« Hm. Donc en somme, vous dites que j’ai foutu la merde. »
Evyline semblait plus songeuse que honteuse, tandis qu’elle enfilait son pantalon tâché par l’alcool. Elle n’était pas forcément la seule fautive, mais à la regarder, sa partenaire n’avait pas l’air d’être le genre de personne à se faire mettre à la porte d’une auberge. Encore moins une auberge pareille.
« Bon... Allons cuisiner cette serveuse, alors. Et merci pour le pantalon. »
*
Sa présence n’étant visiblement pas appréciée ici, mieux fallait donc se faire discrète. L’endroit était heureusement calme, en cette matinée, après les déboires de la nuit. Evyline et sa nouvelle super copine se faufilèrent donc tranquillement dans le couloir, passèrent à côté de plusieurs portes menant à des chambres sans nul doute tout aussi pauvres que la leur, et dont les occupants semblaient tous entrain de décuver, ce que la sorcière aurait apprécié faire elle aussi. Décuver bien tranquille. Un café peut-être. Des croissants. Avec la jeune femme marchant à pas de louve à ses côtés, pourquoi pas après tout.
Tous n’étaient pas entrain de décuver, en fait. Une porte s’ouvrit à la volée à côté d’Evyline, surprise. Pas bien beau à voir, ce type, qu’il était aisé d’identifié comme un zoan.
« Te r’voilà ! Je savais pas bien qu’y’avait entourloupe. Femme de chambre, mes c-... »
Puis il s’écroula au sol, aidé par une Evyline qui le rattrapa et le glissa à l’intérieur de sa chambre, avant de lentement refermer la porte. Les phéromones issues de ses mutations semblaient parfaitement efficace contre les zoans à l’odorat développé, encore plus quand ceux-ci sont en plus encore à moitié bourrés de la veille.
« Pas le moment de faire une scène, je crois. »
*
La serveuse lâcha les serviettes qu’elle tenait dans ses bras en voyant le visage pâle d’Evyline passer par l’entrebâillement de la porte.
« Bonjour bonjour ! »
La jeune femme se précipita vers elle, jeta un coup d’œil à droite, à gauche, derrière-elle, puis parla dans une sorte de chuchotement un peu bruyant, qui indiqua à Evyline que la serveuse n’était pas spécialement heureuse de la voir.
« Mais qu’est-ce que vous faites ici ! Partez, vite ! Si le patron vous voit...
- Eh bien justement, si le patron nous voit, quoi? »
La sorcière poussa la porte, bousculant sagement la jeune serveuse au passage, et Lan-lan s’engouffra avec elle dans le cellier.
« On a un petit problème, en fait.
- Un seul !!! Vous ETES un problème...
- Bon, bon. Si vous le dites. Le problème, c’est qu’aucune de nous ne se souvient pourquoi. Et qu’on a perdu des choses que l’on aimerait vraiment,
vraiment, retrouver. Plus vite vous nous aidez, plus vite on fiche le camp.
- Vous avez oublié?!
- Ben, oui.
- Ohlala... Si je vous aide, vous promettez de plus jamais remettre les pieds ici?
- Promis juré ! Commencez par nous raconter un peu ce qu’il s’est passé hier soir.
- A partir de quand?
- Euh... »
Evyline jeta rapidement un coup d’oeil à Lan-lan, tout aussi décontenancée qu’elle.
« Ben, c’est à dire que... Commencez du début, quoi. Tout tout tout tout début.
- C’est pas vrai... Bon. De ce que je me souviens, vous, vous êtes arrivée la première... »
***
C’était en début de soirée. Je vous avais à peine remarquée, au début. C’est le patron qui vous a servi le premier, vous attendiez quelqu’un je crois. Quelqu’un d’important. Et puis, la soirée avançait, et personne n’est venu. Alors vous avez continué à boire, à jouer avec les autres clients, avec le patron, aux dés, aux jeux de boissons, vous savez? Rien de bien méchant.
Puis là, c’est votre amie ici présente qui est arrivée. Pas vraiment discrète comme vous, mais silencieuse. Elle s’est assise dans un coin, c’est moi qui l’ai servi. Elle aussi, elle attendait quelqu’un. Personne n’est venu non plus, c’est étrange, hein? Alors comme tout le monde elle a commencé à s’intéresser à ce qu’il se passait au bar. Le patron était entrain d’hausser le ton sur vous. Vous parliez d’une de ces bouteilles, réservées aux grands clients. Mais il n’y a jamais de grand client, le patron les garde en trophée, ou pour lui. C’est des vins très coûteux, qui viennent de très loin... Mais vous, vous en vouliez une. Vous avez voulu négocier le prix, puis comme le patron ne voulait pas, vous avez parié. Je n’ai rien compris à votre jeu, mais il fallait lancer des dés et boire. Vous avez bu, et bu, et bu, et je pourrai pas vous dire qui a gagné. Personne peut, parce que c’est à ce moment là que ce fichu monstre a montré le bout de son nez. Une bestiole toute dorée, un peu comme une salamandre...