Ven 19 Avr - 23:28
Le vent froid de la fin d'année soufflait sur le sable du désert, parsemant les abords des dunes d'un miroitement aux couleurs ocres et bleutées. Perdu entre Ventdunes et les Dunes de Saleek, le chemin qui traversait le désert était constellé d'oasis et de hâvres de paix. Les voyageurs se mettaient à l'abri de la rigueur gelée de la nuit et de la chaleur aride des journées. Beaucoup de tribus nomades s'y recueillaient, mais il y avait quelques postes sédentaires qui survivaient aux alentours des oasis. Cependant, depuis peu, quelques attaques semblaient avoir perturbé cette route et des rumeurs inquiétantes étaient arrivées jusqu'à la cité. Des rumeurs d'abris ravagés, des dires de tribus ravagées. Il en fallait beaucoup pour inquiéter les rudes habitants de ces terres ensablées mais déjà une légende prenait forme. L'histoire d'un monstre de crocs, de plumes et de chitine. Une horreur enfantée par la Brume, dont les affres avaient fini par gagner les quelques conteurs de rue d'Aramila. Ainsi, la prime devint une nécessité et elle fut portée auprès d'autres organisations. Parmi elles, la Guilde des Aventuriers ...
Aramila était un des principaux fiefs religieux et détenait peut-être quelques réponses sur le passé de l'Inquisition. Perdus et désorientés depuis les derniers événements, les régents des diverses nations avaient brillé par leur immobilisme. Blasé par ceux qu'il pensait à même de mener l'effort direct contre Arkanis et ses sbires. Cependant, face aux menaces mêmes qui pesaient sur Uhr, les besoins parfois triviaux s'imposaient aux aventuriers. Même les plus chevronnés. Ryker avait terminé à Aramila sur ses maigres deniers, payant le prix fort un transport rapide. Sa bourse s'amenuisait et il demeurait sur le triste constat qu'il était sous équipé. Ainsi avait-il trouvé refuge dans une antenne locale de la Guilde qui faisait office de bazar et de rassemblement de pochtrons mécontents de la gouvernance actuelle : rien de bien glorieux en somme. En quelques jours, il avait commencé à faire partie des meubles et à devenir autre chose qu'une curiosité locale. On n'aimait pas trop les gens qui posaient des questions dans le coin, et encore moins les étrangers. Le Patrouilleur faisait partie des deux à la fois, sans compter son statut particulier au sein même de la Guilde. Ainsi avait-il tout naturellement trouvé sa place dans ce microcosme alcoolique. Non pas qu'il fut porté sur la boisson : jamais pendant le service. Enfin, sauf pour les urgences.
- Cinquante astras ? Pour cette ... tranche de métal ? Mais c'est ... c'est affligeant.
Les forges étaient rares dans ce coin là de la cité, et encore plus celles qui étaient prêtes à se débarrasser d'autant de métal pour un usage aussi trivial qu'une épée. Fort heureusement, il se trouvait encore des artisans capables et qui avaient résiste à l'attrait industriel des autres nations. Il était étrange que l'obscurantisme religieux qu'avait dénoncé le Patrouilleur soit le plus à même de l'aider à dégotter une arme confortable à sa main.
- Pff. Vendu. Mais c'est bien parce que j'en ai besoin.
Il s'en alla de l'étal, sa nouvelle imposante épée en main. Il la fit jouer entre ses doigts et exécuta une légère passe. L'objet était, il fallait le reconnaître, bien équilibré. Cela ferait l'affaire en attente de mieux. Il avait toujours en sa possession de quoi entretenir ses effets mais rectifier le fil de l'objet lui prendrait des jours de travail. Ce fut donc un peu bougon, mais avec autre chose qu'un pommeau d'épée qu'il revint dans le troquet. Il contempla sa bourse bien vide et soudain le voyage retour lui paru bien long, à pieds. Dans le désert.
- Et dix astras de plus pour la chambre, repas compris !
Bon sang ... ce n'était plus une bourse à ce train, c'était une poche trouée.
- Et ... sans la chambre ? Et une demi-portion de repas ?
Un regard noir et quelques négociations. Après tout, le sol des murailles n'était pas si inconfortable que cela et il avait bien souvent dormi à la belle étoile. Ce ne serait pas un lit qui lui changerait ses douleurs. Dire que si peu de temps auparavant il était dans un aéronef accompagné de représentants choisis par l'ensemble des nations pour se lancer à la poursuite du Régent. Ah, le monde était bien sinistre quand la précarité se rappelait à nous.
- Hé, Patrouilleur, j'ai peut-être un truc pour toi. On a ce contrat, là, qui vient d'arriver. Peut-être que tu peux joindre l'utile à l'agréable, hein ? Y aurait une bête qui terroriserait l'est de la cité, entre les dunes. Les gars d'la cité ont toujours pas réussi à gérer, mais peut-être qu'un gars de la Guilde ?
Petit instant de silence, entrecoupé de borborygmes d'alcooliques en fond de taverne.
- Tu m'as vu un peu, Ratouf ? Tu crois que je suis un vulgaire chasseur de monstres ? Je ne fais pas ça pour l'argent...
- Deux mille quatre cent astras, tout de même.
- ... mais il a quand même l'air d'être trop dangereux pour ceux qui vivent dans le coin. Tu sais quoi, je vais y réfléchir.
D'un geste, il s'empara de l'affiche que lui tendait le dénommé Ratouf avec son sourire édenté. Le tavernier se gaussa du Patrouilleur et entreprit de se servir une boisson chaude aux herbes. Il épongea son front brûlé par le soleil à l'aide du même torchon qu'il utilisait pour nettoyer sa vaisselle.
- Le papier vient de nous arriver, apparemment ils ont monté la prime car la bête se rapproche des murs de la cité. On n'a pas beaucoup de gars équipé pour ce genre de chose. Elle m'a l'air tout droit sortie de la Brume. Mon petit doigt m'a dit que t'était équipé en conséquence, Patrouilleur ...
Ryker soupira. Ratouf l'avait accueilli et aiguillé plus d'une fois. Il n'avait pas pu trouver de dénommée Nemeth dans la cité et avait commencé à douter de son existence, mais le tavernier-auxilliaire de Guilde avait su l'aider où chercher. En soi, il était de bon conseil. Pourquoi ne pas l'écouter ? Il était suffisamment aguerri pour comprendre que les décorations à la ceinture du portebrume n'en étaient pas, et que ses talents ne s'arrêtaient pas à sa capacité à se plaindre en permanence du climat aramilien.
- Sur la route des Dunes, hmm ? Soit. Aurais-tu quelque conseil à me prodiguer ?
- Il y a une caravane de marchands en ville, victimes d'une attaque : tu pourrais commencer par là. Et, équipe toi pour la nuit. Les déserts sont froids.