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Mensonges de soie (Asha]

Mensonges de soie (Asha] Brandw10
Lun 29 Avr - 5:04



Mensonges de soie

Asha Pryce



Xandrie, c’est tout un poème.
Les gens y sont âpres comme le climat qui les scie de froid. Acide comme les eaux de leur mer. On y meurt à la pelle. On y naît à l’envi. Curiosités fanées, les édifices ploient sous les poids des gloires ancestrales. Ellendrine s’y attarde. Un jour, peut-être deux. En revenant des montagnes. Le train d’Opale pourra attendre, finalement.

A la place, elle s’imprègne des ruelles infinies faites de caisses empilées, de bric et de broc. A deux pas, un théâtre miteux, autrefois grandiose, où l’on danse où l’on chante, où les soieries se froissent. Le mur attenant jouxte une maison de plaisir où les soupirs s’égarent. Leur mélodie lancinante sert de toile de fond aux effeuilleuses orfèvres.

-« Mon bon Sadik* (ami) Te voilà déjà de retour. » glisse-t-elle dans un murmure en soufflant un rond de fumée à la pipe. Ce qu’elle fume n’est pas très panthéiste mais pas très Mandebrume non plus.

Elle porte un hanfu de couleur vert amande au liseré émeraude parsemé de fleurs de pivoines à peine écloses. Dans cet apparat, elle aussi ressemble à une poupée Xandrienne. Sa coiffe est rehaussée d’un plateau d’où s’échappe un rideau de perles grises, qui lui voilent le visage et dodelinent à chacun de ses mouvements. C’est pourquoi, il est d’usage pour les discrètes donzelles issues de la noblesse de parfaire leur immobilité.

Seul réchappe de ce masque perlé les angles de sa mâchoire et une bouche peinte d’un rouge volupté.

-« Des nouvelles de mon bon ami, Gerald d’Omanie ? »
Un mince sourire. La lumière brille dans l’éclat des perles facettées.
-« Aucune. »
-« Leur as-tu montré le portrait que j’ai dessiné. »
-« Oui. »
-« Et ? »
-« Il va falloir différer la cousinade des Omanides. »
-« Moi qui me faisait une joie de répondre à cette invitation de palais. Peut-être que j’ai raté le contour de son arcade sourcilière. J’ai le trait toujours trop épais à cet endroit. »

Ce n’est pas comme si ce nom d’emprunt avait été une surprise.

Mais puisqu’elle était là, autant s’amuser de la situation. Le jeu du chat et de la souris pouvait s’avérer dangereux, si l’on déterrait les mauvaises personnes. C’est pourquoi, l’Aramilane se fondait dans les standards de beauté locaux.
La suite du plan était très simple. Contacter un membre de la Guilde des espions pour traquer notre furet albinos. S’il n’appartenait pas lui-même à la guilde des espions, elle le trouverait peut-être.

L’archéologue ne soupçonnait guère Gerald d’être membre du XIIIème cercle, compte tenu de son engouement à saboter leur sabotage de Zeppelin. Mais après avoir surmonté l’étrangeté de mettre les pieds au quartier général de la Guilde des Maraudeurs, elle n’avait plus peur d’envoyer Farouk à la Guilde des espions. Il s'agissait de mettre à l’épreuve leurs compétences.

Revêtu à la mode des soldats du nord, Farouk déposa ainsi un avis de mission avec l’aide du scribe de la guilde noire. On voulut connaître un moyen de le contacter. Mais il insista pour attendre en personne dans le couloir jusqu’à ce qu’on vienne le rencontrer. Il guiderait lui-même l’espion jusqu’à sa cliente. Dans une posture méditative, on aurait pu le croire endormi. Le calme absolu de son front et sa respiration imperceptible aurait pu laisser croire qu’il était endormi. Il était néanmoins ouvert à ses cinq sens et bien réveillé.

Lorsque l’agent arriva, il se leva sommairement. Toujours très droit. Sans émotion lisible. Et se mit simplement en marche dans la nuit xandrienne, sans se presser. Il arriva bientôt au bordel qui bordait la salle de spectacle et s’insinua dans les salles d’où s’échappaient les vapeurs d’Yhsem.

Après avoir frappé, il fit coulisser des panneaux de bois laqué et exposa la salle de futons où une courtisane servait du thé sur une table basse. La silhouette masquée de perles et parée de son hanfu vert invita l’espionne à s’agenouiller sur les coussins en face d’elle d’un geste de son éventail.


Dernière édition par Ellendrine Brightwidge le Mer 22 Mai - 19:13, édité 1 fois
Mar 7 Mai - 10:29




Ca fait maintenant quelques jours que je profite d’un calme relatif dans mes missions. Après mon entretien avec notre cheffe, appelée la Courtière, mes missions ont pris un nouveau tournant. Non sans me déplaire mais je préférais tout de même avant. Un léger rictus se pointe au coin de mon visage et je me surprends à me dire que je parle comme une vieille comme je pouvais l’entendre de la bouche de collègues beaucoup plus jeune. Ma nature de strigoi n’aidant pas, beaucoup pense que j’avais simplement une dizaine d’années de plus avec une plastique bien entretenue par ma nature de soldat qui maintient son corps tout le long de la journée. C’était malheureusement faux et je pouvais remercier mes gênes d’avoir cette apparence toute à fait délicieuse pour appâter mes proies. Ca aussi, c’était un sujet avec la Courtière, on ne touche pas à ses collègues et ni aux clients, en fait rien qui pourrait nuire aux affaires. Cela va de soit, c’était certain mais ce n’était pas ma façon de faire, mais ce n’est pas le moment de parler de ça.

Kouru, mon loutro et fidèle destrier, me rappelle à l’ordre dans le brossage de sa fourrure. Il y a quelques jours, nous avons dû traverser un marais et encore aujourd’hui, une odeur nauséabonde persiste et je dois trouver la source.
C’est alors que j’entends des pas au loin, je perçois enfin la silhouette d’une jeune femme qui rentre dans l’espace, on va dire ecuries de notre guilde alors qu’il y a rien de ressemblant. On pourrait dire entrepôt, ça serait même plus juste mais au moins j’avais plus d’espace que chez moi pour un nettoyage en règle de Kouru qui s’impatiente.


- Hey Jiya ! Une mission pour toi.

Je tourne instinctivement la tête. Ici, mon nom de code était Jiya, tout simplement. Seule la direction connaissait mon nom comme tout espion qui m’entourait. En vrai, nous vivons tous dans un mensonge permanent, ça montrait la confiance relative qu’on avait mais ça fait des dizaines d’années que c’était comme ça et il était ainsi plus facile de séparer ma vie professionnelle à ma vie personnelle, si on pouvait appeler ça comme ça. Ma vie en dehors de ces murs était insipide au possible.

-  Bonjour Luna, j’espère que tu ne m’envoie pas de nouveau dans un lieu où Kouru ressortira encore plus sale qu’il ne l’ait déjà !  

Kouru pointe le bout de son museau et me pousse pour montrer son désaccord.

- Mais non, ‘t’inquiète.

Mon loutro plissait tout de même les yeux à son affirmation.

- Une mission solo comme tu les aimes cette fois-ci. Recherche de personnes, rien de bien méchant.
- Tu avais dis presque pareil l’autre jour.  
-Mais non, tu verras. D’ailleurs, tu as un type qui t’attends, il ne bouge pas d’un poil, on pourrait presque l’entendre ronfler.
- Encore un riche qui m’envoie chercher des infos sur un bambin perdu…  
- “Crois pas mais je n’ai pas plus de détail. Magne tes fesses
- Oui, oui. Laisse moi ranger mes affaires, j’arrive.  

Luna, dans sa jeunesse vivifiante, retourne à son bureau. Comme précisé, je range le tout, quelques caresses à mon familier avec la promesse de revenir quand quelques heures. Soit le mettre dans une pension ou à la maison. Je ne savais pas grand-chose de cette mission donc autant se préparer à quelques éventualités.

Je pars en direction d’un autre coin de la pièce, récupère mon fouet et l’accroche à ma ceinture, vérifie si j’avais mes quelques poignards, les cachent à divers endroits. Ma tenue était simple et je ressemblais plus à une mercenaire qu’autre chose. C’était un bon point et on ne me cassait jamais les pieds dans la rue.
Un pantalon en toile proche du corps assez solide pour parer à toute escalade mais à la fois souple pour le combat. Idem pour le haut du corps et j’avais le plus souvent les bras nues pour exhiber mes heures d’entraînements et rendre jaloux des centaines d’hommes avec mes muscles apparents. C’était ma fierté et que ça en déplaise à certains. Une cape pour me balader et me tenir chaud dans les ruelles de Xandrie, me voilà parti vers le fameux client.

Je traverse le couloir et arrive au point de rendez-vous. L’homme semblait dormir mais un oeil aguerri pouvait deviner le passé ou présent militaire de cet homme. Ma furtivité de strigoi n’avait pas signalé ma présence mais enfin arrivé près de lui, l’homme se leva et me regarda d’un air impassible. Est-il muet ? Aucune idée mais son invitation silencieuse m’incite à le suivre.

Nous marchons ainsi quelque temps dans les ruelles sombres de la ville. La direction que nous prenons ne m’enchante guère. Le brouhaha et le fond sonore non plus. Le quartier de la dépravation était à portée de main et j’ai l’impression que notre rendez-vous va finir dans un bordel dans ma plus grande joie.
Certe ici, les oreilles baladeuses auront le loisir de ressentir le cri de joie d’un homme et le désespoir ou autres simulacres de femmes. Chacun gagne son gagne-pain comme il le souhaite et la misère n’aide jamais, ni même la faim pour prendre les bons choix…

On s’approche d’un vieux théâtre et malheureusement, on ne s’arrête toujours, c’était le bâtiment suivant que l’homme basané finit par ralentir. Un bordel… je pouvais entendre les prouesses d’un buffle à travers une fenêtre ouverte tout comme la comédie de la femme qui lui donnait la réplique. A en vomir mais je finis par suivre mon guide. Un couloir, puis un dernier panneau de bois coulissé et me voilà devant ma cliente.
Je supposais cliente avec sa tête malheureusement masquée mais la tenue qu’elle portait épousait les formes d’une femme mais moi maintenant, je ne préfère plus m’avancer et tout pouvait être transformé en costume, je préfèrais laisser parler et voilà tout.

Cette salle n’avait rien à voir avec le lieu où du moins, par rapport à l’extérieur. Ces coussins ne demandaient qu’à être empiété tout comme la servante prête à remplir n’importe quelle tasse de son liquide chaud et parfumé.

La femme m’invite à m’assoir avec grâce de son éventail. Il était de bonne manufacture et je pouvais presque deviner le prix en fixant les détails de celui-ci. Ma “ cliente “ avait de l’argent et elle avait un homme de main qui, en regardant de plus près, j’avais le droit à aucun mauvais geste si je ne voulais pas finir étrangler par ses mains robustes. Je pourrai avoir peur dans cette situation mais je ne montrerai aucune trace d’inquiétude, c’était mon quotidien, tout le monde devait prendre des précautions. Ca serait même irresponsable qu’elle me reçoive seule donc profitons de l’hospitalité de la dame masquée aux perles qui entamait une légère musique quand elle pouvait sa tête.

La servante me demande subtilement si je voulais boire quelque chose et je fis un léger signe de tête pour mon approbation. Je pouvais toujours sentir le breuvage, pas forcément le boire mais je ne pense pas que me tuer était au programme.

Je prends alors une position plus confortable sur les coussins, replie mieux les pans de ma cape sur mes épaules pour éviter qu’elle me gêne. L’homme de main pouvait voir que j’étais armée maintenant même si je doute qu’il ne le savait pas déjà.

Ne sachant que faire, je finis par prendre la parole.

- Jiya, pour vous sévir.    

Puis je m’arrêtais là. Je ne connais même pas l’ordre de mission…


Mer 5 Juin - 23:14



Mensonges de soie

Asha Pryce



L’espionne entra d’une démarche chaloupée sur les tatamis. D’aucuns l’auraient jugé masculine, avec son fouet à la taille et ses muscles saillants. Qu’est-ce qu’on avait là ? La mystérieuse effigie de théâtre retirée sous ses perles grises se le demandait. Farouk ne l’avait pas trop fait patienter. Le trajet avait du se dérouler sans heurts.

Jyia finit par prendre l’initiative de s’asseoir sur une palanquet de coussins brodés. Sous ses mains s’étendait le plateau lustré d’une immense table recouverte de laque et de dorures. En face d’elle, elle pouvait déceler le doux sourire de la femme aux perles, qui étirait ses lèvres peintes à la couleur des cerises. Derrière elle s’étendait une immense fresque peinte sur l’intégralité du mur. Un cerisier en fleurs occupait tout le premier plan, laissant deviner l’arrière-pays Xandrien de manière apaisante, avec au fond la silhouette des Aiguières.

Ellendrine se prenait au jeu. Elle prit le temps du silence. Puis, elle tira délicatement d’une main sur la manche de soie de sa robe pour exposer la peau blanche de son poignet. Ainsi dégagé, elle put saisir la hanse de la théière et faire couler le thé pour eux trois. De ses deux mains réunis en coupe, elle tendit avec solennité la tasse de thé à Jiya. C’eut pu être le poison le plus mortel. La scène avait tout de l’immuable piété filiale que se vouaient les dynasties de la noblesse.

Farouk eut le temps de contourner la table sans se presser et de s’agenouiller un peu en retrait à sa droite, avant qu’elle ne lui donne sa tasse selon le même cérémonial. On aurait pu croire qu’elle pratiquait la divination en mirant le fond de la sienne.

Quelques coups disgracieux frappés sur les murs venaient rompre la quiétude de l’instant. Peut-être les cris faisaient-ils partis de la poésie Xandrienne ?

Ses lèvres ourlées soufflèrent enfin sur la vapeur brûlante qui s’échappaient de sa tasse. Elle avait tout le temps du monde… Soudain, elle sembla se rappeler de l’existence de son invitée.

-« Enchantée, Jiya… vous pouvez m’appeler Dame Aconit… j’imagine que mon ami ici présent s’est montré peu loquace… c’est dans sa nature. » souffla-t-elle.

Chacune de ses phrases semblait comme suspendue dans le temps, pareille au murmure du vent dans les branchages au printemps.

-« Vous pouvez l’appeler Drolzin. »
Personne ne pensait qu’il s’agissait de vrais noms. Personne ne faisait mine de le prétendre non plus.
-« Vous devez vous demander la raison pour laquelle je vous ai fait mander… mais buvons d’abord notre thé, voulez-vous ? Il se déguste le mieux à une température particulière. »
Donnant l’exemple, elle sirota son thé blanc aux arômes délicieux. Avant de remplir à nouveau les tasses. Et de répéter le rituel. Méditer. Souffler. Boire.

Ainsi requinqués, ils étaient prêts à parler affaires.
-« Il y a ici un fantôme qui a su piquer ma curiosité. Je vous paye pour retrouver quelqu’un… ou plutôt, devrais-je dire, pour trouver sa véritable identité et me la rapporter. Le tout… sans vous faire démasquer… cela va sans dire. »
Un rire léger. Ses perles tintinnabulèrent comme une cascade cristalline. Elle en faisait trop ? Peut-être ? Personne au monde n’imaginerait l’opiniâtre lady Brighwidge au fin fond d’un bordel xandrien déguisée en courtisane exotique.

Elle s’ouvrit aux éventuelles oppositions ou questions de l’espionne. D’ailleurs c’était le moment de la dévisager. Ellendrine n’était pas sûre qu’elle ferait l’affaire. Son air buté la rendait redoutable. Au fond, elle était certaine que c’était une combattante hors-pair. Mais elle redoutait que celui qu’elle traquerait ne soit d’un tout autre niveau. Encore plus dangereux. Encore plus impitoyable.

-« Pour vous aider dans votre tâche… je puis décrire la personne en question. J’ai également apporté un dessin… mais, avant cela, je voudrais que vous me confirmiez que la déontologie de votre Guilde vous interdit de révéler quoi que ce soit au sujet de votre entretien à quiconque, même à vos supérieurs. »

Une certaine gravité s’empara de l’instant. La notable Aramilane est redoutable, mais le monde de l’ombre n’est pas son environnement. Il se peut qu’elle ait les yeux plus gros que le ventre en voulant s’y risquer. Les conséquences pourraient être incontrôlables si elle devait être exposée. Peut-être même que le chassé deviendrait le chasseur…
-« Bien. Je vais prendre vos garanties pour ce qu’elles sont. J’espère bien que vous êtes femme de parole. Ces choses là sont rares de nos jours… »

Pour mettre fin au suspense, elle attrapa un parchemin roulé qu’elle tenait à ses côtés. Elle le tendit à Asha, qui pu y discerner les traits charmants d’un jeune noble aux cheveux d’argent et aux yeux bleus vifs, car Ellendrine avait pris la peine d’ajouter de la couleur à son œuvre. Le dessin faisait sa fierté, malgré une once de frustration sur quelques détails ratés. On ne pourrait que reconnaître trop bien le portrait de l’innommable Azur.

-« Les sourcils sont un peu épais… l’air plus naïf que dans la réalité… » commenta-t-elle.
« Cette personne prétend s’appeler Gerald d’Omanie. Elle a soutenu que ce patronyme était couramment usité parmi la noblesse Xandrienne. Mes recherches contredisent cette affirmation et je ne suis pas parvenue à retrouver le fameux sir d’Omanie. Je n'aime pas les mystères irrésolus. Ni les mensonges."

Le mandat se clarifiait pour Jiya. Restait à voir si sa manière de travailler prévoyait plus de questions ou de poser les termes et conditions de la prime.
Ven 28 Juin - 15:48





J’ai l’impression que tout tournait au ralenti, une atmosphère brumeuse, enivrante où observer la dame aux perles était un spectacle comme un autre. Elle était la grâce née. Nous étions deux femmes au contraste effrayant.
Aurais-je été capable d’une féminité et d'une douceur pareille ? J’en doute et j’ai été élevé pour me battre et que chaque personne pouvait être ma proie potentielle. En face de moi, j’avais une autre “ prédatrice “, sa sensualité était un piège à lui tout seul et je me laissais happer par ses moindres faits et gestes.

Je fus enfin son nom et celui-ci ne me disait rien. Cela m’étonnait guère mais je construit alors le fil de ma mission dans ma tête. Je prends note des différentes informations que je reçois. La manière dont elle décrit son garde du corps, son nom et tout le reste. J’essaye de percevoir son accent mais cette femme semble assez fortuné pour voyager. Ma première pensée, elle n’est pas de Xandrie mais moi la première je ne suis pas native de la région même si j’ai passé presque ma vie entière. Donc, non, je ne pouvais pas avancer sur ce point.

Comme elle le désirait, on buvait en silence la boisson chaude. Je reconnais la qualité de celui-ci et fini par poser ma tasse pour entrer dans le vif du sujet.
Nous prenons chacune place et jouons notre partition. Elle décrit ses faits sans en dire trop, instaurer un contexte et prendre la température de la mission. Rechercher quelqu’un qui ne souhaite pas être retrouvé. Une mission comme une autre mais dans les cordes de la guilde.

J’esquisse un sourire quand elle stipule que je ne dois pas me faire démasquer. Je confirme d’un hochement de tête et la laisse finir. L’accord vient bien assez tôt et je finis par réciter le mantra de notre guilde.

- Dame Aconit.    

Je pris un air plus sérieux

- Le fait que la Guilde des Espions existe et perdure encore aujourd’hui est pour la qualité de ses services. Si nous étions les premiers à trahir nos clients, ça ferait bien longtemps que celle-ci serait détruite par le premier client mécontent. Si vous êtes venue jusqu’à nous, c’est que vous avez ouï dire de notre réputation.    

Une organisation qui a plusieurs décennies d’existence, est une organisation pérenne. Une entreprise qui travaille bien, est une société qui perdure.

-  Donc je vous confirme et pour apaiser vos craintes. Ce contrat est entre nous deux. La seule condition serait que vous recherchez justement l’un de mes supérieurs qui, vous comprenez serait très fâcheux pour tout le monde.  

Moi-même, je ne connais pas toute la hiérarchie de ma propre organisation, je pourrai tomber dans cette situation ubuesque.

- J’espère que ces termes vous conviennent.    

On se regarde l’une et l’autre, le compromis semble acté et même si la confiance est quelque chose de précieux, nous devons partir toutes les deux sur cette base. Moi la première, je pourrai être victime de cette mission si justement une autre organisation veut démanteler la notre. Dès prise de contact, je m'éloigne de la guilde et passe en mode furtif pour éviter toute fuite ou autre problème.

Maintenant, il me restait à savoir si la personne que je dois retrouver ne soit pas dangereuse.

Elle sortit un parchemin. Je l’attrape et le déroule avec précaution. Le visage d’un homme apparaît, assez jeune et un regard perçant. On pouvait percevoir que ce n’était pas un vagabond. De noble naissance ou autre personne fortuné, à moi de le découvrir mais il avait de l’argent, on pouvait le ressentir à travers les traits. J’allais m’apprêter à demander si ce portrait correspondait parfaitement à la personne recherchée mais ma vis-à-vis me devance pour ajouter d’autres caractéristiques.

Son pseudonyme était une première piste, voir si il a déjà utilisé ailleurs. On n’invente pas un nom d’un coup de tête. Il y a toujours des origines quelque part, des transformations de quelque chose d’existant.

Bien, j’avais un portrait, il me manquait le contexte.

- Je vois que les mots ont une réelle importance pour vous.    

Dis-je d’un air taquin. Je finis par rouler soigneusement le parchemin et le pose près de moi.

- Nous avons donc un visage mais je vais devoir vous poser quelques questions. A l’heure actuelle, ceci est trop flou et je me vois dans l’obligation de faire ce petit interrogatoire.  

Je ne sors aucun papier, aucun stylo. Je ne voulais pas garder une seule trace, seul ce parchemin sera ma pièce maîtresse.

- Pouvez-vous m’expliquer où vous avez rencontré le soi-disant D’Omanie. Quel genre de lieu ? Tête à tête, une foule ? Une situation ordinaire ou au contraire, dans une situation plus critique où il a dû improviser.  

C’était important pour moi de savoir tout ça, peut-être même que des souvenirs ou autres indices va revenir à elle.

- Dame Aconit, vous avez une certaine aura. Je doute qu’une personne lambda vous approche sans une idée surtout si votre cher Drolzin est auprès de vous.  

je pointe le garde du corps.

- Soit c’est un très beau manipulateur et vous vous sentiez à l’aise avec lui. Un rendez-vous d’affaires peut-être ? Je n’émets que des hypothèses. Dites moi ce que vous voulez bien me dire. Bien entendu, plus j’ai de détails, plus ça sera facile pour moi.    

Cet entretien était déterminant, j’allais estimé les besoins nécessaires à cette mission.

- Je ne connais pas votre statut marital, si c’était un amant ou potentiel amant, cela restera entre nous.  

Je préfère jeter un coup d’oeil à son bras droit. Est-ce qu’il parle de ce genre de sujet ? Aucune idée et peut-être suis-je allée trop loin mais autant sauter les pieds dans le plat.

- Si la rencontre avec cet homme était moralement voire même pénalement non recommandable, je ne suis pas là pour vous juger. Comme dit plus tôt, la Guilde garde les secrets.    

J’espère juste que ce ne soit pas un rendez-vous entre un commanditaire et un assassin pour tuer le roi de Xandrie….


Lun 29 Juil - 15:38



Mensonges de soie

Asha Pryce


Sous sa frange de perles grises qui lui donne des airs de poupée, Ellendrine observe. Son comportement empourpré et le cadre grandiloquent ne semble pas décontenancer l’espionne. Cette rencontre vise tout autant à en apprendre plus sur les protocoles des guildes noires qu’à éprouver leur efficacité pour les temps à venir. Elle aussi fera peut-être l’objet d’un contrat un de ces jours.

Dame Aconit tend un sourire de verre au salut poli de l’espionne.
-« C’est bien ce que j’espérais entendre, Jyia. »
Ses lèvres rouges forèrent les voyelles de son nom avec une étrange magie.
-« Il est tout à fait exact que la solide réputation de votre guilde est arrivée à mes oreilles. Assez pour me mettre en confiance pour une première entrevue. »

Rencontrer des gens fourbes aux activités illicites ne se fait pas non plus avec désinvolture. D’où toute sa mise en scène. De son point de vue, l’écosystème des guildes xandriennes étaient un petit univers formidable, fait d’échelons et de tâches séparées mues par une la préservation d’une réputation en or, drapé dans le silence et les actes concurrents. Jamais cela n’aurait pu exister en Aramila où la loyauté envers la nation et les dieux passait au premier plan. Les Caravaniers, s’ils existaient – et elle avait de plus en plus de raison de ne pas en douter – gardaient eux-mêmes leurs petits secrets à cette fin suprême. On n’aurait pu imaginer des écuries concurrentes sous la toiture d’Aramila.

Un tel professionnalisme forçait le respect, en même temps qu’il suscitait une part d’incrédulité. Cela pouvait être paradoxalement retourné contre les intérêts xandriens.

-« Vous conviendrez que si tel était le cas – entendre que si le contrat portait sur l’un de vos supérieurs – je n’ai en l’état aucun moyen de le savoir. »
Sous la grande fresque printannière, la soie brillait mais ne remuait pas.
-« Ils me conviennent. »

A vrai dire, Lady Brightwidge-Dalmesca ignore comment font ces espions pour endurer un tel niveau de stress. La duplicité ne serait-ce que sur le plan politique lui occasionne déjà bien des sueurs froides. Elle ne pourrait maintenir cette façade bien longtemps sans s’épuiser et fauter.

Entre malaise et humour, la remarque de Jyia sur les mots lui avait plu. Mais elle se disait qu’elle trahissait déjà un authentique trait de caractère derrière son personnage construit de Dame Aconit. Une première, pour elle.

Cela faisait tout drôle à Ellendrine de voir la conduite de l’entretien renversée d’une main ferme. A n’en pas douter, Jyia était professionnelle. Elle ne pouvait pas en attendre moins. Elle garda le silence en attendant la suite, se contentant de reprendre du thé blanc. Bien lui en prit car les question de Jyia la confrontait à un dilemme : se révéler en voulant donner des outils à l’espionne. Elle prit le temps de savourer son thé sur sa langue.

-« Votre point est on ne peut plus légitime. Mais il est délicat pour moi, qui tient à mon anonymat… » lança-t-elle en préambule pour espérer tempérer les questions de Jyia.
« Nous étions seuls un moment. Au départ, la situation semblait ennuyante. Et puis, comme vous le dites, monsieur d’Omanie a été forcé d’improviser, avec un certain éclat. Même si je n’ai pas eu de vision de ses procédés, je me doute que ses moyens et ses capacités vont au-delà du commun des mortels. Il est certainement un individu dangereux, y compris pour vous. »
Jyia en venait aux mêmes suppositions qu’elle. Gerald ne l’avait peut-être pas approché par accident. Ou peut-être que si. Ouvrir la porte aux hypothèses d’assassinats et de complots est un cycle sans fin de submersion dans la paranoïa…

-« C’est aussi ce que je me suis dit… il faut voir que j’ai été victime d’une tentative d’assassinat au préalable. Peut-être pas directement contre ma personne, mais contre mon entreprise. Le contexte de notre rencontre me laisse penser que ce seigneur ne cherchait pas directement à me nuire, car on peut dire qu’il nous a sauvé ce jour-là. Quoique je doute que cela ait été son intention et que cela ait été une conséquence me concernant. Depuis, je suis encore plus intriguée. Encore une fois, je ne sais pas à quel degré j’étais visée personnellement lors de cet attentat. Je me demande qui est Gerald d’Omanie dans cette toile de questions. »

Le côté manipulateur la questionnait. Et si justement cela faisait partie du jeu, pour qu’Ellendrine pense que Gerald ne voulait que son bien, afin de permettre une utilisation ultérieure de leur rencontre ?
-« Je comprends. Plus le mandat est clair pour vous, plus vos chances de succès augmentent… je repense à cela, et je dois vous dire que Sir d’Omanie a réussi à… disposer d’un tueur et à se débarrasser d’une bombe. Son profil n’a en revanche pas l’air d’être celui d’un intellectuel, même s’il a une certaine éducation. »

Pour la première fois, l’aristocrate ne contrôla pas sa réaction, quand Jyia évoqua la possibilité que ce soit un amant.
-« Sûrement pas ! » s'offusqua-t-elle. Un accent, aramilan, plus qu'opalin ou epistote, perça dans son expression.
Farouk aurait presque envie de rire, s’il ne maîtrisait pas autant les aspects stoïques de sa personnalité. Après tout, il ne tenait pas à briser le cérémonial statuaire dont il faisait partie pour cette entrevue.

-« Il n’y avait rien de répréhensible dans notre rencontre. Elle aurait pu passer pour banale et accidentelle, s’il n’y avait pas eu cette tentative d’assassinat. Et bien sûr, la compétence exemplaire de ce très jeune Sir d’Omanie en est ressortie, avec toutes les questions que je ne peux interdire à mon esprit sur son innocence ou le caractère fortuit de la rencontre. Je suis persuadée que ce n’est pas n’importe qui. En fait, tout ce que nous saurions est qu’il est Xandrien, du moins par l’accent. »

Il semblait que les principales accroches de la situation aient été abordées. Ellendrine s’attendait à ce que Jyia revienne à la charge sur quelques détails. Elle espérait qu’elle aurait su lire sa mise en garde entre les lignes, quand bien même ce n’était pas à elle d’apprendre son métier à la jeune femme.


Dernière édition par Ellendrine Brightwidge le Mer 4 Sep - 20:24, édité 4 fois
Ven 2 Aoû - 15:47




Nous entrons maintenant dans une phase d’entretien plus intense.
Toutes les deux, nous jaugeons encore l’une et l’autre. Ce qu’il faut dire ou non, à quel point elle doit se livrer pour faire avancer son enquête. Tout n’est que subtilité comme la mise en scène de l’endroit. Nous avançons pas à pas, je ne dirais main dans la main mais le but, c’est d’y parvenir. J’étais de nature assez optimiste et j’espère que mon professionnalisme va aider ma cliente à se livrer.

Néanmoins son anonymat était quelque chose que je ne pouvais pas lui faire flancher. Mais en prenant ses notes mentales, j’assemble le puzzle. Tentative d’assassinat voir même attentat, son entreprise, une éducation qui ne fait aucun doute. Une dame fortunée mais j’essaye de faire un tour dans ma tête des entreprises xandriennes avec une femme à sa tête mais elle ne répondrait pas forcément à l’image de ces dirigéants qui me sont connus.

La première mission de ce contrat serait presque de trouver qui elle était pour connaître l’identité de cet homme. Homme qui se trouve touche à tout. Même si je ne discute pas sur la faisabilité qu’un jeune noble puisse désamorcer une bombe, chacun ses talents nocturnes mais avouons que le profil est atypique ! D'ailleurs, Dame Aconit m’avise que cet individu est dangereux. Douce attention de sa part de me prévenir et je fis un léger signe de tête pour la remercier.

Elle raconte alors l’incident. Un homme arrive, discussion barbante, élément perturbateur, situation dangereuse, des vies sauvées et voilà l’homme disparaît. Digne d’un roman à succès mais qui me laisse perplexe. L’hasard existe mais dans mon métier, on apprend que le hasard fait bien des choses pour expliquer diverses situations et celle-ci, semble bien louche mais laissons quand même le doute.
Je préfère insinuer d’autres pistes. Amour interdit ou autre et je fus presque étonnée par la rapidité et le ton de la réponse. Cela pouvait se traduire qu’elle était liée à quelqu’un et ça serait inconcevable une telle chose ou au contraire, elle vient d’y penser et trouve ça choquant, excitant, impossible ? J’en savais rien mais je découvre alors une fausse facette de mon vis-à-vis. Un coup d'œil à son bras droit et je ne vois aucune émotion. Donc, cela ne l'étonnait pas sauf si il joue au jeu “ vas-y je ne bouge pas sinon je meurs “.

Elle reprend aussitôt son attitude pour oublier son “ faux-pas “. Jouant alors de nouveau sa partition, son numéro pour raconter les faits. Elle énonce le terme très jeune, alors je suppose que la différence d’âge était importante. Si elle connaissait le mien…

Après sa tirade, je réponds au tac-o-tac.

- Donc les informations que j’ai sont, ce portrait-robot et l’accent Xandrien.

Je pose les coudes sur mes genoux, croise les doigts pour soutenir mon menton.

- Un  jeune homme avec de l’éducation, une appartenance à une bonne famille, un nom ronflant, un talent de démineur et au combat.  

Je laisse quelques instants.

- Dit comme ça, on croirait une couverture d’un espion qui s’amuse à l’infiltration ou à la traque sous couverture !    

Je finis par me redresser, souriant à la situation.

- Cet homme gagne à être connu. Je suis sûre qu’il a quelques tuyaux à me transmettre.  

Je reprends tout de même mon sérieux. Faisant disparaître ce rictus.

- De toute façon, je n’ai malheureusement pas d’autres indices mais je peux d’ors et déjà, essayer d’avancer dans mes contacts et sur les bons parties Xandriens.  

Car je me doute que ce bel homme passe inaperçu. Je reprends alors le portrait peint et le tends visible pour toutes les deux.

- Ce que je peux voir sur ce portrait est ce regard saisissant, une couleur pas si commune comme la couleur de ses cheveux. Il semble jeune, la vingtaine mais rien ne pourra nous le confirmer. Un humain certainement, il ne ressemble pas à un strigoi mais je peux me tromper.  

Il ne fait pas partie de ma communauté mais il en existe d’autres.

- Ses capacités sont vraiment à prendre en compte à mon humble avis.  

C’était peut-être son erreur, montrer son potentiel à une dame qui avait les moyens de le retrouver si elle le désirait.

- J’avais une dernière question, ma Dame.  

Autant continuer ce jeu jusqu’au bout.

- Puis-je montrer ce dessin à d’autres ? Votre trait est reconnaissable? Je peux essayer de faire une reproduction, ce qui sera certainement la solution retenue en plus de ma description orale.  

Mes talents sont moindres mais on y verra un dessin amateur.

- Bien entendu, la discrétion est de vigueur surtout que ce Gérald d’Omanie est un individu dangereux.  

Je ne voudrais pas être payée pour cette mission en plus de mourir.

 Comme souhaitez-vous faire pour la prochaine entrevue ? Je peux rendre compte de mes avancées dans un certain délai. Ce genre d’investigations sont toujours longues malheureusement. Vous allez devoir jouer avec votre patience.

Et aussi la mienne, cette affaire ne semble pas du tout facile…

Mer 4 Sep - 20:20



Mensonges de soie

Asha Pryce


Si l’espionne trouvait qui elle était, ce serait signe qu’elle était vraiment fûtée. Comment devrait-elle réagir alors. Ellendrine Brightwidge-Dalmesca ne s’était trouvé qu’une seule fois en présence de Gerald d’Omanie. Cependant, leur rencontre avait fait les gros titres. Du moins, dans les nations et les classes sociales où la presse était répandue. Cette ligne aérienne intéressait davantage Epistopoli et Opale. Néanmoins, quelques articles s’était ému d’un danger encouru par l’Arbre-dieu. Mais qui connaissait l’étendu du drame auquel ils avaient échappé ? Le fruit de son expédition au cœur d’Urh avec le Magistère et Seraphah plaçait sous le sceau du secret la vulnérabilité d’Urh à la brume si les racines de l’Arbre venaient à être endommagées. Voire même, s’il ne recevait pas sa pitance en énergie vitale humaine au plus vite.

Dans cet engrenage du destin, Ellendrine avait besoin d’alliés. Ou au moins d’auxiliaires compétents et loyaux. Farouk-Drolzin ne suffirait pas. Elle semblait pouvoir à présent compter sur Nostell pour certaines machinations. Néanmoins, elle devait voir plus grand… la vie avait beaucoup d’humour… car l’archéologue ignorait être partie par deux fois en expédition avec Jane Kaldwin, la dirigeante de la guilde des espions. Sous une coloration blonde, elle la connaissait sous l’alias de Cora Raykes, détective de son état, aidée de son petit robot de reconnaissance Sam.

Dame Aconit rit de bon cœur à la blague sur la couverture d’’espion. Un torrent de perles s’entrechoquant ponctua son rire mélodieux. Un peu trop onctueux pour elle.

-« Nous ne sommes peut-être pas si éloignés de la réalité. »

Au fond, ce Gerald n’était peut-être pas un ami. Mais il jouait sur l’échiquier à un niveau international. C’était donc un acteur qu’elle ne souhaitait pas ignorer s’il pouvait – non, il est ! – dangereux. Serait-il possible de le corrompre ? Ou tout simplement de trouver des vues communes avec lui pour influencer favorablement la destinée du continent ?

Ses yeux verts s’étrécirent. L’aristocrate dut se rappeler que Jiya ne pouvait déceler son regard perçant caché sous ses perles. Elle se demandait encore une fois si la réputation de la guilde suffirait à ce que Jiya ne se retourne pas contre elle en s’alliant à Gerald. Quoi qu’elle ait pu dire avant.

L’employeuse faillit faire remarquer qu’elle ne recrutait pas Jiya pour son analyse artistique quand l’espionne parla d’un détail étonnant… il ne serait pas strigoi selon elle. Comment cela pourrait-il se voir sur un simple dessin ?

-« Comment pourriez-vous être au courant ? » émit-elle simplement, en regardant Jiya sous un nouveau jour. C’était au tour de l’espionne de laisser échapper un infime détail qui la plaçait sur le grill scrutateur…

-« Vous pouvez faire tout l’usage que vous voulez de ce dessin. J’ai un trait assez neutre et fonctionnel. »
Le délai était annoncé avec honnêteté.

-« Il fallait bien s’y attendre. Mais ne vous en faites pas pour moi. En plus d’être riche en patience, je suis une femme très occupée. Je pense que j’enverrai Drolzin pour vous trouver pour votre rapport. J’enverrai Drolzin vous trouver dans deux lunes, ici même, pensez-vous que ce délai puisse être suffisant pour de premières conclusions ? »

Farouk n’avait pas été consulté, mais c’était son travail que de servir ses intérêts. La prochaine rencontre serait plus dangereuse que la première et elle n’aimait pas l’idée d’annoncer où elle se trouverait exposée si longtemps à l’avance. Elle espérait surtout ne pas prêter le flanc au courroux des caravaniers ou des réfractaires du progrès en Aramila en se départissant quelques temps du meilleur atout de sa manche.

-« Impressionnez-moi, Jiya. Les femmes de mon âge ont déjà eu trop d’occasions d’être déçues. »