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Dessabler le passé

Dessabler le passé Brandw10
Mer 26 Juin - 18:05



Dessabler le passé

Ginny Kadwell — Sylas Edralden


Un courant d’air frais fouetta subitement le visage de Sylas, alors accoudé à la rambarde du balcon de sa suite.

Ce soir-là, alors que dans le ciel sombre ne scintillaient que trop peu d’étoiles masquées par une brume épaisse, d’autres lueurs – moins naturelles, celles-là – éclairaient le vaste panorama urbain d’Epistopoli. Il fallait dire que Seraphah Von Arendt avait accordé au chef d’État un privilège déstabilisant. Toute âme honnête saurait s’émerveiller de contempler les édifices qui se dressaient, en contrebas, au milieu d’une nature presque inexistante. Ce spectacle, s’il ne fit pas naître en Sylas quelconque nausée, sembla ternir son regard et abaisser la commissure de ses lèvres.

Alors, comme à l’accoutumée, il secoua la tête pour reprendre contenance et, frissonnant, entreprit de regagner son intérieur. La chambre était pourvue d’un mobilier qui inspirait l’abondance et le confort, luxueuse à souhait. De multiples broderies ornaient tapisseries et différentes literies, tandis qu’on avait oint certains motifs muraux de dorures éclatantes à la lumière tamisée de la chambre.

Le vieil archevêque alla s’affaler, l’air las, dans un fauteuil qui s’affaissa sous son poids avec une lenteur et une douceur infinies. En cette fin de soirée, il aurait presque envie de s’endormir ; les paupières lourdes, il luttait de tout son être pour les maintenir ouvertes. Mais non, dans son espèce de causeuse pourpre, il sentait déjà planer, au-dessus de lui, l’imparable engeance du sommeil, qui allait sans tarder le soustraire à cette pesante réalité, froide, violente, rythmée par des jeux de pouvoirs où chaque faux pas pouvait le conduire à une punition expéditive. Or, ce repos éphémère, transitoire, appelait doucement l’archevêque à entrer dans un monde tout autre, en son for intérieur, dans un royaume des rêves bien trop tempétueux pour n’être qu’en fait qu’un univers cauchemardesque.

Quand soudain, un feu naissant s’embrasa en lui et il se réveilla en sursaut. Il crut avoir entendu un bruit, ou peut-être était-ce une farce de son imagination. Et pourtant, il ne pouvait s’empêcher de le penser, jusqu’à exprimer ses songes d’une voix encore fatiguée, étouffée par le sommeil.

« Qui… Qui va là…? »
Jeu 27 Juin - 23:28
Le bourdonnement de "Gladys" se perdait dans le grondement des autres véhicules tandis que je remontais l'avenue principale de la haute ville, les cheveux dansants avec le vent et les lumières sur mon passage réduites à de simples étoiles filantes. L'inégalité dont souffrait ma ville natale ne m'avait jamais autant sauté aux yeux que depuis que je m'en étais absentée plusieurs mois, et surtout en cet instant à slalomer entre les luxueuses embarcations des habitants du coin. Mais quelque chose avait changé, ce n'était plus la petite "Peste Mécanique" qui arpentait la haute ville, mais bien la patrouilleuse expérimentée. Enfin, expérimentée... Je commençais à m'habituer à faire de la brume ma maison, revenant à la civilisation pour me ravitailler et parfois recevoir un nouvel ordre de mission. 
Durant l'un de ces réapprovisionnements, un homme m'avait approché, me faisant miroiter la promesse d'un travail bien payé m'attendant dans la suite royale d'un hôtel nommé "Le marquis". Je connaissais bien cette hôtel, son propriétaire étant un vieil ami de mon père. J'en resta cependant sceptique, l'homme m'ayant accosté ne ressemblant pas aux habituelle employer de Seraphah. Mais... Complètement fauchée, comme à mon habitude, je n'avais pas tardé à m'élancer vers le point de rendez-vous. Expliquant pourquoi, en ce début de soirée, je gratifiai tout le quartier du "Marquis" d'un bruyant dérapage. Riant des regards désapprobateurs et des injures des "précieux" aux alentours, j'éteins Gladyss et me présenta aux portes de l'hôtel. Un homme me laissa entrer et me reconnut aussitôt :

-Miss Ginny, heureux de vous revoir ! S'exclama le majordome,j'espère que vous allez bien depuis votre dernière visite.
- Oui bien mieux, merci.

Je lui souris chaleureusement puis, les politesses passées, je lui demanda :

- Quelqu'un occupe la suite royale, en ce moment ? On m'a dit qu'il y aurait du boulot pour moi.
- Oui, vous pouvez vous avancer.

Je le remercia d'un grotesque salut militaire qui le fit beaucoup rire, avant de reprendre ma route jusque trois étages plus hauts. Parait que c'est important de prendre les escaliers, mais j'avoue que moi, j'ai jamais trop compris pourquoi. J'y étais. Je frappa deux fois à la seule porte de l'étage sur laquelle on pouvait lire "Suite Royal", attendant une réponse de l'autre côté. Après quelques secondes, je tabourina une fois encore. Rien... Si on m'avait fait venir ici pour rien, il valait mieux que je ne retrouve jamais le responsable. Dans un soupir, je saisis la poignée, qui m'ouvrit le passage sans la moindre résistance. Un appartement luxueux, digne des plus grands sapiarque se révéla à mon regard. Je m'avança parmi les bibelots scintillants et les tapisseries brodées d'or, habitée par l'impression soudaine de ne pas être dans mon élément.

- Hé ho ?

Aucune réponse. J'étais sur le point de tourner les talons pour confronter le majordome, quand je perçus une silhouette affalée dans un fauteuil, baignée de la faible lumière de la pièce. Il ne sembla pas m’entendre, le poussant à me rapprocher de lui, mes bruits de pas n’ayant jamais eu de discret. 

- Je vous jure que si tout ça est une blague...

Je laissa ma phrase en suspens quand l'homme se redressa dans un sursaut, demandant des explications à l'obscurité. Il dormait ? Sérieux ? L’environnement, très parlant des injustices Epistopalines, eut sûrement beaucoup à voir avec ma saute d’humeur, lorsque je m’exclama : 

- J'espère que tu plaisantes, on m'a demandé de venir ici. Pour un boulot. Si ce n'était pas une connerie, j'aimerais bien qu'un "non-narcoleptique" m'explique ce que je fou là.


Mon index s’appuya sur l’interrupteur que je sus d’instinct être le bon, habitué de ce genre d’installation électrique, inondant toute la suite d’une intense lumière.


Dernière édition par Ginny Kadwell le Mar 2 Juil - 19:39, édité 3 fois
Ven 28 Juin - 21:37



Dessabler le passé

Ginny Kadwell — Sylas Edralden


Une lumière soudaine, blanche, presque violente, irradia son visage et sa vue. Il ferma brusquement les paupières et une main sur son visage pour cacher ses yeux de l’éblouissement, tandis qu’une voix féminine, presque infantile, le tutoyait et jurait. Un timbre de voix juvénile qui transpirait à s’y méprendre une certaine innocence, une expérience en affaires, une fougue jeunesse.

Mais cela semblait être son hôte. Alors qu’il recouvrait ses sens, il détailla l’être qui se dressait devant lui : un visage de jeune fille qu’on eut cru serti sur un exosquelette. L’archevêque réprima un haut-le-cœur, comme s’il eut été estomaqué par ce spectacle soudain. Et puis, comme assailli par un nouvel accès de sommeil, il se massa les tempes, les paupières, encore déboussollé par ce brusque éclairage, diurne à l’envi, qui avait succédé à ces douces ténèbres dans lesquelles il s’était emmitouflé.

« Je… Croyais bien que vous me feriez faux bon… »

L’air las, presque blềme, il se déplaça mollement en direction de l’interrupteur et, songeur, le baissa pour plonger de nouveau la pièce dans la pénombre, avec pour seul éclairage une lampe de chevet tamisée. Et, comme si rien ne s’était produit, comme si Sylas n’avait subi aucun affront, il indiqua d’une main un fauteuil tandis que, de l’autre, il fouilla sous sa tenue pour en extraire un morceau de papier plié qu’il tendit à la jeune fille.

« Prenez place et prenez connaissance de ceci… Et partez du principe que les murs ont des oreilles, mais je n’ai trouvé meilleur territoire pour vous rencontrer… Ginny, si je ne m’abuse ? »

Il prit finalement place, confortablement installé, ce qui lui permit de dévisager davantage son interlocutrice. Peu à peu, il reprit une position inquisitrice. Les sourcils froncés, il croisa les jambes et il joignit ses deux mains du bout des doigts.

« Je vais parler sans ambages. J’ai besoin de quelqu’un pour m’accompagner dans une des pyramides de Saleek. Ce quelqu’un ne saurait être un citoyen d’Aramila pour des raisons de discrétion absolue. »

Il laissa le temps à l’Épistote de prendre connaissance de ladite note avant de poursuivre :

« Je suis à la recherche d’un butin et il m’est impossible de m’aventurer seul dans les pyramides depuis la capitale de mon pays. Un prétexte de déplacement en Épistopoli est tout indiqué. De mon côté, je peux vous faire rentrer en Aramila sans difficulté, comme je peux garantir votre extradition si nous réussissons. Je ne suis pas au fait des dangers potentiels auxquels nous devrons faire face, mais sachez que si vous acceptez de m’aider, vous serez justement rétribuée en échange. Grassement, si j’ose dire. »

Il se mura dans un mutisme temporaire, attendant une réaction éventuelle de son interlocutrice.

Mar 2 Juil - 21:13
- Et bien, je suis là.

Lui dit-je en le regardant traverser la pièce avec une démarche digne d'un invertébré. J'avais une furieuse envie de le secouer pour le réveiller, mais au lieu de ça, je laissa tomber ma carcasse sur l'un des fauteuils, avant même que mon invité me fasse signe de m'asseoir. Le mobilier soufflait ce qui devait être un râle d'agonie lorsque l'homme me tendit un morceau de papier. Occupé à déplier la missive, je leva un sourcil à l'évocation de mon nom, puis j'acquiesça de la tête pour lui faire signe de continuer. Pas que cela m'étonne, j'étais connue dans la haute ville, mais cela confirmait que ma présence n'avait rien à voir avec la guilde des aventuriers. Alors que mon regard se posait sur ce qui semblait être une carte dessinée à la main, l'individu prenait place face à moi, sa présence d'autorité et de sérieux – les jambes croisées et les mains liées – faisant contraste avec mon attitude décontractée – affalée dans mon fauteuil avec les jambes écartées. 

À l'évocation des raisons de cette entrevue, le plan dans mes mains prit tout son sens. Une pyramide de Saleek. Il y avait des croquis similaires dans le journal de papa, à côté desquels je me souvenais qu'il avait pris des notes : comme quoi on ne connaissait pas grand-chose du peuple qui les avait bâtis, mais qu'ils auraient été capables d'utiliser les cristaux à plein potentiel. Ma curiosité piquée au vif, la promesse de trésors et d'aventure y étant pour beaucoup, je ne pus m'empêcher de penser : "Aramila ?". Regardant plus attentivement l'homme pendant qu'il parlait, et devant tout ce qu'il semblait capable de me promettre, j'eus le sentiment que la personne devant mes yeux n'était pas n'importe qui. Emboitant les pièces du puzzle en même temps que j'écoutais ses paroles, je fus bientôt convaincue qu'il s'agissait d'un homme important à Aramalia. Pas que cela me dérange ! Moi, je dis, qu'on se laisse chacun vivre, et tout ira pour le mieux ! Mais parait-il qu'ils ne sont vraiment pas fans des filles montées sur moteur. Il marqua une pause avant de reprendre, ponctuant ses propos à la façon d'un politicien. Quand le silence retomba dans la pièce, mon regard croisa le sien. 

- Alors, d'abord, t'es qui ? Je peux savoir ? 

Le son de ma voix claqua dans le silence, ma main pointant dans sa direction. Je n'étais plus la gamine que j'étais lorsque je mettais retrouver dans cet hôtel la première fois. Ma voix était bien la voix forte et déterminée d'une patrouilleuse. 

- C'est grave cool tous tes trésors et tous tes paiements là, mais je ne vais pas suivre le premier "Narco" venu dans une pyramide, juste comme ça.

Je fis exprès d'exhorter mes deux implants d'yeux à regarder l'un en haut, l'autre en bas, afin d'accentuer l'impression qu'il était épié. 

- Au pire, tu sais quoi, t'emmerdes pas, hein. Tu dois être un gros ponte d'Aramalia. Donc tu es capable de me garantir que les tiens ne vont pas m'arracher les membres pour me laisser rentrer en rampant ? 

Parcourant la pièce du regard, les pensées tournées vers une hypothétique et grisante nouvelle aventure, un autre pensée plus "adulte" s'imposa à moins. Celle de mes créanciers... C'est encore la patrouilleuse, franche et déterminée qui s'exprima : 

- Moi, sinon, pour crapahuter, explorer et éventuellement taper des trucs sur une pyramide, ça peut bien me plaire, autant, je veux que si ça doit se faire, recevoir un paiement d'avance. D'au moins la moitié de la valeur qui sera donnée. La garantie que si vous vous barrez pendant toute cette histoire, je ne vous traque pas pour vous écarteler. 

Bravo moi ! Tellement mieux que de dire qu'on croule sous les dettes... J'écarta les bras plein de confiance en moi, ne laissant pas vraiment de choix dans mes propos. J'aimais cette sensation, être une professionnelle... Mon regard s'agita dans la pièce, puis je m'exclama : 

- Et quand on sait recevoir, on prévoit un truc à grignoter.

Bon okay... Là, c'était la gamine qui s'exprimait.

Sam 6 Juil - 23:46



Dessabler le passé

Ginny Kadwell — Sylas Edralden


Et les réactions fusèrent. L’archevêque resta de marbre, réprimant un sourire ou deux face aux réactions juvéniles de celle ainsi nommée Ginny qui, énergique, impulsive, pareille à une pile électrique, avait soudainement énergisé sa soirée. Nul doute que c’eût été un bon parti pour la mission à venir. Et fort de cette trouvaille inouïe, les écarts de politesse n’eussent su estomper la motivation de Sylas.

« Je me porte garant de votre entrée et sortie du territoire, oui. J’ai des passe-droits en tant qu’Archevêque, mais lors de cette mission, personne ne saura que je vous accompagne. Croyez bien que si j’avais voulu privilégier quelque présence aramilane pour ce labeur, je ne vous aurais pas importunée et vous ne seriez pas en train de vous exprimer, ici, avec des termes curieux… Qu’est-ce qu’un “narco” ? Et pas d’inquiétude pour l’acompte. Il est sur la table d’appoint à côté de vous, ainsi que quelques dattes locales si vous désirez vous sustentez… Le temps que je prépare du thé avec ces drôle de commodités épistotes, n’est-ce pas ? »

Il se releva pour s’exécuter, manipulant les ustensiles qui devaient servir à faire chauffer de l’eau chaude. Un clic par ci, un interrupteur déclenché par là, voilà qui suffit à le faire momentanément sursauter.

« Le Marquis est un endroit, pour le moins, exotique, poursuivit-il. Dans mon pays, c’est à peine si on dispose d’un briquet et qu’on peine à allumer un feu. Ici, tout à l’air si simple et si complexe à la fois. Mon admiration pour Herr Von Arendt, le propriétaire de ces lieux, est assurée. Mais heureusement que je prends des précautions… »

Il se saisit de quelques pots sur le côté pour humer les senteurs qui s’en dégageaient. Elles avaient de l’arôme, certes.…

« … Je m’en cantonnerai aux saveurs locales, là aussi. »

Il fit infuser deux tasses de thé noire et en porta une à Ginny pour reprendre place.

« Je me nomme Sylas Edralden et je suis, donc, archevêque d’Aramila depuis bientôt trente ans. Je suis de passage à Épistopoli car j’ai été aimablement invité par notre ami commun à la chevelure de braise, Herr Von Arendt, étant donné que le thème de la soirée était à propos : les Douze étaient à l’honneur. »

Il suspendit son monologue, le temps d’apprécier son breuvage fumant. Il laissa flotter un silence avant de reprendre.

« Est-ce que vous avez d’autres interrogations sur ce qui nous attend ? Profitez-en. Je ne veux pas que vous acceptiez de me suivre avec l’arrière pensée que je vous ferai défaut. J’ai réellement besoin de vous, et m’aventurer là-bas seul ne ferait qu’accroître les soupçons de certaines personnes que je souhaite garder ignorantes sur cette affaire. »
Dim 7 Juil - 18:44
Il est vrai que j'eus un rictus en l'écoutant parler, le fait qu'il soit Archevêque ne m'étonna pas le moins du monde, bien que cela expliquer son parler si soutenu. "Importuner", "termes curieux", "Narco ?", Il faut croire que je mettais déshabituer, c'était comme si les gens de la haute avaient toujours peur de froisser leurs semblables et cela me faisait sourire malgré moi. Surtout son interrogation sur le dernier mot qui n'était, sur le moment, qu'une abréviation de fortune pour narcoleptique. Je devais passer pour une furie débrayée dans un logement si bien ameublé et face à un tel homme. Bien que je m'en moque la plupart du temps, son annonce sur les astras qui m'attendait déjà calma la "Patrouilleuse" en moi, où plutôt l'adulte effondré sous les dettes. Quant à la gamine en moi, c'est le bol de datte qui eut raison d'elle. 

-Merci, lui répondis-je poliment face à la perspective de boire un thé.

Le bol de fruit à présent posé sur les jambes, je m'attelais à les faire disparaître une après l'autre dans mon gosier, écoutant sagement l'homme qui semblait se débattre avec de l'électroménager, derniers cris. J'avoue avoir souri face à son embarras, et j'ai même ri quand il a sursauté. J'envisageais même de me lever pour lui donner un coup de main, lorsque j'entendis le grésillement caractéristique de la plaque commençant à chauffer. Je resta donc avec les dattes, écoutant l'Archevêque m'expliquer en quoi les appartements de Seraphah le changeaient tellement de son pays. 

Papa m'avait déjà parlé d'Aramalia, ce pays que beaucoup de gens de cette cité voyaient comme leurs ennemis, et dans lequel le progrès technologique semble s'être arrêté le siècle dernier. Mais père m'avait toujours dit que je n'était pas plus l'adversaire de ces gens que ceux d'Epistopolie, et que chaque homme était libre de choisir la voie qui lui était propre pour guider sa vie : que ce soit la science ou la religion. Donc oui, tout cela expliquer bien pourquoi mon hôte semblait à ce point la perdue dans cette cuisine. Soudain, je souris à l'idée de sauter de dune en dune dans le désert, aux commandes de Gladyss, cet homme à l'arrière. Ça s'annonçait déjà drôle à voir !

- Guerci ! dit-je une seconde fois, mais cette fois-ci la bouche pleine de datte, lorsque je saisis la tasse tendue par Sylas.

Je fis passer les dattes d'une grosse gorgée de thé, me donnant les larmes aux yeux alors qu'ils étaient braqués sur l' Archevêque qui faisait mention d'une "soirée". 

- Rassurez-moi, la soirée, c'est sans moi ? Dis-je à la fois amusée et inquiète, les robe c'est moyennement mon truc. 

Quelque peu rassuré que le sujet retourne sur notre escapade en plein désert, je m'interogea sur mes propres intérêts avant même que Sylas ne le fasse. Qu'est-ce que je voulais savoir de plus ? Comme si j'avais beaucoup de choix : Il s'agissait d'un boulot payé et exaltant en plus de ça. En compagnie d'un homme que j'arrivais à trouver sympathique, même si j'en restais pas moins sur mes gardes. Le fait qu'il puisse bien connaître Seraphah jouant beaucoup en sa faveur. D'ailleurs...

- Je dois beaucoup à Herr Von Arendt, également. Je peux dire que c'est quelqu'un de confiance. Est-ce lui qui vous à parler de moi ? Un homme de votre rang pourrait avoir bien plus prestigieux comme accompagnateur, et pourrait peut-être même recevoir une petite armée en s'adressant directement à l'alliance. Pourquoi demander à un petit poisson dans mon genre ?

Alors que je posais le bol à présent vide sur la table, je continuais de m'interroger. Pourquoi le dirigeant d'une nation voudrais-il entreprendre une telle expédition dans ses propres terres sans que personne ne le sache ? Cette histoire me semblait quelque peu bancale, bien que je doutais que le questionner là-dessus me donne une réponse claire. Au lieu de ça, je plongea mon regard droit dans les siens, cherchant le moindre signe révélateur, et je lacha :

- Ah, oui. J’aimerais aussi beaucoup savoir, pour quel genre d'artefact, je vais risquer la vie ?
Lun 15 Juil - 15:17



Dessabler le passé

Ginny Kadwell — Sylas Edralden


Entre deux questions qui lui étaient adressées, l’archevêque, à nouveau dans ses aises, sirotait, de temps à autre, le breuvage aramilan qui lui assurait un lien avec ses terres ensevelies sous les déserts arides auxquels on connaissait Aramila.

« La soirée ? Par chance, vous l’avez ratée, pour autant que ce ne soit pas votre chose. À vrai dire, je n’ai pas pour coutume de participer à quelque évènement mondain, mais je dois concéder que Herr Von Arendt a cette ineffable capacité à vous soustraire momentanément d’un dur quotidien. Un homme de culture qu’Epistopoli peut-être fier de trouver en son sein. Pour le reste, il ne m’a pas dit grand-chose de vous, si ce n’est qu’il ne voyait aucune difficulté à ce que je me repose sur vos services, Ginny. Le fait est que j’ai appris votre existence par d’autres moyens. »

Il posa sa tasse sur la table d’appoint et commença à faire les quatre cents pas pour observer tant ses environs, tant le décor urbain depuis la fenêtre.

« Comme je vous l’ai dit, j’ai besoin d’une discrétion absolue et, pour cette tâche, il m’est impossible de faire confiance à quelque Aramilan que ce fût. Et personne ne soupçonnera que j’ai eu recours à l’aide d’une Épistote, étant donné l’inimitié qui sépare nos deux nations. Mais je sais faire la part des choses entre un peuple et son gouvernement. »

Il s’arrêta sur un commode où divers ustensiles cosmétiques étaient arrangés. Il sentit comme une idée lui percuter l’esprit, au point qu’il fronçât les sourcils. Il se retourna vivement vers son interlocutrice.

« Je souhaite dénicher un certain type de cristal. Vous savez que ce genre d’artéfact est précieux du fait de sa rareté et des propriétés qu’il renferme. Et qu’à cela ne tienne, je risque autant ma vie que la vôtre. Maintenant, si vous acceptez de partir en ma compagnie, dites-le-moi de suite, que je me… Prépare à vous escorter en Aramila sans être formellement reconnu. Et je répondrai au reste de vos questions une fois que nous en aurons terminé. »