Dim 18 Fév - 15:10
La Brume musardait autour du Patrouilleur, entourait ses pas et jouait dans la vacuité qu’il laissait. Des volutes en spirales qui semblait apprécier le contact avec le passage du Mort Gris. Ce dernier, sous l’œil blafard du soleil à son zénith, jouait avec un dispositif grésillant. Une image floue se déroulait au-dessus de l’objet. Une carte des environs, dont l’aspect technologique dénotait avec la tenue de l’aventurier. Une armure de cuir noire, sur laquelle une cape en fourrure venait l’enserrer et le protéger des affres du froid du pays de Dain. Une large capuche masquait ses traits et protégeait ses extrémités du vent qui balayait les branches mortes, sans pour autant déloger la Brume tenace. Il arborait dans son dos un lourd sac de voyage et le manchon d’une épée brisée qui saillait de derrière son omoplate gauche. Quant au reste, il avait tout du parfait Patrouilleur : suréquipé et taillé pour la survie dans ce milieu hostile. Si ce n’était cette étrange tendance qu’avait la Brume à le coller et l’accompagner dans chacun de ses mouvements.
Il portait à sa ceinture un ensemble de cristaux, engoncé dans une lanière de cuir qui les protégeait et les rendait accessible. Il ne cherchait pas à les cacher, plutôt à les avoir à portée en cas de danger. Il était rare de croiser des êtres intelligents dans ces contrées. Il portait, de même, un colifichet autour du cou qui battait au rythme de ses pas sur le symbole de la Guilde. Un totem à l’effigie d’un loup, ou d’une hyène particulièrement monstrueuse. Le Patrouilleur s’avança le long d’un sentier parcouru par les animaux sauvages, avant de s’arrêter devant un renfoncement dans la pierre. Il referma la carte et observa la façade avant de la toucher du bout des doigts. L’endroit avait l’air d’avoir été travaillé, bien que la mousse ait depuis longtemps gagné les joints que Ryker s’efforça de révéler en frottant à l’aide de ses gants en cuir. Il prit quelques pas de recul et s’accroupit pour dégager les menues herbes qui s’étaient amoncelées çà et là. Il révéla un parvis, depuis longtemps tombé dans les affres du temps.
- Encore un cul-de-sac … se murmura-t-il, son pouce sur le cristal bleuté attaché à sa ceinture.
Il le frotta et le creux de sa main s’alluma pour faire office de torche. Il darda la lumière sur le sol et les éclats contenus dans la pierre luirent, même dans ce début d’après-midi. Ryker se redressa illumina la façade. Ce qui avait autrefois été un passage était désormais clos, et tout avait l’air inaccessible. Il soupira et se rapprocha du mur. Depuis combien de temps explorait-il ces lieux à la recherche de la moindre entrée dans les souterrains ? Tout cela dans sa recherche d’un moyen de se défendre pour son prochain objectif : Zénobie. Il avait affronté bien des dangers depuis Yfe, mais il savait que le temps arriverait où il devrait se mettre à la poursuite du Mandebrume. A la poursuite de Nikolaï Svetlanov. Mais il n’était pas assez armé et il redoutait le moment où Réno ferait de nouveau appel à lui. La Brume était meurtrière en Zénobie, là où tout avait commencé.
Ryker s’avança contre le mur et rompit la lumière d’un geste. Il calma les tics nerveux qui habitaient sa main d’arme, chassa la voix mesquine de sa Nebula. Elle se montrait moins menaçante depuis qu’elle avait failli prendre le contrôle. Moins désireuse de le renvoyer à la Brume. Comme si, elle aussi, commençait à accepter sa présence. Il chassa ces pensées d’une chiquenaude mentale. Il sortir sa dague et commença à gratter entre les joints et après plusieurs minutes à enlever de la mousse, il parvint à enfoncer la lame dans la pierre, dans un faible interstice.
- Ah ! Voilà qui est nouveau : une porte ! s’exclama-t-il, comme s’il se trouvait dans une situation tout à fait normale et pas au beau milieu de la Brume et de ses dangers.
Le Patrouilleur fit descendre l’arme et révéla, en effet, le cadran d’une porte dissimulée dans la roche depuis plusieurs dizaines d’années. Voire plus. Il parvint à créer un espace d’environ deux centimètres dans lequel il tenta d’introduire ses doigts pour faire jouer le tout : sans succès. Il grommela puis passa sa main sur le cristal rouge à sa ceinture. Il sentit la Brume se tendre autour de lui puis essaya de nouveau de forcer pour faire bouger la porte. Il serra les dents et la pierre se lézarda sous la force décuplée de sa prise. Il gagna un peu d’espace et parvint à y enfoncer sa main. De nouveau la pierre céda un peu et il y enfonça sa seconde main. Il tira avec des grognements d’effort puis la structure vibra avant de glisser. Il campa ses pieds dans le sol, fissura les dalles pluricentenaires, puis parvint à tirer l’épaisse dalle qui, faute d’années d’entretien, craqua dans un grand fracas avant de s’ouvrir sur la moitié et de manquer d’écraser le Patrouilleur. Ryker sauta d’un pas sur le côté et évita la demi-porte qui bascula par-dessus l’autre moitié et tomba à terre. Il avait à peine ouvert de quoi faire passer un homme. Mais il avait trouvé un accès !
Le Patrouilleur s’épousseta et reprit son souffle. Il contempla son œuvre de destruction puis faillit sursauter lorsqu’un joyeux trille émana de la porte. Il leva les yeux pour observer son Duddo, perché sur les décombres. Il secoua la tête et de nouveau usa du cristal bleuté pour allumer sa main. Il grimpa par-dessus les gravats et suivit le Duddo qui s’engouffra dans les ténèbres. Ryker bascula par-dessus la pierre et atterrit lourdement sur un mélange de caisses et débris depuis longtemps abandonnés par le temps. Il leva le bras, révéla de nombreuses toiles d’araignée ainsi que les restes décrépits de ce qui avait été une civilisation florissante. L’endroit était abandonné depuis bien longtemps. Il n’aurait su dire quand. Mais les histoires étaient formelles : s’il y avait une réserve d’armes en mithril, c’était ici qu’il la trouverait. Il était encore loin d’Ankh Zidurgoth, là dans les montagnes du Nord mais ses contacts à la guilde des archéologues étaient formels. Il y avait là un trésor caché dans la Brume, aux abords de cette cité légendaire. Seul un fou oserait s’y aventurer. Un fou … ou un Patrouilleur.
- Voilà un bon début. En tact et délicatesse... ricana-t-il, sa main en l’air.
Il éclaira un large tunnel qui descendait en pente douce vers les tréfonds de la montagne. Cet endroit avait dû servir à faire transiter des marchandises, ou des hommes. Il en apprendrait plus en s’enfonçant dans les ténèbres. La Brume, quant à elle, nimbait le tout d’au moins deux empans. Elle rôdait au sol et pourléchait les pieds de Ryker. Elle semblait plus dense et plus haute au fond du tunnel. Ecoutant son expérience des travers de la Malice, le Patrouilleur tira son épée courte. L’avant-poste qu’il s’apprêtait à explorer n’était pas tombé sans raison et peut-être s’apprêterait-il à réveiller ce qui n’aurait jamais dû sortir de son sommeil. Comme d’habitude.