L’art du bain était chose récente pour le Patrouilleur : il n’y goûtait que rarement et préférait les ruisseaux frais des montagnes ou les lacs à l’abri des regards. Ainsi, après toutes les péripéties vécues cette année, il avait décidé de profiter d’un de ses rares passages en ville pour s’adonner à ce plaisir qu’il avait découvert grâce à la mansuétude de Seraphah. Les bains publics, en dépit de leur hygiène relative, étaient un endroit de détente où, pour une fois, on ne lui jetait pas des regards courroucés à la vision de son insigne. Cependant, ils permettaient d’admirer la topographie ciselée de ses muscles saillants. Ciselée par un nombre inquiétant de cicatrices : là, un torse barré par la griffe d’un Fledermaux, là un avant-bras brûlé par la glace d’une nuée d’élémentaires, là les séquelles d’une explosion de Blieg … Bref, autant de raisons de douter que l’aventureux personnage soit encore en un seul morceau.
Ryker se réveilla avec la peau gonflée de ceux qui avaient passé trop de temps dans l’eau. Il sentait ses muscles dénoués, ses travers un peu corrigés et, surtout, la voix de sa Nebula elle aussi endormie par la chaleur ambiante. Il s’était extrait de l’eau à tâtons, à la recherche de son chemin puis avait suivi sa route les mains en avant pour tenter de s’y retrouver. Son casier n’avait pas été dur à identifier, ainsi avait-il pu revêtir une tenue en lin simple, ouverte sur le devant et révélant sa composition pilaire pectorale. Il ne portait ni arme ni colifichet, pieds engoncés dans des sandales fragiles. Un pantalon en toile de jute tombait, un peu grand, sur ses mollets. Le Patrouilleur noua ses cheveux en un catogan négligé, puis entreprit de se diriger vers la sortie. Dans un endroit public comme celui-ci, il n’avait pas considéré prendre ses effets martiaux : c’était un risque trop grand de se les faire dérober. De ce fait, il n’avait pas plus de quelques pièces de monnaie et, surtout, aucun moyen de se repérer dans cet endroit fort peu connu.
Il parvint à se repérer, à l’aide principalement des meubles qu’il se prit dans les genoux, et arriva non sans mal à la porte d’entrée. L’aventurier fut bien mécontent de la trouver close, avec un verrou trop lourd pour qu’il ne puisse se débrouiller pour le forcer. Il soupira, tapa plusieurs fois sur la porte et jura tout haut. Une fois, deux fois.
- Hé ! Les fonctionnaires ! grogna-t-il, ses épaules basses.
Un bruit le fit sursauter et attira son attention derrière lui. Il se retourna d’un bond et se mit en garde, les poings en avant. Il faisait nuit noire dans l’établissement et il n’y voyait rien mais il était persuadé d’avoir vu quelque chose bouger, il avait senti du mouvement !
- Halte, qui va là ? C’est le maître des clefs ? Vous seriez de bon ton d’allumer la lumière et de vous présenter à moi : je … je crois que j’ai loupé l’heure de fermeture et je suis un peu paumé là.