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La Grande Compagnie

La Grande Compagnie Brandw10
Mar 23 Juil - 17:14

Marauderie

Solo



Malheur à qui n’a plus rien à désirer disait Rousseau. Le désir après tout est la source même de l’évolution humaine. Lutter contre le manque, toujours vouloir plus, une éternelle lutte contre une insatisfaction qui ne pourra jamais être pleinement comblée.

Le désir… Violette en avait connu bien des facettes. Au fur et mesure de son existence, à mesure que sa situation et sa vision du monde changeaient, la portebrume naviguait entre désir du futile et de l’utile.

Née dans les quartiers négligés au sein d’une capitale en déclin, son désir n’avait été tout d’abord que jalousie et haine envers ceux qui avaient ce qu’elle n’avait pas. L’abondance, la sécurité, la fierté.

Devenue orpheline de père, cheffe malgré elle d’une famille à laquelle elle avait toujours tenté d’échapper, elle avait dû recentrer ses vues sur le fait d’assurer sa survie et celle de son sang. Une chose qui avait continué lorsqu’elle était devenue maraudeuse puis criminelle.

Néanmoins depuis que la brume l’habitait, tout avait changé.

Que désirait-elle exactement ?

Jusqu’ici sa vie avait été claire. Haïr ceux qui possédaient et étaient bien nés. Puis assurer sa survie face à l’imagination débordante des hommes et de la brume. Mais maintenant qu’elle était une portebrume tout celà n’avait plus grande importance. Elle était devenue une arme dont la simple existence lui permettait d’obtenir passivement de l’argent et la plupart des choses qu’elle désirait. De même sa vie n’était plus portée et motivée par une vengeance imaginaire envers le monde et la société. Le temps et la vie ayant érodé ses convictions au point que quand bien même elle pouvait s’énerver à cause de son tempérament, il était rare que la colère ponctuelle devienne une haine permanente et passive.

Ironiquement, la brume ne l’avait pas détruit en lui prenait ce qu’elle avait et aimait, mais en lui offrant ce qu’elle n’avait jamais eu, le pouvoir et la liberté qui découlait de la force absolue. Pour qui n’avait jamais expérimenté la liberté de choisir, le changement de paradigme avait de quoi être déroutant. Elle avait passé sa vie à courir derrière un destin qu’elle n’avait fait que subir pour finalement devoir aujourd’hui dessiner le sien en toute autonomie.

Mais que faire ? Elle même ne le savait pas vraiment. Elle avait pris du galon certes… mais dans quel but ? Elle n’avait jamais été transcendée ou habitée par le fait de devenir cheffe de guilde.

Malheureusement sauf pour une minorité de personnes, trouver un sens et un but à sa vie n’était pas des plus simples. Et jusqu’ici, la xandrienne s’était contentait d’errer et d’agir au hasard jusqu’à voir si elle pouvait un jour avoir l’illumination qui la transcenderait. Le genre de divination qui permettait de répondre à des questions sans réponse depuis des années. Toutefois la vie est rarement faite de miracle et jusqu’ici, l’esprit la maraudeuse n’avait jamais été stimulé.

Qu’à cela ne tienne, à défaut de savoir quoi faire pour donner un sens à ses actions, au moins courir vers le pouvoir et la puissance avait au moins plus de sens que de courir tout court inutilement jusqu’à périr comme une conne. Si elle avait eu une illumination face à Yodicaelle c’était bien celle-là. Quand bien même peu de gens était aujourd’hui en mesure de la défier et surtout de pouvoir la tuer, cela restait possible. Donc autant s’assurer que ce genre de chose n’arrive plus car le nihilisme n’était pas forcément synonyme de l’indifférence face à la mort.

Mais elle était déjà cheffe de guilde. Que pouvait-elle faire de mieux…

Elle était déjà arrivée au sommet théorique de ce qu’elle pouvait prétendre. Désirer plus, c’était voir plus haut. Et voir plus haut c’était tourner son attention vers l’Etat.

Jadis elle pourfendait les monstres. Aujourd’hui elle pourfendait une guilde. La suite logique était demain de pourfendre l’Etat. Cela n’avait sans doute pas grande logique pour ceux qui se battaient par conviction ou pour faire carrière au sein du système, mais Violette n’avait jamais été du genre à se comporter de manière compréhensible. Elle avait une logique propre à elle-même. Elle se fichait de l’avis des autres, de son point de vue à elle, tout cela faisait sens. Se battre par ennui ou par défaut pouvait se justifier.

Néanmoins, plus la proie était grosse, plus il fallait adapter des armes nouvelles en conséquence. Tourner sa tête vers des puissances continentales demandait de changer de stratégie. A ce jeu, la guilde pouvait avoir son utilité, mais il lui fallait faire un aménagement.

C’est à ce titre qu’un conseil de guilde fut organisé comme cela était coutume lorsqu’un nouveau chef avait fini son installation pour édicter les prochaines grandes orientations des maraudeurs.

Mer 24 Juil - 10:52

Marauderie

Solo



Difficile était de pleinement comprendre le fonctionnement et la nature de la guilde des maraudeurs quand on était pas dedans. Et pour cause, il n’y avait en réalité rien à comprendre. Contrairement à la plupart des guildes qui étaient des gages de stabilité malgré le passage du temps et des générations jusqu’à parfois être un frein à toute possibilité de modernisation de l’Etat, la guilde des maraudeurs était elle tout l’inverse. Une guilde sans règle précise, qui s’organisait à travers la bonne volonté de ses dirigeants.

Certes, il ne fallait pas sombrer dans la caricature et imaginer dans cette guilde un ensemble chaotique sans sens et sans forme qui naviguait au hasard quitte à aller dans le mur. Quand bien même la guilde était le fruit d’un consensus des volontés, cela ne voulait pas pour autant dire qu’elle n’était pas cohérente à travers le temps.

Après tout, son but n’avait jamais changé. Défendre les intérêts des mercenaires, faciliter les échanges, mais également implicitement contrôler les masses de mercenaires pour éviter qu’elle ne sombre dans le brigandage, ce qui frapperait en plein cœur le royaume. C’était cette dernière mission, couplée à l’absence de forces militaires qui avaient justifié la tolérance du pouvoir à l’égard d’une guilde qui incarnait pourtant au même titre que les monétaristes une négation des pouvoirs régaliens de l’Etat.

Xandrie avait besoin de ces mercenaires, mais de l’autre il fallait éviter une situation à l'épisode où ceux ci faisaient n’importe quoi dans leur temps libre. La guilde régulait ainsi la violence du mercenariat au même titre que le crime organisé maîtrisait ma violence de la rue et des bas fonds.

En dehors de cette mission qui faisait partie du contrat implicite avec Xandrie, la guilde n’avait pas d’autres dogmes. Et sa nature dépendait beaucoup des envies et des désirs du chef de guilde tant qu’il ne provoquait pas l’ire des chefs de troupe et des vétérans. Certains étaient des véritables méritocrates, d’autres créaient des clans dans les clans. Certains étaient nationalistes, d’autres régionalistes ou simplement des traîtres qui plantaient le royaume pour les beaux yeux d’Opale.

De ce fait, à l’intérieur de la guilde, les premières orientations étaient quelque chose de particulièrement attendu pour savoir ce que seraient les lubies du moment. Histoire de voir si ce serait amusant ou si au contraire ce serait chiant.

Et si certains se cantonnaient à des choix purement commerciaux, il arrivait que certains chefs de guilde s'attaquent à des questions de réorganisation comme c’était le cas aujourd’hui.

Alors que les discussions avaient commencé depuis une petite heure, Violette avait décidé de ne pas tourner autour du pot.

Je vais être assez claire sur ce sujet. Ce que je veux, c’est modifier l’organisation de la guilde pour la séparer en deux.

Léger silence dans la salle, mais personne n’était vraiment surpris. Jusque là tout était dans les clous de ce qui se passait habituellement.

L’un des anciens du nom de Godefroy, léger sourire sur le visage, répondait sur un ton neutre.

Et qu’est ce que veut précisément notre chef de guilde ?

Si le fonctionnement actuel de notre guilde a fait et fait toujours notre force, ils nous cantonnent toutefois à un type de mission particulière. Celle des missions à caractère individuel ou à la rigueur en petit comité. En clair, il n’y a pas vraiment de différence entre notre nature et celle des aventuriers si ce ne sont nos cibles.

Mon souhait est de pouvoir préparer les maraudeurs à des missions de toute autre envergure sans en arriver aux bricolages douteux que nous faisons actuellement. A mesure qu’augmentent les tensions que ce soit entre episto’ et Aramila, à l’intérieur même de Xandrie ou encore vis à vis d’Opale aux prises avec le mandebrume, un autre mode d’organisation, plus efficace doit être possible.


Un autre des chefs de troupe, pesant le pour et le contre finit par prendre la parole.

Je vois… En soit ça ne me dérange pas tant qu’une telle chose ne devient pas obligatoire. Cela doit rester un choix libre, sans conséquence en cas de refus pour ceux qui veulent rester libres de leurs mouvements.

La portebrume souriait du coin des lèvres.

C’est bien mon intention. Ce n’est pas une obligation… mais une opportunité pour qui désire la prendre.

J’imagine donc que le projet est de fédérer les troupes de maraudeurs volontaires en un ensemble plus gros pour pouvoir accomplir des missions importantes.

Violette hocha la tête pour valider les propos avant de les préciser.

Effectivement, mais plus encore ma volonté est de rendre permanente une troupe, en temps de guerre… comme en temps de paix.

Même en dehors des missions, elles continueraient à être payées ?...

La cheffe de guilde hocha la tête une nouvelle fois.

Et avec quels fonds ? De telles dépenses seront coûteuses même si le solde de la guilde a toujours été très positif.

La guilde a toujours été liée à des réseaux qui font des milliards, inutile de le faire semblant. Mais pour diversifier les financements et ne pas créer de dépendance à travers un organisme, une troupe permanente permet d’effectuer des missions permanentes.

Depuis que le Guet a désavoué la justice et protège la révolution, aussi puissante qu’il soit, cette organisation n’a plus la confiance de tous. C’était déjà le cas avant cela, du simple fait que la doctrine fondamentale même qui cette police en fait un organisme sécessionniste au sein même de l’Etat, mais l’affaire des nascents a eu moins eu le mérite de faire taire les sceptiques sur la déloyauté du Guet envers le pouvoir.


S’enfonçant dans sa chaise, son regard se détourna vers une des fenêtres tandis qu’elle affichait un air des plus satisfaits.

Nombre de gens qui ont à perdre de ce système cherche des alternatives. Et nous sommes la plus simple et accessibles.

Le Guet risque de mal le prendre.

Un des mercenaires éclata de rire.

Qu’il le prenne mal. De toute manière nous nous haïssons déjà. J’imagine déjà la tête qu’ils vont faire si on essaye de les concurrencer dans leur propre taff au lieu de juste faire des missions. et ça me plaît de voir ces sales putes rager.

Godefroy reprit la parole.

Amusant. Mais une question me taraude Violette… Qu’est ce que tu veux exactement… Ca aurait été quelqu’un d’autre… pourquoi pas… Mais je te connais depuis le berceau, ce n’est pas ton genre de te fatiguer juste pour des opportunités commerciales ou financières…

Mer 24 Juil - 14:58

Marauderie

Solo



L’attention de la cheffe de guilde se détourna vers Godefroy. Que manigançait-elle ? Il l’a connaissait bien, elle ne pouvait rien lui cacher. Ce genre de relation était le paradoxe de la guilde des maraudeurs. D’un côté, cette guilde était celle qui incarnait le mieux dans Uhr l’opportunisme et l’individualisme égoïste. De l’autre, elle était également un puissant facteur de sociabilisation pour ceux qui n’étaient rien et n’avaient personne.

Sans cette guilde, beaucoup de gens ici n’auraient été à jamais que de simples mendiants s’ils n’étaient tout simplement pas morts. S’il y avait bien peu de fiabilité, et encore, du côté des employeurs, beaucoup avait grandi dans ce monde et se connaissait depuis beaucoup trop longtemps pour pouvoir rester des anonymes. Violette était dans ce cas, son père était elle-même un maraudeur, et elle avait suivi ses traces bon gré mal gré depuis l’âge de 12 ans.

C’était cette situation qui pouvait expliquer la politique sociale de la guilde qui dédommageait grâce à une caisse commune les blessures et les familles des morts.

Avant de répondre, Violette pouffa une fois de rire.

Tu me connais bien… Effectivement… Je n’aime pas répéter le passé. Plutôt que de me contenter de ce que j’ai. Je préfère par principe regarder le ciel pour pouvoir saisir les nuages et les étoiles.

Elle recentra son attention sur toute l’assemblée.

Mais… et vous ? Voulez vous toute vos vies rester des servants de gens qui ne nous respecteront jamais ?

Ce n’est pas que le fait de devoir servir même de manière opportune des puissants soit ce que je préfère faire, mais c’est la chose la moins risquée. L’un des grands avantages de notre guilde est sa capacité à ne pas être perçu comme un danger alors même que nous sommes une organisation paramilitaire majeure. Stratifier et organiser la guilde reviendraient à faire en sorte que les Etats nous perçoivent comme une menace et surtout un rival potentiel. Encore plus dans un monde où, à part épistopoli, personne n’a les ressources et les logistiques militaires pour pouvoir nous écraser pour de bon. C’est notre réputation de stupidité qui a fait de nous la force que nous sommes aujourd’hui. Si les gens ne pensent plus être capables de nous manipuler facilement, il faudra en assumer les conséquences.

En effet. Mais nous avons atteint les limites de ce que nous pouvons faire avec cette politique. L’essence même de notre guilde n’a jamais été de défendre non ?


Les vétérans se mettaient à sourire.

Nous sommes des attaquants. Des prédateurs voués à consommer et à dévorer tout ce qui passe à portée. Encore plus quand l’alignement des planètes est en notre faveur avec la paralysie progressivement d’Etat attaché à leur survie. Aramila cherchait les moyens d’accomplir sa vengeance, Epistopoli à laver son honneur des crimes du régent, Xandrie à ne pas s’effondrer et Opale à se défendre contre le mandebrume.

Les maraudeurs étaient des traîtres en puissance après tout. Quel maraudeur se regarderait dans la glace en laissant passer une telle opportunité de pouvoir foutre la merde. D’autant que la formation d’une grande compagnie n’était pas un acte qui liait la guilde. Il y avait toujours moyen de revenir en arrière si la situation changeait avant qu’il ne soit trop tard.

Ça mérite au moins de voir ce que ça peut donner… des maraudeurs en mission permanente, ça peut être amusant…

La guilde voyait ainsi naître en elle deux régimes de maraudeurs différents. Celui des maraudeurs temporaires, fonction historique de la guilde, ceux qui travaillaient quand ils le voulaient et où ils le voulaient en prenant les missions proposées par la guilde. Et de l’autre l’innovation du jour, celle des maraudeurs permanents unifiés au sein d’une fédération de troupes de mercenaires volontaires sous couvert d’effectuer des missions de longue durée demandant un grand nombre d'hommes.

Et comment on appellerait ça ?

La Grande Compagnie