Dim 29 Sep - 9:46
Délit de sale gueule
Sloc — Jerah
Le gamin balançait la tête en rythme, penché sur sa paillasse de drôles protubérances en caoutchouc enveloppant ses oreilles. Retranché dans son monde intérieur, plus rien n’existait autour de son fer à souder et de son circuit imprimé. Parfois, alors qu’il ajustait de l’étain fondu sur la patte d’un composant, il lui arrivait de mimer les paroles de l’immondice qui envahissait ses oreilles.
La cacophonie s’évanouit, arrachant Sloc à ses songes pour une réalité moins réjouissante, alors qu’il tournait la tête vers l’auteur du méfait.
« Qu’est-ce que tu fous, Alex ? On va être en retard avec le prospect ! »
Le jeune homme toisa un instant la jeune femme aux cheveux roses qui lui faisait face, les poings sur les hanches. Il ferma lentement son œil valide pour mieux scanner son visage à l’aide de sa prothèse oculaire.
« T’es en colère à seize pour cent.
— Ouais. Eh ben, dépêche-toi que ça soit pas à deux cents pour cent avec mon pied dans ta gueule.
— Moi aussi, je t’aime.
— Hein. »
Le garçon à la tignasse bleue rangea méthodiquement ses équipements et s’étira de tout son corps jusqu’à en faire craquer ses vertèbres. De son regard, il balaya rapidement son atelier : néons, outils en tout genre entreposé sur le mur, tout paraissait ésotérique ; nombre d’ustensiles dont lui seul avait le secret de l’utilisation. Et puis, ses yeux s’arrêtèrent sur deux petites citrines luisantes. Tapie dans l’ombre, une silhouette miniature, féline, annonça sa présence par un miaulement, pour le moins, guttural.
« On n’en a pas pour long, Satire. C’est Oriane qui me force la main. »
« Tu me briefes, vite fait ? »
Sloc était de sortie avec Wave. Le duo de choc avançait de manière imperturbable parmi la foule de pouilleux qui grouillait dans la Basse-Ville. Après tout, si leurs traits physiques avaient le don de les rendre visibles, remarquable — on eut même pu dire formidable — ils s’étaient déjà essayés à quelque accoutrement plus discret, avec le gros capuchon sur la tête : le problème était qu’ils étaient suspicieux et, paradoxalement, encore moins discrets.
Alors ils avançaient à la vue de tous, Wave essuyant des remarques tendancieuses çà et là, mais rien qui ne fut vraiment dangereux. La colère de ces tocards n’excédait pas trente pour cents.
« Une prothèse faciale qui cache une séquelle causée par le myste.
— Un Opalin ?
— Il me semble.
— Il y a un truc qui lui a pété à la gueule ?
— Tu lui poseras tes questions directement. On a rendez-vous au centre ville, pas loin du QG d’Aroma Corp.
— Ironique. »
Épistote la fière, forteresse de science et de technologie, alors gouvernée sous un firmament sans étoile ni lune. Seule la lumière morte des lampadaires éclairait la grand place où Sloc et Wave étaient arrivés. Et, au devant d’eux, le mastodonte, effroyable augure de mort qui en avait plongé plus d’un dans un irréversible désespoir.
« C’est pas un peu con de se rencontrer en territoire ennemi ?
— Le prospect est méfiant. Tâche de montrer patte blanche et de n’effrayer personne. Je crois qu’il est là-bas. »
Oriane pointa du menton une silhouette qui se distinguait parmi les passants. Une personne d’allure incommode, mais qui n’avait pas l’air d’alerter, outre mesure, des automates qui passaient par là.
« Viens. »
Wave prit les devants, alors secondée de son petit frère.
« Bonsoir. Vous avez besoin d’un audit de code ? »
La question, anodine, qui parlait de code, ressemblait elle-même à un code pour ce rendez-vous à la vue de tous.
Sloc, en retrait, plissait les paupières. Impossible d’analyser cet individu… Pourvu que ça se passât bien.
Byte-Schlachtfeld
Bildschirm leuchtet
Code-Injektion…
Bildschirm leuchtet
Code-Injektion…
La cacophonie s’évanouit, arrachant Sloc à ses songes pour une réalité moins réjouissante, alors qu’il tournait la tête vers l’auteur du méfait.
« Qu’est-ce que tu fous, Alex ? On va être en retard avec le prospect ! »
Le jeune homme toisa un instant la jeune femme aux cheveux roses qui lui faisait face, les poings sur les hanches. Il ferma lentement son œil valide pour mieux scanner son visage à l’aide de sa prothèse oculaire.
« T’es en colère à seize pour cent.
— Ouais. Eh ben, dépêche-toi que ça soit pas à deux cents pour cent avec mon pied dans ta gueule.
— Moi aussi, je t’aime.
— Hein. »
Le garçon à la tignasse bleue rangea méthodiquement ses équipements et s’étira de tout son corps jusqu’à en faire craquer ses vertèbres. De son regard, il balaya rapidement son atelier : néons, outils en tout genre entreposé sur le mur, tout paraissait ésotérique ; nombre d’ustensiles dont lui seul avait le secret de l’utilisation. Et puis, ses yeux s’arrêtèrent sur deux petites citrines luisantes. Tapie dans l’ombre, une silhouette miniature, féline, annonça sa présence par un miaulement, pour le moins, guttural.
« On n’en a pas pour long, Satire. C’est Oriane qui me force la main. »
*
« Tu me briefes, vite fait ? »
Sloc était de sortie avec Wave. Le duo de choc avançait de manière imperturbable parmi la foule de pouilleux qui grouillait dans la Basse-Ville. Après tout, si leurs traits physiques avaient le don de les rendre visibles, remarquable — on eut même pu dire formidable — ils s’étaient déjà essayés à quelque accoutrement plus discret, avec le gros capuchon sur la tête : le problème était qu’ils étaient suspicieux et, paradoxalement, encore moins discrets.
Alors ils avançaient à la vue de tous, Wave essuyant des remarques tendancieuses çà et là, mais rien qui ne fut vraiment dangereux. La colère de ces tocards n’excédait pas trente pour cents.
« Une prothèse faciale qui cache une séquelle causée par le myste.
— Un Opalin ?
— Il me semble.
— Il y a un truc qui lui a pété à la gueule ?
— Tu lui poseras tes questions directement. On a rendez-vous au centre ville, pas loin du QG d’Aroma Corp.
— Ironique. »
*
Épistote la fière, forteresse de science et de technologie, alors gouvernée sous un firmament sans étoile ni lune. Seule la lumière morte des lampadaires éclairait la grand place où Sloc et Wave étaient arrivés. Et, au devant d’eux, le mastodonte, effroyable augure de mort qui en avait plongé plus d’un dans un irréversible désespoir.
« C’est pas un peu con de se rencontrer en territoire ennemi ?
— Le prospect est méfiant. Tâche de montrer patte blanche et de n’effrayer personne. Je crois qu’il est là-bas. »
Oriane pointa du menton une silhouette qui se distinguait parmi les passants. Une personne d’allure incommode, mais qui n’avait pas l’air d’alerter, outre mesure, des automates qui passaient par là.
« Viens. »
Wave prit les devants, alors secondée de son petit frère.
« Bonsoir. Vous avez besoin d’un audit de code ? »
La question, anodine, qui parlait de code, ressemblait elle-même à un code pour ce rendez-vous à la vue de tous.
Sloc, en retrait, plissait les paupières. Impossible d’analyser cet individu… Pourvu que ça se passât bien.
Dim 29 Sep - 14:30
Délit de sale gueule
Ta rencontre avec le Sapiarque de l’ESAN n’a pas été concluante.
À cette heure, le centre-ville d’Epistoli s’illumine, mais rien ne rappelle Opale. Le myste créer des illuminations unies, chaudes ou froides, alors qu’ici, les façades des bâtiments explosent de couleurs. Des enseignes tape-à-l’oeil, des néons qui produisent un sifflement continu. Tu as décidé de rester à Epistoli le temps de trouver une solution pour cette prothèse ; tu n’es pas le genre d’homme à repartir les mains vides. Jusqu’ici, ça t’a servi. Un jour ce trait de caractère aura peut-être ta peau.
À l’ESAN, Silgard a proposé de “tout refaire” : détruire ton masque, jouer dans les tubes de ton oesophage, dans l’ossature de ton visage. De manière raisonnablement diplomatique, tu lui a fait comprendre que s’il t’approchait avec une seringue quelconque, celle-ci finirait dans sa carotide plutôt que sous ta peau.
Tu ne veux pas d’une nouvelle opération. La dernière t’a laissé à l’article de la mort. Tu veux un putain de prothésiste compétent qui saura faire avec ce que t’as là. À forcer de glâner des informations, t’as peut-être trouvé ton pro’.
Il a les cheveux bleus, qu’ils ont dit. Tu peux pas le rater.
Sauf que la personne qui vient à ta rencontre ne correspond pas du tout à cette description. T’es attablé au bout de l’étal d’un commerce itinérant, et elle te parle d’audit de code. Tu la toises en silence : une jolie femme, comme la jeunesse sait les faire, cheveux roses. C’est pas le bon morceau du cercle chromatique, pourtant c’est la bonne phrase.
Alors ton regard glisse derrière son épaule, et tu le vois. Il se tient à l’écart. Il a l’air de te jauger, tant que toi tu le jauges. Ton attention toujours rivée sur le Bleu, tu réponds vaguement à la Rose que oui, t’as besoin d’un audit, pour t’assurer que les licences soient en règle. Peut importe ce que ça veut dire, tu sais juste que c’est ce qu’il faut répondre.
Elle ouvre la bouche pour ajouter quelque chose, mais tu la coupes en désignant le jeune, en retrait : C’est lui ?
On dirait juste un mioche des rues. Mais à ton âge, tu sais que le contenant n’est pas toujours gage du contenu. Encore une fois, du coin de l’oeil, t’as l’impression que la Rose ouvre la bouche, cette fois pour répondre à ta question. T’es plus rapide. Ta voix gronde à travers le métal du masque, vers le prothésiste : Approche.
De ce que t’en sais, c’est pas avec la gamine que tu auras à faire. Elle jette un regard en arrière, questionnant l’autre du regard. Tu te lèves de ton perchoir pour déplier ta carcasse trop longue. Ils forment un duo étrange, et bientôt, votre trio inusité attirera des regards curieux. T’as pas l’intention de t’attarder ici. Et c'est avec lui que tu veux parler, pas avec la rosée du matin ; c'est pas sa jolie voix qui te convaincra de les suivre dans la Basse-Ville.
D'ailleurs, pour une raison abstraite, tu n'apprécies pas trop qu'ils soient deux. D'anciens réflexes de la Garde d'Opale, sans doute. Ou de tes combats dans l'arène.
À cette heure, le centre-ville d’Epistoli s’illumine, mais rien ne rappelle Opale. Le myste créer des illuminations unies, chaudes ou froides, alors qu’ici, les façades des bâtiments explosent de couleurs. Des enseignes tape-à-l’oeil, des néons qui produisent un sifflement continu. Tu as décidé de rester à Epistoli le temps de trouver une solution pour cette prothèse ; tu n’es pas le genre d’homme à repartir les mains vides. Jusqu’ici, ça t’a servi. Un jour ce trait de caractère aura peut-être ta peau.
À l’ESAN, Silgard a proposé de “tout refaire” : détruire ton masque, jouer dans les tubes de ton oesophage, dans l’ossature de ton visage. De manière raisonnablement diplomatique, tu lui a fait comprendre que s’il t’approchait avec une seringue quelconque, celle-ci finirait dans sa carotide plutôt que sous ta peau.
Tu ne veux pas d’une nouvelle opération. La dernière t’a laissé à l’article de la mort. Tu veux un putain de prothésiste compétent qui saura faire avec ce que t’as là. À forcer de glâner des informations, t’as peut-être trouvé ton pro’.
Il a les cheveux bleus, qu’ils ont dit. Tu peux pas le rater.
Sauf que la personne qui vient à ta rencontre ne correspond pas du tout à cette description. T’es attablé au bout de l’étal d’un commerce itinérant, et elle te parle d’audit de code. Tu la toises en silence : une jolie femme, comme la jeunesse sait les faire, cheveux roses. C’est pas le bon morceau du cercle chromatique, pourtant c’est la bonne phrase.
Alors ton regard glisse derrière son épaule, et tu le vois. Il se tient à l’écart. Il a l’air de te jauger, tant que toi tu le jauges. Ton attention toujours rivée sur le Bleu, tu réponds vaguement à la Rose que oui, t’as besoin d’un audit, pour t’assurer que les licences soient en règle. Peut importe ce que ça veut dire, tu sais juste que c’est ce qu’il faut répondre.
Elle ouvre la bouche pour ajouter quelque chose, mais tu la coupes en désignant le jeune, en retrait : C’est lui ?
On dirait juste un mioche des rues. Mais à ton âge, tu sais que le contenant n’est pas toujours gage du contenu. Encore une fois, du coin de l’oeil, t’as l’impression que la Rose ouvre la bouche, cette fois pour répondre à ta question. T’es plus rapide. Ta voix gronde à travers le métal du masque, vers le prothésiste : Approche.
De ce que t’en sais, c’est pas avec la gamine que tu auras à faire. Elle jette un regard en arrière, questionnant l’autre du regard. Tu te lèves de ton perchoir pour déplier ta carcasse trop longue. Ils forment un duo étrange, et bientôt, votre trio inusité attirera des regards curieux. T’as pas l’intention de t’attarder ici. Et c'est avec lui que tu veux parler, pas avec la rosée du matin ; c'est pas sa jolie voix qui te convaincra de les suivre dans la Basse-Ville.
D'ailleurs, pour une raison abstraite, tu n'apprécies pas trop qu'ils soient deux. D'anciens réflexes de la Garde d'Opale, sans doute. Ou de tes combats dans l'arène.
Dim 29 Sep - 15:57
Délit de sale gueule
Sloc — Jerah
Sloc s’approcha pour écouter le début de la conversation naissante entre Wave et le prospect. Il ferma un œil pour mieux analyser les émotions de son visage à demi-masqué et, si les zygomatiques de l’homme aux longs cheveux blancs étaient dissimulés sous un masque sinistre, son regard, lui, ne mentait pas.
« Wave, tu nous attends au labo ? Je vais discuter avec ce monsieur. T’en fais pas. »
L’intéressée toisa tour à tour son frère et l’augmenté, puis affubla son cadet d’un signe du menton avant de rebrousser chemin.
Sloc s’approcha, restant à distance raisonnable, clignant de manière intempestive son œil valide pour mieux scanner la personne qu’il avait en face de lui. De l’extérieur, cela ressemblait à s’y méprendre à un sévère trouble, une manie dont il lui était impossible de se dérober.
Ce qu’il voulait juste, c’était que la crainte qu’il avait lue sur son visage, à un taux important, redescende.
« Vous inquiétez pas. C’est ma grande sœur. C’est elle qui gère toutes mes relations. Mon entremetteuse, en quelques sortes. J’ai pas le temps de m’occuper de tout ça. Moi, mon truc, c’est l’ingénierie sur les prothèses. Ça vous dit qu’on marche pour discuter ? On va lentement se diriger vers mon labo. Si vous le sentez pas, vous faites demi-tour quand vous voulez. »
Il sentit un frisson lui parcourir nerveusement tous ses membres. Il s’éclaircit la gorge, ressentant une légère gêne.
« Désolé, j’ai pas les codes sociaux. J’ai envie que vous soyez à l’aise mais d’habitude c’est Wave qui se charge de cette partie. Je comprends qu’on n’ait pas eu la meilleure approche mais soit elle venait toute seule et vous auriez peut-être pas eu confiance, soit… J’aurais oublié de venir tellement j’ai pas la notion du temps. »
Pour s’enhardir, il haussa les épaules et entama la marche, secondé de l’hôte.
« Vous pouvez m’appeler Sloc. On a une planque dans la basse-ville. Même si le lieu est infesté de tocards qui seraient prêts à tuer pour un yaourt, on nous laisse tranquille. On est un peu le sauveur des âmes perdues qui se font avoir par Aroma avec leur prothèses de mon cul. »
Il se mordit la lèvre, conscient qu’il venait de jurer. Wave l’aurait foudroyé du regard si elle avait assisté à cet écart ; c’était pour ça que, normalement, c’était elle qui communiquait et Sloc qui bossait. Mais ne fallait-il pas faire preuve d’adaptation ?
« Dans un monde idéal il n’existe pas d’entreprise aussi malfaitrice qui vend de la merde, insista-t-il. Ce qui nous fait faire autre chose. D’un point de vue économique ça nous arrange de jouer les docteurs quand les autres font mal leur travail, et puis j’aime beaucoup ce que je fais, je pourrais en parler des heures. Mais on va pas s’épancher. Je vais regarder ce que vous avez plus en détail au labo, on va se mettre bien, et on va discuter de tout ça, d’accord ? »
Leur trajet les avait éconduits jusqu’à une porte en métal à côté de laquelle un scanner d’iris trônait. Sloc approcha son œil valide un instant, laissant le laser parcourir la surface de son globe oculaire, avant qu’on entende un clic!
Il agrandit l’embrasure de la porte et enjoignit le prospect à progresser.
« Après vous. »
Les deux descendirent les escaliers en fer qui s’offraient à eux, éclairés par des néons clignotants. Mais cet aperçu d’ambiance lugubre s’évanouit alors qu’une autre porte se présentait à eux.
« Allez-y. »
Ils débouchèrent sur un salon où Wave attendait, les bras croisés. À la vue de l’augmenté, elle se releva et adopta une posture plus diplomate.
« Bienvenue au labo Sloc’n’Wave, dit-elle de la même voix diplomate. Je vous en prie, prenez place et mettez-vous à l’aise. Puis-je vous proposer un rafraîchissement ?
— Ou une clope ? ajouta Sloc. Si vous pouvez faire quoi que ce soit par voie orale, bien sûr. »
Il désigna la prothèse qui recouvrait son visage.
« Wave, tu nous attends au labo ? Je vais discuter avec ce monsieur. T’en fais pas. »
L’intéressée toisa tour à tour son frère et l’augmenté, puis affubla son cadet d’un signe du menton avant de rebrousser chemin.
Sloc s’approcha, restant à distance raisonnable, clignant de manière intempestive son œil valide pour mieux scanner la personne qu’il avait en face de lui. De l’extérieur, cela ressemblait à s’y méprendre à un sévère trouble, une manie dont il lui était impossible de se dérober.
Ce qu’il voulait juste, c’était que la crainte qu’il avait lue sur son visage, à un taux important, redescende.
« Vous inquiétez pas. C’est ma grande sœur. C’est elle qui gère toutes mes relations. Mon entremetteuse, en quelques sortes. J’ai pas le temps de m’occuper de tout ça. Moi, mon truc, c’est l’ingénierie sur les prothèses. Ça vous dit qu’on marche pour discuter ? On va lentement se diriger vers mon labo. Si vous le sentez pas, vous faites demi-tour quand vous voulez. »
Il sentit un frisson lui parcourir nerveusement tous ses membres. Il s’éclaircit la gorge, ressentant une légère gêne.
« Désolé, j’ai pas les codes sociaux. J’ai envie que vous soyez à l’aise mais d’habitude c’est Wave qui se charge de cette partie. Je comprends qu’on n’ait pas eu la meilleure approche mais soit elle venait toute seule et vous auriez peut-être pas eu confiance, soit… J’aurais oublié de venir tellement j’ai pas la notion du temps. »
Pour s’enhardir, il haussa les épaules et entama la marche, secondé de l’hôte.
« Vous pouvez m’appeler Sloc. On a une planque dans la basse-ville. Même si le lieu est infesté de tocards qui seraient prêts à tuer pour un yaourt, on nous laisse tranquille. On est un peu le sauveur des âmes perdues qui se font avoir par Aroma avec leur prothèses de mon cul. »
Il se mordit la lèvre, conscient qu’il venait de jurer. Wave l’aurait foudroyé du regard si elle avait assisté à cet écart ; c’était pour ça que, normalement, c’était elle qui communiquait et Sloc qui bossait. Mais ne fallait-il pas faire preuve d’adaptation ?
« Dans un monde idéal il n’existe pas d’entreprise aussi malfaitrice qui vend de la merde, insista-t-il. Ce qui nous fait faire autre chose. D’un point de vue économique ça nous arrange de jouer les docteurs quand les autres font mal leur travail, et puis j’aime beaucoup ce que je fais, je pourrais en parler des heures. Mais on va pas s’épancher. Je vais regarder ce que vous avez plus en détail au labo, on va se mettre bien, et on va discuter de tout ça, d’accord ? »
Leur trajet les avait éconduits jusqu’à une porte en métal à côté de laquelle un scanner d’iris trônait. Sloc approcha son œil valide un instant, laissant le laser parcourir la surface de son globe oculaire, avant qu’on entende un clic!
Il agrandit l’embrasure de la porte et enjoignit le prospect à progresser.
« Après vous. »
Les deux descendirent les escaliers en fer qui s’offraient à eux, éclairés par des néons clignotants. Mais cet aperçu d’ambiance lugubre s’évanouit alors qu’une autre porte se présentait à eux.
« Allez-y. »
Ils débouchèrent sur un salon où Wave attendait, les bras croisés. À la vue de l’augmenté, elle se releva et adopta une posture plus diplomate.
« Bienvenue au labo Sloc’n’Wave, dit-elle de la même voix diplomate. Je vous en prie, prenez place et mettez-vous à l’aise. Puis-je vous proposer un rafraîchissement ?
— Ou une clope ? ajouta Sloc. Si vous pouvez faire quoi que ce soit par voie orale, bien sûr. »
Il désigna la prothèse qui recouvrait son visage.
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