Sam 18 Mai - 11:48
Changement d'air
Les semaines défilaient et avec elles, la lassitude d'être demeuré trop long dans sa planque du bazar de Saleek. Akhesh en avait fait le tour, et puis Einéris avait un peu trop tendance à laisser des cadavres dans son sillage, malgré le fait que le Strigoi veillait au grain. Certains avaient pu disparaitre sans mal, mais pour d'autres, il ne pouvait la suivre continuellement ou bien chasser avec elle quand elle avait une fringale. La petite avait une faim insatiable qu'elle ne contrôlait pas encore assez. Ils se devaient de partir, afin de ne pas attirer l'attention des autorités.
Ils avaient donc plié leurs effets personnels, n'emportant avec eux que le strict minimum. Point n'était utile de s'encombrer. Ils devaient passer pour de simples voyageurs allant d'un point à un autre. Eineris achevait de fourrer dans son sac des petites figurines de bois qu'Akhesh avait pris soin de lui sculpter. Ce n'était pas grand-chose, mais la gamine les affectionnait tout particulièrement, sans doute parce que c'étaient les premiers jouets qu'elle avait reçus. Elles les chérissaient comme de véritables trésors.
" Papa... elle part quand la caravane pour Aramila ? "
Akhesh terminait de préparer quelques vivres pour le voyage, fruits, sandwichs, eau, gâteau, bref, le minimum pour paraître humain aux yeux des autres.
" Elle lève le camp dans une heure. Hâte-toi, si tu n'as pas pris tout ce qui te tient à cœur. Nous ne reviendrons ici pas avant longtemps. Il faut passer récupérer nos montures avant de prendre la route. Nous n'avons pas de temps à perdre. "
La petite acquiesçait.
" J'ai terminé. Tu veux que je t'aide à emballer les provisions ? "
" Non, ça ira, merci. File dire à notre logeuse que nous quittons la maison et rends-lui les clés. Je claquerai la porte en sortant. Laisse ton paquetage, je m'en occuperai. Rejoins-moi au sud du bazar, je t'y attendrai avec nos montures et le reste de la caravane. Ne sois pas en retard, car la caravane n'attendra pas et moi non plus. "
Elle raflait le trousseau de clés sur la porte et lançait à la voler en plaisantant.
" Aucune chance que tu te débarrasses de moi. Je serai à l'heure. "
Elle filait à toutes jambes, sourire aux lèvres. Décidément, cette gamine ne cesserait jamais de l'étonner. Elle était incroyablement mature pour son âge et débrouillarde, sinon comment aurait-elle pu survivre jusqu'à maintenant. Pourtant, elle restait une enfant qui avait besoin d'être rassurée, sermonnée et câlinée malgré tout. Quant au fait qu'elle n'avait de cesse de l'appeler « papa » ce côté dérangeant l'était beaucoup moins. Il s'y était fait, comme on se ferait à toute nouveauté. Et puis, c'est vrai qu'ils se ressemblaient beaucoup physiquement parlant. Le même teint sombre, des yeux clairs et un semblant de caractère similaire. D'ailleurs, beaucoup les prenaient pour un père et sa fille. C'était bien pratique en certaines occasions. Mais actuellement, ce qui lui importait le plus, c'est qu'on recherchait un homme seul et pas une famille. Cela brouillerait encore les pistes quelque temps, à n'en pas douter.
Les bagages se trouvaient sur le seuil de la porte de ce qui avait leur habitation durant quelques mois. Il en fermait la porte et avec lui une page de sa vie. Il attrapait les sacs et s'enfonçait dans le dédale de ruelles du bazar, direction l'enclos où les attendaient les montures qu'il avait réservées quelques jours plus tôt. Comme à son habitude, le bazar grouillait de monde et il fallait parfois jouer des coudes pour passer à certains endroits. Mais chargés de ses gros sacs de voyages, les gens se poussaient tout naturellement afin de ne pas prendre de mauvais coups. Il fallait reconnaître que cela était bien utile. Le soleil était déjà à son zénith quand il atteignait l'enclos des chameaux.
Il avisait le gérant et le hélait.
" Hé Tareck ! "
Un homme bedonnant approchait en se dandinant d'un pied sur l'autre. Le teint mat et le visage buriné par le soleil, il adressait un sourire au Strigoi.
" Ah vous voilà ! J'ai cru que vous m'aviez oublié ! J'étais prêt à louer vos montures à un autre. "
Il ironisait, connaissant Akhesh pour l'avoir vu de nombreuses fois avec le clan Miraez .
" Vos chameaux sont scellés et n'attendent que vous ! "
L'homme regardait un peu partout, étonné.
" Mais, elle est pas là votre fille ? Elle vient pas avec vous ?"
" Si, si, elle va me rejoindre au départ de la caravane. Vous savez comment sont les enfants,toujours à vouloir faire un truc à la dernière minute. "
Il n'en ajoutait pas plus à propos de l'enfant.
" J'espère que vous m'avez réservé de bonnes bêtes, parce que si je croise les Miraez en chemin avec de vieilles carnes, ils vont se foutre de moi et me railler de rien avoir appris avec eux."
L'homme s'esclaffait d'un bon rire gras.
" Ah... ah… ah… oui, ça serait bien le genre. Surtout de la part d'Aziz. Il est pas commode, le bougre. Bref, je vais pas vous retarder plus longtemps. Prenez vos chameaux et filez, sans quoi vous allez rater le départ. Passez le bonjour au Miraez si jamais vous les voyez. "
" Je n'y manquerai pas et comme convenu, je laisserai les bêtes au relais dont vous m'avez indiqué le nom, à Aramila. Au revoir et merci. "
Akhesh attachait solidement les sacs sur les montures, en saisissait les renes et se dirigeait vers la porte sud de Saleek. La petite était déjà là, l'attendant assise sur une carriole, les pieds se balançant dans le vide. Apercevant son père, elle s'empressait de le rejoindre et regardait les chameaux d'un drôle d'air.
" Tu es certain que je vais pouvoir guider ça toute seule ? "
On sentait une petite inquiétude dans sa voix.
" Si tu veux les premiers jours, tu monteras avec moi et je t'apprendrai à le diriger. Après tu seras apte à te débrouiller toute seule. Ça te va ? "
" Oui. "
Les minutes qui suivaient, des gens et des chargements affluaient. Ça beuglait, et les convoyeurs indiquaient à chacun où se placer dans la caravane. Une fois fait, le signal était donné et la caravane se mettait en marche. Il leur faudrait du temps pour rejoindre Aramila.
" Eineris, avant d'arriver à destination, nous quitterons la caravane pour nous rendre dans un petit village. J'ai de vieux amis à saluer. "
La gamine réfléchissait un instant.
" Oh, ce sont ceux avec qui tu faisais route quand tu convoyais des animaux ? "
" C'est ça. "
" Chouette ! En plus, tu m'as dit qu'il y avait plein d'enfants là-bas. Je vais bien m'amuser. "
Il ébouriffait les cheveux de la petite.
" Tu ne perds pas le nord. "
Un sourire franc et malicieux d'Eineris.
Codage par Libella sur Graphiorum