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Dégringolade 2.0

Dégringolade 2.0 Brandw10
Dim 20 Oct - 17:28
Le brouhaha constant lui sature l’ouïe autant que l’odeur de souffre et de fumée lui emplissent les narines, et Evyline profite de chaque instant qui compose ce calvaire sensoriel parce que la moindre sensation, le plus infime titillement de l’un de ses sens la rattache à la terre ferme et lui rappelle qu’elle n’est plus une vague semi-conscience en errance mais bel et bien un être parfaitement vivant.

L’odeur vient des machines à myste qui s’excitent et vrombissent au fur et à mesure que les aéronefs entrent en service. Le bruit, c’est l’activité phénoménale qui fait vivre jour et nuit ce port des airs depuis l’immense regain d’intérêt pour les expéditions hors-Uhr qui semble faire frémir le monde entier; tout le monde y plonge tête la première, soucieux de mettre la main sur un trésor inestimable, argent, gloire, connaissance, tout ceci ne concerne plus simplement les petits intérêts d’Opale et ses voisins, les petites gens s’y mettent, les riches rêvent d’en sortir plus riche quand il ne s’agit pas simplement d’une nouvelle lubie extrême pour se divertir, les pauvres y voient un échappatoire en oubliant le danger, c’est la nouvelle ruée vers l’or, tout le monde y va de sa petite idée, de son commentaire, ça obsède, et quand ça obsède pas, ça sert simplement à oublier le quotidien, la crasse, l’ennui, la peur depuis les attentats du Treizième Cercle. Même à Evy, qui préfère pourtant les aventures plus discrète, de son côté, ça lui fait un petit quelque chose. Des fourmis dans le ventre, quand elle entends parler du nouveau plan de vol de la nouvelle expédition du nouveau contingent financé par ce nouvel acteur qui veut sa part. Ces terres infinies qu’elle a parcouru le long de sa précédente existence pour les oublier ensuite se révèlent de nouveau sous ses yeux; des cités oubliées, des chemins qui n’ont pas été foulés par l’Homme depuis des temps immémoriaux, des montagnes, des lacs, des forêts, des secrets des dangers des trésors des réponses, tout ça a de quoi faire chauffer sa cervelle jusqu’à ce qu’il n’en reste que des cendres. Evyline s’électrise autant que ces machines à myste qu’elle s’efforce de contrôler aux côtés de techniciens et petites mains, aussi appelées «sous-fifres». Ça lui donne un genre qu’elle apprécie, proche du peuple. Elle risque de passer les prochaines semaines avec certains d’entre eux, il y a une part de calcul. Elle a lu récemment un tas d’histoire de sabordage et de mutinerie, ça fait partie du programme de préparation du Magistère. Y’a tout un tas de théoricien qui ont sortis tout un tas de rapport qu’il a fallu éplucher, boire et déglutir en une sorte de série d’instructions et de procédures pour le bon déroulement des expéditions.

Seulement, de l’avis d’Evyline, personne ne sait réellement ce qu’il fait. Entre les expéditions publiques et mandatées par l’Alliance, les États ou les entités comme le Magistère viennent s’insérer et se greffer tout un tas d’initiatives privées dont les règles et les objectifs ne sont pas toujours très clairs. Encore moins que les autres, s’entend. Il suffit de prendre pour exemple la petite aventure à laquelle est venu se greffer la mutante, qui relève en fait d’un objectif secondaire d’une expédition plus grande financé à droite à gauche. Une mission de reconnaissance, il faut préparer le terrain pour la grande cavalerie, qu’on ne mette pas un tas de pognon qui risque de brûler dans la Brume au moindre incident. Evyline avait proposé sa candidature un peu au hasard, pour être honnête. L’aventure l’appelait, c’est certain, mais laquelle? Elle a fermé les yeux, chanté une vieille comptine qui lui était revenu en tête sans qu’elle ne sache pourquoi, touchant l’une des offres du doigt en alternant à chaque syllabe, à la fin, c’était tombé sur celle-là, Ipsen. Elle a ri en voyant le nom de l’aéronef, le Revenant. Sa candidature acceptée, elle s’est retrouvé catapultée tête de la petite expédition d’avant-garde aux côtés du capitaine de l’engin qu’elle a eu l’occasion de rencontrer quelques fois avant le grand départ, qui ne devrait d’ailleurs plus trop tarder. Son quotidien, qu’elle a minutieusement assemblé et organisé au fil des ans constituant sa nouvelle vie, s’est vu chamboulé du jour au lendemain. Adieu les petites expériences de laboratoire dans son coin, les déjeuners quotidiens avec son ami Gary, les expositions, les journaux, plus rien de tout ça, ses jours ont été rythmés simplement par les entretiens, la préparation, la révision des plans de vol. Quelques jours de plus et Evy aurait pu claquer la porte, retourner à son petit train-train habituel, débrouillez vous pour Ipsen et l’aéronef, trouvez quelqu’un d’autre finalement. Mais le départ lui fut finalement annoncé et d’ici quelques heures, Opale sera derrière-elle.

L’un des techniciens se frotte les mains noircies par la suie, retire son masque anti-myste.

« C’est nickel de mon côté ma p’tite dame, l’engin peut partir à l’heure.
- Parfait, prévenez le capitaine, je vais prendre mes quartiers. »

Les quartiers, c’est un grand mot pour la chambre qui lui a été attribuée au sein de la machine volante censée l’amener à bon port, à des milliers de kilomètres de là. Bien loin de son confort opalien classique, ça reste un endroit calme, confortable et loin des autres; ses petits jeux pour se mettre l’équipage dans la poche, ça va cinq minutes.

Evy effectue un rapide calcul de tête, le temps que le feu vert soit donné pour le Revenant, que la flotte s’accorde et se mette en branle, elle a le temps d’écrire dans son précieux journal, une activité qui lui a beaucoup manquée ces derniers jours, faute de temps, puis elle piquerai un somme parce que tomber dans les pommes au moment de partir, ce serait bête.

*

Installée à l’arrière de l’engin, Evyline a vu sa chère cité s’éloigner sous ses yeux, c’est un étrange moyen de locomotion, de voler et de pouvoir voir la terre se modifier sous ses pieds. Elle a passé son temps à écrire ses rapports, discuter avec le capitaine, un type bourru, l’expérience marquée sur son visage, mais qu’elle trouve sincèrement empathique malgré son attitude parfois sèche envers l’équipage. Rien de surprenant ni d’inquiétant, outre les techniciens, Evyline est entourée de Tartares, ces soldats façonnés par le Magistère et dédiés à ses intérêts. Des types rarement courtois et eux-mêmes très secs, c’est dans l’ambiance. Mais il faut bien admettre qu’ils sont vachement redoutables, elle a pour preuve son ami Jerry, l’un de leur collègue. Elle se sent bien, entourée de ces hommes et femmes, aussi étranges soient-ils.

Elle rattrape de justesse la plume posée au bord de son petit bureau; le mobilier s’agite, c’est même toute la structure qui tremble un court instant. Le Revenant effectue sa dernière grande manœuvre et se sépare du reste de la flotte. Il dépassera bientôt les Trois Sœurs pour s’enfoncer dans les terres submergées, plus de retour en arrière possible, la mission commence véritablement. Il ne faudra pas bien longtemps pour qu’ils se retrouvent entièrement coupés du reste du monde civilisé, s’engouffrant d’eux-même dans cette Brume suffisamment dangereuse pour faire tomber des empires entiers.

Evyline sort finalement de sa chambre, salue des techniciens inquiets, pénètre dans la salle des commandes, dans laquelle on profite d’une vue saisissante sur des paysages morts qui s’étendent et disparaissent dans la Brume. Godfrey, le capitaine, contemple stoïque le spectacle, mains jointes dans le dos, et ne semble s’éveiller que lorsqu’un officier vient lui murmurer à l’oreille, à quoi il ne répond que d’un simple hochement de tête. Une minute plus tard à peine et Evyline est parcourue de frisson, sa nuque la démange, c’est les balises électrogènes qui s’activent une à une, ces merveilles permettant au Revenant de s’engouffrer au plus profond de la Brume sans mettre son équipage en danger immédiat.

Elle s’approche de la gigantesque vitre qui s’étend du sol au plafond, la vision s’obstrue en un clin d’œil, mais elle distingue toujours quelques éléments au loin, les montagnes entre autres, et ces flashs lumineux, plus loin encore, qu’elle attribue à une gigantesque tempête, dans la direction de leur premier objectif, une gigantesque balise flottante, première d’une future grande chaîne censée aider les prochains à réaliser ce trajet sans encombre. Elle continue de scruter l’horizon, se perdant dans ses pensées, remarquant à peine ce point lumineux, à bâbord, presque invisible à l’œil nu, qui semble avancer à la même vitesse qu’eux.
Sam 26 Oct - 8:42
- Je suis dans ma période post-ironique, je dis à mes bons amis colorés et tous moins beaux et réussis que moi, je veux vivre une aventure sincère au premier degré
Sans grand discours pompeux
Sans propos satirique méprisant
Juste nous, tous nus, nous immergeant ensemble dans le non-sens de la Brume depuis l'aurore jusqu'à la fin des Temps
- Tous nus ?
propose Vilaine, mon infirmière-apprentie-interne-araignée-libellule.
- Excellente suggestion
- Non, toi, tu as dis qu'on serait tous nus.
- C'est ce que tu as dis
- Non.

Tu remarqueras que je suis remarquablement bien habillé aujourd'hui. J'ai chipé cet uniforme à un officier epistote, ajouté deux trois arcs-en-ciels, des sourires narquois, des paillettes sournoises, du jaune et du violet ; et ait réalisé quelques équations occultes pour obtenir des ourlets en phase avec les ondulations sorcières de la Brume. Quant au képi, il est orné de mon talisman maléfique insectoïde, diseur de bonne aventure, rayonnant d'un mystérieux rouge cramoisi. Rien d'excentrique je voulais seulement ne pas avoir l'air d'un plouc lors de notre excursion chamanique

Je me tiens sur la grande passerelle qui surplombe la salle de pilotage de l'aéronef, affalé sur la rambarde, exécutant deux ou trois mouvements de jambes et de fessiers ici ou là en rythme avec les vibrations de la fantastique machine qui perce sans distinction à travers nuages et Brume,
J'ai demandé à mes vaillantes oeuvres vivantes de m'appeler Capitaine R, le temps de notre aventure sur Zénobie ; je les ai tous invités à se montrer créatifs sur les tenues qu'ils porteraient durant l'expédition. Nous avons de tout c'est un explosif carnaval de bon goût. Cette masse de beaux zouaves bigarrés me titille, imagines tu ? Comme il serait aisé de les broyer pour en faire des pigments étincelants dont je pourrais tartiner ce merveilleux corps ? Nous serions encore plus fabuleux tous ensemble

Vilaine, quant à elle, à décidée de se costumer en capitaine pirate du XVIème siècle, avec un tricorne écorné et un sabre en plastique qu'elle a du voler à la va-vite à un gosse dans une cour de récré. Elle n'a rien compris au thème de notre aventure et ne fait pas d'effort. Comme toujours, elle préfère la drogue et la profanation aux jeux de rôles. J'ai du mal à craquer une étincelle artistique dans sa petite tête dure et humide.

- Certains d'entre vous ont fait moins d'efforts que les autres, je commente en louchant sur Vilaine,
- Désolé, répond Ninja le petit rat, Désolé Capitaine, je croyais que les plumes de dindon sur le chapeau c'était encore dans le coup. Je suis largué niveau fashion
- Je pensais pas à toi Ninja, toi tu es parfait
Ma seule critique concernera ton odeur ; tu sens littéralement la merde
Va donc chiper l'une de mes fragrances dans mon sac à malices, et reviens avec une présence olfactive décente, s'il te plaît
- Tout de suite mon capitaine !!!


Y a beaucoup de personnages secondaires tu remarqueras mais paniques pas tu apprendras bien vite à tous les connaître et ils sont tous super profonds et développés, sauf Willy un tocard que le 13ème Cercle m'a imposé d'embarquer avec moi pour surveiller que je fasse pas de bêtises (par exemple mourir). Willy prétend être en liaison télépathique constante avec son psychopompe attribué et tu sais quoi ? Je pense qu'il est déjà trop con pour être en liaison télépathique avec son propre cerveau alors avec celui d'un psycho à 600 kilomètres d'ici ? Tu m'emmerdes Willy

Je bondis du haut de la passerelle, juste devant les yeux de Willy ; puis je lui envoie, du tac au tac

- Tu m'emmerdes Willy
- J'ai rien fais ?
- Par ta présence seule ; tu m'emmerdes
Sois moins présent ?
- Allez vous me harceler durant tout le voyage, sir R ?
- Tu penses devenir plus pertinent et amusant d'ici la fin de l'aventure ?
- Je vais essayer...
- Essayes plus fort


Sur la grande table du poste de contrôle, celle où habituellement étaient déployés les cartes et où étaient placés les pions, sur cette grande table donc aujourd'hui il n'y a que des plantes plus instructives les unes que les autres, toutes cueillies/raffinées par bibi et par ses loyaux drilles. Ca se fume, ça se mange ou ça se boit, ça s'injecte sous le menton ou entre les fesses, mais ça t'apprend toujours un ou deux trucs sur ta vie, sur ta place cosmique et sur les intentions des yeux fantômes qui te scrutent en permanence. Voilà donc c'est mon étalage de drogues que j'ai soigneusement sélectionnées, aujourd'hui, pour leur portance spirituelle.

Tu tapes dedans quand tu veux et comme tu veux. Seule règle c'est overdose interdite ! Si ça te fait caner c'est que t'en as trop pris et donc que t'en as pas laissé assez à tes camarades.
A cela tu ajoutes le système son qui vomit un rap psychoïde accordé sur les plus hautes vibrations issues de la Brume, une myriade de cris dissonants superposés à une symphonie de piano en os de chèvre, de violon de sang, et à la flûte à bec.
Je peux te dire qu'ici les corps sont présents mais les cerveaux catapultés là où la Raison n'a plus prise

Je m'envoie dans la foulée 14 grammes de fèves d'Anastase sèches histoire d'être plus apte à assurer notre atterissage ; ça y est les spirales se déploient déjà dans mes pupilles et les distances deviennent plus aisées à appréhender, j'attrape Vilaine par l'épaule et la tire vers moi.

- QUOI ? TU VEUX PARLER ? elle me crie de l'autre côté de la salle, ses narines d'araignées dégoulinantes d'une poudre grise pailletée.
Et puis la voici qui déambule dans ma direction sur ses six pattes en titubant. Menaçant de se péter la mouille à tout instant. J'ai peur qu'elle s'ouvre le crâne sur un coin de table mais ce serait hilarant ? Tout autant que dramatique ? Des larmes de rire et de deuil ? Un jour je lui ouvrirai le crâne moi-même tiens et ensuite je pleurerai sa mort

- Vilaine nous arrivons bientôt, si je ne m'abuse
- J'en sais rien. C'est pas moi la navigatrice.
- Mais je t'ai donné une carte


Ah ! La carte est dans sa main, roulée sous la forme d'un énorme joint. Zut

- Qui est suffisamment sobre ici pour atterrir en sécurité. A ton avis ?
- Willy ? Il tape rien du tout. Un ange ce gars. Un ange dévoreur de bébés ! ça ça va créer de la controverse.
- Willy... Si ça tenait qu'à moi nous l'abandonnerions sur le bord de la route, attaché à un nuage
- Le Cercle nous l'a filé parce qu'il sait commander des aéronefs et faire des aventures.
- Il n'est même pas déguisé
- Tu sais comment sont les Cercleux, tous un peu coincés et toc-tocs.
- Des bandeurs de Mandebrume ; ils ont que lui dans la tête ! Aucun ne bande donc pour moi ?  
- Moi si je bande pour vous mon capitaine !
déclame Colin l'escargot, en me chatouillant les épaules avec ses longues tentacules occulaires.

***
J'ai laissé Willy aux commandes. Regarde le, avec sa gueule d'attardé, il touche les boutons et regarde les écrans d'un air circonspect. Oh ! Quel bênet.

- Les coordonnées ont été mal rentrées dans le système du vaisseau, sir R. Notre cap souffrait d'une erreur de plus de 35° depuis le départ d'Epistopoli. J'ignore pourquoi, mais le pilote automatique était défaillant. Je l'ai rétabli.
- Tu es un oiseau de mauvaise fortune mon Willy ; je vais te plumer si tu continues de m'apporter d'horribles nouvelles en me mettant toutes tes fautes sur le dos
- Euh... Qui s'est occupé du maintien du cap durant le trajet ?
- Sara
- Ah non capitaine R ! Moi vous m'aviez consigné au nettoyage des sanitaires ?
- Alors je ne sais pas.
Viens-en au fait, petit étron ?
- Nous nous approchons d'Ipsen !
- Ainsi soit-il ; l'aventure se déroulera sur Ipsen
- Mais il était convenu que vous exploreriez Zénobie...

- CAPITAINE R ! AERONEF EN VUE ! hurle Colin l'escargot, à l'autre bout de la passerelle. OH, MORBLEU ! IL SEMBLE IMMENSE !
- C'est le nôtre. Car tu regardes dans le rétro
- NON ! UN AUTRE AERONEF QUE LE NOTRE ! CRUCIFIEZ MOI DONC SI JE VOUS MENS !
- Ah !
je commente, tout en enfonçant dans mes gencives du sucre de mandragore bleue
- Je ne parviens pas à détecter leur signature électronique sur les écrans.
- Envoies leur un coucou ? Un coucou epistote ?