Jeu 9 Mai - 18:49
Sordide prélude
Sur la route du massacre
Cric, crac…
La route était exécrable. Le chemin de terre battue semblait ne jamais être vraiment plat, s’effondrant toujours sur lui-même à cause d’un nid-de-poule où s’accumulait une boue malodorante et grisâtre. Les bois de Mesnon étaient un véritable labyrinthe qui n’avait rien d’accueillant. Quand on osait s’éloigner de la route, il fallait avoir de la patience, et ne pas avoir peur de la boue: les chemins s’étiraient comme des capillaires, s’enfonçant dans la forêt lugubre comme autant de rivières. Et quand le soleil ne brillait pas, il était aisé de prendre le jour pour la nuit. Tout était sombre. Gris. Obscure.
Leur voiture avançait rapidement malgré la route pénible, rendant le voyage des plus inconfortable. Quelle idée de commettre pareil crime dans un endroit aussi… Funeste. Sous des mèches pourpres, une jeune Fà regardait les bois avec une amertume de façade qui cachait un intérêt grandissant.
Elle était assise sagement, les jambes croisées, Huang-Long dormant calmement dans le coin de son cou. Sa présence dans cette diligence n’était dûe qu’à la femme assise à son côté, à la lame du Guet qui filait vers son devoirs. Elle l’observait du coin du regard, cette discrète pierre précieuse sur la route de son devoir, appelée par la voix rauque de ses pairs. Et la raison était particulièrement immonde.
Elles n’étaient pas seules, les sœurs Fà. Avec elle, silencieuse, une deuxième agente du Guet, plus âgée qu’elles, plus silencieuse, une figure de cire autoritaire et aigrie qui servait d’agent de liaison entre la jeune commandante et les agents de terrain qu’ils retrouveraient sur place. L’enquête ne devrait pas être ébruitée, il était inutile de terrifier les populations locales avant de tirer cette affaire au clair.
Cette affaire… Lan-Lan ne put réprimer un sourire - innocent, sordide, chacun y mettrait le mot qu’il voulait. Mais pour sa première fois sur le terrain, elle se languissait déjà de pouvoir mettre les mains dans le cambouie.
C’est excitant. Murmura-t-elle, sa tête se penchant vers sa chère petite sœur.
Elle récolta le regard sombre de l’agent du Guet - elle désaprouvait sa présence. Qui ne le ferait pas. Son ingérence dans cette affaire était grossière, et elle ne cachait pas qu’elle n’était là que par népotisme. Mais elle n’avait pas qu’une corde à son arc, et elle ne comptait pas rester qu’un soutien moral face à cette sordide affaire. D’une main, elle exposa son holographe qu’elle tendit à Shizo d’une main. “Il te sera sans doute utile, aujourd’hui.” Son sourire était entièrement tourné vers sa sœur - vers l’agent du guet, c’était un regard hautain qui lui fut adressé.
A vrai dire, elle n’avait pas grand intérêt à plaire, elle s’était décidée d’être du voyage dés l’instant où elle fut appelée pour enquêter sur le meurtre. Laisser Shizo seule face à un monstre, une bête sauvage? Et puis quoi, encore? Elle connaissait déjà sa réponse - mais elle ne tenait pas à la laisser filer seule. Son devoir était de veiller sur elle - et pas l’inverse, contrairement à ce que la perle anthracite voulait bien lui faire croire. Elle avait inventé une excuse, une connaissance accrue de l’anatomie dûe à son rang et aux tentatives d’assassinat qu’elles devaient sans cesse déjouer pour s’impoviser légiste, mettre ses petits pieds délicats sur les affaires du Guet. Heureusement pour elle, on refuse rarement une requête aux monétaires ; comme on impose jamais un refus aux Fà.
Et quelle sordide affaire…
Rappelez-moi, qu’allons-nous trouver là-bas? Murmura-t-elle, feignant l’innocence des dames de cours. Elle aimait jouer avec leur accompagnante dont la rigidité stimulait son intérêt. Le chat joue davantage avec la souris quand elle est statique, après tout. Tout pour créer la chasse.
“Un double meurtre, ma… Dame. Lui répondit-elle sèchement. Une mère et son enfant, déchiquetés. Nous pensons à une bête sauvage - ce ne sera pas beau à voir, j’espère pour vous que vous avez le cœur bien accroché. Et comme une énième pique, elle se retourna vers sa commandante. Une civile n’est sûrement pas habituée à pareille spectacle.
Elle lui renvoyait un sourire… Bienveillant. Madame, si vous saviez… Un peu d’hémoglobine, ce n’est rien. Mais il était inutile de le crier sur les toits - à la place, elle se tourna vers Shizo.
Ma soeur n’a pas à me craindre. Après tout, après l’attentat des monétaristes qu’elle a évité, mon cœur s’est suffisamment endurci pour tout affronter. Ma Dame.
Alors que le silence tombait de nouveau sur la troupe, Lan-Lan tomba de nouveau dans ses songes - quelque chose clochait. C’était trop gros, tout beau. Qui fait appelle à une Commandante pour une simple affaire de bête sauvage? Les routes de Xandrie n’étaient pas sûres, et les créatures sauvages n’étaient pas si rares. Combien rapportaient une attaque d’ours, de loup, sans que ça ne fasse pas les titres? Elle le sentait, sous cette affaire, il y en avait une autre. Les mystères étaient bien trop nombreux, à Xandrie. Il n’appartenait qu’à elle d’en élucider un.
La route était exécrable. Le chemin de terre battue semblait ne jamais être vraiment plat, s’effondrant toujours sur lui-même à cause d’un nid-de-poule où s’accumulait une boue malodorante et grisâtre. Les bois de Mesnon étaient un véritable labyrinthe qui n’avait rien d’accueillant. Quand on osait s’éloigner de la route, il fallait avoir de la patience, et ne pas avoir peur de la boue: les chemins s’étiraient comme des capillaires, s’enfonçant dans la forêt lugubre comme autant de rivières. Et quand le soleil ne brillait pas, il était aisé de prendre le jour pour la nuit. Tout était sombre. Gris. Obscure.
Leur voiture avançait rapidement malgré la route pénible, rendant le voyage des plus inconfortable. Quelle idée de commettre pareil crime dans un endroit aussi… Funeste. Sous des mèches pourpres, une jeune Fà regardait les bois avec une amertume de façade qui cachait un intérêt grandissant.
Elle était assise sagement, les jambes croisées, Huang-Long dormant calmement dans le coin de son cou. Sa présence dans cette diligence n’était dûe qu’à la femme assise à son côté, à la lame du Guet qui filait vers son devoirs. Elle l’observait du coin du regard, cette discrète pierre précieuse sur la route de son devoir, appelée par la voix rauque de ses pairs. Et la raison était particulièrement immonde.
Elles n’étaient pas seules, les sœurs Fà. Avec elle, silencieuse, une deuxième agente du Guet, plus âgée qu’elles, plus silencieuse, une figure de cire autoritaire et aigrie qui servait d’agent de liaison entre la jeune commandante et les agents de terrain qu’ils retrouveraient sur place. L’enquête ne devrait pas être ébruitée, il était inutile de terrifier les populations locales avant de tirer cette affaire au clair.
Cette affaire… Lan-Lan ne put réprimer un sourire - innocent, sordide, chacun y mettrait le mot qu’il voulait. Mais pour sa première fois sur le terrain, elle se languissait déjà de pouvoir mettre les mains dans le cambouie.
C’est excitant. Murmura-t-elle, sa tête se penchant vers sa chère petite sœur.
Elle récolta le regard sombre de l’agent du Guet - elle désaprouvait sa présence. Qui ne le ferait pas. Son ingérence dans cette affaire était grossière, et elle ne cachait pas qu’elle n’était là que par népotisme. Mais elle n’avait pas qu’une corde à son arc, et elle ne comptait pas rester qu’un soutien moral face à cette sordide affaire. D’une main, elle exposa son holographe qu’elle tendit à Shizo d’une main. “Il te sera sans doute utile, aujourd’hui.” Son sourire était entièrement tourné vers sa sœur - vers l’agent du guet, c’était un regard hautain qui lui fut adressé.
A vrai dire, elle n’avait pas grand intérêt à plaire, elle s’était décidée d’être du voyage dés l’instant où elle fut appelée pour enquêter sur le meurtre. Laisser Shizo seule face à un monstre, une bête sauvage? Et puis quoi, encore? Elle connaissait déjà sa réponse - mais elle ne tenait pas à la laisser filer seule. Son devoir était de veiller sur elle - et pas l’inverse, contrairement à ce que la perle anthracite voulait bien lui faire croire. Elle avait inventé une excuse, une connaissance accrue de l’anatomie dûe à son rang et aux tentatives d’assassinat qu’elles devaient sans cesse déjouer pour s’impoviser légiste, mettre ses petits pieds délicats sur les affaires du Guet. Heureusement pour elle, on refuse rarement une requête aux monétaires ; comme on impose jamais un refus aux Fà.
Et quelle sordide affaire…
Rappelez-moi, qu’allons-nous trouver là-bas? Murmura-t-elle, feignant l’innocence des dames de cours. Elle aimait jouer avec leur accompagnante dont la rigidité stimulait son intérêt. Le chat joue davantage avec la souris quand elle est statique, après tout. Tout pour créer la chasse.
“Un double meurtre, ma… Dame. Lui répondit-elle sèchement. Une mère et son enfant, déchiquetés. Nous pensons à une bête sauvage - ce ne sera pas beau à voir, j’espère pour vous que vous avez le cœur bien accroché. Et comme une énième pique, elle se retourna vers sa commandante. Une civile n’est sûrement pas habituée à pareille spectacle.
Elle lui renvoyait un sourire… Bienveillant. Madame, si vous saviez… Un peu d’hémoglobine, ce n’est rien. Mais il était inutile de le crier sur les toits - à la place, elle se tourna vers Shizo.
Ma soeur n’a pas à me craindre. Après tout, après l’attentat des monétaristes qu’elle a évité, mon cœur s’est suffisamment endurci pour tout affronter. Ma Dame.
Alors que le silence tombait de nouveau sur la troupe, Lan-Lan tomba de nouveau dans ses songes - quelque chose clochait. C’était trop gros, tout beau. Qui fait appelle à une Commandante pour une simple affaire de bête sauvage? Les routes de Xandrie n’étaient pas sûres, et les créatures sauvages n’étaient pas si rares. Combien rapportaient une attaque d’ours, de loup, sans que ça ne fasse pas les titres? Elle le sentait, sous cette affaire, il y en avait une autre. Les mystères étaient bien trop nombreux, à Xandrie. Il n’appartenait qu’à elle d’en élucider un.
Mer 29 Mai - 22:11
Un deux trois
nous irons au bois
C'était un début de journée comme un autre au Guet, les informations venaient à un rythme effréné, les mineurs partaient encore en grève, y-avait-il des émeutes ? Non ? Alors pas besoin d'intervenir. Des nobles accusaient leur domestique de vol. Y-avait-il des preuves ? Non évidemment. Elle sera virée dans tous les cas pauvre fille. Envoyez une nouvelle recrue pour prendre le dépôt des plaignants, dites leur qu'elle sera convoquée, ils s'en satisferont. Du grabuge vers Logdar Rim ? Renforcez les équipes sur place.
La Commissaire n'avait de cesse de récolter les divers télégrammes, coursiers et messages de ses subalternes dispersés sur le territoire. Ce n'est ni pour un vol, ni pour des échauffourées, ni pour surveiller une cause sociale que j’avais été convoquée. Des corps mutilés par, à première vue une bête sauvage, ont été retrouvés dans le bois de Mesnon. La Lieutenant en charge de l'enquête était présente, droite comme un “i”, le visage fermé, prononçant un peu plus les rides du lion qui se formaient entre ses sourcils. Je me revoyais à sa place il n'y avait pas si longtemps que ça.
°°Les corps ont-ils été rapatriés ?°°
Amalia laissa sa soldate parler.
°°°Non, toujours sur place. Il y a quelque chose de… peu naturel dans cette attaque.°°
Je levais un sourcil, circonspecte.
°°°Nous avons retrouvé de nombreux pièges autour de l'habitation, tout a été mis en place pour éloigner les bêtes. °°
De la maison ? La pauvreté de certains concitoyens les poussaient à vivre isolés, en autarcie. Le bois de Mesnon, bien que traversé par des routes commerciales, n'était pas le lieu le plus recommandé pour s'y installer. Bien que dangereuse, la forêt offrait plus de ressources que les bidonvilles qui s'amoncelaient en périphérie des frontières …
°°Une bête aurait pu passer au travers non ?°°
°°Les corps n'ont pas été dévorés, ils ont été… bu.°°
Un frisson parcourut mon échine. Les carnivores déchiquetés la chair pour s'en repaître. Il n'y avait qu'une race pour “boire” sa proie, et elle n'était pas animale. Un regard vers Amalia confirma mes soupçons. Les strigois avaient interdiction de se nourrir de sang humain.
°°C’est le mari qui a donné l'alerte. Il était parti à la chasse, le malheureux a retrouvé sa femme et son bébé ainsi. Les loups rôdaient autour de la cabane. Ils l'ont attaqué, nous l'avons rapatrié pour des soins.°°
Je sentais qu'elle hésitait à me révéler la pièce maîtresse de ce puzzle. J'attendais patiemment, un imperceptible hochement de tête d’Amalia lui ordonna de poursuivre.
°°L’homme nous a signalé la disparition de sa fille aînée, elle a cinq ans, nous n’avons pas retrouvé sa trace.°°
Le pire était à prévoir …
°°Commandante Fà, vous reprenez les rennes sur place. Assurons-nous que l'agression n'ait pas été commise par un animal affamé, ça reste le plus probable à l'heure actuelle.°° remettait-elle en doute les observations du Lieutenant ? Ou refusait-elle de croire en cette abomination ? Rien de tout ça, Amalia ne voulait rien laisser au hasard. °°Quant à la fillette… retrouvez là, morte ou vive. °°
L’ordre avait claqué. Avant de quitter son bureau, j’observais l’échiquier sur lequel nous avions l’habitude de s'affronter avant que les tensions happent nos attentions.
°°Reine en D6.°°
J’inclinais la tête avant de partir, me focalisant sur cette sordide enquête. J'aimais à penser qu’Amalia ait sourit dans mon dos.
***
°°Lan-Lan, je ne pourrais pas être présente au repas de famille ce soir.°°
J'avais retrouvé ma sœur à la guilde des Monétaristes avec la chance de l'y trouver. En tant qu’Ambassadrice il n'était pas rare que ses pas la menaient en dehors de la ville.
Nous avions pour habitude de nous retrouver au moins une fois par lune pour échanger autour d'un repas familial, père, mère à l'esprit plus ou moins présent, parfois tante Hui lors de ses passages et quelques autres parentés. C'était le moment pour le chef de famille de récolter les informations pour mieux distribuer les pions. Rôle que Lan-Lan anticipait avec brio.
°°Oh, qu'est-ce qui te retient ma pervenche ?°°
Je ne cachais pas grand-chose à ma sœur, je reste une Fà, fervente adoratrice de la droiture, mais une Fà tout de même, ne l'oublions pas. Je ne m'attendais pas à tant d'engouement de sa part ! Un potentiel double meurtre et la douce Glycine se transforme en véritable Ginseng. La voilà faisant des pieds et des mains pour m'accompagner.
°°Me protéger de quoi ? C'est mon devoir de Fà de te protéger, et mon devoir de Commandante.°°
Vous connaissez la Belladone, elle a une force de persuasion plus que convaincante, surtout quand elle ne vous laisse pas le choix.
C'est ainsi que nous nous retrouvions en voiture sur le sinistre chemin de Mesnon. Mes doigts jouaient avec le médaillon de Bahlam lorsque la Glycine me tendit son holographe. Toujours le juste présent. Le chat se trouva une occupation devant mon silence et commença à taquiner la souris. Je n’y prêtais qu'une vague attention, perdue dans le massacre que nous allions trouver. Huang-Long s'éveilla, glissant du cou de ma sœur sur mon avant-bras. Les tensions émanant de la Lieutenant Kalah électrisaient l'habitacle pour le plaisir de ma fraternelle.
°°Ne vous fiez pas à son allure de poupée de porcelaine°° dis-je à l'attention de la femme de l'ordre, °°Lan-Lan a une véritable épreuve de l'horreur, malheureusement.°° Les souvenirs de notre passé ne cesseraient jamais de me ronger. °°Croyez en son expérience. Son art nous sera plus utile que vous ne le pensez.°°
La gravité de mon expression confirma à Lan-Lan qu'autre chose se cachait derrière cette attaque sauvage. Quant au Lieutenant, elle se résigna. Le silence emplit la cabine laissant aux songes l'espace de se déployer. Peu de temps avant notre arrivée, j’attrapais la main de ma Glycine.
°°Lan,°° dis-je avec tendresse. °°Dehors il y a le corps d'une mère et de son nourrisson,°° ça allait être choquant oui, mais ma sœur saura s'en remettre. °°Une enfant a disparu, il faut la retrouver. Mais pour ça, nous devons savoir exactement ce qu'il s'est passé.°°
Dehors, l'humidité collait à la peau. Des agents avaient établi un campement, ils nous accueillirent avec déférence avant de nous faire le rapport. La Lieutenant Kalah nous présenta les corps en nous montrant les signes infirmant l'attaque d'une bête sauvage … pourtant de sauvage l'attaque en avait toute la propension. Du sang avait giclé de la plaie où la peau avait été arrachée avec une avidité évidente. Les tissus étaient imbibés, déchirés. Je m’accroupis, l'odeur assaillait les narines. Je raclais la gorge, gênée par les effluves. Une émanation florale lutta contre la décomposition, la Belladone venait de me rejoindre. J’examinais avec attention tous les membres de cette femme qui devait à peine être plus âgée que l'aînée de la fratrie. Son corps était presque intact, presque … Je montrais aux deux femmes le dos de la pauvrette après l'avoir poussé sur le côté.
°°Là, regardez ces contusions.°° De petites marques arrondies témoignaient de la manière dont elle avait été agrippée. °°La morsure est au niveau de la clavicule, des marques de “griffes” arrondies dans le dos. Soit elle a été prise par surprise, poussée dans le dos soit …°°
°°Elle a été enveloppée d'une étreinte mortelle.°° souffla mon précieux saphir. Lan-Lan comprenait où je voulais en venir.
Mar 4 Juin - 13:32
Poupée gigogne
Montre moi ton ventre, je lirais dans tes entrailles
Son sourire un rien moqueur était adressé à Kalah, soigneusement emballé dans une moue amusée. C’était petit, c’était bas, c’était enfantin. Mais était-ce si mal de vouloir apporter un peu de légèreté à cette sordide aventure?
Bientôt elles seraient dehors. Bientôt, elles marcheraient dans la boue, dans le sang. L’air grave de Shizo, ses mots doucement choisis, enveloppant une vérité crue et sordide, tout lui indiquait qu’une fois dehors, il n’y aurait plus beaucoup de raisons de sourire. Tout comme sa sœur, Lan-Lan retrouva son sérieux. Elles allaient arriver. Sa main délicat enserrait son poigné - Shizo, fleur délicate, peut-être qu’il existait un monde où ces horreurs n’étaient pas ton quotidien. L’aînée déglutit douloureusement - quel dommage que leur père soit si cruel. Elle aurait aimé lui épargner toutes ces peines et tout ce sang.
Bientôt, la voiture s’arrêta, les libérant toutes les trois pour rejoindre le reste du corps policier qui avait monté un camp. Kalah sortie derrière Shizo - la force de l’habitude, et certainement l’usure du métier. Lan-Lan ne pouvait lui retirer cela, son sérieux tout martial supputait par tous les pores de sa peau. La jeune Fà, elle, était déjà filante, étoile s’en allant droit vers son objectif. Quant à la Belladone, elle observait doucement , un peu en retrait, se repassant les mots qu’elle venait d’entendre comme un vieux disque. Il faut chercher l’enfant. Leur bête avait mauvais goût. Quelle bête sauvage cible et tue l’adulte en premier? Ses lèvres se pinçaient subtilement. Cette attaque de bête sauvage n’avait rien de sauvage, et n’avait rien d’une bête.
Mais il ne servait à rien de réfléchir sans preuve, doucement, elle suivit sa soeur, restant dans un silence religieux en passant devant l’enquêtrice du Guet qui la foudroyait une nouvelle fois du regard. Tout comme les quelques agents sur place, se demandant bien ce qu’une petite noble venait faire par là. Qu’à cela ne tienne - leur avis ne lui importait pas beaucoup. Le plus important était…
La pervenche avait l’air sérieuse, penchée sur les dépouilles. Lan-Lan s’approcha doucement, découvrant le carnage d’abord à l’odeur, puis par les yeux. Cette vue était abominable, elle aurait fait tourner de l’oeil les plus faibles de coeur. La carcasse avait fusionné avec le sol humide, colorant le tapis de feuilles mortes d’une boue rougeâtre et odorante, charriant avec elle une vapeur ferrugineuse qui surplombait tout. L’air empestait la pourriture, les fragrances de décompositions viscérales qui montent tout de suite à la tête. Là où elle apercevait de la peau, celle-ci était tranchée, lacérée comme si de larges griffes avaient fissuré le derme, tranchantes comme des rasoirs. C’est trop propre… se dit-elle.
Shizo la ramena un instant vers la réalité, en pointant du doigt un détail révélateur… En quelques mots, elle avait mis le doigt sur la nature même de ce meurtre atroce. Elle a été enveloppée d'une étreinte mortelle.
Oui. Vue la position des blessures, ces marques trop profondes, trop discrètes, au niveau de ses clavicules, les griffures dans son dos, la carnation grisâtre de la défunte - pauvre enfant, elles devaient bien avoir le même âge, la jeune mère arrachée à sa jeunesse, quel gâchis. Et l’absence de sang… Oui, le corps était rabougris, un pruneau momifié.
A-t-on déjà vu pareille dépouille après une attaque d’ours, de loup? Lan-Lan se retourna vers sa sœur, puis vers Kalah. Un animal ne réfléchit pas. Il fonce, d’instinct, vers l’élément le plus faible. Il ne s’attaque pas ainsi à la région du corps la plus veineuse… Il tranche là où est la chair.
Elle indiqua la nuque de la victime d’une main.
Au-dessus d’elles, Huang-Long volait frénétiquement, agité par l’odeur du sang et l’idée qu’un repas était proche. Elle ne pouvait lui en vouloir. Ce cadre était loin de ressembler aux salons auxquels il était habitué. Autant de chair… Quelque part, elle comprenait que cela devait lui ouvrir l’appétit.
Votre tueur n’a rien d’un animal.
murmura-t-elle, admirant les coupures nets. Les blessures sont trop propres, l’objectif bien défini. Et son comportement ne colle pas non plus. Quel animal ciblerait la mère avant de cibler l’enfant? Si il y avait une victime de choix, alors ça aurait dû être l’enfant. Elle le dit avec un certain détachement, mais l’idée même lui retournait l’estomac. Sauf si on parle de volume de sang…
Vous semblez oublier qu’on n’a pas trouvé l’enfant. Sans lui, impossible de savoir l’ordre des morts. L’interrompit Kalah, sèche, mais intriguée.
C’est vrai. Mais dans ce cas, la logique aurait voulu que l’animal emporte le corps avec le plus de viande… Ou au moins, un de ces morceaux
Ses neurones s’agitaient vite, commençant à dessiner les contours de ce crime atroce. Mais elle ne pouvait que supposer, là où sa sœur, elle, avait de quoi découvrir. Doucement, elle découvrit de nouveau son holographe, le tendant à Shizo.
Quelque chose me dit qu’on en aura bientôt besoin…
Quelque part, elle caressait l’idée que l’enfant était encore en vie, même si plus les secondes passaient, plus cela semblait peu probable… La légèreté de jadis semblait si loin, maintenant. Si loin…
Bientôt elles seraient dehors. Bientôt, elles marcheraient dans la boue, dans le sang. L’air grave de Shizo, ses mots doucement choisis, enveloppant une vérité crue et sordide, tout lui indiquait qu’une fois dehors, il n’y aurait plus beaucoup de raisons de sourire. Tout comme sa sœur, Lan-Lan retrouva son sérieux. Elles allaient arriver. Sa main délicat enserrait son poigné - Shizo, fleur délicate, peut-être qu’il existait un monde où ces horreurs n’étaient pas ton quotidien. L’aînée déglutit douloureusement - quel dommage que leur père soit si cruel. Elle aurait aimé lui épargner toutes ces peines et tout ce sang.
Bientôt, la voiture s’arrêta, les libérant toutes les trois pour rejoindre le reste du corps policier qui avait monté un camp. Kalah sortie derrière Shizo - la force de l’habitude, et certainement l’usure du métier. Lan-Lan ne pouvait lui retirer cela, son sérieux tout martial supputait par tous les pores de sa peau. La jeune Fà, elle, était déjà filante, étoile s’en allant droit vers son objectif. Quant à la Belladone, elle observait doucement , un peu en retrait, se repassant les mots qu’elle venait d’entendre comme un vieux disque. Il faut chercher l’enfant. Leur bête avait mauvais goût. Quelle bête sauvage cible et tue l’adulte en premier? Ses lèvres se pinçaient subtilement. Cette attaque de bête sauvage n’avait rien de sauvage, et n’avait rien d’une bête.
Mais il ne servait à rien de réfléchir sans preuve, doucement, elle suivit sa soeur, restant dans un silence religieux en passant devant l’enquêtrice du Guet qui la foudroyait une nouvelle fois du regard. Tout comme les quelques agents sur place, se demandant bien ce qu’une petite noble venait faire par là. Qu’à cela ne tienne - leur avis ne lui importait pas beaucoup. Le plus important était…
La pervenche avait l’air sérieuse, penchée sur les dépouilles. Lan-Lan s’approcha doucement, découvrant le carnage d’abord à l’odeur, puis par les yeux. Cette vue était abominable, elle aurait fait tourner de l’oeil les plus faibles de coeur. La carcasse avait fusionné avec le sol humide, colorant le tapis de feuilles mortes d’une boue rougeâtre et odorante, charriant avec elle une vapeur ferrugineuse qui surplombait tout. L’air empestait la pourriture, les fragrances de décompositions viscérales qui montent tout de suite à la tête. Là où elle apercevait de la peau, celle-ci était tranchée, lacérée comme si de larges griffes avaient fissuré le derme, tranchantes comme des rasoirs. C’est trop propre… se dit-elle.
Shizo la ramena un instant vers la réalité, en pointant du doigt un détail révélateur… En quelques mots, elle avait mis le doigt sur la nature même de ce meurtre atroce. Elle a été enveloppée d'une étreinte mortelle.
Oui. Vue la position des blessures, ces marques trop profondes, trop discrètes, au niveau de ses clavicules, les griffures dans son dos, la carnation grisâtre de la défunte - pauvre enfant, elles devaient bien avoir le même âge, la jeune mère arrachée à sa jeunesse, quel gâchis. Et l’absence de sang… Oui, le corps était rabougris, un pruneau momifié.
A-t-on déjà vu pareille dépouille après une attaque d’ours, de loup? Lan-Lan se retourna vers sa sœur, puis vers Kalah. Un animal ne réfléchit pas. Il fonce, d’instinct, vers l’élément le plus faible. Il ne s’attaque pas ainsi à la région du corps la plus veineuse… Il tranche là où est la chair.
Elle indiqua la nuque de la victime d’une main.
Au-dessus d’elles, Huang-Long volait frénétiquement, agité par l’odeur du sang et l’idée qu’un repas était proche. Elle ne pouvait lui en vouloir. Ce cadre était loin de ressembler aux salons auxquels il était habitué. Autant de chair… Quelque part, elle comprenait que cela devait lui ouvrir l’appétit.
Votre tueur n’a rien d’un animal.
murmura-t-elle, admirant les coupures nets. Les blessures sont trop propres, l’objectif bien défini. Et son comportement ne colle pas non plus. Quel animal ciblerait la mère avant de cibler l’enfant? Si il y avait une victime de choix, alors ça aurait dû être l’enfant. Elle le dit avec un certain détachement, mais l’idée même lui retournait l’estomac. Sauf si on parle de volume de sang…
Vous semblez oublier qu’on n’a pas trouvé l’enfant. Sans lui, impossible de savoir l’ordre des morts. L’interrompit Kalah, sèche, mais intriguée.
C’est vrai. Mais dans ce cas, la logique aurait voulu que l’animal emporte le corps avec le plus de viande… Ou au moins, un de ces morceaux
Ses neurones s’agitaient vite, commençant à dessiner les contours de ce crime atroce. Mais elle ne pouvait que supposer, là où sa sœur, elle, avait de quoi découvrir. Doucement, elle découvrit de nouveau son holographe, le tendant à Shizo.
Quelque chose me dit qu’on en aura bientôt besoin…
Quelque part, elle caressait l’idée que l’enfant était encore en vie, même si plus les secondes passaient, plus cela semblait peu probable… La légèreté de jadis semblait si loin, maintenant. Si loin…
Dim 27 Oct - 15:14
Macabre découverte
Petit corps, tout petit corps.
Allons par là ! La voix de Kalah était tonitruante dominant sans grands efforts la foule entière. Elle avait un certain coffre - elle ignorait encore si c’était une conséquence ou la cause de sa fonction. Ou bien un symptôme de plusieurs années à enquêter sur les atrocités commises en Xandrie.
Un drap fut jeté sur la malheureuse, à jamais unie au Mesnon. Cruel destin pour cette inconnue, mauvais endroit, mauvais moment. Sa peau diaphane et grise, si pâle, à jamais embrassée par la mort. Elle vivrait ainsi dans leurs esprits. Sans le vouloir, elle était devenue Fà, une sœur par son destin, une sœur à venger. Lan-Lan glissa une oeillade discrète à la capitaine - droite, elle restait si brave. Ensemble, elles la vengeraient.
Avez-vous déjà fouillé les alentours ? Innocemment, elle osa briser le silence quelques minutes plus tard, alors que leur groupe et les quelques enquêteurs commençaient à se morceler pour couvrir plus de terrain.
La clairière ne payait pas grande mine. Plutôt clairsemée, on ne distinguait pas les touffes d’herbes brunes de la boue pâteuse, des caillasses humides. Les branches nues retombaient sinistrement au-dessus de sa limite, tentant vainement de dissuader quiconque de les traverser.
À en croire un tronc fendu, quelqu'un n’avait pas bien compris leur message.
Une suggestion Madame Fà? Kalah était glaçante, à raison. L’enquêtrice de salon s’avançait dangereusement sur son terrain d’expertise et sans plus de justification que la présence de sa sœur. Shizo restait droite, concentrée, sérieuse et Lan-Lan se satisfaisait bien de cela. Les rivalités n’avaient pas leur place sur une scène de crime, et la jeune capitaine l’avait bien compris.
Néanmoins, par prudence ou par souci de ne pas trop s'imposer et embarrasser sa cadette, Lan-Lan adoptait une rare humilité.
Le nourrisson n’a pas dû aller bien loin. Peut-être devrions nous nous séparer ?
Kalah et Shizo échangèrent un regard, avant que l’enquêtrice ne se retourne de nouveau vers elle, l’air un peu moins sévère.
Une équipe fait le chemin jusqu'à la route principale. Mais nous n’avons pas encore vérifié tout le bois. Vous pouvez y aller ensemble, le capitaine Fà vous gardera à l'œil.
Et il ne lui en faudrait pas plus.
Au-delà du tronc. Par la branche coupée. Petites traces de lutte, mais rien de concret. Absolument rien. Terriblement, obstinément… rien.
C'était anormal. Quelle bête peut défaire une femme, emporter un nourrisson sans même laisser un chemin derrière lui?
Tu l’as remarqué aussi? Ma pervenche, il n’a laissé aucun indice. Il s’est… volatilisé.
On ne disparaît pas en Uhr… Mais on peut être plus ou moins discret. Une discrétion fatale. Une discrétion de tueur. Cric… Ses souliers délicats n’avaient jamais foulé le sol si écoeurant. Crac… où qu’elle posait le pied, des bâtons craquant s'écrasaient avec fatalité, rendant leur dernier souffle dans un râle croustillant. Il était impossible de ne pas faire de bruit. Cela tenait du miracle… Du miracle ou…
Lan-Lan releva les yeux - Shizo avait les siens plantés sur elle. Elle aussi avait compris. Ce n’était l’œuvre d’une bête, ni celle d’un homme.ils chassaient bien un monstre, un monstre si léger et discret que même le Mesnon ne pouvait lui arracher de cris.
La pression autour de sa gorge avait disparu - sans s’en rendre compte, le dragon d’or autour de son cou s'était envolé. La disparition soudaine de Huang Long lui infligea une soudaine crise d’adrénaline. Impossible… impossible, le monstre était parti, non? Son dragon était imprenable, simplement intouchable… non? La Capitaine sembla percevoir son trouble et à son tour remarquer la disparition soudaine de Huang. Aucune n’osa cependant appeler son nom, à la place, aux aguets, tendues, elles avancèrent prudemment dans les bois. Sans se parler, elles cherchaient, la main de Lan-Lan doucement protégée par celle de sa sœur.
Il ne pouvait pas… Mais les meurtriers ne reviennent-ils pas fréquemment sur le lieu du crime ?
Un éclat doré - flottant, chatoyant au-dessus d’un petit buisson, un squelette de buis aux branchettes acérées. Capturé, Lan-Lan rend son souffle, rassurée que son dragon ne soit pas mort.
Maudit Reptile! Que me fais-tu, tu as une idée de la peur que tu m’as faite? Elle laissa éclater un rien de colère maternelle mais la ravala presque immédiatement.
Maudit Mesnon. Maudit Monstre.
Pas après pas se dessinait la forme pâle du petit corps. Petite créature exsangue, boule grise. On aurait dit une statue de pierre, sans doute l’auraient elles préféré. La peau bleue de verre laissait voir par transparence des veines verdâtres, une pelote vidée de sa substance, un tas de nœuds qui ne servait plus rien. Petit corps. Lan-Lan cilla, tombant sur les genoux sous l’effet d’un vertige alors que naissait dans ses entrailles un gouffre, supplantant la nausée qui tiraillait déjà son estomac. Petit corps. Enfant sans vie. Elle même était un ventre. Elle même devrait tôt ou tard enfanter. Enfanter un petit corps, elle aussi. Maudit Monstre.
Une main se posa avec douceur sur son épaule. Shizo avait davantage de contenance. Ses yeux passaient sur le corps avec une concentration toute militaire. Elle calculait.
Il n’y a pas de sang…
Un drap fut jeté sur la malheureuse, à jamais unie au Mesnon. Cruel destin pour cette inconnue, mauvais endroit, mauvais moment. Sa peau diaphane et grise, si pâle, à jamais embrassée par la mort. Elle vivrait ainsi dans leurs esprits. Sans le vouloir, elle était devenue Fà, une sœur par son destin, une sœur à venger. Lan-Lan glissa une oeillade discrète à la capitaine - droite, elle restait si brave. Ensemble, elles la vengeraient.
Avez-vous déjà fouillé les alentours ? Innocemment, elle osa briser le silence quelques minutes plus tard, alors que leur groupe et les quelques enquêteurs commençaient à se morceler pour couvrir plus de terrain.
La clairière ne payait pas grande mine. Plutôt clairsemée, on ne distinguait pas les touffes d’herbes brunes de la boue pâteuse, des caillasses humides. Les branches nues retombaient sinistrement au-dessus de sa limite, tentant vainement de dissuader quiconque de les traverser.
À en croire un tronc fendu, quelqu'un n’avait pas bien compris leur message.
Une suggestion Madame Fà? Kalah était glaçante, à raison. L’enquêtrice de salon s’avançait dangereusement sur son terrain d’expertise et sans plus de justification que la présence de sa sœur. Shizo restait droite, concentrée, sérieuse et Lan-Lan se satisfaisait bien de cela. Les rivalités n’avaient pas leur place sur une scène de crime, et la jeune capitaine l’avait bien compris.
Néanmoins, par prudence ou par souci de ne pas trop s'imposer et embarrasser sa cadette, Lan-Lan adoptait une rare humilité.
Le nourrisson n’a pas dû aller bien loin. Peut-être devrions nous nous séparer ?
Kalah et Shizo échangèrent un regard, avant que l’enquêtrice ne se retourne de nouveau vers elle, l’air un peu moins sévère.
Une équipe fait le chemin jusqu'à la route principale. Mais nous n’avons pas encore vérifié tout le bois. Vous pouvez y aller ensemble, le capitaine Fà vous gardera à l'œil.
Et il ne lui en faudrait pas plus.
Au-delà du tronc. Par la branche coupée. Petites traces de lutte, mais rien de concret. Absolument rien. Terriblement, obstinément… rien.
C'était anormal. Quelle bête peut défaire une femme, emporter un nourrisson sans même laisser un chemin derrière lui?
Tu l’as remarqué aussi? Ma pervenche, il n’a laissé aucun indice. Il s’est… volatilisé.
On ne disparaît pas en Uhr… Mais on peut être plus ou moins discret. Une discrétion fatale. Une discrétion de tueur. Cric… Ses souliers délicats n’avaient jamais foulé le sol si écoeurant. Crac… où qu’elle posait le pied, des bâtons craquant s'écrasaient avec fatalité, rendant leur dernier souffle dans un râle croustillant. Il était impossible de ne pas faire de bruit. Cela tenait du miracle… Du miracle ou…
Lan-Lan releva les yeux - Shizo avait les siens plantés sur elle. Elle aussi avait compris. Ce n’était l’œuvre d’une bête, ni celle d’un homme.ils chassaient bien un monstre, un monstre si léger et discret que même le Mesnon ne pouvait lui arracher de cris.
La pression autour de sa gorge avait disparu - sans s’en rendre compte, le dragon d’or autour de son cou s'était envolé. La disparition soudaine de Huang Long lui infligea une soudaine crise d’adrénaline. Impossible… impossible, le monstre était parti, non? Son dragon était imprenable, simplement intouchable… non? La Capitaine sembla percevoir son trouble et à son tour remarquer la disparition soudaine de Huang. Aucune n’osa cependant appeler son nom, à la place, aux aguets, tendues, elles avancèrent prudemment dans les bois. Sans se parler, elles cherchaient, la main de Lan-Lan doucement protégée par celle de sa sœur.
Il ne pouvait pas… Mais les meurtriers ne reviennent-ils pas fréquemment sur le lieu du crime ?
Un éclat doré - flottant, chatoyant au-dessus d’un petit buisson, un squelette de buis aux branchettes acérées. Capturé, Lan-Lan rend son souffle, rassurée que son dragon ne soit pas mort.
Maudit Reptile! Que me fais-tu, tu as une idée de la peur que tu m’as faite? Elle laissa éclater un rien de colère maternelle mais la ravala presque immédiatement.
Maudit Mesnon. Maudit Monstre.
Pas après pas se dessinait la forme pâle du petit corps. Petite créature exsangue, boule grise. On aurait dit une statue de pierre, sans doute l’auraient elles préféré. La peau bleue de verre laissait voir par transparence des veines verdâtres, une pelote vidée de sa substance, un tas de nœuds qui ne servait plus rien. Petit corps. Lan-Lan cilla, tombant sur les genoux sous l’effet d’un vertige alors que naissait dans ses entrailles un gouffre, supplantant la nausée qui tiraillait déjà son estomac. Petit corps. Enfant sans vie. Elle même était un ventre. Elle même devrait tôt ou tard enfanter. Enfanter un petit corps, elle aussi. Maudit Monstre.
Une main se posa avec douceur sur son épaule. Shizo avait davantage de contenance. Ses yeux passaient sur le corps avec une concentration toute militaire. Elle calculait.
Il n’y a pas de sang…
Dim 27 Oct - 15:18
Faire la lumière
La naissance de la chasse.
Une tente sommaire avait été installée là, dans le petit bourg sur le chemin du Mesnon, prenant de court ses habitants qui n’avaient pas franchement l’habitude de la force martiale du Guet. Oh, les bois n'étaient pas des plus charmants, et avaient l'air par endroit à de vraies coupes-gorges. Mais si les accidents étaient fréquents, de tels crimes, eux, n’étaient pas monnaie courante et mobilisaient une force de frappe rarement invoquée dans ces sous-bois sinistres.
Même si le village n’était pas très grand, une petite foule s’était agglutiné contre les toiles blanches et usées, un vrai essaim de mouches attirées par la promesse de chair fraîche. Rarement avait-elle était aussi mal à l’aise par la curiosité d’autrui, si mal placée pour de si jeunes corps, elle qui pourtant se trouvait là par biais d’opportunité et avait joui de la même avidité morbide. Pourtant, à chaque battement de paupières, elle voyait inlassablement le petit être, visage contre terre, et ne cessait de ravaler sa fierté depuis.
Immonde créature, tuer un enfant est blasphème, même pour celle qui redoute l’enfantement comme la peste. Mutique, elle suivait depuis sa sœur, docile fleur froissée derrière une montagne immuable, abîmée par la brise mais aussitôt abritée par le flanc protecteur. Difficile de distinguer la grande de la petite - mais c’était peut-être dans cet équilibre en perpétuelle inversion que rayonnait le plus l’amour qui les unissait. Yin et Yang, à jamais fortes et à jamais vulnérables.
On poussa la porte de la tente - laissez-les passer, elles sont avec nous - elles fendent un air épais comme la mort, dégoulinant d’un parfum de peau pourrissante et de charogne boueuse qui même les fàscinantes fragrances ne peuvent abolir. Les yeux se tournèrent vers les nouvelles venues dans cette morgue de fortune. Deux tables avaient été disposées, sur chacune d’entre elles un corps, une table plus occupée que la deuxième. Si on ne questionna pas Shizo, la présence de sa sœur avait de quoi soulever des sourcils, d’avantage pour le médecin légiste qui la fusillait du regard. Mais son air lamentable et éteint eut rapidement fait de lui faire comprendre qu’elle n’était pas là par curiosité malsaine, mais par soutien, et maintenant, par esprit de vengeance. Tous les visages étaient résignés. Tout le monde était éteint.
Capitaine. Ma… Dame. Dit-il simplement à l’attention des Fà. Rapide échange de politesse, le cinquantenaire, moustache grisonnante et yeux de renard a tôt fait d’attirer l’attention du petit groupe du guet vers les deux victimes tombées. Les deux morts sont séparées par quelques minutes d’interval tout au plus, sinon simultanées. Notre homme savait très bien ce qu’il faisait - peu de traces de lutte, elle n’a pas eu à se défendre longtemps, c’était joué d’avance. Un rapport de force inégal, sans doute. Mais elle n’avait aucune chance. Quant à…Hmm.
La gêne se lisait sur tous les regards quand il pointa du doigt le nourrisson décharné.
Le procédé est tout à fait similaire. Conclut-il pour ne pas faire durer la torture. Il est clair que ce n’est pas l'œuvre d’une bête sauvage - même si on a voulu y faire croire. Mais il a été trop impulsif, trop…
Affamé. Lan-Lan l’interrompit brusquement, provoquant une armée d’attention dont elle n’avait pas grand-chose à faire. Son attention était ailleurs, son ventre creusé de haine. Il n’a pas pris le temps de parfaire sa scène de crime, il avait trop soif - soif de sang.
Le médecin légiste, d’abord décontenancé, finit par laisser échapper un rictus satisfait.
Précisément. Avec délicatesse, il exposa la blessure de la mère, si net et précise, si propre. Une lacération sur l’artère, les deux corps sont exsangues. Il les a consommés jusqu’à la moelle et savait très bien où couper.
L’information coula comme une roche épaisse et lourde. Un strigoï ou un illuminé. Mais probablement davantage le premier que le second - comme autant de fourmis, les inspectrices du Guet échangeaient des murmures, on écrivait les conclusions sur des parchemins à mesure que les discussions reprennent. Lan-Lan écoutait silencieusement, son intervention avait suffit à contenter tout le monde, elle était désormais bienvenue.
Après plusieurs minutes, la tente s’ouvrit en trombe: un jeune homme maigre et jeune poussait péniblement un large moniteur surmonté d’un écran immense, éteint. Assez pour tirer Lan-Lan de sa torpeur, elle chercha des réponses chez sa sœur mais Kalah fut la première à lui répondre, cette fois-ci avec une certaine bienveillance.
Pour les affaires comme celles-ci, on fait venir la cavalerie. D’une main, elle attrapa un long câble terminé par un capteur qu’elle déposa à même la blessure, dans un silence religieux. La pile de myste, elle est branchée?
Pile de myste? Curieuse, la Fà observa le processus avec une grande curiosité - on apporta un petit cylindre doré dans lequel tournait une fumée bleutée, visible sous un petit tube de verre. Il fut brancher à l’appareil et brusquement, l’écran s’alluma - noir et blanc, film Noir, pixel gros comme des gomettes mais l’image devenait de plus en plus net. Serait-ce un…
Nascent de cognition. Confirma Kalah. On ne s’en sert que pour des cas comme celui-ci. Avec un peu de chance, on verra notre homme à l'œuvre.
Comme devant un mauvais film, mais sans autre option, la foule fut captivée. La mère tenait son enfant, la scène se jouant de son point de vue. Elle marche seule, dans cette clairière sombre, humide - pourquoi est-elle esseulée? Qui a conduit la brebis loin de son troupeau?
L’agneau s’arrête - le poupon laisse échapper un grand cri. Face à elle, entre deux troncs, se découpe une silhouette immobile. L’enfant pleure, seul hurlement audible.
Comme un éclaire, il fend, il attaque. Il tue.
Peau de bronze. Regard tueur, assassin - elle n’a pas le temps de le voir à l'œuvre très longtemps, un éclat métallique attire son attention, une prothèse? Ses sourcils se froncent, son souffle se coupe. Elle a chaud. La colère monte dans ses veines comme un magma épais et brûlant. Le sang appelle le sang: cette pauvre inconnue est devenue martyr, une icône à venger. Une soeur pour elles qui ne vivent, ne souffrent que pour se préserver et se protéger.
Impossible… Le murmure était saccadé. Fiévreux. Elle reconnaissait ces yeux, elle reconnaissait ce bras. Un dandy n’échappe pas aux regards de la cour, et elle était une de ses plus ferventes arpenteuses, toujours à participer à ces soirées mondaines, toujours à lier des contrats, toujours à observer en coin le gouvernement véreux. Ekiel Zadicus.
Murmure inaudible, sauf par elle. Shizo se retourna immédiatement - impossible. N’est-ce pas? Et pourtant, elle n’avait aucun doute. Absolument aucun. Discrètement, elle attrapa sa main, enroulant ses doigts comme autant de serpents sur le poignet armé, entre ses doigts froids. Je dois retourner à Xandrie - j’ai… Quelqu’un à informer. Son esprit ne fit qu’un tour, il était des panthères qui sauraient quoi faire d’une telle information. Elles détenaient ensemble un secret, un secret qui serait sans doute l’un des plus juteux de toute la Nation. Le fugitif en fuite, grand héros en désuétude, traître, était maintenant un tueur sauvage. Tu vas devoir tirer cette affaire au clair, mais nous nous reverrons dès ton retour. Je suis avec toi pour toujours, petite soeur. Tu as fait un travail incroyable.
Déposant ses lèvres sur son front, elle prend discrètement congés de cette assemblée - Shizo est un mur, un rempart, mais également une assurance : elle saura répondre de son départ aux autres membres du Guet.
Flamme dans les yeux, spinelles meurtrières: la dragonne fend la foule, tas de mouches sinistres. Vous m’écoeurez. L'exilé a choisi son chemin. Et elle, maintenant, tirerait sa croix jusqu’au bout du monde si elle le devait. Elle serait leur vengeance. Petit être innocent, mère sacrifiée: je serai la main qui vous rendra vos lauriers, même si je déposerai cette couronne sur vos crânes dans la mort.
Ainsi naît la chasse.
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum