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[PRIME EVENEMENTIELLE] Gildora, roi des monstres [Akesh]

[PRIME EVENEMENTIELLE] Gildora, roi des monstres [Akesh] Brandw10
Dim 29 Sep - 21:09



Gildora, Roi des monstres

Akesh Ménuza


Voilà bien longtemps que son pied avait quitté Uhr. Loin de cette terre natale, il s’enfonçait profondément dans la brume, dans ce qui s’annonçait de plus en plus comme un voyage sans retour. Il ne savait plus bien qui il était. Les personnalités changent avec le temps. Elles évoluent. Mais toute chose a sa mesure, comme les plantes qui foisonnent de manière apparemment anarchique au printemps. Elles ont néanmoins leur plan dès l’état de graine. Quand une psyché s’étire trop rapidement, comme une terre qui subit trop de pression , elle se déforme et fissure.

Les fissures peuvent être masquées, au début. Puis elles s’étendent et remontent en surface, lorsqu’il est déjà trop tard pour l’intégrité du mur.  De la même manière, Keshâ’rem était plein de fissures. En un an, sa vie avait changé du tout au tout et il avait embrassé la mort plus qu’il ne saurait dire en d’innombrables guet-apens. Le parasite logé autour de sa colonne vertébrale grandissait. Fils de brume et "maître" des reflets, il avait heureusement hérité la fluidité de l’eau pour ne pas éclater sous la pression du changement.

L’expédition de l’Alliance ralliait les factions sous son drapeau guerrier. Mais elle butait devant les gorges de Gildora. Le roi des monstres gardait jalousement le seul pont qui les enjambait et recrachait les idiots ayant osé le défier. Même Mao en avait fait les frais. Son séjour à l’infirmerie durerait quelques temps. La vieille espionne en avait vu d’autres et son sort n’était rien comparé à celui de ceux qui l’accompagnaient. Tous morts ou mutilés.

Seraphah était affairé comme jamais à soigner les blessés. Et Maëlstrom lui prêtait main-forte. Jamais il n’aurait toléré que Keshâ se présente seul face au souverain des eaux. Si on pouvait comprendre la réticence viscérale de Seraphah à défier l’élément eau, lui n’en avait que peu de choses à craindre. Ce n’était pas une question d’arrogance, de se croire plus fort que tous. Mais qui serait-il s’il restait à l’abri du camp alors que des aventuriers se jetaient dans la gueule du loup pour espérer nourrir leurs familles affamées. Lui avait des artefacts.

Plus que beaucoup n’en verraient dans l’ensemble de leur existence. La plupart n’étaient pas taillés pour le combat. Pourtant, il était d’avis que s’il n’était pas capable d’en faire quelque chose, il n’était pas digne de les posséder. Le cristal d’eau lui promettait au moins une échappatoire. Sa seule crainte était d’être emporté dans le courant du Gildora puis du Gilra hors de tout contrôle et de se reformer au loin dans la brume, sans savoir retourner au camp en traversant les terres hostiles. L’errance résulterait probablement de son échec.

Puisqu’il mourrait de toute façon en affrontant le Mandebrume à Zénobie, qu’avait-il à redouter ? Sinon la gloire, d’avoir ouvert la voie à Uhr devant l’un des derniers obstacles sur la route de Zénobie.

L’aurore était encore loin quand il se faufila hors du camp. Il s’assura que personne ne le vît quitter les barricades dans sa quête suicidaire. Bien sûr, il se trouvait bien quelques gardes pour lui dire que c’était folie de partir seul dans la brume. Pour les rassurer, il convoqua sa gargouille aux allures de rapace et chargea sa balise électrogène sur son dos. Elle minimiserait au moins les risques de mauvaise rencontrs sur les deux kilomètres le séparant des gorges.

-«Seulement toi et moi, Nergal. Comme au début. Dommage que Dayi ne puisse pas voir cette vue. »

Son narangpé avait été abandonné à une personne de confiance avec une montagne de friandises, de peur de le voir se noyer...Les griffes de pierre de la chimère cliquetaient sur des roches trouées qui saillaient de la paroi de la montagne au-dessus du vide. On devinait en contre-bas les rouleaux furieux du Gildora qui se fracassaient contre la pierre. Une vraie marmite écumante qui servait de lit au dragon-roi-des-eaux. L’écume furieuse se vaporisait et parvenait jusqu’à son visage pour y déposer ici ou là une larme d’eau douce. Au loin, on devinait le pont de la discorde. Celui qui était devenu infranchissable. Un sublime ouvrage de pierres millénaires dont le blanc resplendissant n’avait jamais pâli.

Ses gants éoliens serrés, il avisa dans une dernière inspection que le compartiment cousu pour maintenir son totem en sécurité était bien solide. Keshâ n’avait pas pris la peine de prendre de sac-à-dos. Il s’attendait à finir détrempé. Le lance-flammes serait inutile. De même que ses armes à feu, a priori. Il gardait son sabre aramilan à la ceinture. Les potions qu’il portait d’habitude en bandoulière avait fini pour la plupart dans son coffre au camp.

L’heure de vérité approche.


Dernière édition par Keshâ'rem Evangelisto le Sam 19 Oct - 0:56, édité 2 fois
Jeu 3 Oct - 15:52
Gildora, Roi des monstres


Depuis sa destitution et sa fuite en 1900, les jours d'Akhesh n'avaient plus été les mêmes. Tant de choses avaient changé et certains événements, bons ou mauvais, avaient changé l'ancien ministre. Tout d'abord, il y avait eu ce crime qu'il avait perpétré afin d'assouvir sa soif. Franchissant la limite qu'il s'était toujours imposée. Mais chassez ou refoulez votre vraie nature et tôt ou tard, elle prend le dessus et revient au galop. Il n'avait éprouvé aucuns scrupules et que dire des remords, ils étaient inexistants. Il avait dû se forger une nouvelle identité, un autre passé afin que celui qu'on nommait Ekiel Reyes Zadicus disparaisse pour de bon. Cela avait été d'une facilité déconcertante et au plus profond de lui, il ne regrettait pas son ancien passé de ministre, bien au contraire. Fini les entraves, les ronds de jambes et tout le reste. Il était libre. Libre de mener ma vie qu'il entendait et qu'il voulait

Bien sûr, la vie lui avait réservé quelques surprises, comme cette enfant qui avait croisé sa route et qu'il avait prise sous son aile et avait fait d'elle sa fille. Et quoi de mieux pour disparaître que d'avoir une famille et un autre nom. Après tout, c'est un homme seul qui était recherché et noble de surcroît. Alors qui penserait maintenant qu'il arborait une nouvelle apparence et qu'il fut jadis un noble de la cour de Xandrie. Personne. Autre hasard de la vie, il avait croisé celui qui avait été son amant et qui l'était encore, Keshâ'rem. Si au départ, il avait tenté de le fuir, le blondinet l'avait suivi et rattraper pour en avoir le cœur net et être certain de ne pas avoir rêvé Sur le moment, face à face, l'espace d'une seconde brève, Ekiel avait été sur le point de lui briser la nuque, mais s'était ravisé. Des retrouvailles comme on en aimerait plus souvent, il fallait bien l'avouer. Puis chacun a repris le cours de sa vie et ils ne s'étaient pas revus ni même écrit.

Les semaines puis les mois avaient filé plus vite que le vent, et alors qu'Ekiel et Eineris avaient trouvé comme point de chute le clan Miraez. Il eut maille à partir avec certaines personnes qui s'étaient mises en tête de le retrouver et de le ramener à Xandrie, mais c'était une longue histoire qui mériterait qu'on s'y attarde plus en détail un autre jour. La seule chose qu'on pouvait dire, c'est que cela avait quelque peu compliqué sa vie.

Et puis voici qu'un beau jour de 1901, un récit du plus étonnant lui parvenait aux oreilles, colporté par des gens de passage à Karmatin. On parlait d'un dragon d'eau monstrueux qui avait élu domicile aux abords du Gildora, un affluent du fleuve Gilra. Il était dit que ce monstre empêchait quiconque de passer le pont enjambant la gorge, jugeant ce lieu comme son territoire, le défendant et détruisant toute chose ou créatures qui tentaient de passer. Il y avait eu tant de victimes que la créature avait été surnommée le roi des monstres. Beaucoup avaient, semble-t-il, essayé de tuer la chose, en vain. Chaque tentative s'était muée par des échecs. Cela avait pris une telle ampleur que certains affirmaient que bientôt cela deviendrait un véritable problème et entraverait les expéditions au cœur de la brume.

Un monstre, voilà qui était intéressant. Si la chose était vraie et force était de croire qu'elle l'était, vu la rumeur grandissante, il fallait qu'Akhesh en est le cœur net et qu'il voit ça de ses propres yeux. Son âge lui avait permis de vivre et de voir bien des choses, mais un monstre constitué d'eau, ça jamais. La curiosité le piquait, aussi décidait-il de partir pour ce lieu où le dragon sévissait.

La brume... il ne s'y était que peu aventuré, n'ayant pas une affinité prononcée avec cette dernière. Cependant, l'idée de voir le monstre avait été la plus forte et avec les aventuriers de tous poils qui se dirigeaient vers Gildora afin de percer plus avant dans la brume, il y avait peu de chance pour qu'on vienne le chercher ici ou qu'on le reconnaisse. Il avait donc fait route vers Gildora, laissant sa fille Eineris au bon soin du clan Miraez.

C'est ainsi qu'à l'aube naissante d'un nouveau jour, paquetage au dos et encapuchonné, il arrivait à quelques kilomètres du pont. Que de lieux parcourus depuis les terres arides d'Aramila, mais ça y est, il était à destination, pour peu qu'on puisse appeler ça une destination. Il n'avait plus qu'à voir par lui-même cette créature qui soi-disant empêchait quiconque de franchir la gorge. Il observait les lieux, des bivouacs et des aventuriers en mal d'aventure qui cherchaient vainement une solution pour passer de l'autre côté, sans pour autant risquer leur vie. Il avançait parmi eux et ôtait sa capuche, dévoilant de ce fait son visage et son regard. Deux billes azurées dans un océan de brume. Il fallait qu'il voie ce dragon, les dés étaient jetés. Il avançait  la démarche assurée vers sa destinée. Restait à savoir quelle surprise le destin lui réservait…


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Dernière édition par Akhesh Ménuza le Ven 1 Nov - 14:27, édité 5 fois
Jeu 3 Oct - 22:12



Gildora, Roi des monstres

Akesh Ménuza


Il se tenait seul au bord du précipice avec son invocation, quelque part dans le bassin versant de Gilra. Son plan était simple, mais bien des choses pouvaient mal tourner. Il ne pouvait être aussi facile qu’il le croyait de défaire une créature mythique, quand bien même il se pensait capable de frapper son talon d’Achille.

Une dernière collation pour se donner du courage, puis il s’envola sur Nergal en plongeant dans les gorges. Inutile de voler trop bas. Il ne tenait pas à s’attirer tout de suite les foudres de Gildora. Un vol de reconnaissance, voilà ce que c’était.

Keshâ’rem espérait mieux connaître la topographie des gorges avant d’amorcer une confrontation aux abords du pont. Vu d’en-bas, Gildora ne devait déceler que la silhouette d’un volatile, une créature de brume parmi d’autres dans son voisinage.

D’après les rapports qu’il avait pu espionner, aucune harpie ne nichait dans les falaises. Le dragon des eaux n’était pas partageur. Mais il se méfiait tout de même d’une menace venue du ciel. Personne n’était à l’abri d’un feldermauss inopiné ou du surgissement de toute autre plaisanterie de la Malice. De fait, s’il était capable d’exploiter les failles de l’air et de se glisser entre ses dimensions pour traverser l’espace, la brume le pouvait aussi. Faire traverser à ses monstres des portails ne devait pas être hors de sa portée, si elle « jugeait » souhaitable d’interrompre son entreprise cavalière. Tout était permis à cette mère impériale.

Si la balise avalait une grande partie de la brume alentours, son vol rapide rétrécissait le cercle d’air pur autour de lui. On ne devinait pas la couleur de l’eau au fond des gorges. Voire même, on ne pouvait déceler si des épieux de rocailles attendait celui qui viendrait à chuter. Le fond des gorges inspirait d’autant plus le frisson qu’il était un mystère auxquels seuls les âmes damnées semblaient pouvoir répondre. Tout pouvait être imaginé. Ce qui renforçait l’aura infernale du lieu. Heureusement, une lance de soleil vint iriser l’air matinal d’une aura orangée.

Keshâ’rem ordonna un demi tour serrée à la gargouille, pour reprendre de l’altitude dans la montagne sans prendre le risque de se mettre trop à portée du site des attaques. Il s’apprêta à approcher prudemment du pont. Le calme était troublant, si l’on faisait abstraction des masses d’eau qui se fracassaient très loin en contrebas. Le jeune homme sentait une pression peser sur lui, comme s’il était observé. Il se pensait chasseur, mais peut-être le maître des lieux avait-il déjà commencé la chasse depuis qu’il était entré sur son territoire. Les gens de la guilde expliquaient combien il était rusé et s’appropriait rapidement leurs tactiques pour les déjouer. Une puissance démentielle alliée à un sens stratégique inhumain. Voilà ce qu’il devrait affronter.

A tout moment, Gildora pouvait fondre sur lui. Nerveux, Keshâ décida d’activer son cristal d’hypersensibilité. Grâce à lui, il n'espérait pas former un "radar", tel que les souvenirs de Seraphah le lui disaient confusément de son passage aux Limbes
mais plutôt sentir un mouvement de colère ou de prédation à son approche. Il croyait deviner une méfiance dormante, tout autour, comme si les gorges ne dormaient jamais, en proie à leur fureur… mais il fut saisi en percevant une autre signature émotionnelle. Une nuance qu'il n'aurait su identifier. Regret? Anticipation?

Sautant sur le dos de Nergal, il se laissa tomber dans la gorge. La queue léonine de la gargouille saillie vers le ciel avant de disparaître dans la brume. Le silence se posa, s’offrant aux roulis des gorges. Puis, la brume se fendit sur le profil de pierre de la créature, qui se jucha férocement sur un épieu en hauteur en laissant tomber des fragments de roches entre ses griffes.
-« Qui va là ? … montrez-vous… je sais qu’il y a quelqu’un. »

Sa voix se voulait profonde et inquiétante suite à ce revirement de prescience. En réalité, il était inquiet et se demandait comment il réagirait s’il avait affaire à une créature intelligente hostile qu’il n’était pas préparé à rencontrer. Peut-être qu'il n'avait tout simplement pas le cran de marcher seul dans la brume et cédait déjà une peur irraisonnée.


Dernière édition par Keshâ'rem Evangelisto le Sam 19 Oct - 1:14, édité 2 fois
Dim 6 Oct - 9:48
Gildora, Roi des monstres



Akhesh depuis le dernier campement, avait cheminé longtemps et remis sa capuche. L'humidité était constante et désagréable pour lui qui s'était habitué à la chaleur du désert grâce à son cristal de tempérance. Arrivant à un embranchement, deux choix s'offraient à lui. Poursuivre sur la route principale qui menait au pont et au dragon, ou bien bifurquer sur un petit sentier escarpé à travers les rochers. Il optait pour le second chemin, choix stratégique en quelque sorte. Il pourrait ainsi se dissimuler dans les roches en cas de danger. Après tout, cette brume pouvait receler d'innombrables dangers.
Avancer sur ce sentier n'était pas aisé, mais au bout d'un moment, il parvenait suffisamment près du lieu. De là, caché au milieu des rochers, très près du pont, il observait ce qui l'entourait, bien qu'on ne voyait pas grand-chose avec cette brume. Sa vision augmentée lui permettait quand même d'avoir un avantage de plus sur de simples mortels. Plus bas, dans le tumulte des eaux, il parvenait à distinguer une masse énorme. Ainsi, la rumeur était vraie, il y avait bien quelque chose, mais à dire que c'était un dragon d'eau, cela restait à voir.

Tout à son observation, son attention était attirée par du mouvement au-dessus de lui. Sur le moment, il pensait à une créature qui peut-être l'avait repéré et le prenait pour une proie potentielle. Il se munissait de son G-35 par mesure de précaution. Bien vite, il se rendait compte que ce n'était pas un simple animal en quête de nourriture lorsque ce dernier piquait dans le gouffre. Les trajectoires étaient trop précises et semblaient dirigées. Cette chose était donc un familier ou une invocation et avait forcément un cavalier sur son dos. Il se demandait qui pouvait être assez fou ou téméraire pour se risquer à pareille folie et devenir la proie de Gildora ?

Une éclaircie faisait son apparition et le Strigoi distinguait alors la monture plus distinctement. Il s'agissait d'une gargouille. Singulier choix, mais pourquoi pas. Lui-même possédait un pégase qui l'avait accompagné jusque dans la brume.
L'étrange duo effectuait, à n'en pas douter, un vol de reconnaissance du terrain. L'individu avait-il, lui aussi, le désir d'affronter le dragon ? L'atmosphère du lieu était pesante, comme l'était la brume sur Akhesh qui n'avait pas d'affinité avec cette dernière. Pourtant, il l'avait bravée comme ce cavalier bravait le danger. Si pour l'heure le monstre était serein et ne semblait pas considérer ce qui planait au-dessus de lui comme une menace, cela pouvait changer à tout instant, si l'impudent poursuivait son vol trop longtemps.

Curieusement, comme si les deux individus avaient eu la même pensée, le duo remontait afin de s'approcher du pont. L'air était pensant et le silence presque irréel, si ce n'est le tumulte des eaux beaucoup plus bas dans le gouffre. Le Strigoi suivait le vol de la gargouille qui dépassait sa position pour s'élever encore et encore jusqu'à s'éloigner. Il suivait sa trajectoire lorsque cette dernière venait à faire demi-tour. L'avait-elle aperçu ?

Akhesh armait son G-35, ne connaissant pas les intentions de cet étrange duo qui approchait de lui. Après ce qu'il avait vécu cette dernière année, il vaut mieux se montrer prudent et prêt à toutes éventualités. La créature venait se poser un peu plus haut sur un promontoire, provoquant la chute de quelques petites roches. Pas de quoi attirer l'attention du dragon. Une voix s'élevait dans la brume, le sommant de se montrer. Le Strigoi s'étonnait. Il n'y avait pas de doute à avoir, c'était bien lui. Une fois de plus, le destin les ramenait l'un vers l'autre. Depuis combien de temps ne s'étaient-ils pas revus ? Une bonne année, à n'en pas douter, si ce n'était plus. Akhesh rangeait son arme et sortait du renfoncement où il se dissimulait. Le Strigoi répondait de son timbre de voix si particulier, propre à sa race. Envoûtant et captivant.

" Ce n'est que moi."

Il esquissait un sourire en coin et ôtait sa capuche, révélant son identité au cavalier.

" Ainsi donc, on se retrouve. "

Son regard azur plongeait dans celui améthyste de son interlocuteur.


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Dernière édition par Akhesh Ménuza le Ven 1 Nov - 14:28, édité 1 fois
Jeu 17 Oct - 17:18



Gildora, Roi des monstres

Akesh Ménuza


Tout ceci était inquiétant. Le pic d’adrénaline entraîné par la prise de conscience du gigantisme du monstre le faisait douter d’être en mesure de faire quoi que ce soit contre lui. Ou même de vouloir participer à un passage en force du pont avec l’alliance. En plus, il était suivi par quelque chose ou quelqu’un…

En apercevant le visage d’Ekiel-Akesh, la stupéfaction put se lire sur ses traits. Il réfléchit le plus rapidement possible, en essayant de ne pas perdre sa concentration pour contrôler le totem, qui commençait à grever ses ressources sérieusement. Il ne connaissait pas tout ce qui pouvait se tapir dans la brume. Certaines créatures pouvaient certainement copier l’apparence d’autres personnes.

Lentement, avec prudence, il fit descendre la gargouille de son surplomb. Ses griffes s’aggripaient à la roche et descendaient la paroi comme une échelle. Keshâ redoutait une chute mortelle, mais il gardait bien à l’œil celui qui prétendait être Akesh. Une fois au sol, au lieu de s’approcher, il recula lentement, pour agrandir la distance entre eux, essayant de ne pas trébucher sur des caillasses ou de tomber dans un trou. La gargouille s’évapora. Sans oser bouger, son esprit pensait de manière aigüe à la présence de son revolver contre sa hanche…

-« Je… je suis très surpris. » tenta-t-il de dire calmement. Mais une peur diffuse lui serrait la poitrine sans qu’il puisse l’expliquer autrement que la présence de la brume tout autour.

Depuis qu’ils avaient avancé vers le nord, la brume était de plus en plus agressive. Sa nébula était d’autant plus agitée et la contenir devenait obsédant. Il ne pensait pas en être capable bien longtemps.

Keshâ’rem guettait le moindre mouvement d’Akesh. Le temps s’écoulait. A bien y réfléchir, il ne s’était pas présenté… Quand on se connaît, on n’a pas besoin de se présenter. Mais dans la paranoïa du moment, cela le dérangeait.
-« Quel est ton nom ? »

C’était on ne peut plus sérieux. Le jeune homme allait rester au même niveau d’alerte tant qu’il ne serait pas sûr que ce n’était pas un piège de la brume. Et même alors, qu’est-ce que cela prouverait. Son esprit de plus en plus instable lui jouait des tours. Il savait que, parfois, il imaginait des choses qui n’avaient rien de tangible.

Après un moment, il finit par répondre :
« Qu’est-ce que tu peux bien faire là ? Je croyais que tu coulais des jours tranquilles à Aramila. N’as-tu pas peur de te faire attraper au milieu des agents des hautes cités ? Et ta fille ? »

Toujours tendu, il tendait l’oreille derrière lui, par crainte que quelque créature profite de la diversion pour les encercler. Ce n’était pas comme s’il y avait dans l’absolu de bons endroits pour s’immobiliser et discuter dans la brume. Mais il commençait à croire – un peu- Akesh.

-« C’est quand même une sacré coïncidence de se retrouver ici… je ne pense pas que ce soit une bonne idée que d’avancer vers le pont… si c’est ce que tu voulais, je ne peux pas t’en empêcher… mais d’un coup, je ne suis plus sûr de le vouloir… j’ai pensé que la première expédition était mal préparée et que les autres avaient fait des erreurs fatales. Mais je l’ai entendu et il a l’air immense. »

En train de se dégonfler, l’aventurier réalisait que si une douzaine d’hommes armés n’était pas venus à bout du roi des monstres, il était trop téméraire de compter le terrasser, seul ou à deux.

-« J’ai changé moi aussi depuis la dernière fois. J’ai rejoint la guilde des aventuriers et j’ai participé à différentes explorations ou enquêtes… mais là je ne le sens pas. J’ai besoin de repos. Et le combat n’est pas ma spécialité. »

Son plan de se transformer en eau lui paraissait un peu dérisoire tout à coup, au simple constat qu’il était résolument incertain de pouvoir représenter un adversaire de taille pour Akesh s’ils s’affrontaient en combat singulier. Alors pour un dragon élémentaire… Et d’un autre côté, son attention se portait sur Akesh. Il y avait eu cette entrevue non sollicitée au Marquis avec Lan-Lan et Arno. Ils avaient fini par le convaincre de leur lâcher un os à ronger. Il avait tu certaines choses mais leur avait donné une partie du peu qu’il savait pour paraître de bonne foi. Il fallait qu'ils avancent dans leur enquête, sinon, ils ne l'auraient jamais lâché. Il se disait alors qu’Ekiel lui-même l’avait informé qu’il ne lui livrerait aucun savoir trop dangereux pour eux deux au sujet de sa nouvelle vie.

Le laps de temps entre chacune de ses réponses était erratique et trahissait son doute intérieur.

Et si Akesh avait été dérangé par les manœuvres des enquêteurs et venait à présent se venger en pensant qu’il l’avait trahi ?
Lun 21 Oct - 17:00
Gildora, Roi des monstres



À la tête de son amant, le Strigoi comprenait rapidement que ce dernier ne s'attendait pas à le voir, si loin de son nouveau point de chute. Il se rendait compte que Keshâ doutait, se demandant s'il n'était pas en proie à une supercherie ou à une hallucination. Après la stupéfaction, il se décidait à se rapprocher d'Akhesh, mais restait méfiant, comme si tout cela n'était pas réel. Pourtant, l'ancien ministre était bien là, en chair et en os.

La monture sur laquelle était juchée Keshâ descendait le long de la paroi jusqu'à se rapprocher suffisamment. Il descendait de la gargouille, mais gardait une distance de sécurité. Craignait-il  une attaque ? Comment lui en vouloir ? À leur dernière rencontre, le buveur de sang avait manqué de lui rompre le cou. Avec une lenteur voulue, Akhesh croisait les bras et inspirait longuement aux propos de son amant. Il haussait le sourcil lorsque ce dernier lui demandait quel était son nom. Il gardait le silence quelques minutes,  prolongeant le malaise ambiant.

" Tu m'as connu sous le nom de Reyes. Est-ce suffisant ou bien dois-je étoffer en narrant la façon dont tu t'abandonnes à la luxure entre mes bras ?  Peut-être voudrais-tu des détails, comme les marques de mes crocs qui ornent certaines parties de ton corps et leurs emplacements ? "  

Le fait que le blondinet doutait de son identité le blessait dans son orgueil, mais c'était compréhensible étant donné que la brume pouvait jouer de bien mauvais tour. Il l'excusait donc.

" Sympa la monture. La mienne est plus classique. "  

Akhesh malgré son apparente décontraction, il se tenait à l'affût du moindre mouvement suspect. Son écholocalisation était activée depuis qu'il avançait en direction du pont. Mais à part la forme monstrueuse en contre bas et le bruit de tumulte de l'eau, il ne percevait rien d'autre. Il se grattait le menton et bâillait.

" Tu m'ennuies avec tes questions. Je vais cependant te répondre, puisque tu sembles douter de mon identité. C'est la rumeur sur un dragon d'eau qui m'a mené jusqu'ici. En 200 ans d'existence, je n'ai jamais vu pareille créature. J'étais curieux de voir si cela tenait du réel ou de l'imaginaire. Donc me voici."  

Il faisait un pas en direction de Keshâ, comme pour lui prouver qu'il était bien là.

" Ma vie sous le soleil me sied et Eineris se porte à merveille. Je te remercie de t'en soucier. Elle ne m'a pas accompagné, si c'est cela que tu veux savoir. Et pour ce qui est de me faire prendre, c'est un risque à courir où que j'aille. Alors, ici ou ailleurs, si c'est mon destin..."  

Un vague signe de la main. Le Strigoi percevait l'inquiétude de son amant et tentait de le rassurer. La nervosité n'était pas bonne, tout comme la colère.

" Détends-toi. Nulles menaces ne pèsent sur nous. Mes sens sont aux aguets et il n'y a rien dans un rayon de 500 mètres, sauf cette masse, là en bas, qui est relativement paisible pour le moment."  

L'aventurier lui confiait que ce n'était pas une bonne idée d'avancer plus avant et Akhesh haussait les épaules.

"Pour ce qui est du pont et de m'en approcher, disons que je comptais sur ma capacité raciale pour passer inaperçu. C'était bien engagé jusqu'à ce que tu sentes ma présence. Cristal d'hypersensibilité, je présume ? Et pour une surprise, oui, c'en est une. Agréable, je dois dire."  

Keshâ avouait être devenu membre de la guilde des aventuriers et avoir fait plusieurs explorations, mais que celle-ci, il ne la sentait pas du tout. Qu'il était épuisé et que le combat n'était pas son truc. Etait-ce une façon détournée de demander de faire équipe avec le Strigoi sans réellement le formuler ? Akhesh l'observait de la tête aux pieds et affichait une moue.

" Tu as une mine affreuse. Depuis quand n'as-tu pas dormi du sommeil du juste ? Tu devrais prendre du repos si tu entends t'attaquer à ça."  

Il pointait du doigt la masse sombre qui se dessinait dans les eaux du gouffre. Puis tout naturellement, il ajoutait...

" J'ai repéré un coin pas très loin du sentier qui pourrait aisément convenir pour un campement à l'abri des dangers. Ce te dirait de m'accompagner ? À moins que tu ne sois pas venu seul et que tes compagnons attendent ton retour.   

Il sentait un malaise, une tension, comme si son amant lui cachait quelque chose. Et son instinct ne le trompait jamais.


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Dernière édition par Akhesh Ménuza le Ven 1 Nov - 14:29, édité 1 fois
Mar 22 Oct - 16:48



Gildora, Roi des monstres

Akesh Ménuza


Un ton direct et des détails embarrassants : ce ne pouvait être qu’Akesh. Ou alors la Brume avait un accès complet à sa mémoire et mériterait un « bien joué ! » à la fin.

-« C’est bon. Je te crois. » dit-il, pas pressé de faire l’inventaire de ses positions sexuelles et morsures.

Il ne pouvait pas discerner de monture à travers la brume, mais peut-être l’avait-il laissé au camp pour la protéger, comme il l’avait fait avec son narangpé.

-« C’est juste une invocation. Quelle est ta monture ? Elle est à Gilra ?»
L’aventurier haussa les épaules avant de finalement baisser un peu sa garde. Il pouvait comprendre la curiosité du fugitif. Après tout, une créature si extraordinaire ne se rencontre souvent qu’une seule fois dans une vie, bien qu’elle tende à être la dernière contemplée par les malheureux sur son chemin. Lui aussi, n’était-il pas excité à l’idée de se mesurer à Gildora ? Au fond cela ressemblait à un moustique tournant autour d’un tigre.

-« Content de voir que les strigois aussi peuvent trouver leur place au soleil. » tenta-t-il de plaisanter. L'évocation du nom d'Eineris acheva de le convaincre que ce ne pouvait pas être un espion ayant endossé l'apparence d'Akesh pour lui tirer les vers du nez.

Ce faisant, il se demandait si la petite strigoi avait appris à mieux se tenir ou si elle était en train de faire des ravages alors même qu’ils parlaient. Akesh avait l’air si sûr de lui. Il affirmait qu’aucune menace n’était prête à les cerner à un demi lieu à la ronde. Comment pouvait-il en être si sûr ? La brume tuait en silence. Elle était déjà l’ultime prédateur de cet écosystème. Par quel tour de passe-passe croyait-il sonder si bien les environs. Cela lui rappelait Maëlstrom qui avait l’habitude d’amplifier les sons pour porter les murmures environnants à son oreille.

Keshâ hocha de la tête. Akesh semblait avoir prévu un repérage à sa manière. Il convoitait cette habileté à pouvoir se faufiler sans attirer l’attention. Dans ce milieu hostile, ce don était de l’or en barre.

-« En effet. Que comptais-tu faire après avoir jeté un œil sur place ? »
Le compliment qui venait de lui être fait était effacé par le commentaire sur sa gueule enfarinée.
-« Je ne dors plus sereinement depuis que j’ai rejoint les avant-postes dans la région. La brume est de plus en plus belliqueuse à l’approche de Zénobie. J’en fais des cauchemars. »

A la proposition d’Akesh, il ramassa la balise électrogène qui était tombée entre eux à l’évaporation de la gargouille. Elle était lourde et pas très pratique à transporter sur un sol inégal, mais il avait l’air d’apprécier l’idée de repli loin du pont. Cela restait dans la brume cela dit. Mais peut-être valait-il mieux échanger des données sensibles en dehors du campement où la concentration humaine rendait la propagation des rumeurs beaucoup trop dangereuse.

Ils arrivèrent dans un renfoncement naturellement creusé dans la paroi de la montagne et qui semblait former un petit berceau de pierre. L’espace était assez grand pour accueillir quatre personnes autour d’un feu. Cela les protégeait, mais formait en même temps une impasse. Keshâ’rem déposa la balise au sol et s’adossa de manière à pouvoir surveiller la lisière de la mer de brume.

-« Des gens me connaissent au camp. Mais je ne leur ai pas dit que je venais. » commença-t-il en sortant sa gourde.
« Ils auraient tout fait pour me dissuader d’approcher. Je comprends pourquoi maintenant…
Si tu veux continuer, on devrait y aller ensemble. Plus que cela… je pense même qu’il serait judicieux de retourner à l’avant-poste et d’essayer de recruter plusieurs volontaires. En plus de cela, il nous faut une vraie stratégie… les premières équipes sont arrivées en groupe de front. Elles ont réussi à battre en retraite car Gildora n’avait pas l’air de connaitre leurs méthodes de combat. La seconde équipe s’est faite balayer par ses eaux… ils ont des drakes à l’Alliance. Peut-être qu’en l’attaquant des deux côtés du pont et du ciel en même temps, il ne saurait plus où donner… de ses têtes. »


Évidemment, il se demandait comment blesser cette créature faite d’eau. Certains semblaient y être arrivé.

Il mâchait quelques noix en regardant Akesh. Une part de lui avait envie de s’étendre. Mais il ne se voyait pas dormir ici, ni être inconscient en présence du strigoi. D’un autre côté, il y avait cette tension entre eux. Il savait qu’il détenait des informations houleuses pour Akesh et qu’il s’exposait d’autant plus en déambulant au sein des camps de l’Alliance sans être averti.

Ce n’était pas agréable, mais il devait le mettre en garde et révéler son implication.
-« Akesh… avant qu’on parle de tout ça… hum. Je dois absolument te raconter quelque chose. Ca concerne ta sécurité. »

Il se passa une main derrière la tête et se frotta les yeux avant de se pencher en avant, accoudé sur ses genoux. En lutte contre ses mots, son regard, au moins, était bien planté dans celui du strigoi qui avait était son protecteur.
-« Le passé te poursuit activement. Tu dois savoir que Xandrie te cherche, je sais. Mais j’ai vraiment été retracé par une équipe d’enquêteurs déterminé à remonter ta piste. Ils sont venus me chercher jusque chez moi à Epistopoli… et même si je ne sais pas tout d’eux, ils ne sont pas n’importe qui. »

Il regardait comment son ami allait réagir à cette nouvelle. Son instinct prédateur le dominait. Et s’il affectait toujours la relaxation, il le savait capable de mouvements d’humeur et de brutalité.

-« Dans le lot, il y avait des gens que je connaissais d’avant… le monde devient vraiment trop petit, c’est suffoquant… des nobles Xandriens… un guide Aramilan… »

Jusqu’ici, il n’avait rien à se reprocher. Il savait cependant que c’était en partie le cas et redoutait la réaction du néo-Aramilan. Cependant, il devait déjà prendre la mesure de ses poursuivants. Ce groupe là constituait une menace sérieuse. La preuve : ils étaient remontés jusqu'à Keshâ.

-« Tu vas dire que beaucoup de monde te cherche. A commencer par le Guet. Mais ceux-là… ceux-là sont différents. Ils utilisent tous des artefacts. L’une a beaucoup d’influence dans les Guilde. L’autre est un monstre au combat capable de manier des pouvoirs destructeurs. L’autre est plein de secrets et je le trouve d’autant plus inquiétant qu’on ne sait pas le cerner. »
Ca, c’était pour la partie facile. Il but une nouvelle gorgée d’eau, se mordillant les lèvres au passage pour gagner un peu de temps en cherchant ses mots.

Mer 23 Oct - 13:54
Gildora, Roi des monstres



Akhesh ne prenait pas de gants et avait la fâcheuse tendance à ne pas passer par quatre chemins quand il avait quelque chose à dire. Droit au but, quitte à recevoir les foudres ou les inimitiés de ses interlocuteurs. La voix de Keshâ jouait désagréablement sur le Strigoi. Le blondinet était tendu et un rien agressif dans le ton employé. Quand il affirmait le croire, l'ancien dignitaire rétorquait aussitôt.

" Tu me crois ! Manquerait plus que cela ne soit pas le cas ! Pfff! "  

Akhesh était agacé, mais l'évocation de sa monture suscitait l'intérêt de son amant.

" Elle n'est pas aussi spectaculaire que ton invocation, mais produit son petit effet. Elle doit être quelque part dans le secteur. Je l'ai laissé en liberté avant de traverser le dernier campement. Je ne voulais pas attirer les convoitises. C'est un pégase de toute beauté. "  

Il marquait une pose et enchainait aux paroles du blondinet, se passant une main sur la nuque.

" Disons que j'ai saisi une opportunité et actuellement, elle nous convient à Eineris et à moi. Ca ne sera sans doute pas longtemps le cas, mais en attendant, on a un peu de répit. Et puis Eineris est heureuse, c'est ce qui compte. Elle a changé depuis que tu l'as rencontré. J'ai l'espoir de faire quelqu'un de bien ."  

On sentait dans la voix du Strigoi qu'il tenait réellement à cette enfant. Qu'il était fier des progrès accomplis. Akhesh était ravi de revoir son ami et amant, mais il sentait que ça ne tournait pas rond. Cela se confirmait lorsque Keshâ avouait moins dormir depuis qu'il avait rejoint les avants postes. Le Strigoi ne le quittait pas des yeux. Il l'observait avec attention. Les paupières lourdes, un soupir échappé de ses lèvres, son ami d'ordinaire si pétillant et plein de vie, s'étiolait comme une fleur privée de soleil. Et les effets de la brume n'arrangeaient pas les choses. Le Strigoi en ressentait aussi les effets néfastes.
Il se cachait quelque chose dans le regard fatigué de l'aventurier. Une chose que l'ancien ministre ne parvenait pas à identifier. Akhesh remarquait les cernes prononcées sous les yeux, les tremblements légers des mains et une certaine lenteur dans les mouvements. L'état de santé de son amant s'était détérioré. Il se posait la question intérieurement.

(" Qu'est-ce qui ne va pas, Keshâ ?")  

Après ce désastreux constat, il répondait en haussant les épaules.

" À vrai dire, je n'avais pas de démarche précise. Je voulais le voir avant d'entreprendre quoi que ce soit. "  

La proposition de camper semblait plaire à Keshâ puisqu'il empoignait sa balise qui paraissait bien lourde. Akhesh lui aurait bien proposé de l'aider, mais craignait de le froisser.  Après quelques minutes de marche, ils trouvaient refuge dans un renfoncement naturel. Ils étaient à l'abri de la brume pour un temps, c'était mieux que rien. Si Keshâ s'installait de telle sorte qu'il pouvait avoir vue sur la sortie, Akhesh s'asseyait en tailleur au sol, face à son ami . Cette promiscuité ne ressemblait en rien aux précédentes. Etait-ce dû à la brume? Au fait qu'ils avaient changé ? 

La discussion se poursuivait et Akhesh en apprenait un peu plus. Comme le fait que Keshâ n'était pas venu seul et qu'il avait faussé compagnie à ses compagnons. L'ancien ministre haussait le sourcil, surpris. Pourquoi partir en catimini ? Un coup de tête ? Ou bien était-ce une action suicidaire ? Tout était envisageable vu l'état de l'aventurier. Il délaissait bien vite la dernière possibilité lorsque le blondinet lui proposait de faire équipe afin d'affronter le dragon. Une surprise. Il l'écoutait échafauder une stratégie dont il ne semblait pas convaincu, aussi passait-il à un autre sujet. Un sujet qui le tracassait de toute évidence. Il était nerveux.

Le mot sécurité était lié au nom du Strigoi et cela piquait sa curiosité. Son ami livrait ce qu'il avait sur le cœur. Ce qu'entendait Akhesh ne lui plaisait pas et cela se voyait rapidement dans sa façon d'être. Ses yeux, habituellement d'un bleu clair paisible, se transformaient en deux abîmes sombres et ses temps pulsaient d'une régularité inquiétante. Les veines de son cou se tendaient comme des cordes de violon prêtes à céder.
La colère sourde qu'il sentait monter en lui, grondait comme un volcan sur le point d'entrer en éruption. Chacune de ses respirations devenaient saccadées, chaque battement de cœur, un coup de marteau sur l'enclume de sa rage. Ses mains, habituellement douces, se transformaient en poings serrés, les phalanges blanchies par l'effort.

Il se levait brusquement, fixant Keshâ avec une dureté sans pareille. Une soif de sang soudaine le dévorait. S'il ne se ressaisissait pas, il se savait capable du pire. Il se déplaçait dans cet espace restreint, tel un lion en cage, jusqu'à poser sa main gauche sur une roche saillante et la brisait en plusieurs morceaux d'une simple pression. Il était en colère et les muscles de son dos étaient tendus comme un arc.
Soudain, il faisait volte-face, dévisageait Keshâ, le regard vide, perdu dans les méandres de la colère. Il murmurait des mots inarticulés avant de reprendre un semblant de contrôle. Dans sa main, demeurait un morceau de roche. Chaque mot, chaque détail du récit de l'aventurier étaient analysés, enregistrés. Si la description de certains des poursuivants ne lui disait rien, l'une d'entre elles l'interpellait, mais il n'en dit mot.

" Ainsi donc, on s'est lancé à ma recherche, c'était à prévoir. J'en déduis que tu leur as balancé quelques informations pour qu'ils te foutent la paix !"    

Il réduisait en poussière la roche qu'il tenait en main et en laissait échapper les grains entre ses doigts.

" Tu me déçois, Keshâ. Je te faisais confiance.  Mais je comprends aussi la situation dans laquelle tu te trouvais. "  

Il se rasseyait, sa colère retombant lentement.

" Dis m'en plus."  


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Dernière édition par Akhesh Ménuza le Ven 1 Nov - 14:29, édité 1 fois
Sam 26 Oct - 5:41



Gildora, Roi des monstres

Akesh Ménuza


Les paroles légères s’achevaient. Keshâ’rem ne manqua pas de faire savoir à Akesh qu’il lui plairait bien de voir son pégase et qu’il était heureux du bonheur d’Einéris.

-« J’espère que tu dis vrai et qu’elle se découvrira un but. »

De son point de vue, la fierté paternelle est tout ce qui semblait arrimer le strigoi à une forme d’humanité. L’orphelin ne pouvait rien savoir des choses de la famille. Mais avoir une enfant adoptive semblait l’apaiser et l’ancrer dans le réel…


Il fut un temps où le jeune homme ne se serait pas soucié d’un accès de violence. Alors, la mort qui en résulterait aurait tout eu d’une délivrance. Il n’était personne. Pourtant, il avait encore dans son aliénation une forme de liberté et d’innocence, qui semblaient aujourd’hui perdues. Les compromissions et devoirs qui allaient avec le petit statut qu’il avait obtenu s’associaient à ce parasite guettant le moindre faux-pas. C’est cette même personne, coincée dans ses dilemmes et traumas, qui estimait aujourd’hui avoir à redouter le coup de sang du strigoi.

Malgré tout ce qui se tramait dans sa tête, il se rendait compte… qu’il ne voulait plus mourir. Personne ne pouvait rester impassible devant l’orage qui grandissait dans les yeux bleus de l’Aramilan à mesure qu’il parlait. Si elle existait, il ne connaissait pas cette personne. C’était très inconfortable. Comme si la menace à redouter ne venait plus tant de la brume, que du prédateur barrant la sortie de l’alcôve minérale.

Il s’efforçait d’essuyer le feu en demeurant le plus franc possible. Peu de relations qui comptaient vraiment dans sa vie. L’honnêteté lui paraissait être le moindre des respects, quand bien même elle n’était pas agréable. Il avait parfois tendance à fuir, à minauder ou à mentir. Le sujet lui paraissait ici beaucoup trop sérieux pour en faire l’économie.

Son corps recula malgré lui au moment où Akesh broya entre ses mains des fragments de roche. Keshâ’rem le savait robuste, mais pas à ce point ! Le souvenir se son cou serré par son point au bazar le frappa. Il n’avait pas le temps de se demander d’où il tirait une telle force. Le fauve occupait son entière attention.
Un peu interdit, il lui fallut quelques instants pour réagir à la conclusion sur laquelle sautait le strigoi.
-« … je crois qu’on peut résumer les choses comme ça. »

Les résidus de roches tombaient misérablement en poussière. Il déglutit, espérant ne pas avoir à connaître son sort si Akesh dirigeait sa colère contre lui et qu’il ne parvenait pas à se mettre hors de sa portée. Clairement, il n’avait perçu qu’un aspect restreint du spectre de la personnalité d’Ekiel, à l’époque. Celui qu’il lui donnait à voir, celui qu’il voulait bien percevoir, aussi. D’un autre côté, il devenait évident qu’Ekiel et Akesh étaient deux personnalités tout à fait différentes, en dépit de certains points communs.

-« Je suis désolé. » essaya-t-il d’une voix contrite. Pas convaincu que cela suffise à calmer le rugissement du lion. Le besoin d’information semblait pour le moment être ce qui aiguillonnait le plus les passions fauves de son ami.

-« D’accord… Je me suis retiré à Epistopoli pour quelques mois à la suite d’une mission désastreuse aux Terres Brûlées. L’armée l’avait demandé et je n’ai pas su dire non… j’y ai retrouvé deux des agents Xandriens qui viendraient me trouver par la suite : Lan-Lan Fa et un certain Gerald de Dains. En ce qui me concerne, j’essayais seulement de me recentrer sur ma vie à Epistopoli à ce moment… j’avais promis d’être entièrement disponible pour mes cours de chant et la préparation d’un opéra. C’était un grand défi, donc je ne sortais plus vraiment hors des quartiers réservés aux artistes. »

Akesh n’étant pas une légende de patience, Keshâ espérait ne pas perdre son écoute, mais le déroulé de ce contexte lui donnait le temps de rassembler ses pensées et de se calmer après le coup d’éclat du colosse.

-« Ils sont venus me trouver le soir de la première. J’ai essayé de feindre l’ignorance, mais ils n'étaient pas venus par hasard. Je les connaissais juste assez pour savoir qu’ils seraient comme des molosses autour d’un os à ronger… nous avions enquêté ensemble sur le tueur à la rose violette en Xandrie… et puis, il y avait cet Aramilan aux yeux bleus. Arno. Figure-toi que je l’ai rencontré exactement au moment où nous nous sommes vus à Qadsak… même si je les ai cachées, j’imagine qu’il a pu à un moment ou à un autre entrapercevoir un des bandages sur mes morsures… bref… je n’ai pas voulu leur donner de détails… ton nom, tes projets, ta fille… je leur ai donné juste assez de ce qu’ils voulaient dans l’espoir qu’ils se désintéressent de moi. J’ai prétendu être un artiste dépravé et ne pas tenir de compte du nombre et de l’identité de mes amants… ma version était que j’avais été naïf et imprudent et que je n’imaginais pas du tout à qui j’avais affaire. »
Et ce n’était pas complètement faux.

Finalement, si Arno faisait le lien entre ses morsures et Qadsak, il pourrait lui-même déduire l’endroit où il avait sans doute rencontré Ekiel pour la dernière fois et faire progresser leur investigation. Ou peut-être que cela ne suffirait pas. Seul le temps le dirait. S'ils avaient cette conversation, c'est que l'enquête avait été laborieuse.

-« Comme tu l’as dit à l’époque. Et je t’en remercie, avec le recul… Tu ne m’as rien dit que je n’aie pas besoin de savoir, de manière à me protéger et à te protéger. Ainsi, j’aurais pu jurer sous serment ignorer où tu te trouvais, ou ce que tu projetais de faire ensuite. »

Des fourmis dans les mains, le stress montait. Il espérait que cela convienne à Akesh, pour qu’ils se lèvent et rentrent au camp rapidement. Ce n’était pas sûr de rester trop longtemps immobile dans la brume. L’entité semblait très passive pour le moment, comme s’ils n’étaient pas intéressants pour elle. Cependant, il avait pu noter qu’elle n’avait pas l’air d’apprécier la présence d’Akesh, pour une raison inconnue. Ses bras brumeux avaient l’air de sonder l’air en quête de failles de son côté à intervalle régulier. Heureusement qu’il avait apporté sa balise.

-« Puisque j’ai la chance de pouvoir te prévenir, je voulais que tu saches qu’ils sont en route. »
L’ombre d’une grimace. Malgré sa loyauté, il n’appréciait pas les crimes particuliers dont Akesh était accusé, peu importe sa « nature »réclamée.

Dim 27 Oct - 10:42
Gildora, Roi des monstres



Si Keshâ avait de bonnes paroles concernant Eineris, elles passaient à la trappe compte tenu de ses révélations. La colère du Strigoi était maitrisée, mais elle n'en demeurait pas moins présente. Depuis leur toute première rencontre, Keshâ s'était montré fasciné par le Strigoi. Quoi de plus étonnant avec son aura mystérieuse et dangereuse. Il avait été attiré comme un aimant. Leur relation était particulière, mais présentement, elle se révélait dangereuse pour le blondinet et le suceur de sang en avait pleinement conscience.

Il était un être complexe, déroutant. On le connaissait en Xandrie de nature calme et posée, mais il venait de se transformer en une créature sombre et violente. Keshâ découvrait une facette de son amant dans laquelle semblaient cohabiter deux personnes diamétralement opposées. Akhesh percevait la peur de Keshâ dans son mouvement de recul et cela lui donnait l'envie de se lancer dans une partie de chasse où le jeune homme serait sa proie. Il se retenait de céder à cette pulsion. Mais alors que Keshâ bredouillait un « je suis désolé », Akhesh laissait pointer ses canines.

" Tu peux l'être ! "  

Les mots étaient grognés profondément. Le Strigoi ne bougeait pas, attendant la suite. Sa patience à cet instant était limitée et son amant en avait parfaitement conscience. C'est sa vie qui était en jeu. Il détaillait les circonstances de sa rencontre avec les poursuivants d'Akhesh. L'opéra, la première, le fait qu'ils avaient déjà collaboré pour une affaire. Ainsi donc, ils les connaissaient. Lorsqu'il évoquait un os et des molosses, Akhesh émettait un raclement de gorge.

" Et présentement, l'os, c'est moi . "  

Ironie. Keshâ lui parlait d'Epistopoli, d'une mission catastrophique et de deux personnes qui étaient venues le trouver alors qu'il prenait des cours de chant quant à la préparation d'un opéra. Une nommée Lan-Lan Fa et Gérald de Dains. Ces noms, il les gravait dans sa mémoire. Son amant enchaînait sur un nommé Arno, croisé à Qadsak après sa rencontre avec le Strigoi. Il affirmait n'avoir donné aucuns détails. Akhesh le sentait sincère et l'incitait à poursuivre d'un signe de main. L'aventurier lui faisait part de ses doutes concernant le fait que cet Arno avait peut-être remarqué les bandages sur ses morsures.
Si tel était le cas, c'était courir le risque que cet homme, s'il était malin, face le lien entre Keshâ, Akhesh et le lieu où il se planquait à cette époque. Cette planque était compromise. Il ne fallait prendre aucun risque, surtout maintenant qu'il n'était plus seul. Eineris ne devait courir aucun danger. A cette époque, Akhesh n'avait pas voulu en dire plus à Keshâ sur ses activités, ni même sur ce qu'il envisageait de faire par la suite, et pour cela, l'aventurier l'en remerciait.

" Je te l'ai dit, Keshâ. Les personnes pour qui j'ai un tant soit peu d'estime, je les tiens éloignées de mes projets afin de les protéger. La preuve en est, ceux qui sont venus te trouver. Tu as bien réagi.  "  

L'air ambiant était suffoquant sous cet abri et la tension extrême entre les deux protagonistes. L'un argumentant pour garder la vie sauve et l'autre se retenant de fondre sur lui pour le vider de son sang. Il ne devait pas être facile d'avouer tout ça et Keshâ avait le mérite d'être honnête. Le Strigoi appréciait l'effort, surtout, le jeune homme savait de quoi était capable l'ancien ministre.

Cette grimace sur le visage de Keshâ ne trompait pas. Il savait pour les meurtres, mais Akhesh s'en moquait. Il était né ainsi et s'abreuvait sans vergogne à la source. Son amant le savait depuis le début, pour l'avoir vu agir. La seule chose qui différait, c'était que là, au bois de Mesmon, il avait tué. Mais c'était l'ordre naturel des choses… le prédateur tue sa proie.
Derrière eux, en dehors de la grotte, la brume s'agitait étrangement, Akhesh le sentait. Il ne fallait pas s'attarder outre mesure.

"  Ils sont à ma recherche, fort bien. Je me tiendrai sur mes gardes plus que je ne le suis déjà. Quant à toi, ta vie est sauve. Mais prend garde, Keshâ. Car même si je t'apprécie et que je tiens à toi, un autre coup comme celui-ci et ça en sera fini. S'il n'y avait que moi dans l'histoire, cela m'importerait peu, mais il y a Eineris à présent et cela change tout. Me suis-je bien fait comprendre ? "  

Il rétractait ses canines. Pour lui, l'affaire était close.

" Va, rejoint tes amis.  Dort un peu, on se retrouve demain à l'avant-poste. "  

Il n'ajoutait rien de plus et disparaissait dans la brume. Le lendemain, le Strigoi débarquait, se fondant parmi tous les va-et-vient incessants du camp. Il n'était qu'un aventurier de plus venant tenter sa chance dans la brume.


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Dernière édition par Akhesh Ménuza le Ven 1 Nov - 14:30, édité 1 fois
Mer 30 Oct - 15:07



Gildora, Roi des monstres

Akesh Ménuza


Sous des dehors passifs, le corps du jeune homme était très tendu. Akesh avait toujours eu du mal à tempérer ses émotions. Ou alors, il se faisait un plaisir d’illustrer son emportement dans sa gestuelle. Le strigoi n’hésitait pas à enfoncer le clou de sa culpabilité. L’intensité avec laquelle il le fixait laissait penser qu’il était toujours suspendu à ses mots…

Tout en le mécontentant, il obtenait une forme d’appui. Apparemment, leur relation restait indemne. A vrai dire, il devait rester une pointe de naïveté dans son caractère. Car il renâclait à recevoir un savon, sans soupçonner qu’il jouait réellement sa survie si ce qu’il disait déplaisait trop au fugitif.

-« Certainement. » répondit Keshâ, le regard appuyé.

Ses yeux améthyste frondaient l’orage dans ceux d’Akesh. Comparé à lui, c’était un avorton. Mais l’avorton avait grandi. Si leurs chemins devaient se séparer, il saurait l’accepter. Et si l’autre essayait de l’abattre, il se tortillerait comme une anguille pour retourner la prise en déployant les stratégies les plus pendables.

Ils se séparèrent. Finalement. L’aventurier approuvait l’initiative. Il se contraignit à attendre une petite heure avant de rejoindre le campement au moment du déjeuner. Seraphah et Maëlstrom se demandaient ce qu’il fabriquait. Alors qu’il s’entraînait – et se faisait botter les fesses – par un sabreur Xandrien, il entendit parler un patrouilleur de la débâcle précédente face à Gildora.

Ravage voulait motiver les troupes pour tenter une percée. Il peinait à recruter les candidats à la bataille face à ce tueur en masses. Mais l’Alliance n’avait pas le choix si elle voulait essayer de battre le Mandebrume à son propre jeu à Zénobie. Il fallait avancer. Chaque jour de perdu était délétère.

Keshâ’rem se présenta à lui. Un peu sceptique, Ravage apprécia néanmoins de recevoir un premier volontaire. Ce n’était peut-être pas ce qu’avait prévu Akesh, mais le patrouilleur allait forcément venir avec une équipe, qu’ils se soient rapprochés de lui ou non. Deux frères maraudeurs d’Opale se portèrent enfin volontaires. Jo et Klaus.

-« D’habitude, nous attendons d’avoir pris le contrôle d'une région avant de la baliser… » leur tint Ravage en révélant le plan d’action. Son aura intimidante était renforcée par son œil borgne de couleur glauque et de la cicatrice qui lui barrait le sourcil droit. Il reprit de sa voix rocailleuse :
« Mais ici, le manque de visibilité nous a déjà coûté cher. On ne veut pas non plus risquer que la brume s’en prenne à ceux utilisant des nascents ou des équipements technologiques. »

Les frères maraudeurs opinèrent de la tête. Ils avaient clairement l’air d’améliorés et d’affiscionados de l’armada électronique d’Epistopoli, mais trouvaient malgré tout qu’ils n’étaient pas nombreux à quatre. Et Keshâ n’osa pas leur dire qu’un individu aussi inquiétant que Ravage les attendrait le lendemain, de peur d’être vu comme un complice d’Akesh un de ses jours.
« Je veux donc que nous posions des balises de chaque côté du pont, tout en restant à une distance suffisante pour espérer ne pas réveiller le dragon. Il se peut qu’un peu de brume perdure au milieu du pont durant l’affrontement. Mais nous apporterons les nôtres avec nous. Le but est d’encager les balises de support et de les fixer fermement au sol en forant la roche et en enfonçant des rivets. Sinon, le dragon des eaux finira par les balayer.

Une fois cette opération réalisée en amont et en aval, je propose d’aborder le pont des deux côtés simultanément. Je rajouterai un troisième front en montant mon drake, Solis. Je pourrais déposer par les airs ceux qui ont besoin de l'être avec mon drake.»


A l’écoute de son nom, une bête poussa un cri strident au loin derrière les tentes.

Et sur ce… la petite équipée surgit des volutes de brume à l'avant-poste le lendemain. Sans doute à la surprise d’Akesh. L’Epistote affecta le même air sceptique que ses comparses en croisant un étranger à la peau noire, vigie silencieuse de la nuit. Keshâ et les maraudeurs transportaient les balises éteintes et leurs cages d’arrimage en fer forgé.

-« Tu voulais affronter seul le roi des monstres ? Inconscience !... Joins-toi à nous. » murmura Ravage d’une voix très basse.
Quoiqu’il réponde, Ravage n’avait pas l’intention de le laisser réveiller Gildora et faire échouer leur tentative. Le patrouilleur expliqua avec autorité comment il concevait les choses.

-« Gildora semble apprendre de ses erreurs. Et c’est déjà très difficile d’affaiblir un élémentaire. Il est inenvisageable de détourner le fleuve ou d’interrompre son cours… il faudra le divertir et trouver une manière de l’affaiblir drastiquement, assez pour qu’il ne puisse s’en remettre. »

Keshâ’rem se demandait toujours si les précédents aventuriers étaient parvenus à décapiter des têtes composées d’eau, si l’élémentaire en souffrait ou bien ne faisait qu’aspirer un peu plus de l’eau du fleuve pour se reconstituer à l’identique. Ravage de son côté avait l’air d’un coriace compagnon de la mort. Prêt à périr, on devinait qu’il était encore plus prêt à perdre tous ses pions pour venir à bout du roi des monstres. Petite surprise, Mao apparut sous sa forme juvénile en arrière.

-"Je suis volontaire... on ne se débarrasse pas de moi si facilement." ajouta la vieille espionne à l'intention de Keshâ, arborant encore un bandage volumineux au bras.

Ven 1 Nov - 14:52
Gildora, Roi des monstres



L'épais linceul de brume qui enveloppait le paysage en estompait les contours, créant une atmosphère à la fois paisible et mystérieuse. Les arbres, semblables à des spectres, se dressaient, squelettiques, dans cette mer de coton. Seules quelques branches, ici et là, émergeaient, dessinant d'étranges silhouettes contre le ciel gris.
De temps à autre, le cri strident d'une créature perçait cette quiétude, comme un rappel macabre de la nature hostile qui régnait en maître. Le son, amplifié par la brume, semblait flotter dans les airs, comme une mélodie envoûtante.

Un individu se tenait là, immobile comme une statue, sa silhouette sombre se détachant à peine de la brume. Ses yeux brillaient d'une lueur inquiète, balayant l'étendue blanchâtre. Chaque bruissement, chaque ombre portée par la brume, le mettait en alerte. Sa main, crispée autour de la poignée de son arme, trahissait une légère tension.

Un peu plus loin, des lueurs vacillantes trahissaient la présence de l'avant-poste. Des rires forcés, des voix rauques, des bruits de pas lourds rompaient l'harmonie morbide du matin. Le Strigoi sentait une vague d'adrénaline le submerger. Ces créatures représentaient de la nourriture à profusion, mais la faim ne tenaillait pas encore le suceur de sang. Il attendait...

Soudain, un craquement de branche rompit le silence, suivi de pas lourds qui approchaient. Des silhouettes émergeaient de la brume et avec elles, Keshâ. Leurs silhouettes se détachaient nettement sur le fond blanc, créant une image inquiétante. Ils avançaient progressivement, leurs regards fixés sur un point indéterminé. Ils affichaient une mine surprise en tombant sur le Strigoi. Akhesh notait tout de suite que Keshâ semblait différent, semblant lui signifier par son attitude qu'il ne le connaissait pas. Les hommes qui l'accompagnaient n'inspiraient aucune confiance à Akhesh. La tension qui rêgnait dans l'air était palpable, lourde comme du plomb. Le Strigoi et celui qui paraissait être le chef du groupe échangeaient un regard dans lequel la méfiance se lisait sur leur visage. Le temps paraissait suspendu l'espace de quelques secondes. Cet échange silencieux en disait long avant que le chef d'équipe ne propose à l'étranger de se joindre à eux.

"Pour ce qui est du monstre, il est relativement tranquille depuis hier. "  

Depuis hier ?? Par cette petite précision, le Strigoi indiquait qu'il était descendu dans le gouffre. Etait-ce pure folie ou bien vantardise ? Akhesh était capable de bien de chose et Keshâ le savait. Les autres apprendraient. Ravage faisait un rapide topo de la situation et exposait son plan au Strigoi. Comme ça, c'était relativement simple, mais dans la pratique, ça serait tout autre. Il semblait être le genre d'individu prêt à sacrifier son équipe pour mener à bien son projet. Il était prêt à tout pour arriver à ses fins. Alors que le groupe se remettait en route, une voix venait les interrompre, annonçant se joindre à eux. Akhesh affichait un léger rictus qui n'augurait rien de bon. Ils seraient donc six. Le bandage de Mao indiquait qu'elle avait vraisemblablement déjà rencontré le dragon, mais peut-être que cela était dû à autre chose.

La brume, masse cotonneuse, engloutissait tout ce qu'elle touchait. Les six silhouettes se déplaçaient lentement au sein de cette mer blanche, leurs voix étouffées par l'humidité. Ils étaient liés par un objectif commun, mais chacun d'entre eux était rongé par une inquiétude sourde. Leur guide, Ravage, leur indiquait la direction avec des gestes amples. Le sol était humide et glissant et leurs pas résonnaient dans le silence. À chaque instant, ils s'attendaient à voir surgir une créature des ombres, ou à entendre un cri déchirant le voile de brume. Le pont, leur destination, semblait s'éloigner à chaque pas, comme s'il était une illusion, une chimère.

Enfin, le pont apparut. Longue structure de pierre qui s'étendait au-dessus d'un gouffre, gueule béante prête à les engloutir. La brume s'était épaissie à cet endroit, créant une atmosphère encore plus oppressante. Le pont paraissait s'étirer à l'infini, un chemin sans fin vers l'inconnu. Ils ne savaient pas où ils allaient, ni ce qui les attendait de l'autre côté. Tout ce qu'ils savaient, c'est qu'ils étaient seuls, et que le plus dur allait commencer.


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Dim 3 Nov - 4:34



Gildora, Roi des monstres

Akesh Ménuza


L’union fait la force. C’est ce que semblaient penser les aventuriers coalisés dont l’effectif venait d’augmenter d’un tiers par l’addition d’Akesh et Mao, qui se présenta au groupe sous le nom de Zareh. Son identité « jeune ».

La blancheur ouatée de la brume était encore plus impénétrable que d’habitude. Elle préparait quelque chose. Keshâ’rem en était persuadé. Il n’aurait su dire comment. Elle semblait bien trop calme. Peut-être que sa nébula avait un rapport avec tout ça. Depuis qu’il était venu vers le nord, elle était surgonflée. La brume y était encore plus agressive et puissante, ce qui rendait impossible de museler totalement le parasite vivant en lui. En même temps, il ne rejetait plus. Plus complètement. Fruit d’un long deuil qui commençait à peine à se faire, il comprenait qu’il faudrait vivre avec. Et quitte à s’en débrouiller, autant ne pas y jeter toute son énergie. Elle pouvait lui offrir des avantages, ne serait-ce que parce qu’elle ne « voulait » pas que son hôte meurt tout de suite.

Maudissant l’humidité, les pieds du jeune homme glissaient inlassablement sur des roches trop lisses. Il se prenait les jambes dans les ferrailles qu’il transportait et la foreuse qui pendait à sa ceinture lui cognait souvent les parties de façon peu avantageuse. Déjà, ses avant-bras le brûlaient, mais il les crampait pour éviter au métal de s’entrechoquer. Ce genre d’incident suffisait à créer des drames dans la brume, si l’on en croyait les récits rapportés par les gars dans les tentes communes.

Les six chasseurs de monstres se tenaient face à la splendeur minérale de ce pont enjambant un vide insondable. Marmite bouillonnante, la structure semblait flotter au-dessus des nuages. Car en dessous de lui, la brume s’était ramassée, jusqu’à donner l’impression de devenir solide. On ne devinait rien à un mètre sous le pont, comme si la Malice voulait dissimuler un piège. Les balises leur seraient d’une aide considérable. Encore fallait-t-il réussir à les poser dans cette vision qui tenait au choix du paradis perdu ou de l'enfer incarné.

-« Qui je dépose de l’autre côté du pont ? » demanda Ravage, décidé à faire deux fois le trajet en empruntant d’amples détours pour déposer la première équipe.

Akesh eut l’air soudain très excité à l’idée de voler sur un drake. Keshâ redoutait ce qui arriverait si on mettait Ravage et Akesh ensemble…  mais c’était bien le dernier de ses soucis actuels. Un des maraudeurs augmentés rejoignit Akesh pour le binôme qui poserait la balise de l’autre côté du pont. Ils se répartirent le barda.

Zareh, Keshâ, Jo et Klaus observèrent le drake emporter Ravage et Akesh très haut dans le ciel. Les ailes du draconide firent virevolter une brume mécontente.
-« Ne perdons pas de temps. » murmurra, Jo.
« Nous devons repérer le meilleur endroit pour arrimer notre balise le plus vite possible. Là où la roche ne sera pas trop dure, mais pas friable non plus. Si possible en hauteur. Cela évitera aussi les sabotages à venir. »

Le temps que leur équipe s’accorde sur une plateforme rocheuse semblable à un pilastre sur le flanc de la montagne, Solis et Ravage revenaient pour emmener Klaus auprès d’Akesh. Le dragonnier peinait à fixer les grilles sur le dos de sa monture. Il craignait de les perdre en vol… de leur côté, Zareh avait gravi dans un silence quasi absolu la paroi, qui n’offrait que bien peu de prises aux yeux de Keshâ’rem.

Jo laissa échapper un soupir admiratif. Zareh leur lança une corde pour attacher les différentes pièces d’équipement et les hisser avec lenteur. Ceci fait, le maraudeur se hissa à son tour pour l’aider à forer. Jusqu’ici… tout allait bien ?

Il pouvait se passer n’importe quoi de l’autre côté du pont. Pour ce qu’il en savait, la terre pourrait s’ouvrir et déverser des torrents de lave. Si la brume ne voulait pas qu’ils entendent les appels à l’aide et les cris de souffrance de leurs équipiers, ils se croiraient toujours tranquilles de ce côté-ci. C’était la perfidie de la Malice. Elle contrôlait le décor, les acteurs et le scénario. Il fallait être fou pour penser la déjouer. Vraiment fou.

L’œil de Keshâ’rem couvait les deux arrimeurs. Il restait peu de place pour lui, là-haut. On aurait vite fait de lui faire tomber des outils sur la tête. Ce qui attira son inquiétude, fut cette silhouette noire qui tournoyait au-dessus deux. Un profond soulagement remplaça sa peur quand il fut certain qu’il s’agissait de Solis et Ravage, piquant sur lui.

-« Alors, où en êtes-vous ? » demanda le Mort-Gris d’une voix inflexible.
-« Zareh et Jo sont en train de positionner la balise et la grille j’imagine. Ils sont sur cette saillie. On s’est dit qu’elle serait peu accessible aux saboteurs et aux monstres, tout en dégageant un horizon de ciel de la brume. » murmura-t-il.
« Ils n’ont pas encore commencé à forer. »
A cette affirmation, on entendit un bruit étouffé de turbine de l’autre côté du pont. Soit ça, soit le gargouillis du ventre d’un démon.

Aussi immuable qu’une porte de prison, le patrouilleur reprit son vol, son tabard bleu nuit fouetté par le vent. Il attendrait que les balises soient arrimées pour passer à la seconde phase du plan. Un frisson glacé parcourut son échine. Que les équipes réussissent ou non dans la tâche qui leur était assignée, cela était égal à Ravage. Il volerait en surplomb en attendant que Gildora se montre et soit distrait par les humains à tailler en pièces. Et si depuis le début, il savait que le bruit pourrait mettre en colère le dragon des eaux ? Et même, l’espérait-il ?

Jusqu’ici, la marmite de brume se tenait tranquille. Pas de grondement furieux des eaux. Jusqu’ici, tout va bien…

Les vibrations dans la roche ont tout de même dérangé un occupant légitime de cet espace naturel. Un fourmilier à la peau crevassée, faite de roche se dandine hors de son terrier. L'élémentaire de terre, somme toute mignon, n'en est pas moins dangereux. Ses yeux rouges luisant, il va sans doute charger pour en découdre avec les intrus.



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Dim 3 Nov - 17:43
Gildora, Roi des monstres


Le pont et en dessous, tapis dans la masse brumeuse, celui par qui la progression des aventuriers était entravée. Un élémentaire d'eau à la masse colossale, celle d'un dragon. Pourquoi diable empêchait-il les aventuriers de passer le pont ? Pourquoi avait-il choisi précisément ce lieu alors que le fleuve courait sur les kilomètres ? Que protégeait-il ? Telles étaient les questions que se posait le Strigoi. D'après tout ce qu'il avait pu lire sur les élémentaires, ils n'attaquent jamais sans raison. C'est soit par peur, par colère ou bien par plaisir. Ces créatures créées de toutes pièces par la brume ou des nébulas étaient pour certaines de vraies sources de problèmes. Présentement, c'était le cas. Akhesh s'interrogeait sur la raison profonde de cette créature qui empêchait quiconque de traverser lorsque Ravage demandait qui voulait se rendre de l'autre côté du pont. Le Strigoi se proposait spontanément, car l'idée de chevaucher un drake lui plaisait. Mais,c'était surtout la réaction du drake qui l'intéressait. À savoir quelle réaction il aurait en sentant un autre prédateur. Ça, tous allaient bientôt le découvrir.

L'homme appelait son compagnon de vol qui bientôt plongeait vers le sol, ses écailles scintillant faiblement à cause de la mer de coton. Le sol tremblait sous l'impact de ses pattes arrière alors qu'il se posait près du groupe. Ses yeux d'or se posaient immédiatement sur Akhesh et un rugissement guttural s'échappait de sa gorge. Sa queue frappait le sol, soulevant des nuages de poussière. Ses ailes puissantes battaient l'air, créant un vent violant qui balayait la brume autour d'eux. Ses griffes s'enfonçaient dans la roche, laissant des marques profondes. Le Srigoi levait la tête et croisait le regard de Solis. Dans les yeux de l'animal, se lisait de la défiance, de la curiosité, et peut-être même une certaine admiration pour la témérité du Strigoi à vouloir le chevaucher. Les yeux d'Akhesh en revanche, restaient impénétrables.Voici que le suceur de sang levait lentement une main.

" Approche. "  

Il fallait mettre le drake en confiance et lui faire comprendre qu'il n'avait rien à craindre de cet autre prédateur qui, lui, préférait d'autres proies. Akhesh était conscient de la puissance de l'animal, mais ne le sous-estimait pas. Il les savait fiers et caractériels. En cela, ils se ressemblaient beaucoup. Solis surpris par l'audace du Strigoi, hésitait un instant, ses yeux scrutant cette créature de la tête aux pieds. Il n'avait jamais vu un être aussi audacieux. Il baissait la tête, les narines frémissantes et venait le sentir. La scène qui se déroulait était surréaliste et une sorte de panique envahissait Ravage face à la réaction de sa monture. Que diable lui arrivait-il ? À ce rythme, il allait attirer l'attention de l'élémentaire et leur mission serait compromise. Il en était hors de question. Il fallait qu'il agisse, vite. Avant même de pouvoir le faire, voici que le Strigoi tendait la main vers l'animal. Ravage pensait qu'il allait se faire déchiqueter, mais l'incroyable se produisit, lorsque Akhesh s'adressait une nouvelle fois à Solis.

"Je ne te défie pas, ait confiance. Ensemble, avec ton maître, nous traverserons ce gouffre."  

L'animal, après un temps de réflexion, venait toucher de son museau la main du Strigoi, comme s'il avait compris qu'ils n'étaient pas des adversaires, mais des alliés. La tension qui était alors à son comble retombait comme un soufflé quand le drake se calmait. Ils étaient passés à deux doigts d'un incident. Suite à cela, Ravage déposait tour à tour, de l'autre côté du pont à dos de drake, le Strigoi , l'humain modifié et tout le matériel nécessaire à la pose de balise. C'est là que commençait leur mission.

La brume était plus qu'un simple phénomène météorologique. Elle était vivante, changeante, intelligente. De ce côté du gouffre, elle était si dense qu'elle semblait palpable. Elle était tel un mur blanc qui les engloutissait peu à peu. Nos deux aventuriers cherchaient désespérément un lieu approprié où ancrer la balise. Leurs premiers choix étaient voués à l'échec, la brume effaçant tout repaire visuel. Dans cette mer blanche, les deux hommes étaient minuscules, insignifiants, face à cette nature hostile. Ils n'avaient pas le choix, il fallait dégager un minimum de terrain autour d'eux. Klaus activait un objet qu'il portait à sa ceinture, une balise électrogène miniaturisée, le temps pour eux de trouver un endroit approprié où poser leur matériel. Une fois qu'ils eurent trouvé le lieu adéquat, ils installaient la foreuse, prêts à en découdre avec la roche. Des murmures étranges paraissaient parfois leur parvenir aux oreilles, des ombres se déplaçaient au bord de leur champ de vision. C'était inquiétant. Le strigoi s'adressait à Klaus à voix basse.

" Activons-nous. Plus on tarde, et plus le risque de se faire attaquer augmente. Ça sent la mort à plein nez, ici."  


Pendant ce temps, de l'autre côté du pont. La première équipe était tout aussi occupée à positionner leur balise que ne l'était la seconde équipe. Leur difficulté était accrue avec le terrain sur lequel il avait choisi de l'implanter, à l'abri des monstres et des saboteurs. Car il ne fallait pas se leurrer : d'autres voulaient récolter les lauriers de la gloire de vaincre le dragon pour empocher la prime. Aussi tous les coups étaient permis.

Zareh avait escaladé la paroi rocheuse avec une facilité déconcertante pour ses compagnons de labeur avant qu'elle ne leur lance une corde afin de hisser le matériel de forage. Peu après, Jo l'avait rejoint et c'est de concert qu'ils installaient la foreuse. Chaque mouvement était lent, calculé. Le sol était glissant et le moindre faux pas pouvait leur être fatal.
Au-dessus, monté sur son Solis, Ravage planait, surveillant l'avancée de la pose de la balise. Mais avec cette brume, y voyait-il seulement quelque chose ? Il plongeait à hauteur du groupe formé par Zareh, Keshâ et Jo afin de s'enquérir de leur avancée. Après un rapide topo, le chef d'expédition reprenait son envol alors que de l'autre côté, la foreuse se faisait entendre.

Bientôt, la tarière du trio se joignait au joyeux vrombissement de l'autre foreuse. La mécanique se mettait à rugir, son moteur vibrant sous la carrosserie. Le trépan s'enfonçait dans la roche, émettant un son sourd et régulier. Des copeaux de pierre jaillissaient, formant un petit nuage de poussière qui se dissipait rapidement dans l'air. Jo et Zareh surveillaient attentivement l'avancement du forage, ajustant la pression et la vitesse de rotation si besoin. La température de la tête de forage était maintenue sous contrôle grâce à un système de refroidissement efficace. La roche, bien que solide, cédait progressivement sous la pression de l'outil. Bientôt, la tête de la foreuse laissait derrière elle un trou bien cylindrique où arrimer la balise. Il ne restait plus qu'à la positionner.

En contrebas, Keshâ avait suivi la progression du forage et maintenant, c'était à lui de jouer. Jo lui faisait signe et lui envoyer la balise et le blondinet s'exécutait. Il lançait l'objet en direction de Jo penché légèrement dans le vide, bras tendu. La balise semblait flotter dans l'air venant droit sur le maraudeur. Jo avait mal évalué la distance et ne parvenait qu'à effleurer l'objet, d'un mouvement gracieux, mais fatal. Cette dernière se mettait à tournoyer avant de disparaître dans le gouffre béant. Un silence pesant s'installait entre les trois acolytes qui se regardaient incrédules. Avait-il seulement prévu une balise de secours ?


Mais revenons sur l'autre rive où les deux hommes, concentrés sur leur tâche, étaient soudainement interrompus par un grondement sourd et un mouvement de terre à quelques mètres d'eux. Un fourmilier, la carapace luisante de terre et d'argile, émergeait furieusement de son terrier. Sentant sa demeure menacée par les vibrations de la tarière, l'animal, les yeux rouges, les menaçait. Sur le moment, Klaus et Akhesh étaient pris au dépourvu. La surprise était telle qu'ils avaient du mal à réaliser ce qui se passait. Une fraction de seconde, le temps s'arrêtait, puis l'adrénaline se mettait à pomper dans leurs veines.

" Bordel ! Manquait plus que ça ! "

À peine Klaus venait-il de prononcer ces mots, que l'animal le chargeait avec une vélocité surprenante. Il esquivait de justesse la première attaque de l'élémentaire tandis qu'Akhesh achevait de stabiliser la foreuse. Une montée d'adrénaline envahissait le strigoi. Elle en était presque jouissive. Les sens en éveil, les deux individus percevaient chaque détail de la menace qui leur faisait face. Des longues griffes, aiguisées comme des poignards, étaient d'autant d'armes redoutables. En l'état actuel des choses, chacun réagissait instinctivement

" Faut l'éloigner avant qu'il ne réveille l'autre là en bas. "

Klaus beuglait si fort qu'on pouvait penser que le Strigoi se trouvait à deux lieues de là, alors qu'il était à trois mètres, à peine. Sa voix résonnait jusque de l'autre côté du gouffre.

" Moins fort! On s'occupe de lui et on pose cette putain de balise. "   

Il fallait agir et éloigner la bestiole avant qu'elle ne s'en prenne à la foreuse. Élémentaire de terre, réfléchir, vite. Que craignait-il ? Le feu, bien évidemment. Seulement, Akhesh ne possédait pas d'armes de ce type.

" Tu as un lance-flamme ou un truc du genre ?"   

 " Non ! " 

C'était bien leur veine. Une autre solution ? Le fourmilier passait une seconde fois à l'attaque, fonçant sur le Strigoi. Avant qu'il n'ait le temps de réagir, l'animal était sur lui, et tous deux roulaient au sol, s'engageant dans une lutte acharnée. L'un cherchant à entailler et l'autre à éviter les griffes. Jamais Akhesh n'aurait pensé qu'un fourmilier de cette taille puisse être aussi agressif. L'animal était prêt à tout pour défendre son territoire. Un coup de griffe blessait Akhesh au côté. La douleur lui coupait le souffle quelques secondes avant qu'il ne repousse l'animal en déployant la force que lui conférait sa prothèse de bras. L'animal était expédié à quelques mètres de là, prêt du gouffre. Le Strigoi toujours au sol empoignait alors son G-35 Gauss et tirait sur l'élémentaire. Ce dernier, sous l'onde de choc, était propulsé dans le vide. Le Strigoi se relevait, main au côté et grimaçait. L'entaille n'était pas profonde, mais l'incommodait. En tombant, le fourmilier avait peut-être réveillé le dragon. Le temps leur était compté, il fallait vite poser la balise et déguerpir de là.
De l'autre côté, le trio apercevait une déflagration déchirant la brume avant que le cri d'un animal ne retentisse dans le néant. Que diable s'était-il passer?


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Lun 4 Nov - 5:31



Gildora, Roi des monstres

Akesh Ménuza



Ah non, patatras ! La balise était tombée. Pris d’une certaine frénésie, le jeune homme la regarda chuter avec des yeux ronds dans sa direction. Il tenta le grand saut pour la rattraper, mais finit percuté alors qu'elle rebondissait dans le néant.

Des étoiles plein les yeux et des cotillons dans la tête, Keshâ’rem était allongé sur le sol, presque inconscient. Son absence mentale n’était pas souhaitable en territoire aussi spécieux. La brume ne jouait pas franc-jeu. Dans son esprit se jouait un court-circuit qui prenait la forme d’une épiphanie. Il se figurait caractère de composition dans un univers sans substance où tout était prédestiné, tordu et retordu à la forme désirée comme un fil de fer manié par un cercle de marionnettistes. Tout était si biaisé dans cette existence de fortune. Qu’importe qu’il vive, ou qu’il meurt. Ce serait selon des paramètres qu'il ne pouvait qu'ignorer et sur lesquels il n'avait, du reste, aucune prise. Derrière l’illusion, sa quintessence perdurerait.
Il pourrait bien finir spectre, après tout. Ou se rêver en femme sur un autre continent.

La suspension consentie d’incrédulité est levée.

-« Keshâ’rem ! » le héla Jo, à deux doigts de descendre la corde, mais qui craignait de se prendre les pieds dans les outils à force de précipitation.
-« C’est moi… » bafouilla-t-il piteusement, la tête lourde de s’être cogné au sol. Les idées tourneboulées.
Il grogna en ramassant ses jambes sous lui avant de répliquer.
-« J’ai une autre balise… il faudra adresser mes notes de frais à l’Alliance si je survie, sinon je compte bien venir la récupérer. » dit-il dans un pragmatisme qui détonnait avec la situation. Le traumatisme crânien était peut-être plus sérieux qu’il ne le laissait augurer.

Cette fois-ci, le jeune homme ne laissa rien au « hasard ». Il attacha solidement la balise à la corde, pour que Jo la tracte comme un panier garni à leur étage. Le duo d’arrimeurs se hâtait de finaliser son action, quand une détonation retentit dans le vide. Un cri plongeant émana du gouffre.

Gildora n’avait pas eu besoin de cette livraison expresse pour lever une paupière écailleuse sur le premier présent. L’horrible boulet luminescent qu’on lui avait envoyé était un grossier présage de la fureur qu’il offrirait en retour aux importuns sur son territoire. Ces humains, ils ne comprendraient donc jamais. Ils étaient chez lui ! Chez lui !

Ses grosses têtes aquatiques se séparent de l’onde bouillonnante et sinuent dans la brume en s’élevant dans une lente délectation. Sans doute le prédateur veut-il découvrir quelles proies s’offrent à lui aujourd’hui…

Keshâ’rem a voulu se lever, mais il a le vertige. C’est fragile ces p’tites choses. Plutôt que de forcer, il s’assied contre un gros bloc de roche, après avoir furtivement inspecté la brume dans son dos. Comme s’il pouvait voir quelque chose à travers cette purée de pois.

Plus haut, les deux ouvriers s’affairent :
-« Mais qu’est-ce que tu fais ? Visse Zareh, visse ! »
-« C’est ce que je fais. Je visse. » répond la femme, les lèvres pincées.
-« Non, là tu l’as réglé à l’envers, ça dévisse, regarde, ça tourne dans le vide… »
-« Saletés technologiques. Je n’y comprendrai jamais rien… »
Ils se dépêchent de consolider leur ouvrage. Trois visses sur quatre suffiront. Soit. Car ils s’interrompent aussitôt en voyant émerger une crête au-dessus du chemin de rocailles. Celui-là même où se trouve Keshâ. A deux mètres de lui, le regard perçant de l’élémentaire ancien se promène scrupuleusement sur chaque caillou.

Zareh et Jo observent muettement la scène. Littéralement aggripés aux bras l’un de l’autre sur leur perchoir, ils prient très fort. La balise encore éteinte n’émet aucun son ni aucune sorte de lumière. Ils ne respirent plus. Par extraordinaire, aucune tête ne s’intéresse à eux. Car deux autres émergent paresseusement au bout d’un long cou formé de torrent aspergeant la montagne. L’une semble renifler le pont, l’autre régresse bien en arrière du sentier qu’ils ont emprunté pour venir.

Keshâ’rem ne semble pas l’avoir vu. Par contre, il l’a entendu, au bout d’un moment.
Plaqué contre le rocher, il sent les gouttelettes projetées par le corps titanesque s’écraser sur lui. Inutile de penser aux autres dans ces conditions. Toutes ses pensées sont pour lui. Et toutes concourent à ne faire qu’un avec le rocher. Par l’attitude, par l’esprit, à défaut de l’être par le corps. Autrement dit, il fait le mort. Sac de chair inanimé.

Incrédule ou non, il doit mobiliser son énergie pour être capable de fuir si une opportunité de bouger se présente. Puisqu’il ne doute pas que si rien n’est fait, Gildora finira par le débusquer.

Plus haut dans le ciel, une ombre tournoie, fend les nuages en silence. Un autre type de dragon. De griffes et d’écailles. Solis guette. Ravage se prépare. Il n’a pas besoin que son équipe meure pour agir. Seulement qu’elle joue son rôle d’appât.

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Mer 6 Nov - 16:06
Gildora, Roi des monstres



Le gouffre, béante cicatrice dans le flanc de la montagne. Si en tombant, le fourmilier n'avait pas réveillé le monstre, la balise en perçant les ténèbres avait eu un tout autre effet. Comme un réveil brutal, l'objet avait arraché de son sommeil l'élémentaire d'eau. Un dragon, non pas un, mais des dragons, car de son corps jaillissaient de multiples têtes, chacune plus féroce les unes que les autres. Akhesh contemplait la créature monstrueuse surgir des entrailles du gouffre. Le dragon occupait désormais tout l'espace de la cavité. Ses écailles d'eau scintillaient faiblement. Chaque tête, dotée d'une intelligence propre, semblait scander une mélodie mortelle avec ses rugissements. Le suceur de sang avait entendu les rumeurs, mais rien ne pouvait le préparer à une telle vision. La bête était bien plus grande, bien plus féroce que tout ce qu'il avait pu imaginer. Un frisson parcourut son épine dorsale. Il savait que cette mission serait périlleuse, voire mortelle.

Dans le ciel, un cavalier solitaire sur sa monture ailée assistait à la scène. Ravage hésitait, tiraillé entre le devoir d'aider et l'envie de laisser ses compagnons livrés à une mort certaine. Le dragon quant à lui, lentement et inexorablement, reniflait les moindres recoins de la roche, ses multiples yeux scrutant son environnement à la recherche des intrus qui l'avaient tiré de son repos. 

De l'autre côté, Klaus et Akhesh, témoins de la scène, comprenaient qu'il fallait agir. Il fallait le distraire. Attirer son attention afin que les autres, de l'autre côté, aient le temps de déclencher leur balise et de se mettre à l'abri. Le Strigoi observait autour de lui et avisait une branche noueuse sur le sol. Un objet simple, mais qui aurait l'effet escompté. Il s'en saisissait et s'avançait jusqu'au bord du précipice, son regard ne quittait pas Gildora des yeux. Il criait d'une voix puissante.

" Eh ! Eh ! C'est moi que tu cherches ! Allez, vient ! Vient !"  

Joignant le geste à la parole, il se mettait à frapper la branche contre la roche afin de faire un maximum de bruit. Le dragon, intrigué, tournait deux de ses têtes de l'autre côté du pont en direction du bruit. Les autres têtes suivaient, leurs regards fixant les deux silhouettes solitaires au bord de l'abîme. Sans un instant d'hésitation, Akhesh lançait la branche dans le gouffre, suivie de près d'une grenade aveuglante lancée par Klaus. Le bâton dans sa chute sifflait, attirant irrésistiblement l'attention du dragon. L'élémentaire oubliait les explorateurs et se lançait à la poursuite des objets, disparaissant à travers la brume, dans les profondeurs, avant qu'une déflagration ne retentisse. Jo profitait de la confusion pour activer la première balise. Un faisceau lumineux perçait alors la brume, indiquant leur position. Sur l'autre versant , Klaus faisait de même.

" Foutez le camp de là  !"

L'éclat aveuglant de la grenade avait rempli le gouffre d'une brume opaque. Le dragon, ses multiples yeux rougis par la lumière intense, rugissait de douleur et de rage. Il se secouait violemment, essayant de chasser l'obscurité qui l'enveloppait. Mais la grenade avait fait son œuvre. Désorienté et aveuglé, il se dirigeait instinctivement vers le haut du gouffre, où se trouvaient les intrus. Désormais entièrement dressé, Gildora se trouvait à quelques mètres de Klaus et d'Akhesh. Ses rugissements assourdissants faisaient trembler la terre. Guidé par son instinct meurtrier, il se jetait en avant, projetant des gerbes d'eau, tels des geysers, en direction de l'humain modifié et du Strigoi. Ces derniers étaient balayés par un torrent d'eau sur plusieurs mètres. Le dragon ne les lâchait pas et continuait de cracher des jets d'eau sur eux, transformant le sol en marre de boue. À ce rythme, ils allaient finir par se noyer. Akhesh toussait, recrachait de l'eau, et parvenait à activer sa barrière énergétique afin de parer aux attaques du dragon. Il levait la tête vers le ciel se demandant ce qu'attendait Ravage pour agir.


Codage par Libella sur Graphiorum
Jeu 14 Nov - 6:40



Gildora, Roi des monstres

Akesh Ménuza


Quand on est sous les naseaux d’un monstre aussi titanesque, le temps peut rapidement sembler long. Pétrifié, Keshâ’rem se demande si ses équipiers vont intervenir ou le regarder se faire mettre en pièce par le dragon d’eau. Du coin de l’œil, il force son pauvre musculus rectus lateralis bulbi oculi à regarder le profil courroucé de l’une des têtes. Cela lui fait mal mais c’est bien le cadet de ses soucis.

Il aurait pu penser sa jauge de peur remplie, entre la tour d’Yfe, les pyramides, le spectre à la rose violette et surtout, surtout, le viscuphage du lac Drolzin. Mais une piqûre d’adrénaline dans le derrière fait toujours son petit effet. Un sentiment pressant de mort imminente lui fait bouillir le cerveau. Si cela ne tenait qu’à sa tour de contrôle, il ferait un AVC illico juste pour ne pas avoir à vivre la scène. Mais comme toujours, on ne peut pas compter sur son corps dans ce genre de situations…

A la seconde suivante, il n’aura plus de cachette. Tout ce qu’il pourra faire, c’est courir droit devant, sachant très bien qu’il sera fauché à bout portant par Gildora.  Il aurait mieux fait de rester à chanter des opéras. Au mieux, il pourra tenter sa chance en trichant grâce à un artefact, comme celui permettant la téléportation. Il essaye de s’y préparer sans céder à la panique ni à son déclenchement. Car s’il s’en sert, il survivra peut-être quelques minutes de plus, mais n’aura plus assez d’énergie en réserve ou la capacité d’encaisser des contrecoups liés à l’utilisation d’artefacts pour réaliser son plan.

Il a survécu à juste assez de missions pour apprendre à penser à sa gueule en premier. Ainsi sa conscience se lave bien de la mort du patrouilleur ou des maraudeurs. Par contre, il a quand même deux amis avec lui. Et il ne supporterait pas le poids de la lâcheté s’il les laissait derrière lui. C’est un jour terrible. Un jour pour mourir tous ensemble. Tous vont devoir combattre comme jamais.

Au moment où le dragon se penche par-dessus le rocher, Akesh se met à brailler après lui. La manœuvre est assez brute et suicidaire. Merci Akesh. Adieu Akesh. Heureusement, son partenaire a le sens de l’initiative et réussit à attirer l’attention des têtes vers sa grenade aveuglante...

Un instant la brume se zébra d’éclairs diaprés. Sans demander son reste, Mao actionna la première balise et sauta en bas de la saillie en glissant le long de la corde. Elle s’attendait à ce que Jo la suive, mais deux pairs de longues griffes en métal sortirent de ses poings et il s’en servit pour attaquer la paroi et grimper beaucoup plus haut. Au bruit de cliquetis, Keshâ devina qu’il était en train de charger une arme de grade militaire. Quant à lui il avait rejoint Mao. Ils se répartirent deux abris sommaires derrières des buissons d’épines, de manière à ne pas non plus se retrouver acculés dans un coin.

Le grabuge arrivait simultanément sur Klaus et Akesh. Aveugle, Gildora était encore plus furieux. Il semblait frapper à l’instinct. Ses attaques n’avaient pas l’air mortelles. Pourtant, de loin, les deux hommes ressemblaient à des fourmis balayées par une inondation. Les choses allaient vite dégénérer. Il suffisait que l’un d’eux perde sa prise et glisse dans le gouffre. Keshâ avait presque oublié Ravage, mais pas Mao, dont le regard acerbe tranchait le ciel.

C’était à eux d’intervenir au plus vite pour disperser les attaques de Gildora. Il semblait aveuglé. Akesh utilise une sorte d’arme énergétique pour se protéger. Grâce à son khermès, Mao comprend plus rapidement ce dont il s’agit et touche son cristal de mimétisme sur son pendentif pour s’emparer du pouvoir de barrière. Ce faisant, elle se met à courir avec agilité vers le pont. Keshâ se sent plus fébrile, mais la suit avec quelques pas de retard.

-« Tu n’utilises pas tes totems ? »
-« Je pourrais… mais cela va brûler assez rapidement mon énergie. » haleta-t-il. Il devait forcer sa voix car le grondement furieux des eaux du Gildora redoublait d’intensité.
-« Donne-moi la gargouille. » demanda Mao d’un ton sans réplique.

Il ralentit pour lui passer son gant d'invocation.

Ils étaient au milieu du pont. La situation de Klaus devenait précaire, alors que la boue dévalant la rocaille menaçait de l’entraîner dans une chute mortelle dans le ravin. Il ne tenait qu’en s’agrippant de toutes ses forces à un buisson d’épines. Les barrières d’Akesh finirait par l’épuiser. C’est à cet instant qu’une série de détonations retentirent. Des volées de gravats furent projetées jusqu’au pont. Jo s’était préparé à des tirs de précision et y allait au lance-grenades. Au lieu de viser les têtes du dragon, l’artificier dirigeait ses tirs vers le flanc de la montagne, à un endroit où se trouvait déjà un renfoncement au-dessus d’une colonne naturelle.

A terre, Mao et Keshâ se protégeaient comme ils le pouvaient les tympans et la tête des projectiles de plus en plus nombreux qui fusaient. Enfin, un grand craquement retentit. Ils ne le virent pas tout de suite. Pareil à un immense obélisque, la colonne se renversa et bascula du côté d’Akesh et Klaus, près du pont. Le pont résista mais semblait obstrué. Une fois à terre la colonne se brisa et faucha complètement la tête qui menaçait Klaus et Akesh. Un sifflement haineux et désespéré se répercuta à travers les autres, tordues de douleur. Leurs longs cous se balançaient comme des fouets pour essayer de frapper vainement la montagne.

La raison de cette réaction n’était pas évidente. Était-ce la perte d’une tête ou bien le fait que le cours du Gildora ait été profané par ces débris qui désorientait ainsi le roi des monstres ? Sans trancher, Keshâ se releva. Il vérifia que Gildora ne semblait pas avoir retrouvé son acuité visuelle et que le pont tenait debout avant d’entraîner Mao vers le milieu du pont.

-«Profitons d’avoir l’avantage. Envole-toi sur la gargouille. Je n’ai pas d’armes vraiment de taille pour lui… mais si jamais quelqu’un est en difficulté, je ferai en sorte de l’attirer vers moi. Et s’il retrouve la vue, je tenterai de l’aveugler à nouveau.

Ses gants éoliens seraient comme des cure-dents lancé sur une vitre de plexiglas. Et son revolver... un pétard pour enfant. Il faudrait faire preuve d'imagination. S'ils fallait en arriver à invoquer un monstre pour combattre ce géant, il aviserait.

Toujours pas d’intervention du patrouilleur. Cela dit, grâce à leurs deux balises enracinées, le groupe avait un point de vue de plus en plus dégagé sur la zone. La brume refluait jusqu’à plus de quinze mètres sous le niveau du pont. Seul persistait une zone de brouillard là où se tenait Keshâ en son centre. Il avait déjà donné sa balise en remplacement et n’avait plus qu’à espérer que la Malice jouerait en sa faveur.
Résumé &Jet de dés:

Dim 17 Nov - 17:31
Gildora, Roi des monstres



Le dragon d'eau les maintenait prisonniers de ses jets puissants. La pression était si forte qu'elle leur arrachait presque l'air des poumons. Akhesh, épuisé par l'effort de maintenir sa barrière de protection, commençait à vaciller. La mince cloison faiblissait, laissant filtrer des gouttelettes d'eau à travers. Chaque muscle le brûlait, il se fatiguait plus qu'il ne l'aurait pensé. Et que dire de Klaus, qui, accroché à son buisson, luttait contre le déluge afin de ne pas être emporté dans le gouffre. À ce rythme, tous deux n'allaient pas faire de vieux os. Klaus beuglait...

" Il faut trouver un moyen de le repousser! On ne peut pas rester comme ça !"
 
Le repousser ! facile à dire, mais à faire dans leurs positions était de l'ordre de l'impossible. Si Klaus lâchait prise, s'en était terminé et pareil pour le Strigoi. Il fallait réagir. Un regard vers le ciel. Ravage ne bougeait toujours pas, se contentant de tournoyer au-dessus d'eux. Qu'attendait-il par les dix ?!

Une détonation résonnait, suivie de roches s'abattant sur le pont, menaçant d'écraser Mao et Keshâ.  Mais c'était bien le dernier cadet des soucis de nos deux aventuriers qui luttaient pour sauver leur vie.  Puis, il y avait un bruit assourdissant lorsqu'un pan de montagne s'écrasait sur le pont, coupant une des têtes du monstre. Sauvés de justesse de la noyade par l'ingénieux stratagème de Jo, Klaus et Akhesh se retrouvaient cloués sur place par l'effondrement de la colonne. Ils s'étaient sentis si proches de la mort que la soudaine délivrance les avait plongés dans un état de stupeur l'espace de quelques secondes. Klaus articulait...

" On y a échappé ?! "

Il se frottait les yeux comme pour s'assurer que ce qu'il voyait était bien réel. Akhesh tentait de récupérer un peu. L'humain modifié, plus déterminé que jamais, se redressait, l'adrénaline le poussant à agir.  Le dragon, privé d'une tete, se débattait toujours avec une fureur aveugle. Son corps massif, s'agitant dans tous les sens, créait des remous violents dans l'eau.

" Il faut en profiter ! "

Akhesh acquiesçait. Il se relevait et secouait la tête pour chasser le vertige qui s'emparait de lui. C'est alors qu'il apercevait Keshâ et Mao courir dans leur direction. Les fous, ils allaient se faire tuer.

" Klaus! Si tu as un arsenal comme Jo, c'est le moment de t'en servir ! Je vais essayer de le ralentir ! "

Le Strigoi sortait de son sac un boîtier contenant deux fioles. A l'intérieur, un liquide visqueux. C'était de l'huile renonne, un produit capable de solidifier tout ce qu'il touchait en quelques secondes. Un regard à son partenaire.

" Esperons que ça marche ! "

Klaus l'oeil fixé sur la créature enragée, sortait un canon Marshall intégré à son bras droit. Cette arme était capable de concentrer une énergie thermique colossale. Il ajustait sa visée et tirait. Un faisceau lumineux blanc-bleuâtre s'élançait vers l'élémentaire et le manquait.

" Par les dix ! C'est pas vrai ! "

Simultanément, Akhesh lançait de toutes ses forces, décuplées par son implant, une première fiole sur une autre tête de la bête. Le liquide se répandait rapidement, s'infiltrant dans le corps de l'élémentaire. En quelques secondes, la zone touchée se solidifiait, formant une croûte dure et fragile. Combien de temps tiendrait-elle ? Là était la question.

C'était à ce moment précis que Ravage, depuis les airs, se décidait de passer à l'action. Il décochait une pluie de neuf carreaux explosifs. Si certains des projectiles manquaient leur cible, quatre d'entre eux s'enfonçaient dans la chair du monstre, le faisant convulser de douleur en implosant, faisant jaillir des gerbes d'eau de toutes parts.

" Ca y est, il faiblit ! "

Encouragé par le résultat des attaques, Klaus rechargeait son canon et tirait à nouveau. Cette fois, il faisait mouche. Une chaleur intense vaporisait instantanément une partie de la bête qui s'évaporait, provoquant un rugissement de douleur et de colère mêlés, la faisant vaciller.
Akhesh profitait de ce moment de faiblesse et lançait une seconde fiole qui eut le même effet que la précédente. Sauf que cette fois, il avait visé le poitrail de l'élémentaire. Il lançait un regard sur ces comparses qui couraient vers eux, se demandant ce qu'ils allaient faire alors que le dragon se déchaînait, frappant le pont à l'aveugle au risque de balayer Keshâ et Mao dans l'abîme. Si seulement il avait eu plus d'huile renonne....


Codage par Libella sur Graphiorum
Hier à 16:04



Gildora, Roi des monstres

Akesh Ménuza


Misérables ! Misérables ! Ces hominidés ne comprendraient jamais, la noblesse immanente de la nature, sa rage et sa passion. Comment peuvent-ils croire qu’ils vont me vaincre. Ma force est infinie, comme l’est celle de ce fleuve régent du continent. Ainsi m’ont-ils eux-mêmes nommé Gildora, roi des monstres. Comme des moustiques, pourtant, ils m’assaillent. Je les chasse d’un revers, j’en coupe en deux avec mes jets d’eau puissants. Et, plus nombreux, ils reviennent en quête de sensations, en quête d’un trophée. Les eaux souveraines viennent à bout des montagnes. Fini de jouer.

Aveuglé, diminué, le dragon se tordait de douleur et de colère. Les aventuriers ne pouvaient pas savoir que malgré des tâches persistantes, sa vue revenait, peu à peu. Mao s’était envolée sur le totem de gargouille empruntée à Keshâ. Elle plongea crument dans le gouffre. Keshâ’rem se remettait encore de ses genoux endoloris par un plongeon abrupt au sol pour se protéger. De son côté Akesh continuait à harceler les deux têtes restantes en lançant une substance gluante de couleur noire dans l’eau. Elle eut un effet surprenant. On aurait dit que le liquide se mêlait au dragon tout en restant en surface de son eau. Le courant furieux de Gildora ne faisait qu’étaler le mélange visqueux qui semblait durcir et former comme un casque sur le crâne de la bête.

C’aurait été le moment pour l’Epistote d’enchaîner. Mais étant aux premières loges, il se sentait soudain pétrifié par l’immensité et la bestialité de leur adversaire. Il ne ferait qu’une bouchée d’eux. Même s’ils avaient eu l’air de marquer des points. Comme une prémonition – il faut se méfier de l’eau qui dort – un rugissement profond monta des entrailles du lit du torrent. Les ailes de la gargouille passèrent en flèche en décrivant une vrille ascensionnelle.

Ce n’était pas une mais trois nouvelles têtes aquatiques qui la pourchassait en hurlant. Revigoré, le dragon avait plus que doublé les pertes qu’on lui avait infligées. Ils faisaient maintenant face à cinq têtes, dont une qui tirait la gueule. Keshâ finit enfin par se ressaisir et tenta d’aider Klaus et Akesh avec ses gants éoliens. Les tirs s’enfoncèrent dans le corps du dragon en produisant des giclées d’eau inoffensives… en revanche, le dragon avait remarqué l’avorton.

La bonne nouvelle est que Ravage était enfin passé à l’action. Il avait analysé la situation et sans doute trouvé un angle d’attaque viable. Couvert par le feu d’artillerie des Opaliens, il bombardait Gildora. Mao essayait seulement de ne pas se faire désarçonner. A plusieurs reprises, elle frôla de trop près le cou du dragon tentant de l’enserrer, laissant la désagréable douleur d’avoir raclé un mur en béton à vive allure.

Une des têtes se pencha langoureusement au-dessus du pont, son attention exclusivement tournée vers Keshâ. Le jeune homme reculait vainement, pris par le regard impérieux du dragon d’eau. Rencontre irréelle, face à face. Gildora cracha d’un coup sec un minuscule faisceau d’eau. Evité de justesse par une chute en arrière, le projectile frappa une sculpture de pierre sur la balustrade et la troua de part en part. Se trainant vivement à reculons, le jeune homme se dépêcha de se retourner à quattre pattes et de détaler, mais Gildora passa à nouveau à l’attaque. Un flot ininterrompu d’eau torrentielle se déversa de sa gueule ouverte en grand jusqu’à toucher le sol. L’eau semblait une immense langue déversant une colère qui ne pouvait être contenue.

Emporté, le corps de Keshâ n’était que brindille. Face à la force de l’eau il ne pouvait lutter. Son omoplate vint heurter durement la balustrade. Il ressentit alors en son intérieur un crac saisissant. Malgré les courants qui lui fouettaient le visage et à travers lesquels ils peinaient à voir ou à respirer, il identifia quand même un aiguillon de douleur. Pas le temps de l’explorer. Il avait bu la tasse. Son corps continuait de tourner et de virer, sur le pont qui était devenue une marée ondoyante. N’était la balustrade, il serait passé par-dessus bord dans une chute mortelle. Il se cramponnait maintenant de toute ses forces de son bras valide.

Quand l’eau cascada suffisamment entre les piliers, il retrouva enfin prise sur le sol. Solis et la gargouille se battaient au-dessus-de sa tête avec frénésie contre de multiples émanations de Gildora. La tête qui lui faisait face prenait son temps, sachant pertinemment qu’il était pris au piège coupé de tout support. Au loin, un cri déchira le ciel au terme d'un balai infernal.

Solis et Ravage n’étaient pas parvenus à déjouer un piège de Gildora. Il envoya un premier jet pulsé d’eau pour forcer le dragonnier à dévier sa trajectoire, là où l’attendait une autre tête ayant déjà armé son jet tranchant. Solis essaya de dévier, mais le bras gauche de Ravage fut tranché net par l’impact précis. Le dragon s’était concentré pour préparer ce coup perfide. Affolé, perclus de douleur, le binôme partit en vrille les yeux révulsés et tenta de fuir en désordre…

Face à lui, Keshâ’rem avait l’impression que le dragon d’eau avait une étrange expression. Oui, il souriait. Les jambes et les bras de l'orphelin tressautaient malgré lui devant sa majesté et l'imminence de sa mort. Le pont restait imbibé d’eau. Gildora se fondit avec son élément et sinua souplement sans se presser vers Keshâ. Ce dernier savait ce que Gildora avait en tête après la dernière attaque contre la balustrade et Ravage. Il ne prenait même pas la peine de mobiliser son corps polycéphale contre un adversaire aussi faible. Cette simple tête suffirait à en finir. Le dragon recula un instant sa tête pour concentrer la pression dans sa gueule et cracha.

A un cheveu, le jet l’aurait frappé en pleine tête. Mais en se jetant en avant de manière désordonnée, il était parvenu à esquiver. Un cri de douleur rauque lui échappa, à terre. Son bras était bel et bien blessé. Pataugeant dans une immense flaque, il leva fébrilement ses yeux vers Gildora qui le méprisait. Alors, dans un geste un peu désespéré, il enfonça sa main dans l’eau du dragon et activa son cristal d’absorption énergétique. Le contact était froid et douloureux, mais il le maintint. Pris d’une forme de stupeur en sentant sa vie lui être dérobée, Gildora se révulsa et plongea hors du pont.

-« Akesh ! » cria-t-il aussi fort qu’il le pouvait. « J’ai une idée. Couvre-moi. »

Espérant être entendu, il se rapprocha de la balustrade endommagée par Gildora. Il régnait un vacarme assourdissant des eaux grondantes. Il savait maintenant qu’il ne pourrait vider entièrement cet être monstrueux de sa vitalité comme il l’avait prévu. Son courant le rejetterait avec force… il venait cependant d’avoir une idée folle. Une carte qu’il n’avait jamais su jouer. Un saut de foi.


Puisant au plus profond de ses forces, il se mit à chanter. Un chant profond et ancien qui ne visait pas un pouvoir, mais un état de concentration et d’abandon propice à en activer un… cela lui prendrait du temps. Il espérait vraiment que les autres se rendraient compte qu’il fallait à tout prix le couvrir.
Résumé et Les dés!: