin d’être rassuré. Je veux seulement le détendre pour protéger mon amie. « Elle sait très bien ce qu’elle fait, Victor. Nous devons retrouver l’Aramilan. Peut-être que ses recherches ont été plus fructueuses que les nôtres. », rétorqué-je avec un grand sourire. Il maugrée et me hait certainement, mais décide néanmoins de me faire confiance. Nous n’avons guère d’autre choix.

Aux abords du campement, assez dense au demeurant, on décide de contourner le lieu pour ne pas se faire remarquer. Entre deux roches fendues, un individu semble apprécier le spectacle provoqué par cette explosion : un camp totalement déchiré, excité, effrayé, en effervescence. L’œil suspicieux, je ne peux m’empêcher d’observer cet air coquin qui s’échappe de cet Aramilan sans penser qu’il a un quelconque lien avec cette explosion. Un regard entendu avec le frangin pour se mettre d’accord. Ici, on me connaît sous le nom de Geralt d’Omanie. Tous se doutent que je ne suis pas qu’un simple noble, peut-être pas non plus au point de m’imaginer assassin, disons plutôt un noble aux tendances aventurières et chevaleresques. L’argent peut donner des envies particulières, presque suicidaires. Pour le bien de tous, cela doit demeurer ainsi et ne surtout pas évoluer. Me savoir membre de la Guilde des Assassins est synonyme de mort pour ceux qui le découvrent.

« Bien le bonjour, camarade Aramilan. Cette pluie vous sied à merveille. », ai-je dit en inclinant légèrement mon tricorne en guise de salutations. « Quel beau spectacle, n’est-ce pas ? J’imagine que l’on fourvoierait de croire que notre cible commune est responsable de ce tragique accident ? S’ils ne règlent pas rapidement cet incident, nous courrons tous un grave danger. »

Je ne tiens vraiment pas à me retrouver dans la Brume. Moins je la désire, plus elle s’approche. Je la sens dans mon dos, me caresser, me souffler à l’oreille qu’elle sera bientôt là. Taquine, je la sais diablement mauvaise. Foutue Aramilan. Qu’est-ce qui me retient de le tuer ? Ah, oui. Notre mission.
Lun 11 Nov - 23:51

Belle et ses clochards

des suspects opportuns



Les flammes, le chaos. Des morts, peut-être ? Le Docteur tenait son chapeau sur son crâne pendant que Prométhée retournait les cadavres qui ne tardèrent pas à se relever en dépit des flammes. La pluie acheva de les éteindre mais l'image avait de quoi surprendre. Terrifier. Une fois assuré que les Prometeus étaient encore en état, le Tartare s'engouffra dans la tente et en ressortit presque aussi tôt tandis que les soldats de l'avant-camp se ruaient dans la direction où ils pensaient avoir vu disparaître le fameux saboteur.

- C'est encore un coup de Zad ... marmonna un type lorsqu'il passa à côté de Vladimir, un fusil dans les mains. Mon frère m'a dit que Xar Gilra aussi était ... puis la pluie cacha le son de sa voix.

Le Docteur arqua un sourcil. Zad. Zad, Zad, Zad. Ce nom ne lui était pas inconnu. Peut-être dans le babillage incessant des pilotes ou de ce ... Thimos ? Thimis ? Il secoua la tête, s'avança en vue de Prométhée.

- Aghngng. Hgnhhn. marmonna le Tartare.

Vladimir se massa les tempes. Foutue bestiole incapable d'articuler. Il lui fit signe de le guider. D'un ordre sec, le strigoï ordonna à deux Prometeus de le suivre, faisant fi de la promesse faite quelques temps plus tôt. Il suivit sa création vers la tente et tandis que la pluie commençait à faire taire les dernières flammes, il parvint vers la zone de l'explosion. Impossible d'en découvrir quoi que ce soit, sinon que cela venait des piles à Myste. Il fronça les sourcils. Pas des piles, juste à côté. Il lui faudrait des jours pour comprendre ce qui avait pu dysfonctionner. Il soupira, grimaça. Cela allait vraiment lui coûter des pièces de rechange. Il faudrait remplacer toute la machine. Refaire les conduites, les circuits. Il s'approcha du coeur de la machine. Sourit. Fort heureusement, le nascent était intact. Il prit garde de ne pas être vu, replaça le mystérieux dispositif. Tiqua. C'était bien la première fois sur un de ces accidents que le nascent n'était pas détruit. Il était venu pour cette raison. La crainte qu'une partie du secret du dispositif ne soit défectueux sur cet aspect. Les nascents de ce type étaient rares. Une ressource précieuse, difficile à concevoir. Il avait, en effet, craint que quelqu'un ait précisément ciblé cela. Mais c'était impossible. D'ailleurs, jusqu'à plus tôt l'hypothèse d'un sabotage était à peine abordée ... à peine.

Le Docteur siffla aux Prometeus restants de monter la garde et emmena les deux autres avec lui. Il revint dans sa tente pour s'abriter mais il croisa malgré lui le maître des lieux qui lui indiqua que ses hommes avaient perdu la trace du saboteur mais qu'ils avait aperçu les traces d'un groupe non loin du camp. Plus au sud. Incapables. Un saboteur au nord, et des réfugiés au sud ? Mais quelle coïncidence. Bien entendu, deux événements distincts sans aucune corrélation. Quel hasard, quel fantastique hasard. Mais quelle cervelle de moineau. Certes, cela pouvait être vraiment une coïncidence. Mais à la vitesse à laquelle ce Thumas réfléchissait, le camp serait en ruines avant que Zénobie ne soit atteinte. Il était temps que quelqu'un de capable règle cela. Vladimir détestait cela. Toujours à régler les problèmes des incapables. Comme cette dernière fois dans un manoir xandrien ... Le Docteur grogna et recala sur son chef le chapeau melon qu'il venait de poser sur le portemanteau.

- Et ça ne vous semble bizarre en rien ... parfait. Menez-moi à eux, Lagon Thomis. Tout de suite.
ordonna-t-il, toujours encadré de son Tartare et des deux Prometeus. Il ne vous est pas venu à l'esprit qu'ils puissent être mêlé à tout ceci ? Crétin.

L'homme voulut répliquer mais se contenta d'ouvrir et de fermer sa bouche. Il héla ses soldats, leur demanda de mener leur invité vers la zone où ils avaient aperçu le petit groupe sur leurs radars. Ce fut ainsi que Vladimir gagna la pluie pour la troisième fois, encadré d'un Tartare, de deux Prometeus et de deux cobayes. Soldats. Cela ressemblait malgré tout à une mauvaise blague. Il ne leur fallut pas longtemps pour tomber sur le petit groupe, qui ne semblait pas chercher à se cacher. Tiens. Les soldats opalins arrivèrent pour tenir en joue le petit groupe tandis que les Prometeus avançaient vers eux, arme au fourreau. Il se stationnèrent sur le côté pour laisser passer un Tartare en armure noire puis un homme engoncé dans un imperméable noir serré, serti d'un chapeau melon dégoulinant. Il portait le brassard du Magistère et une insigne rouge sur la poitrine.

- Pour une surprise ... murmura-t-il à sa propre intention. Dame Fà ! Vous êtes loin de chez vous ! Voyons, venez vous réchauffer dans ma tente et vous pourrez m'expliquer pourquoi je vous retrouve toujours dans la pire des situations, lorsque je m'y attends le moins ?! C'est une terre éloignée des conspirations ici, peu adaptée à vos manies !

Il dû hausser le ton pour être entendu mais fit signe aux opalins d'escorter le groupe en direction du camp. Il arqua un sourcil en apercevant Geralt - encore et toujours - ainsi que trois autres hommes inconnus. Ils furent escortés dans la tente du responsable du camp qui se fit une fois de plus déposséder de la moindre hiérarchie, de la façon la plus détestable possible. Escorter là des prisonniers ? Impensable. Et pourtant. Vladimir fit signe à ses hôtes de déposer leurs effets tout en se dévêtissant à son tour. Il scruta un à un les nouveaux amis de Lan-Lan.

- Geralt, toujours un plaisir. ponctua-t-il avant de dévisager chacun des individus. Et vous êtes ? Coupables ? Imbéciles ? Les deux ?

Il offrit un sourire acéré à Lan-Lan, de ceux dont le pouvoir rendait ivre de suffisance. Ce serait à eux de déballer leur histoire en premier. On leur apporta de quoi se sécher, de quoi se sustenter. Un nom pouvait valoir mille servitudes. Surtout quant on arrivait avec des gorilles en armure dorée.
Ven 15 Nov - 18:21

Zadig sans Voltaire

J’aurais préféré un café


Le zeppelin avait accosté depuis un moment quand l'explosion s'était fait ressentir. Cela avait eu le mérite de mettre le camp en alerte. Que ce soit la fatigue ou le stress permanent, ces hommes s'étaient relâchés, ne s'attendant qu'à voir une énième monstruosité sortir du bois. Ils en oubliaient que les hommes pouvaient être les pires. Je suis à peu près sûr qu'une balise ne serait jamais qu'une fière leçon pour eux, n'est-ce pas ? Il ne restait qu'à espérer que personne ne soit resté trop près de l'explosion.

Alors, ce puceron était encore de la partie ? Remarque, je n'étais personne pour l'empêcher d'aller au-devant du danger. Il avait dû en voir assez, en tout cas, il n'en voyait désormais plus qu'à moitié, ce vieil aventurier. Quand je parle de danger, je pense plus à ces spinelles qu'à un quelconque monstre de la Brume. Et cette pluie qui ne s'arrête pas... Jaruk s'était lové dans la cape humide, cherchant à s'en protéger autant que possible, mais le poids de cette dernière trahissait une imperméabilité devenue partielle. Ce n'était pas la même qu'au sud, pas du genre à faire plaisir à recevoir plutôt qu'un soleil dur. C'étaient de grosses gouttes froides, insidieuses, et je n'étais pas le seul à me plaindre intérieurement.

Les yeux froids des deux autres hommes, Geralt et Victor pour ce que j'en ai suivi. Ils pourraient s'appeler Pierre, Paul ou Jacques que ça aurait été la même chose. Leurs regards étaient trop pour être honnêtes. Entre éclairs naturels et ceux de l'explosion, je devine, répondant au salut par un bref signe de main. “À vous aussi, à croire que vous avez marché dans ce genre de boue toute votre vie, Geralt.” Que voulez-vous, les canailles ont tendance à rapidement s'entendre, jusqu'à ce qu'il faille mettre un couteau sous la gorge de l'autre pour une décision qui ne nous regarderait pas. Sans animosité. Ce n'était jamais que du commerce. “J'imagine aussi, c'est fou qu'un camp aussi grand soit aussi mal défendu…

Je laissais la pierre mousseuse dans mon dos, un bruit d'éponge qu'on serre quand je quitte son support. “... Bref, vous avez fait bonne route ?” Mon royaume pour retrouver les dunes. Le camp mit quelques instants à se remettre en ordre, je comptais, regardant là où ça restait fragile. Décidément, Opale n’avait que ses sous pour s'en sortir... Et son Magistère. Je devine des silhouettes approcher, on allait avoir de la compagnie sous peu. J'étais tendu, le Narangpé le sentait bien. Il se cachait dans mon col, ses petites griffes s'enfonçant dans le cuir. “Il y a des rumeurs, un certain Zad… Je doute que ce soit notre homme, mais on tourne depuis des jours et des jours… Même une piste froide, ce zeppelin qui arrive... Je prends.” Je parlais rapidement avant que nos invités nous rejoignent. On aurait pu avoir l'air impressionnant, quatre gaillards équipés dont un avec un œil en moins, une demoiselle pas si en détresse que ça. Ce n'était pas grand-chose comparé à ce qui nous arrivait dessus. J'aurais presque sifflé d'admiration. Comme quoi, ils pouvaient aussi s'y mettre dès qu'on mettait un cerveau en marche, avec le côté théâtral en plus.

Ainsi, il connaissait la Fà. Au moins, on ne finirait pas directement avec une balle perdue, c'était ça de pris. Peut-être même qu'on aurait le droit de se sécher ? Pour le coup, il n'y avait aucun tour de force à jouer sinon de suivre celui qui semblait peu à peu prendre les commandes du camp. Ce n'était pas encore tout à fait joué, mais c'était comme si c'était fait. Je me débarrassais de la lourde peau au sol, elle pouvait bien macérer là, ça ne me dérangeait pas pour l'instant. On n'était plus à une coquetterie près. Jaruk s'ébroua avant de balayer la pièce du regard, les yeux irrémédiablement attirés par l'homme en armure. Geralt aussi était connu, et ça, j'aimais moyennement. L'impression que le rapport de force était en ma défaveur si les choses tournaient mal. Je n'avais pas envie d'être le fusible bien opportun, vous voyez ?

Je réchauffais mes mains comme je pouvais, n'écoutant qu'à moitié la discussion. J'étais un sbire dans cette affaire somme toute xandrienne. Si ce n'était pour Chaya, je serais encore à Aramila. Ce flou de ma dernière entrevue me laissait pensif à nouveau. “Coupable de quoi ? D'explorer la Brume et d'avoir été attiré par l'explosion ?” On ne m'y reprendra plus à jouer le bon samaritain et à avoir voulu aider si, d'aventure, quelqu'un avait été blessé. Quel terrible hasard que cette explosion.

Mais ce n'était pas la première que les balises subissaient sur la route. Les rumeurs pointaient vers un autre suspect, mais si c'était Zadicus qui était devenu un agent du chaos ? Ce ne serait pas la première fois que l'ancien ministre aurait eu un comportement incompréhensible, après tout.

Si cette explosion avait pu l'attirer, tant mieux.

Sam 16 Nov - 18:37

Les grands saboteurs

Hasard douteux


Petit monde. Minuscule monde. Ridicule monde. Finalement, ils n’étaient pas plus que des pions sur un tableau d’échec, à avancer bêtement dans un tout petit filet. Ils avaient beau se débattre, les fils du destin les serrer de plus en plus, riaient à les faire croire qu’ils avaient une voix dans ce tableau. Mais il n’en était rien. Alors, à quoi bon ne pas s’en amuser? Même sous une pluie battante, même quand la fraîcheur congestionne les os. Même dans la Brume. Amusons-nous.

C’était bien sa maître carte quand elle pressa le pas - téléguidée, presque, sur ces sentiers de terre fraîchement battue. Elle entendait déjà pester Victor, mais cela ne l’empêchait pas de se dépêcher - heureusement pour elle, Monsieur d’Omanie veillait à ce qu’un couteau ne finisse pas sous sa gorge, protecteur vaillant de la calamité en mouvement. La carte en tête, et les idées claires: cette explosion ne pouvait pas sortir de nulle part. Soit le cafard qui agaçait les Opalins avait mal choisi son timing, soit c’était le leur qui faisait des vagues. Et dans un cas comme dans l’autre, c’était impératif qu’ils soient les premiers sur place. Surtout que la coïncidence voulait que leur prochain rendez-vous avec leur négociant en épice soit à peu près au même endr…
Attendez.
Sourcils arqués - qui juraient avec un sourire naissance. Il n’aurait pas osé… Si? Ce renard était imprévisible, avec son macaque chapardeur, il aurait bien pu… Non, c’était trop gros. A quoi bon, tenter de forcer le loup hors de sa tanière? En avoir le cœur net? Un peu de chaos - à quoi bon chercher à rajouter de l’épice, elle se noyait déjà dedans.

Prémonition heureuse, à quelques pas de la scène de crime, voilà qui patientait l’Aramilan - leur relation avec Geralt n’était pas des plus faciles, mais qui était-elle pour dire quoique ce soit? Devait-elle apporter un peu de… Liant? Non, c’était bien plus amusant de les voir se toiser - de bonnes guerres, presque. Après tout, tout le monde devait fulminer de devoir se retrouver sous cette cascade, dans cette purée de poix, à se geler les os. Pensivement, elle sortie sa pipe qu’elle remplit d’une main experte - on sentait au nez qu’il y avait bien plus que du tabac tassé au fond de la gueule ouverte d’un dragon de bois - mais elle l’alluma dans plus de manière, bien cachée sous son ombrelle. Attendre, simplement, que les égos terminent de se chercher, était la seule chose à faire. Un rien de chevalerie, sans doute - Geralt cachait tout un monde sous une noblesse presque innée, ce qui n’était pas le cas de son frère. Face à un jeune plein de malice, aucun doute que cela faisait de belles étincelles.
Il n’y avait bien que le borgne pour en être inquiété - elle le sentait fébrile, et il y avait de quoi. C’était une curieuse vision hors de cette Brume, jeune vagabond trempé et son singe. Comme le prophète méridional d’une tempête en approche. Un bruit venant d’un buisson tout proche révéla rapidement un visage draconique et luminescent. Il n’y avait pas qu’elle qui avait repéré le singe. Hu-Gong aussi. Le venigon les suivait depuis quelques encablures, trouvant sa joie dans un voyage en solitaire. Mais jamais très loin, il finissait toujours par apparaître.

Du bruit dans les fourrés - ils ne seraient pas seuls bien longtemps. Las, Lan-Lan fit un pas dans leurs directions: ils n’avaient plus beaucoup de temps avant de tomber sur… Quelqu’un? Non, plutôt un groupe. Ils faisaient un vacarme à en oublier la pluie et le ronron crépitant des balises.

La route a été excellente oui - mais bien pauvre en résultat; les rumeurs soufflent qu’il y a de l’activité au Nord. C’est bien tout ce qu’on a. L’Aramilan eut vite fait de compléter le tableau dans une précipitation toute compréhensible.

Presque immédiatement, on braqua sur eux une armée de lumière, des flashs assez puissants pour qu’elle ait recours à sa main le temps de bien ajuster son regard: en jouc, les voilà entourés de quelques-uns de ces soldats malodorants, d’autres plus… Vivants et de… Impossible.

Baron ! Comme c’est curieux. Dans une envolée toute naturelle, la demoiselle Fà fit un pas en avant, se retrouvant à la hauteur du scientifique. Nous aurions bien besoin d’un abri, effectivement. Il m’est venu de transporter ces conspirations loin de Xandrie - votre chapeau est ravissant. Toute en manière et en courbette, elle n’attendit pas d’être escortée pour ouvrir la voie dans la direction prise par le corps pour les rejoindre. Ils avaient suffisamment traîné dans la boue, la perspective de se retrouver au sec sonnait à ses oreilles comme un séjour dans palais.

Sous couvert de son audace, elle jeta des œillades discrètes autour d’elle sur le chemin vers la tente. Loin d’être un rempart, c’était davantage un camp de fortune qui était installé là. Pas de hauts baraquements, pas de renforts, seulement des tentes et des véhicules. De quoi installer des installations précaires ou surveiller les balises ou… Des soldats. La tension dans le fond de l’air ne lui échappait pas, pas plus que l’air méfiant sur le visage des soldats qui encadraient le baron - encore heureux que le magistère avait eut le bon goût de l’envoyer lui plutôt qu’un autre. Expliquer leur présence aurait été bien moins facile… Surtout dans ce qui ressemblait à un siège. Si le Baron les avait presque tous immédiatement identifié, les autres n’avaient pas l’air d’en faire une affaire. Et elle devinait que ce n’était pas une affaire de docilité. Ils n’étaient tout simplement pas le coupable. Zad… L’Aramilan avait soufflé ce nom avant qu’ils ne soient arrêtés. Cela ne pouvait pas être si simple… Si?

Au chaud, elle ne pu s’empêcher de ruminer cette curieuse coïncidence alors que les hommes s’échangeaient quelques politesses - ça devenait une habitude presque agaçante, ces reflux de testostérones. Elle se demandait si bientôt elle ne commencerait pas à rouler ses propres mécaniques, même si rester témoins de ces effusions viriles était plus…

Mon nom est Erik, Mons… Monsieur?

L’aventurier ! Elle l’avait presque oublié. Comme l’Aramilan n’avait pas eu l’air très enclin à discuter ou à fournir la moindre explication, elle avait laissé à Geralt et à son frère le soin de faire les présentations, en oubliant presque la présence de leur bien aimable accompagnateur. Le pauvre bougre se retrouvait là par coïncidence, plus que par volonté, lui qui les avait guidés sur la route depuis le dernier avant-poste de l’Alliance. Il faisait un bon accompagnateur, c’est vrai… Mais une paire d’oreilles superflus dans ce huis bien trop clôt. Vladimir von Arendt. Lui répondit-elle doucement, prenant la responsabilité de faire la présentation en parlant suffisamment pour que les oreilles d’Arno captent le nom. Une aimable connaissance Opaline - mais ciel, où es Hu-Gong? Erik, si ce n’est pas trop vous demander, pourriez-vous le chercher?

Il souleva une oreille, se voyant brusquement réduit au rang de serviteur - mais il était trop bon, trop gentil… Peut-être un peu trop penaud, aussi. Habile à l’épée, mais malhabile avec autrui. La compagnie était trop agréable pour dire non, pour risquer de faire la fin de la route seul. Il ne broncha pas et se fit excuser, disparaissant hors de la tente.

Bien. Elle acheva de se frotter le crâne avec un tissu qu’elle glissa sur ses épaules, retrouvant une place là où elle le pouvait. Nous ne sommes coupables que de passer par cette route - loin de nous l’idée de vous déranger dans votre… Travail?

Il irradiait de bien trop de suffisance pour n’être qu’un employé parmi tant d’autres, ici. Il était là pour une mission, un but précis. Et si c’était lui, c’est que le Magistère était impliqué. Qu’il avait quelque chose à perdre.

J’ai ouï dire que vous aviez un problème de cafard ici. Le fameux coupable que vous cherchez? Demanda-t-elle de but en blanc. Il se trouve que nous sommes nous-même à la recherche de l’un d’entre eux. Un certain… Zad, c’est bien ça?