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[Requête] C’est dans les profondeurs que se murmurent les secrets

[Requête] C’est dans les profondeurs que se murmurent les secrets Brandw10
Sam 18 Mai - 13:02

Voyage au centre de la terre

Les mots de pierre


Atchoum!

Une main de porcelaine devant des lèvres rougies. Un air faussement effarouché. La symphonie des pierres dans ses cheveux que le choc avait secoué. Une vague de sons qui s’écoula brusquement dans les galeries, une violente secousse que les boyaux de pierre amplifiaient jusqu’à l’excès. Pour les travailleurs au fond des tunnels, ce petit éternuement coquet devait ressembler au cri de guerre d’un monstre affamé. ... Toutes mes excuses… Murmura l’ingénue. Lan-Lan n’aimait pas particulièrement les mines. Chaque respiration était un supplice.

L’air était lourd de la poussière que soulevaient inlassablement les bottes des mineurs sur leur passage. Autour d’elles, nul salon de velours, nulles chaises molletonnées, nul tour d’or et d’argent. Les pierres précieuses et les dorures étaient encore à trouver, secrètement encastrées dans la roche que venaient casser à grand renfort d’huile de coude des pioches usées.

 A vos souhaits Mam’zelle. S'esclaffa leur guide du jour. Le grand golemme de jaspe grise n’avait beau avoir qu’une fente rigide pour guide de bouche, elle pouvait la voir s’étirer dans un sourire ironique. Il était certain qu’elles devaient jurer avec le décor. Piquée, la petite dame ravala sa fierté et son sourcil plissé trahissait son rien de honte. C’est que ça doit vous changer de votre siège.

Effectivement, la tour des Monétaristes semblaient être un lointain souvenir. Et pour cause - contrairement à leurs habitudes, les pierres précieuses monétaires avaient été volées à leur gisement scintillant pour revenir là où tout avait commencé, dans un théâtre de boue, de pierres, et d’argile. Ils étaient dans une mine. Une mine sombre, secrète, dans les boyaux de la terre, suivant le dos immense de leur guide de pierre qui les conduisait toujours plus profondément.
Et pour cause… Il était des discussions qui devaient se tenir loin des oreilles indiscrètes. Loin du bruit des rues qui féconde les rumeurs, petites tumeurs supposées qui grossissent et grossissent jusqu’à remonter aux mauvaises écoutilles. Il ne faudrait pas que les Opalins découvrent leurs quelques surprises?  

Lunettes au nez, la spinelle avançait sagement derrière l’élégante panthère aux yeux écarlates - sur leur passage se retournaient quelques regards hagards, parfois surpris, souvent amusés. Elles étaient connues, les monétaristes, les mains dorées fermement glissées dans celles, usées au travail, des mineurs. Une alliance ouverte mais juteuse qui avait permis aux mineurs de gagner un rien de force sur l’échiquier politique bancal qu’était Xandrie. Et ils avaient aujourd’hui de l’huile sur le feu.

La lumière était presque absente, hormis les lampes frontales que portaient les mineurs et les monétaristes qui le souhaitaient. Notre poupée Xandrienne était toute équipée, ses lunettes arborant un Nascent tout à propos pour ce genre de situation. Sous l’air surpris des témoins de passage, elle répondait par un sourire charmeur. Effectivement, leur troupe avait tout des lapins dans le terrier des renards, mais pourquoi lutter? Ils étaient tous unis dans le même combat. Un combat mené de proue par l’héritière de Monsieur Huang, une créature d’obsidienne et de feu redoutée et adorée par ceux qui croisaient son chemin. Et sous sa main, petite ambassadrice, Lan-Lan suivait tranquillement, dévouée à la cause, s’enivrant des manigances et de la victoire.
L’air était encore rance de la suie de la défaite, de cet affaire laissée pour morte trois ans et qui avait écorché sa sœur d’une oreille. Un morceau de Fà de trop.

Aussi suivrait-elle Chāyā aveuglément, que ce soit jusqu’aux Dunes ou dans les boyaux humides d’une mine.

Oh, vous savez Hüm, la tour Monétariste n’est pas notre seul lieu de travail.  S’amusa-t-elle en retour, cherchant le golemme des yeux. Nous en avons déjà vu de toutes les couleurs.  Ce fut les deux rubis vibrants qu’elle cherchait en murmurant cette phrase, ses pieds encore brûlant du sable du désert.

Le golemme ria de plus bel, désamorçant le rien de tension qui tapissait le fond de l’air, le rendant plus épais encore. Pour l’instant, ils parlaient légèrement, doucement, avec tranquillité. Mais leur but aujourd’hui était tout autre. Plus loin les attendait les membres de la couronne. Et ensemble, ils devraient redéfinir leur accord…

Leur accord… Lan-Lan souriait doucement dans l’obscurité. Pendant un instant, la poussière eut l'odeur de la gloire.

Mer 5 Juin - 16:49



Géodes et poussières d'avenir

Cailloux et toux.


Des mètres de terre. Au-dessus de leurs têtes. Enterrées vivantes, elle ne errent pourtant pas sans but, ces âmes comme des fourmis. Laborieuses et affairées, elles portent sur leurs épaules, la couleur de cette vie, grise et suffocante, loin du soleil. Les a-t-on oubliées là ? Le monde, là, au-dehors, les a-t-il condamnées à l'obscurité pour quelques pêchés, méfaits, accomplis sous le ciel qu'on leur dérobe ? Regards vifs, piqués de curiosité, illuminent les visages poussiéreux. Prisonniers, non. Dos courbés, oui, certes. Mais pas l'échine, non, pas l'échine. Ils ont de la fierté, chevillée au corps, une force qu'ils sentent, se tendre et se délier, sous leur peau, dans leurs muscles. Ils soulèvent ces lourdes pioches et ils savent, maintenant, qu'ils peuvent soulever bien davantage qu'un simple outil.

Oubliées, elles l'ont peut-être été, ces âmes pourtant résilientes. Délaissées, maltraitées, elles se sont renforcées par elles-mêmes. Dans les profondeurs de la terre où on exige qu'elles s'échinent, pour quelques astras et une vie décente pour leurs familles, restées sous le soleil de Xandrie, elles se sont organisées. À la barbe de ceux qui tirent de leur labeur le plus de profits, les fourmis ont solidifié leurs liens, créer une guilde. N'avaient-ils rien soupçonnés alors, de la dangerosité d'une telle organisation, ceux-là même qui les regardaient de haut ? Opales aveuglées par les lumières mystifiantes de leur belle cité, loin, si loin, de la poussière et de l'obscurité.

Plus si loin.
Non, plus si loin aujourd'hui.

Seraient-elles toujours aussi belles,
Ces lumières chatoyantes,
Noyées dans la brume ?

Elle était terne ici, la lumière qui guidait le chemin des xandriens. Elle vacillait à chaque pas que faisait son porteur. Elle menaçait de se perdre dans l'obscurité, l'incertitude, incapable de tout à fait discerner ce qui se trouvait, au bout du tunnel. Sans doute en allait-il de même, ici comme au-dehors.

Prudentes étaient les monétaristes. Elles faisaient un pas après l'autre. Là où elles voyaient encore leurs pieds. Elles trichent un peu, pourtant. Puisque la lumière, elles la tiennent entre leurs mains. Ou diadème au front. Voient-elles bien plus loin que tous les autres ? Ou bien pensent-elles, audacieuses, que l'obscurité ne révèlera que ce qu'elles veulent bien y dessiner ? Qu'importe le nombre de cartes cachées dans leurs gracieuses manches, elles ne sauraient prédire l'avenir. Pourtant, elles avancent. Sereinement.

Un pas après l'autre.

Jamais seules. Elles savent, comme tous ceux qui les entourent, que le nombre est une force. Dans les boyaux de la terre, comme au-dehors. Ne restait qu'à s'assurer que ce nombre était une valeur commune. Cela ne devrait pas poser trop de problèmes. Les liens entre les Monétaristes et les Mineurs étaient assez anciens et solides pour que les deux partis aient l'assurance d'êtres écoutés et entendus. Cela ne promettait pas un accord mais Chaya n'était pas inquiète. Pour une fois, elles n'avanceraient pas en territoire hostile. Un sourire à l'évocation de leurs dernières aventures.

- Vous seriez sans doute surpris, Hüm, de trouver des monétaristes même dans des recoins reculés et fort peu hospitaliers. C'était certainement le moins qu'elle puisse dire. Prenez garde, si vous vous laissez charmé, mademoiselle Fà serait bien capable de vous emmener explorer des galeries oubliées à l'autre bout d'Uhr.. voir plus loin encore. Un éclat taquin dans le regard alors que la monétariste laisse, innocemment, trainer l'appel à d'autres aventures, pas moins dangereuses.

S'il y avait un monde accessible au-delà d'Uhr, nul doute que les monétaristes tâcheraient de le conquérir, à leur manière. Comme toujours, ils n'iraient sans doute pas seuls. Mais, un pas après l'autre. Celui qui les menait ici n'avait pas pour objectif immédiat de les faire partir au-delà des frontières de Xandrie. Ils avaient bien des choses à accomplir ici avant de s'égarer par delà la brume.

À l'entrée d'une pièce taillée à même la roche, un gnome à l'âge vénérable tourne un regard aveugle dans leur direction.

- C'est qu'maintenant qu'on arrive m'dames ? Vous avez p'rtant d'grandes jambes. À moins qu'mes yeux m'trompent ? Un lérot sur l'épaule, un livre dans les mains, le vieil homme les fixe sans tout à fait réussir à feindre la sévérité qu'il voudrait peindre sur ses traits. Peu décontenancée par l'homme et son humour, Chaya se pliait à son jeu comme à chacune de leur rencontre. Vous êtes de loin le plus clairvoyant d'entre nous, monsieur Caskgrip.

Le gnome se tourne davantage vers la monétariste mais son regard échoue à tout à fait se poser sur son visage, il semble pourtant la toiser avant de pousser un rire comme une cascade de pierres. Un signe de la main, pour les inviter à le suivre.

- M'sieur Caskgrip qu'm'appelle la gamine. Il secoue la tête comme si c'était là un manque évident de respect. La gamine en question sourit, effrontée. La première fois qu'elle avait accompagnée une délégation monétariste dans ces entrailles étouffantes, elle avait bien cru que cet endroit se limitait à cela, être un tombeau malodorant peuplé de fourmis aux sourcils broussailleux, l'air revêche et condamnées à creuser là sans autre moyen d'expression que le bruit incessant produit par leurs martellements. C'était il y a presque dix ans maintenant. Monsieur Caskgrip, ou Lodrith de ce prénom qu'il préférait entendre à son nom de famille, avait vieilli mais son sens de l'hospitalité était resté intact, son aversion pour les formules toutes faites aussi. Chaya avait du s'adapter et certainement pas l'inverse.

La jeune femme jetait un oeil curieux à la reliure abimée du livre que le gnome tenait désormais fermé entre ses doigts. Le lérot levait ses grandes prunelles noirs vers elle et comme si le gnome était capable de voir par ses yeux, il répondit à sa question muette. C'pas une lecture pour les mômes. Le ton sec dissonait avec le sourire franc qui frémissait sous sa lourde moustache. Trainons pas ou les aut' vont nous tomber d'ssus. Ce s'rait con d'avoir un éboulement sur l'dos. Il rit à nouveau alors que ses pas rapides les mènent auprès des autres membres de la couronne.
Jeu 27 Juin - 11:09

Face aux rois

Nous poserons une couronne sur vos têtes


Roche polie, poussière, les boyaux vivants de la terre qui devaient rester cachés. C’était bien sûr sans compter la ténacité des mineurs et l’avidité du monde qui demandait toujours plus. Étaient-elles différentes?
Certainement pas; pas complètement. Mais peut-être un rien meilleur. Demander plus était tabou quand on a sous la gorge la lame d’Opale, autour des poignets leurs chaînes, et sur la bouche un bâillon. Il n’y a que dans les profondeurs que se murmurent les secrets, que naissent les révoltes, et dans tout cela, que naît la liberté.

Mr Caskgrip ouvrait la voie, petit monsieur rusé, l'œil habile des grands hommes qui pourtant ne dépasse pas le mètre. Le revoir après tant de temps lui arracha un sourire nostalgique - ses yeux semblaient plus petits que la dernière fois, ou alors peut-être était-ce la lumière de leur lampe frontale qui le rendait aveugle. Les gnomes avaient leur voie dans les profondeurs. Leur sourire aussi. Petites femmes démunies, vous voilà dans les entrailles du monde, dans un monde sans loi régit par la fatalité et la roche.
Heureusement pour elles, elles n’étaient jamais seules. Et plutôt que de les craindre, elles avaient fait des guerriers de la terre leurs plus précieux camarades. Alliés, envers et contre tout. Pioches à la main, plume dans l’autre.

Mais c’était une relation qu’il fallait bien flatter. Rien n’était jamais acquis, même après trente ans - certainement pas le respect des mineurs dont l’acharnement à casser la roche forcerait le respect de chacun. Que pouvaient-elles dire, elles qui foulaient d’avantage les tapis de la cour que la poussière des mines?
Discrète, Lan-Lan regardait la diaphane panthère rentrer dans le jeu des familiarités de leur petit guide avec une certaine admiration. Ici, nulle étiquette, nulle manière: comme la roche brute, les mineurs étaient des diamants que l’on n’avait pas polis de toutes ces façons inutiles, des hommes et des femmes spontanés. A quoi bon s’en faire oublier la politesse?

Ils passèrent une arcade de pierre, filèrent entre d’autres couloirs un peu plus étriqués, toujours épiés par des regards curieux, amusés. La Couronne était un peu plus loin, leur disait leur guide. Hüm, fermant le cortège, ne cessait de leur commenter les roches qu’elles n’arriveraient probablement pas à voir. C’était fascinant; comme une élève sage, la petite noble retrouvait les mêmes sensations que trois ans plus tôt: la curiosité, l’humilité. La passion pour les sons de la terre.

En retard!!

La voix la tira de sa rêverie. Ce coffre de tavernier, ça ne pouvait être que…

C’est bien les gens d’en haut, ça! Aucune agilité pour passer les boyaux, on allait presque leur proposer de les porter, ah! Hüm traînait son grand corps sur le devant du groupe, passant devant les deux créatures de peau et d’os pour s’imposer, s’inclinant presque devant le vrai monarque des lieux. Roi sous la pierre, un sourire jusqu’aux oreilles, auréolé de gloire.

Monsieur Gray… Lan-Lan, elle, s’inclina réellement.

Mais qu’est-ce qu’elle me fait? On n’est pas devant le roi ici!

Premier membre de la couronne, Cooper Gray était un pilier des mineurs, son chef, et son coeur battant. Un être de la plus haute humanité, allié éternel de tous ceux qui souffrent et saignent dans ces galeries. On ne pouvait lui dire non. On ne pouvait tomber sous son charme. Sa voix caverneuse était du même vent que la brise libératrice qui traverse les mines et redonne aux acharnés leur souffle. Assis sur une chaise usée, il s’était levé dés leur arrivée, venant les saluer de ses quatre-ving dix centimètres, leur présentant à chacune sa main épaisse et couverte de corne. Il ne tolérerait pas un geste plus haut que l’autre. Dans les cavernes, ils étaient tous égaux.

Alors, pas trop dur? Belle ballade?

Beaucoup de pierres. Résuma Lan-Lan qui pour une fois faisait fondre son masque comme du sucre dans un thé. Et d’hommes charmants.

C’est tout ce que j’voulais entendre! Asseyez-vous, mettez-vous à l’aise. C’est pas tout à fait confortable mais on n’a rien de mieux, vous voyez.

Effectivement, cette chambre, taillée à même la roche, ne respirait pas le confort. Quelques chaises usées rassemblées autour d’une grande table de pierre - une roche taillée non pas pour être une table, mais réduite pour être la pièce où ils mettaient les pieds. “C’est parfait, merci.” Une fois que Chāyā s’est assise, elle fait de même, rejoignant la petite assemblée de cinq personnes. Cooper est à sa tête, entouré des quatre autres couronnés, hommes et femmes des pierres. Et comme au tribunal, les monétaristes se retrouvent confrontées. Dorées. Pour une rare fois, Lan-Lan baisse les yeux. Face à eux, leurs mains usées, les cicatrices sur leur paume, elle se sent coupable du poids de ses diamants.

Bah alors, faut pas tirer cette tronche princesse. Lui lança une voix à l’autre bout de la table. On va pas te manger.

Mais on mangerait bien de l’Opalin, ahah!

Assez.Cooper plaque sur la table son épaisse paume, taillée de la même roche que celle qu’il cassait à longueur de journée.On va pas effrayer non invitées, non? Et on a autre chose sur le feu aujourd’hui. On va en manger de l’Opalin… N’est-ce pas?


Son sourire était passé. Mais son regard, lui, souriait toujours.


Mar 23 Juil - 17:02



Royaume enseveli

Connait la valeur de l'or.


Elle connait leurs noms. Visages de grès aux traits de charbon, arrêtes saillantes et oeil vif. Ils n'aiment pas les histoires. On leur en a déjà bien assez raconté. Ils attendent les faits, la vérité crue, sans fioriture, sans sous-entendu.

Exercice délicat,
Pour une menteuse.

Ils ne portent pas de masque, ne cachent pas leurs émotions ou échouent à tout à fait les contenir. C'est en tout cas ce qu'ils veulent laisser croire, ce qu'ils voudraient être, peut-être aussi. Des caboches aussi dures que la pierre. Minées pourtant, par de sombres pensées. Ils n'aiment pas les histoires, les mineurs autour de cette table, pourtant, ils voudraient bien en écrire une. Si seulement ils avaient une plume.

Aubaine.
Il y en a deux, sur le blason des Monétaristes.

Chāyā glisse un sourire au gnome qui les accueille et une main dans celle tendue. Elle suit du coin de l'oeil les subtiles réactions de son ambassadrice, fleur emprisonnée six pieds sous terre, elle ne cessait pourtant de briller. Pivoine de kunzite, elle se faisait humble, ses mains fines, façonnées dans la plus noble porcelaine, étaient certainement l'exact opposé de celles qu'elle serrait ici. Devait-elle craindre leurs regards ? Eux qui savent reconnaître les pierres taillées, ciselées, facettées. La trouveraient-ils indigne, eux, pierres brutes aux arrêtes acérées ?

Il y a pourtant de la bienveillance dans les voix rocailleuses qui enjoignent la délicate princesse à redresser le menton. Et une lueur tendre dans le rubis.

Elle était leur opposé.
Oui.
Et elle était exactement là où elle devait être.

Spinelle magenta,
Puisses-tu montrer la voie.

Sans doute l'ont-ils compris, eux aussi. Depuis que les monétaristes avaient tendus une main dans leur direction. Ils avaient du craindre, ces bagues et ces bracelets, l'apparat de cette richesse des nantis. Redouter que ces doigts ne finissent par se refermer sur leurs gorges, les étouffent, un peu plus encore. Il aura certainement fallu du temps, pour qu'ils accordent un peu de confiance à ces gens du dessus. À ceux là qui parlent aux nobles, aux puissants, pire, aux opalins.

Sourire féroce sur les lèvres de la dirigeante des monétaristes.

- Vous risqueriez l'intoxication.

Elle s'assoit et le sourire se fane à mesure que les regards se posent sur elle. Ils attendent davantage que des traits d'humour.

- Nous avons effectivement l'intention de racheter une mine.

Une carte rapidement déployée lui permet d'indiquer la localisation de cette dernière. Des bouches se déforment en un rictus sceptique.

- C'est pas d'la belle mine qu'vous trouverez là-bas.. Exprime finalement Cassgrip, sous les hochements de l'assemblée. Nous le savons. Un sourire confiant, voix de velours assurée. Vous vous en souvenez certainement mais c'est cette mine que nous aurions du acheter il y a trois ans, si.. un regrettable incident ne s'était produit.. Il acquiescent, mémoires de marbre. Aujourd'hui, nous sommes très proche d'y parvenir.

- Qu'est-ce qui bloque ? Gray n'a pas l'intention de s'opposer à la reprise de cette mine, trois ans auparavant, il y avait cru, à cette fantaisie sortie de la caboche du vieux Huang. Rien d'insurmontable, des obstacles dont nous pouvons nous occuper. Mais l'un d'eux ne va pas vous plaire. Le gnome fronce les sourcils et la monétariste ne le fera pas attendre. Même si nous réussissons à acheter cette mine, ce dont je ne doute pas, nous ne pourrons la réhabiliter sans votre concours évidement.. et sans celui du Magistère. Elle pourrait presque les entendre, ces mâchoires qui crissent autour d'elle. Elle ne comptait pourtant pas adoucir ou cacher cette réalité. Sans quelqu'un capable de remettre en fonctionnement les machines traitant le myste, nous ne pourrons pas exploiter la mine. Hélas, seuls les agents du Magistère connaissent les rouages de cette technologie.

Chāyā se recule, délaissant la carte et accordant à son auditoire le temps d'assimiler cette dernière information. Ils devaient l'avoir anticiper, pour certains. Impossible de se passer totalement d'Opale lorsqu'il s'agissait du myste. Tant qu'ils n'auraient pas l'ingénierie de la transformation du myste, ils resteraient lié à leur voisine. Leur colère pouvait parfois remettre en cause ce lien mais la fatalité les rattrapait, sans Opale, sans le Magistère et le raffinage du myste, ils n'avaient plus d'emploi. Les monétaristes ne faisaient pas de miracle. Ne pourraient-ils donc jamais se débarrasser de cette laisse ?

- Nous ne pouvons rompre la corde, répond la monétariste, à ces regards défaitistes ou colériques, à ces messes-basses fatalistes ou révoltées, mais nous pouvons la saisir au lieu de la laisser nous étrangler.
Mer 7 Aoû - 19:01

Ricochets

Rebondis ou tu couleras


Scène ouverte, la parole est posée au milieu de la table. Oeillades appuyées, sourires en coin, petite lueur pétillante dans des regards mutins. Chaque personnage est une fable, raconte l’histoire de sa vie au charbon qui maquille son visage. Seules tranchent les pierres précieuses.

Elle le capta tout de suite, son sourire sauvage, avide. Ses traits si parfaits qui étaient davantage une main tendue vers cette audience attentive qu’elle devait captiver. Oh, ça ne sera pas difficile: elle avait déjà toute leur attention. Rubis éclatant, plus éblouissante quand vient la nuit, ou au cœur de la terre devant un parterre de mineurs qui ne sauraient déterrer pareille spécimen même dans leurs rêves les plus fous. Secrètement, elle admirait son aisance, petite spinelle curieuse - où s’arrêtait cette perfection? Il y avait-il une faille, une fissure sur cette angélique représentation dorée et brillante comme un astra? Doucement, elle se fendit du même sourire, le poussin reproduisant docilement la mère devant le reste de la basse-cour: Lan-Lan observait Chāyā, avec, au creux de ses tempes, la certitude que la panthère les ferait tous danser dans la paume de ses mains.

Entrée en matière coquette, sous l’humour, une réalité plus amère. Il leur en faudrait plus. Elle la sait féroce en affaire, et d’une honnêteté folle - quitte à mettre les deux pieds dans un plat plein d’acide. La discussion ne serait agréable qu’une fois un accord trouvé. Et pour cela, elle abattit comme première carte celle qui fâchait le plus, attirant immédiatement les tonnerres de l'assemblée qui n’avait aucunement envie de parler cabots.

Foutaise ! Ces chiens nous renverseront dès qu’ils en auront l’occasion ! La foule aboie. Vorace. Et à juste titre: sur leur cuir, autant de cicatrices, autant de traumatismes, des générations opprimées par le même maître fou.

Quelles foutaises?

Sa voix résonne comme la pluie en été, la première goutte d’une averse libératrice. Elle a forgé son ton, l’a rendu doux, l’a rendu mielleux. Elle a flairé la controverse possible; et a choisi la meilleure défense: la paix.

Il ne faut pas croire que le Magister tient unanimement ses ouailles en égale estime. Leurs méthodes sont fourbes, sales. Et leurs scientifiques sont nombreux à haïr sa tête, tout comme nous. Ne croyons pas ces Opales toutes égales - certains seraient même enclins à filer dans notre panier contre une contre-partie.

Sourcils levés, on chuchote. Elle voit face à elle une armée de visages fermés. Ce n’est guère une surprise: faire admettre à cette foule qu’ils devront collaborer avec leur bourreau n’est pas une mince affaire, même si c’est l’évidence. Lan-Lan ne baisse pourtant pas les yeux. A son côté, le rubis rayonne toujours d’assurance: au moindre regard vers le sol, et ce serait fini.

Nous avons déjà un candidat potenti…

Et comment vous allez le convaincre, hein? Le sourire sympathique et la bienveillance de Gray ont disparu. Ne reste que le sérieux, un sérieux redoutable, le plus redoutable de tous: l’honnêteté. C’est bien beau de vouloir pactiser avec eux, mais c’est risqué. Et quand bien même, comment peut-on être sûr qu’il ne retournera pas sa veste une fois que le marché est conclu?

Vérité froide. Danse risquée dans les bras de leur ennemi - et des petits murmurs qui glissent, rebondissent partout dans cette caverne de secrets: même vos jolis minois ne les retiendront pas.

C’est tout une histoire d’équilibre, Monsieur Gray. La tâche sera ardue, il était certain. Mais n’avaient-ils pas fait le plus difficile? La corde devra nous étrangler tous: donnons leur un cadeau qu’ils ne pourront refuser, mais qui les engage contre Opale. Du pouvoir, des moyens? Il n’est rien qu’un accès privilégié au Myste ne ferait pas pour un Opalin. Il nous suffira de trouver le parfait équilibre entre pouvoir et danger pour devenir leur seul allié.

Finalement, tout ne se résumait qu’à une histoire de laisse. Qui finira par la tenir? Il leur était impossible, encore, de s’imaginer faire tomber le genou d’Opale. Mais commencer, petit à petit, à couper les chaînes qui les maintenaient captifs, là était le jeu. Après tant d’années de jouc, n’était-il pas venu le temps de mettre les laisses plutôt que de les subir?

Vous avez bien du cran. A première vue, c’était une remarque hostile. Pourtant, il lui sembla enfin capter un intérêt dans le fond de sa voix - maigre et maladroit, mais présent. Mais ça ne risquerait pas de sacrifier la production? On les verra comment les astras?

Mais nous ne pourrons les voir qu’en remettant cette mine en état. Et vous les verrez alors, tous ces astras, aussi rutilants que flamboyants. Lan-Lan croisa ses doigts face à elle, levant bien haut le regard sur cette assemblée, cherchant un instant les yeux de sa cheffe. Ne croyez pas que nous nous présentons à vous et prenons votre temps sans avoir considéré toutes les possibilités. Acheter une mine stérile ne rimerait à rien - ce serait un exploit vide de sens. Comme vous, nous ne cherchons qu’une chose: produire du myste Xandrien.
Jeu 19 Sep - 19:26



Un jour, nous trinquerons deux fois.

À nos petites victoires.


Il s'élève autour des deux monétaristes un murmure qui se fait grondement. C'est une gnome qui finit, à nouveau, par se lever et exprimer haut et fort le fond de cette grogne.

- Vous nous vendez une mine xandrienne mais, on en revient toujours au même point ; nous sous la botte des opalins !

Le murmure se fait approbateur, se renforce d'invectives Dehors, les cafards !, C'est pas l'heure des demi-mesures !. Le rubis parcours l'assemblée et sur ces lèvres véhémentes, trouve la couleur de la Révolution. Dans tous les esprits, dès lors qu'il s'agit des rapports avec la nation voisine. Évidemment, le mouvement trouvait ici un terreau fertile, aisément acquis à sa cause. Le moment était donc d'autant plus crucial, et délicat, pour les monétaristes. Un mauvais mot et les mineurs pourraient se mettre en tête que leurs banquiers n'étaient pas du bon côté, pas du leur. Se feraient-elles les avocates du diable en essayant cette alternative là où les esprits les plus révolutionnaires souhaitaient une fracture nette.

Chaya attendit, patiemment, que l'audience reprenne son calme, qu'elle s’aperçoive d'elle-même, que ce qu'elle désirait entendre à présent, c'était la réponse des monétaristes. Le silence se fit de nouveau et l'attention revint sur les demoiselles d'astras. Peser ses mots. Les choisir avec soin. Sans trop les policés, la langue de bois ne serait pas à leur avantage. Sans condescendance. Avec clarté.

- Si nous avions connaissance d'une autre manière de faire fonctionner ces mines et ainsi sauvegarder vos emplois sans l'appui du Magistère, nous aurions déjà trinqué deux fois.

Un sourire, délicat, fragile, presque désolé. Réaliste. Si les révolutionnaires voulaient couper les ponts avec leurs oppresseurs, il ne pouvait pas échapper aux mineurs que sans solution d'exploitation du myste, leurs emplois, leur savoir faire, leur mode de vie, seraient profondément impactés. Sans emploi, sans autre qualification, une grande partie des travailleurs ici présents se retrouveraient à la rue. Ramper sous les chaussures des opalins était une torture insupportable mais valait-il mieux mendier ? Les mines à l'arrêt, qu'arriverait-il aux raffineries ? Le myste était néfaste sur bien des aspects mais il alimentait une industrie devenue centrale dans la vie de plusieurs milliers de xandriens. La mettre à l’arrêt du jour au lendemain pouvait être catastrophique pour l'économie du pays.

- Je comprends votre frustration et nous la partageons. Nous ne vous avons jamais ni mentis, ni promis de miracles, nous ne le feront pas davantage aujourd'hui. Ce que nous proposons n'est pas parfait mais c'est un objectif atteignable et une réelle voie d'amélioration. Nous ne pouvons encore nous passer de la présence du Magistère mais nous pouvons réduire son influence et établir un rapport de force qui serait, enfin, équilibré.

Les lèvres restent closes un instant, un silence partagé pour des réflexions sans doute similaires. Peu à peu le dialogue reprend, entre les mineurs puis avec les monétaristes. La tension révolutionnaire semble pour un temps retomber, les monétaristes ne devaient pas s'y tromper, elle reviendrait. Certainement plus forte encore. Il faudrait alors prendre parti, en dépit peut-être des arguments les plus réalistes, une révolution n'est jamais réaliste.

Mains tendues et mains serrées concluent les discussions. Les monétaristes se tiendraient au côté des mineurs pour leur permettre de s'extirper, un peu, du collet opalin. Quelques jours plus tard c'est ensemble qu'ils signèrent les documents officiels entérinant le rachat de la mine. Ce jour là, ils trinquèrent avec joie à une victoire certes pas aussi flamboyante qu'ils l'auraient tous souhaités mais, à une victoire tout de même.