« Savoir changer avec grâce. », marmonné-je. Elle est belle, miss-parfaite-je-madapte-à-toutes-les-situations. Malheureusement, je dois rester dans mon rôle et ne pas m’offenser. Elle semble déjà analyser mes doutes concernant l’homme qui, quelques temps auparavant, officiait aux côtés du pilote, mais qui est maintenant aux abonnés disparus. Préoccupée par le contrôle du zeppelin, je comprends avant qu’elle ne me le dise que la recherche du coupable constitue dès à présent ma tâche. Et pour le coup, je ne peux pas vraiment lui reprocher ou la traiter de lâche, ça m’ennuierait de bouquiner ce guide.
Sans cérémonie, je quitte le cockpit et me retrouve nez à nez avec l’agent qui m’avait précédemment accompagné. « Que personne ne rentre dans cette pièce. Toute tentative sera perçue comme suspecte et entraînera… une sanction immédiate. » Le ton est sanglant, ferme et sans appel. Quiconque tentera de franchir cette porte devra en assumer les conséquences. Et les conséquences, dans ces circonstances, se résument systématiquement à la mort. Je n’ai pas de temps à perdre avec des questions morales ou civiques. Je suis formé à tuer en échange d’argent ou des tuer des nuisibles pour ma propre survie.
Et maintenant, où chercher ? Je veux dire par-là que je me retrouve à chercher un individu suspect, dans un lieu qui m’est totalement inconnu, sans aucun indice. Azur, c’est pour ta pomme, démerde-toi. L’histoire de ma vie. Alors que je commence à avancer, je m’arrête à quelques pas de l’agent en question, puis une idée qui murissait patiemment vient finalement éclore. « Dites-moi, officier, pouvez-vous me guider ? Je suis à la recherche de tous les sombres recoins, accessibles que par les agents, afin de vérifier qu’une autre surprise ne nous surprenne pas. » Cet abruti semble hésiter, comme si la menace qui nous guettait tout à l’heure de l’avait pas convaincu de l’urgence de la situation.
« Vous êtes bien conscient qu’un danger nous guette, officier ? », demandé-je pour m’assurer que l’homme en-face de moi a pleinement conscience de la situation. « Bien sûr, Monsieur d’Omanie. Mais comme vous l’avez dit, ces lieux sont réservés au personnel. Les passagers n’ont pas le droit d’y pénétrer.
- Cela ne vous a pourtant dérangé, un peu plus tôt, que je grimpe au sommet de cet engin et que je manipule le gouvernail. Tous les passagers ont-ils le droit de réaliser cette tâche ?
- Non, Monsieur.
- Suis-je un passager comme les autres ?
- Non, Monsieur.
- Alors, je vous prie d’accéder à ma requête et, par la même occasion, de nous sauver la vie. »
Il n’y a rien à ajouter. Tout a été dit. L’officier accepte ma demande et m’emmène dans les différents accès de l’étage. Cela ne se résume qu’à un vestiaire et un local de produits d’entretien. Excepté un balai, une serpillère et quelques produits, rien de suspect ne m’a alerté dans ce local. Vient ensuite le vestiaire. L’officier me montre son casier. Nickel, rien à signaler. Je demande à voir le casier de son collègue, le co-pilote disparu, un dénommé Parisio. Mon nouvel acolyte semble s’agacer et être fort mal à l’aise avec ce que je m’apprête à faire. « Les casiers sont personnels, Monsieur. Je vous ai montré le mien en gage de bonne foi, mais… »
Mais je m’en carre l’oignon. Avec ma force herculéenne (merci le cristal), j’enfonce mes doigts dans la paroi métallique comme si c’était du beurre, puis je dégage la porte avec une facilité déconcertante, qui laisse notre ami bouche-bée. Pas faute de lui avoir dit que je ne suis pas un passager comme les autres. Bon, déjà, on retrouve dans ce casier quelques explosifs. L’inquiétude réside dans le fait qu’il devait y avoir davantage. On retrouve aussi quelques fusils d’assaut. Notre suspect avait prévu un beau bain de sang au cas où il y aurait des survivants au crash, détourné in extremis. Au fond, dans un sac, on retrouve ce qui a motivé l’homme : des pièces d’or dans une quantité pharaonique.
« Cessez de baver, officier. Vous pourrez vous servir quand nous serons tous sains et saufs. Or, là, notre cher Parisio semble avoir décidé d’aller au bout de sa mission, en laissant une partie de son butin. C’est qu’il est déterminé le bougre. Existe-t-il une rampe de sortie, un lieu à l’abri des regards lequel on peut s’échapper ? La soute, par exemple ? »
Et là, comme s’il venait de prendre une gifle, mon agent préféré se réveille. « Suivez-moi ! », lance-t-il avec énergie. Voilà de l’entrain. Je le suis sans l’ombre d’une hésitation. Des grenades manquantes, probablement une partie du pactole avec lui, le suspect s’apprête à tout détruire et à s’envoler avec son dû. Comprenant tout cela, mon officier préféré a subitement donné de la bonne volonté à la réussite de notre quête. Il ouvre une porte derrière laquelle se trouve des escaliers. On descend et on accède ensuite à une porte que l’on peut ouvrir qu’avec un badge. Il s’apprête à l’ouvrir mais je l’arrête. « Remontez, officier. Vous avez fait du bon travail. Si tout va bien, on se retrouve dans peu de temps. Si non, nous mourrons. »
A ces mots, je me transforme en ténèbres et m’infiltre ni vu ni connu dans les interstices de la porte, aussi minces sont-elles. Nos bagages sont toujours présents, puis un homme, Parisio, s’amuse à fixer les explosifs à divers endroits. Un rapide coup d’œil me montre un bouton rouge qui clignote très lentement. Sans doute le bouton d’urgence pour ouvrir le sas. En usant de mon hypervélocité, je décroche rapidement les explosifs repérés, saisis le sac lourd de pièces et appuie sur le bouton rouge. Le sas commence à s’ouvrir, un appel d’air puissant pris le co-pilote de surprise. Il titube et s’apprête à tomber. Je le rattrape au dernier moment.
« Combien d’explosifs ? », demandé-je en laissant l’une de mes dagues en apparence. S’il était plein de courage au départ, il comprend à mon regard que je ne suis pas là pour rigoler et que le tuer ne sera pas une difficulté. « Tu as le choix entre vivre en assumant ta peine ou mourir en ayant échoué lamentablement ? L’un dans l’autre, je vivrai toujours de mon côté. », enchainé-je cette fois-ci d’un air complètement détaché, comme si sa vie n’avait que peu de valeurs à mes yeux. Et elle n’en avait pas. « Dix explosifs. », répond-t-il finalement. J’ai récolté neuf explosifs. Il m’en manque donc un.
« Où se trouve le dernier ?
- Sur moi. »
Un sourire s’affiche soudainement sur ses lèvres. Très mauvais signe. Grâce à l’hypervélocité, je tournoie rapidement sur moi-même, tandis que ma force herculéenne me permet de balancer au loin le terroriste et son sac rempli d’explosifs. Boom ! La déflagration me frôle, alors que l’aéronef semble ressentir des secousses. Ellendrine doit probablement paniquer devant ses touches. Mais pour l’instant, tout le monde est en vie. Sauf Parisio qui s’est auto-flagellé. Mort avec son butin et ses explosifs. Inutile de perdre davantage de mon temps. Je referme le sas et remonte à l’étage supérieur. Un salut à mon ami officier, puis je retrouve la pilote par intérim.
« J’aurais aimé interroger notre homme, mais les circonstances m’en ont empêchées. Nous ne serons plus en danger, à moins que vous perdiez le contrôle de l’appareil, bien sûr. »
Nul intérêt d’en dire davantage. Je n’en savais pas plus.
« Nous devrions peut-être inspecter le casier de notre homme et tenter d’y trouver un indice sur le commanditaire. J’ai dû agir rapidement et n’ai pas eu le temps l’inspecter en détail. »