Jeu 11 Juil - 16:01
La route semblait s'étendre jusqu'à l'horizon, bordée par quelques rares arbres noueux et décharnés, avant de disparaître de l'autre côté de la montagne. Du haut de mon perchoir, mes implants d'yeux réglés sur x5, je ne loupais rien du spectacle en contrebas. La lumière déclinée, le coucher de soleil rougeoyant à l'horizon contribuant à donner à cette scène une teinte sinistre et sanglante : ma vision faisant fi de l'obscurité et de la brume qui enveloppait le paysage, je pouvais clairement discerner les silhouettes errantes et décharnées, qui humaient l'air et le sol, comme pour continuer leur garde éternel. Je ne parvenais pas à apercevoir la gigantesque porte, mais je savais qu'elle était là. Juste derrière la terrifiante meute de chiens putréfiés, dont les yeux, brillants d'une lueur malsaine, fouillaient l'obscurité à la recherche d'une proie sur laquelle déverser leurs frustrations millénaires.
Réduisant le zoom pour revenir à une vision normale, je soupira en enfourchant Gladyss. Décidément, ils ne faisaient jamais de pause, me dis-je en m'élançant dans les routes de montagne, la balise électrogène grésillant à l'arrière de la moto. Ces derniers mois, le monde semblait se tourner vers la Zénobie et les merveilles que semblait promettre cette contrée lointaine, poussant sur les routes un flot renouvelé d'explorateurs en quête de richesse ou de réponse. En ce sens, j'avais reçu pour consigne d'étendre mon secteur de patrouille, nourrissant mon quotidien de nouveaux paysages loin de ma terre natale, jusqu'aux anciens territoires Ipsiens. C'est au détour d'une de ces nouvelles routes que j'avais croisé le campement d'un groupe de scientifiques affilié à l'Alliance qui m'apprit la disparition récente d'un corps expéditionnaire dans les entrailles des monts Gilra. Ce qui m'avait mené, deux jours plus tôt, à prendre une rouste monumentale...
Alors que je m'approchais de la lueur du camp, je grimaçai en repensant à ma première tentative : Première sur les lieux, j'avais tenté une percée aux commandes de Gladyss. Il fut vite évident que conformément aux rapports, les incubes pullulaient dans la zone, mais la moto me permit de les prendre de vitesse. En-tout-cas, jusqu'à ce que je me retrouve bloqué devant une gigantesque porte dans la montagne... Cette dernière était bien fermée, et semblait bien verrouillée à double tour, et pendant ce temps, les créatures mort-vivantes s'étaient regroupées derrière moi... Me bloquant entre eux et l'entrée scellée des anciennes catacombes. Contrainte de forcer le passage avec Gladyss, elle ne s'en sortit pas indemne, et se mit à cracher d'inquiétantes étincelles durant la course-poursuite qui suivit... Une poursuite qui s'était conclue avec une prothèse de main inutilisable pour moi, ainsi qu'un violent coup à l'ego. Encore une fois, je pouvais remercier Bidouille, c'était seulement grâce à lui si ma prothèse fonctionnait de nouveau et que Gladyss ronronnait à présent aussi fièrement sur la petite route de montagne.
D'ailleurs, le gobelin fut la première chose que j'aperçus en approchant du campement, sa prothèse crachant des arcs électriques tandis qu'il semblait occupé à souder une étrange carcasse métallique. Le lieu de notre bivouac atteint, je coupa le contact, jetant un coup d'œil autour de moi. Les incubes ne semblaient pas venir jusqu'ici, on s'était donc installé dans un des anciens campements de l'équipe expéditionnaire, au versant Ouest de la montagne. Situé au pied de la falaise, et bénéficiant encore des barricades laissées en place par nos prédécesseurs, il s'agissait d'un endroit idéal pour attendre l'archéologue promis par l'Alliance, ainsi que les éventuels renforts. Mais toujours personne, songeais-je en cessant de scruter les lieux. Je commençais à trouver le temps long, n'ayant jamais vraiment été connu pour ma patience... L'un qui ne se plaignait pas, c'était Bidouille, pouffant et riant toute la journée, alors qu'il s'occupait en démontant les divers appareils laissés par les explorateurs pour les réassembler en de nouvelles créations délirantes… La veille, j'avais tenté de lui expliquer que si ils avaient laissé de l'équipement, c'était sans doute pour le récupérer au retour, sans succès. J'ai vite laissé tomber, au moins il n'essayait plus de lécher la balise électrogène ou de jouer avec le feu, et puis ce n'est pas comme si il pouvait s'en empêcher.
Prit par son activité, il fallut un petit moment au petit gobelin pour remarquer la présence, et accessoirement, la lueur de la balise et le ronronnement de Gladyss. Sa main cessa de cracher des étincelles, puis il remonta ses lunettes sur son front pour tourner vers moi le plus grand de ses sourires. Il déversa sur moi un charabia guttural, d'un ton un peu trop joyeux à mon goût, parmi lequel un mot avait eu l'honneur d'être exprimé dans notre langue :
- ...Fini... ?
- Mais non, ce n'est pas fini. On a même commencé encore !
Il me répondit avec un gazouillis volontaire, d'un air détaché comme si tout ça l'importait peu. Mais il était comme ça, et je m'en voulus aussitôt d'avoir levé le ton.
-Et toi, qu'est que à fait pendant que j'etais partie ? Dis-je gentiment, tu boss sur quoi ?
Bidouille me regarda perplexe, avant de poser le regard sur l'étrange machine inachevée aux airs d'œuvres d'art moderne. Si je ne le connaissais pas, j'aurais pu jurer que c'était la première fois qu'il voyait cet engin. Son sourire revenu, il le tourna vers moi, pour me baragouiner un charabia emprunt de naïvetés en hochant les épaules.
- Attends, mais comment ça, t'en sais rien ? C'est toi qui es en train... D'un geste de la main, je signala que j'abdiquais, ne voulant pas entrée sur ce terrain, laisse tomber. Amuse-toi bien.
Bidouille me regarda m'éloigner avec un nouveau haussement d'épaule, avant de reprendre son bricolage là où il l'avait laissé, sifflant bientôt d'un air enjoué sous le crépitement de son bras-chalumeau. Mon esprit tournait de nouveau vers les raisons de ma venue, je posa le journal de père sur l'une des rares tables qui avait échappé au démontage compulsif de mon ami gobelin. Je tourna les pages jusqu'à tomber sur de vieilles écritures naines que mon paternel avait autrefois recopier au crayon. Je me sentais proche de lui à cet instant, marchant sur ses traces, m'apprêtant à pénétrer dans une nécropole antique pour en découvrir les secrets. Bon, oui, je savais que j'étais là en qualité de sauveteur, voire d'enquêteur, mais je ne pouvais nier ressentir une certaine excitation à l'idée de découvrir les trésors et les mystères dont pouvait regorger la montagne. Je pouvais déjà sentir le frisson de l'aventure ! Et j'avais une revanche à prendre !
Je commençais à trouver le temps long...
Réduisant le zoom pour revenir à une vision normale, je soupira en enfourchant Gladyss. Décidément, ils ne faisaient jamais de pause, me dis-je en m'élançant dans les routes de montagne, la balise électrogène grésillant à l'arrière de la moto. Ces derniers mois, le monde semblait se tourner vers la Zénobie et les merveilles que semblait promettre cette contrée lointaine, poussant sur les routes un flot renouvelé d'explorateurs en quête de richesse ou de réponse. En ce sens, j'avais reçu pour consigne d'étendre mon secteur de patrouille, nourrissant mon quotidien de nouveaux paysages loin de ma terre natale, jusqu'aux anciens territoires Ipsiens. C'est au détour d'une de ces nouvelles routes que j'avais croisé le campement d'un groupe de scientifiques affilié à l'Alliance qui m'apprit la disparition récente d'un corps expéditionnaire dans les entrailles des monts Gilra. Ce qui m'avait mené, deux jours plus tôt, à prendre une rouste monumentale...
Alors que je m'approchais de la lueur du camp, je grimaçai en repensant à ma première tentative : Première sur les lieux, j'avais tenté une percée aux commandes de Gladyss. Il fut vite évident que conformément aux rapports, les incubes pullulaient dans la zone, mais la moto me permit de les prendre de vitesse. En-tout-cas, jusqu'à ce que je me retrouve bloqué devant une gigantesque porte dans la montagne... Cette dernière était bien fermée, et semblait bien verrouillée à double tour, et pendant ce temps, les créatures mort-vivantes s'étaient regroupées derrière moi... Me bloquant entre eux et l'entrée scellée des anciennes catacombes. Contrainte de forcer le passage avec Gladyss, elle ne s'en sortit pas indemne, et se mit à cracher d'inquiétantes étincelles durant la course-poursuite qui suivit... Une poursuite qui s'était conclue avec une prothèse de main inutilisable pour moi, ainsi qu'un violent coup à l'ego. Encore une fois, je pouvais remercier Bidouille, c'était seulement grâce à lui si ma prothèse fonctionnait de nouveau et que Gladyss ronronnait à présent aussi fièrement sur la petite route de montagne.
D'ailleurs, le gobelin fut la première chose que j'aperçus en approchant du campement, sa prothèse crachant des arcs électriques tandis qu'il semblait occupé à souder une étrange carcasse métallique. Le lieu de notre bivouac atteint, je coupa le contact, jetant un coup d'œil autour de moi. Les incubes ne semblaient pas venir jusqu'ici, on s'était donc installé dans un des anciens campements de l'équipe expéditionnaire, au versant Ouest de la montagne. Situé au pied de la falaise, et bénéficiant encore des barricades laissées en place par nos prédécesseurs, il s'agissait d'un endroit idéal pour attendre l'archéologue promis par l'Alliance, ainsi que les éventuels renforts. Mais toujours personne, songeais-je en cessant de scruter les lieux. Je commençais à trouver le temps long, n'ayant jamais vraiment été connu pour ma patience... L'un qui ne se plaignait pas, c'était Bidouille, pouffant et riant toute la journée, alors qu'il s'occupait en démontant les divers appareils laissés par les explorateurs pour les réassembler en de nouvelles créations délirantes… La veille, j'avais tenté de lui expliquer que si ils avaient laissé de l'équipement, c'était sans doute pour le récupérer au retour, sans succès. J'ai vite laissé tomber, au moins il n'essayait plus de lécher la balise électrogène ou de jouer avec le feu, et puis ce n'est pas comme si il pouvait s'en empêcher.
Prit par son activité, il fallut un petit moment au petit gobelin pour remarquer la présence, et accessoirement, la lueur de la balise et le ronronnement de Gladyss. Sa main cessa de cracher des étincelles, puis il remonta ses lunettes sur son front pour tourner vers moi le plus grand de ses sourires. Il déversa sur moi un charabia guttural, d'un ton un peu trop joyeux à mon goût, parmi lequel un mot avait eu l'honneur d'être exprimé dans notre langue :
- ...Fini... ?
- Mais non, ce n'est pas fini. On a même commencé encore !
Il me répondit avec un gazouillis volontaire, d'un air détaché comme si tout ça l'importait peu. Mais il était comme ça, et je m'en voulus aussitôt d'avoir levé le ton.
-Et toi, qu'est que à fait pendant que j'etais partie ? Dis-je gentiment, tu boss sur quoi ?
Bidouille me regarda perplexe, avant de poser le regard sur l'étrange machine inachevée aux airs d'œuvres d'art moderne. Si je ne le connaissais pas, j'aurais pu jurer que c'était la première fois qu'il voyait cet engin. Son sourire revenu, il le tourna vers moi, pour me baragouiner un charabia emprunt de naïvetés en hochant les épaules.
- Attends, mais comment ça, t'en sais rien ? C'est toi qui es en train... D'un geste de la main, je signala que j'abdiquais, ne voulant pas entrée sur ce terrain, laisse tomber. Amuse-toi bien.
Bidouille me regarda m'éloigner avec un nouveau haussement d'épaule, avant de reprendre son bricolage là où il l'avait laissé, sifflant bientôt d'un air enjoué sous le crépitement de son bras-chalumeau. Mon esprit tournait de nouveau vers les raisons de ma venue, je posa le journal de père sur l'une des rares tables qui avait échappé au démontage compulsif de mon ami gobelin. Je tourna les pages jusqu'à tomber sur de vieilles écritures naines que mon paternel avait autrefois recopier au crayon. Je me sentais proche de lui à cet instant, marchant sur ses traces, m'apprêtant à pénétrer dans une nécropole antique pour en découvrir les secrets. Bon, oui, je savais que j'étais là en qualité de sauveteur, voire d'enquêteur, mais je ne pouvais nier ressentir une certaine excitation à l'idée de découvrir les trésors et les mystères dont pouvait regorger la montagne. Je pouvais déjà sentir le frisson de l'aventure ! Et j'avais une revanche à prendre !
Je commençais à trouver le temps long...