Dim 20 Oct - 17:47
Le ciel avait perdu sa quiétude passée, se muant en un véritable champ de bataille céleste réunissant tous les dégradés de gris possibles et imaginables. Au-dessus de sa tête, les nuages et l'astre solaire lui-même semblaient jouer à un jeu cache-cache sans fin, tandis que les premiers se faisaient de plus en plus menaçants. Les conséquences de leur humeur orageuse s'imposaient déjà au Grand Camérier, contraint de troquer ses habituelles sandales aramilanes pour des bottes de fortune, seules chausses capables de l'aider dans sa progression boueuse. Dire qu'il avait laissé derrière lui les étendues de sable réconfortantes pour un tel bourbier. Il était presque surprenant de constater à quel point la nature se montrait clémente selon de quel côté de la frontière on se trouvait : ainsi les plaines verdoyantes d'Epistopoli contrastaient violemment avec l’aridité qui frappait sa voisine depuis toujours. Une humidité qui certes, facilitait la traque de Zéphyr mais dont ce dernier se serait bien passé, tout comme sa malheureuse monture réquisitionnée pour l'occasion. Le cheval s'efforçait d'avancer prudemment malgré l'insistance de son cavalier, renâclant bruyamment chaque fois que la boue manquait d'emprisonner l'un de ses membres dans son étau.
Pourtant, les yeux et les oreilles du Renon étaient formelles : un groupe d'hommes et de femmes d'allégeance inconnue avaient quitté le Renon pour prendre la direction du Nord-Ouest. Probablement un groupe d'aventuriers sur le chemin du retour après une énième périlleuse mission. Si leur destination et leurs réelles intentions demeuraient inconnues, le Spectre les suspecta de chercher à rejoindre Epistopoli par la voie terrestre. Alors pourquoi tant de manigances pour rallier leur propre patrie ? S'agissait-il vraiment d'épistotes ? Le Grand Camérier voulut en avoir le cœur net et ne tarda pas à se lancer à leur poursuite dans la plus grande discrétion. L'idée de mettre la main sur de possibles espions à la solde d'Epistopoli œuvrant à Aramila insufflait en lui un sombre désir. Et s'il n'avait que peu ou pas du tout emprunté les routes de ce qui fut jadis le pays de Sancta, Zéphyr en avait suffisamment étudié la carte par le passé pour en connaître les principaux axes de circulation. Ce qui lui fit d'ailleurs prendre la décision de couper par le Sud du lac du même nom, espérant couper la route à ses cibles. Une fois qu'il les aurait rattrapées, le Spectre n'aurait plus qu'à attendre que la nuit ne tombe, pour les éliminer un par un. Et non jusqu'au dernier car les morts ne parlaient plus. En théorie du moins.
Comme pour se rallier aux intentions du cavalier solitaire, un premier grondement résonna de derrière les nuages. A l'image d'une créature mystique, l'orage annonçait son approche. Sa monture s'agita soudain jusqu'à faire un brusque écart, l'arrachant brutalement à ses pensées silencieuses tout en manquant de le désarçonner. Agacé, le Grand Camérier raffermit immédiatement sa prise sur les lanières de cuir constituant les rênes pour contenir l'animal. Pensant à tort que le cheval avait été effrayé par le bruit survenu plus tôt, Zéphyr songea à enfoncer une fois de plus ses talons dans les côtes de sa monture pour lui intimer de reprendre sa route. Il la sentit alors. Une odeur rappelant celle du métal, familière à ses narines. Le Spectre mit prestement pied à terre, les sens à présent en éveil, tandis qu'il libérait l'animal qui s'éloignait déjà au galop. Le Grand Camérier ne s'en inquiéta pas outre mesure, conscient que le cheval ralentirait sa course dès lors que son instinct ne lui intimerait plus de fuir face à un danger invisible. Après quelques pas, l'odeur se fit plus forte encore et Zéphyr se résolut à couvrir l'ensemble de son visage d'un masque plus sombre que celui qui masquait d'ordinaire ses blessures faciales, ajusté à la capuche recouvrant sa tête pour dissimuler ses mèches blanches. S'il devait tomber nez-à-nez avec ses cibles, il n'aurait pas l'avantage de l'effet de surprise combiné à la pénombre nocturne. Le Spectre ne pouvait pas se permettre d'être reconnu.
Par delà une butte de terre, la scène d'horreur se dévoila à lui : les corps des hommes et des femmes tels qu'on les lui avait décrits ou ce qu'il en restait. Si la plupart affichait des plaies béantes linéaires sur le torse, certains y avaient également laissé des membres. Une véritable boucherie. En parcourant les alentours du regard, le Grand Camérier ne parvint même pas à recomposer l'ensemble des corps des victimes, preuve que des charognards s'étaient déjà servis avant son arrivée sur les lieux. Tout en restant sur ses gardes, Zéphyr s'approcha du corps le plus proche pour s'accroupir à son niveau. Les blessures étaient faites à l'arme blanche donc ce n'était pas l’œuvre d'une bête. Ce qui était d'autant plus rassurant quand on savait la proximité avec les routes commerciales. Une attaque de bandits ? L'hypothèse était déjà plus plausible mais d'une telle violence ? Les voleurs privilégiaient la surprise pour mieux égorger leurs victimes avant de les dépouiller. Pourquoi un tel acharnement dans ce cas ? Un règlement de comptes ? Le Spectre releva la tête pour observer les autres cadavres. Les traces de leur affrontement avec leurs adversaires demeuraient visibles dans le sol, la boue ayant conservé les empreintes. Et une paire d'entre elles paraissait s'éloigner. S'agissait-il d'un survivant ? Ou du coupable présumé ?
Se doutant que le premier n'aurait pas pu aller bien loin au vue des blessures subies par ses compagnons d'infortune, le Grand Camérier reporta son attention sur le corps à ses pieds pour le fouiller. S'il voulait obtenir des indices sur l'identité des membres composant le groupe décimé, il devait commencer par là. Mais alors que ses doigts rencontraient la surface lisse bien qu'irrégulière d'un disque de métal frappé reconnaissable entre tous dans l'une des poches du mort, Zéphyr se sentit soudain observé. Tout en glissant l'astra au creux de la paume de sa main à l'insu de l'inconnu, il fit se rejoindre ces deux mains derrière son dos, en un geste trop lent pour ne pas en devenir suspect. Etre pris sur le fait était le pire des scénarios envisagés. Il lui fallait retourner la situation à son avantage et rapidement. Le tout, sans rien savoir de son ennemi. Brusquement, le Spectre lança l'astra dans la direction qu'il supposait être son mystérieux invité, se gardant bien d'utiliser sa dague au risque de rater son coup. Mais s'il pouvait surprendre l'autre en le forçant à révéler sa position tout en lui faisant croire qu'il avait lancé sa dague plutôt qu'une vulgaire pièce, alors le jeu en valait la chandelle. Déjà, le Grand Camérier s'était redressé, prêt pour une éventuelle riposte.
« Qui est là ? Montrez-vous. »
S'il était confiant quant à ses capacités au combat au corps-à-corps ou à se défendre, Zéphyr ne pouvait pas ignorer la rage avec laquelle le groupe avait été massacré. Quel qu'il soit, son adversaire n'était pas à prendre à la légère.
Pourtant, les yeux et les oreilles du Renon étaient formelles : un groupe d'hommes et de femmes d'allégeance inconnue avaient quitté le Renon pour prendre la direction du Nord-Ouest. Probablement un groupe d'aventuriers sur le chemin du retour après une énième périlleuse mission. Si leur destination et leurs réelles intentions demeuraient inconnues, le Spectre les suspecta de chercher à rejoindre Epistopoli par la voie terrestre. Alors pourquoi tant de manigances pour rallier leur propre patrie ? S'agissait-il vraiment d'épistotes ? Le Grand Camérier voulut en avoir le cœur net et ne tarda pas à se lancer à leur poursuite dans la plus grande discrétion. L'idée de mettre la main sur de possibles espions à la solde d'Epistopoli œuvrant à Aramila insufflait en lui un sombre désir. Et s'il n'avait que peu ou pas du tout emprunté les routes de ce qui fut jadis le pays de Sancta, Zéphyr en avait suffisamment étudié la carte par le passé pour en connaître les principaux axes de circulation. Ce qui lui fit d'ailleurs prendre la décision de couper par le Sud du lac du même nom, espérant couper la route à ses cibles. Une fois qu'il les aurait rattrapées, le Spectre n'aurait plus qu'à attendre que la nuit ne tombe, pour les éliminer un par un. Et non jusqu'au dernier car les morts ne parlaient plus. En théorie du moins.
Comme pour se rallier aux intentions du cavalier solitaire, un premier grondement résonna de derrière les nuages. A l'image d'une créature mystique, l'orage annonçait son approche. Sa monture s'agita soudain jusqu'à faire un brusque écart, l'arrachant brutalement à ses pensées silencieuses tout en manquant de le désarçonner. Agacé, le Grand Camérier raffermit immédiatement sa prise sur les lanières de cuir constituant les rênes pour contenir l'animal. Pensant à tort que le cheval avait été effrayé par le bruit survenu plus tôt, Zéphyr songea à enfoncer une fois de plus ses talons dans les côtes de sa monture pour lui intimer de reprendre sa route. Il la sentit alors. Une odeur rappelant celle du métal, familière à ses narines. Le Spectre mit prestement pied à terre, les sens à présent en éveil, tandis qu'il libérait l'animal qui s'éloignait déjà au galop. Le Grand Camérier ne s'en inquiéta pas outre mesure, conscient que le cheval ralentirait sa course dès lors que son instinct ne lui intimerait plus de fuir face à un danger invisible. Après quelques pas, l'odeur se fit plus forte encore et Zéphyr se résolut à couvrir l'ensemble de son visage d'un masque plus sombre que celui qui masquait d'ordinaire ses blessures faciales, ajusté à la capuche recouvrant sa tête pour dissimuler ses mèches blanches. S'il devait tomber nez-à-nez avec ses cibles, il n'aurait pas l'avantage de l'effet de surprise combiné à la pénombre nocturne. Le Spectre ne pouvait pas se permettre d'être reconnu.
Par delà une butte de terre, la scène d'horreur se dévoila à lui : les corps des hommes et des femmes tels qu'on les lui avait décrits ou ce qu'il en restait. Si la plupart affichait des plaies béantes linéaires sur le torse, certains y avaient également laissé des membres. Une véritable boucherie. En parcourant les alentours du regard, le Grand Camérier ne parvint même pas à recomposer l'ensemble des corps des victimes, preuve que des charognards s'étaient déjà servis avant son arrivée sur les lieux. Tout en restant sur ses gardes, Zéphyr s'approcha du corps le plus proche pour s'accroupir à son niveau. Les blessures étaient faites à l'arme blanche donc ce n'était pas l’œuvre d'une bête. Ce qui était d'autant plus rassurant quand on savait la proximité avec les routes commerciales. Une attaque de bandits ? L'hypothèse était déjà plus plausible mais d'une telle violence ? Les voleurs privilégiaient la surprise pour mieux égorger leurs victimes avant de les dépouiller. Pourquoi un tel acharnement dans ce cas ? Un règlement de comptes ? Le Spectre releva la tête pour observer les autres cadavres. Les traces de leur affrontement avec leurs adversaires demeuraient visibles dans le sol, la boue ayant conservé les empreintes. Et une paire d'entre elles paraissait s'éloigner. S'agissait-il d'un survivant ? Ou du coupable présumé ?
Se doutant que le premier n'aurait pas pu aller bien loin au vue des blessures subies par ses compagnons d'infortune, le Grand Camérier reporta son attention sur le corps à ses pieds pour le fouiller. S'il voulait obtenir des indices sur l'identité des membres composant le groupe décimé, il devait commencer par là. Mais alors que ses doigts rencontraient la surface lisse bien qu'irrégulière d'un disque de métal frappé reconnaissable entre tous dans l'une des poches du mort, Zéphyr se sentit soudain observé. Tout en glissant l'astra au creux de la paume de sa main à l'insu de l'inconnu, il fit se rejoindre ces deux mains derrière son dos, en un geste trop lent pour ne pas en devenir suspect. Etre pris sur le fait était le pire des scénarios envisagés. Il lui fallait retourner la situation à son avantage et rapidement. Le tout, sans rien savoir de son ennemi. Brusquement, le Spectre lança l'astra dans la direction qu'il supposait être son mystérieux invité, se gardant bien d'utiliser sa dague au risque de rater son coup. Mais s'il pouvait surprendre l'autre en le forçant à révéler sa position tout en lui faisant croire qu'il avait lancé sa dague plutôt qu'une vulgaire pièce, alors le jeu en valait la chandelle. Déjà, le Grand Camérier s'était redressé, prêt pour une éventuelle riposte.
« Qui est là ? Montrez-vous. »
S'il était confiant quant à ses capacités au combat au corps-à-corps ou à se défendre, Zéphyr ne pouvait pas ignorer la rage avec laquelle le groupe avait été massacré. Quel qu'il soit, son adversaire n'était pas à prendre à la légère.