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[Requête] Vivarium

[Requête] Vivarium Brandw10
Lun 9 Sep - 11:22

Jour 41

Premier contact


Oiseau de paradis
Tu as quitté ton nid
pour atterrir tout droit en
enfer

La plante de ses pieds était en lambeau. Rouge vif, esquintée, brûlante. Elle a parcouru les chemins de la jungle pendant trois jours, fuyant comme elle le pouvait. A travers bois, lianes. A travers les feuilles gigantesques des monsteras et des pothos qui s’étiraient comme des félins gras au soleil. Comme un cœur battant, elle avait senti chaque sentiment de la jungle sur sa peau alors qu’elle n’avait en tête que de retrouver son berceau. Fuir. A en perdre les jambes.

Tout cela n’avait été que pure folie. Le voyage, la ville, les limbes, les debouts, les cœurs, les cris, les larmes, le sang, la mort. La paix était friable, une montagne en surface cachant un sable fragile. La coupable: une sorcière déchirant l’espace et le temps? Une simple coquille vide. Les autres? Partis, disparus. Retournés sur leurs chemins. Podrick, Maël, le grand feu: tous enfuis. Ne restaient d’eux que leurs émotions diffuses dont elle avait récolté les ficelles et recousus les contours. Mais que restait-il d’elle, maintenant? Poupée de paille.

Chaque pas, du plus simple au plus douloureux, la rapprochait du familier. Elle pouvait le sentir dans les mots que lui murmurait la forêt: le chemin de son lit, du petit ruisseau qui l’avait conçu - loin d’elle l’idée qu’elle pouvait être cet esprit de la rivière qui avait décidé de s’incarner, las de ne couler que dans un seul lit. Chaque pas la rapprochait de sa maison. Là où elle pourrait enfin se reposer.
Elle n’avait plus rien de civilisé, Lö. Ses cheveux n'étaient plus qu’une masse sale et percluse de poussière, tassé en d’épais nœuds roux comme les chiens qui traînent un peu trop dans les rues. Au-delà des bleus sur ses bras, son pied gauche était définitivement violacé, gonflé. Trop forcé sur un os cassé n’avait rien de bon. Mais elle ne le savait pas encore. Et elle devait retrouver Maison.

Avance.
Avance.
Arrête-toi.

Elle finit par s’effondrer entre deux arbres qui donnaient sur une minuscule clairière clairsemée de pierres moussues et de lianes mortes. Elle sentait leur chaleureuse tranquillité, pouvait entendre battre leur force. Pas de douleurs, pas de cris, pas de larmes, pas de poussières. Que la paix. Le silence. Le sommeil.

...ar là!

Le bruit la tira de son sommeil. Puis ce fut toutes ces émotions, petit tonnerre brouillon, ricochets sur son cœur. Curiosité, fatigue, intérêt. Des debouts, ici? Plusieurs. Beaucoup. Pas beaucoup. Contrairement à l’énorme ville bruyante, ici, elle pouvait les compter. Elle pouvait les différencier tous. C’était… Supportable. Avaient-ils ces mêmes armes? Elle avait gardé la sienne, dans son dos - si le canon entre ses omoplates lui avait fait mal pendant longtemps, elle s’était depuis longtemps habituée à le sentir contre elle. Ils s'approchent maintenant. Ils s'approchent vite. Sans s’en rendre compte, elle se mit à trembler, comptant les pas. Fuir?

Peut-être que c’était la solution à tout. La solution éternelle. Mais son estomac criait famine - il fallait peut-être mieux attendre de savoir si ils étaient amis, ennemis, ou simples vagabonds. Fuir?

Feuilles s’écartent. Visage apparaît. Fuir?

Ils se dévisagent maintenant. Il la regarde dans les yeux, incrédule. Elle le fixe comme un animal blessé. Immobile. Endolorie. Epuisée. Mais alerte. Elle ne cherche pas la mort. Seulement la paix. Lö le détail autant qu’elle le peut, et finit par accrocher ses yeux sur son sac et l’arme qui en dépasse. Il le remarque.
Feuille s’entrebaille. Deux, trois, quatre, cinq. Le groupe est au complet. Blouses blanches, chemises d’explorateurs, carnets, mâchettes. Elle ne connaît aucun des mots pour décrire ces objets. Elle ne connaît pas leur langue. Elle ne connaît rien. Rien à part leurs coeurs qui se donnent à elle comme autant de livres ouverts en criant: nous sommes surpris. Qui es-tu?

Fuir?

Un bruit sourd: son ventre émet un large grognement, une bête affamée. Ils l’ont compris - elle l’a senti à travers les lignes de leurs émotions. Ils sont curieux. Le premier s’avance vers elle, tend une main. La salue avec ses propres mots: “Bonjour.
Mais elle ne répond pas. A cet instant, elle est persuadée qu’ils peuvent la sauver autant qu’ils peuvent la tuer. A cœur curieux, rien n’est hostile. Et pourtant… “Tu as faim?” Elle ne répond pas. Fuir. “Lincoln, passe-moi ton sac s’il te plaît.” “Pourquoi moi? Demande à Zhou!” “Non, t’as plus de réserves que moi de toute façon.”

Le groupe s'active comme une petite machine, piétine la surprise par des gestes familiers. Elle peut le sentir, sous eux: c’est un tapis maladroit et inconnu, et pourtant ils tentent tant bien que mal de briser la tension. Mais parmi le groupe, l’un d’entre eux ne la quitte pas des yeux. Et elle soutient son regard: il est grand, sinistre, froid. Et également le premier à lui tendre un morceau de pain. Il sait. Il a compris. Il a compris que quelque chose chez elle n’était pas… Normal.

Tu peux me comprendre?” Lui murmure-t-elle.

Non. Mais elle peut le sonder. Et ce qu’elle y trouve, c’est l’avidité. Fuir.

Jour 1: