Jeu 25 Jan - 13:37
Du mercure, de l'étain et du plomb
Sur la route du Grand Oeuvre
Sous le ciel de Xandrie, l’heure était à la gravité. Et pourtant, ses bracelets teintaient comme une brise légère, charriant à chaque entrechoc un son de clochettes, de pierres précieuses et de verres clairs, une symphonie minérale que l’on pouvait suivre à la trace dans les couloirs.
Dehors, le ciel était encore bleu. Une heure trop matinale pour les rencontres, trop matinale pour quoique ce soit d’autre que le petit déjeuner. Et pourtant, comme une ruche ouvrière, le siège des Monétaristes étaient déjà en pleine effervescence. Les petites abeilles, dans leurs plus beaux habits, s’affairaient autour de leur reine, un éminent Monsieur nommé Huang, qui venait à peine d’arriver sur place. Dans ce ballet élégant, on tournait, on astiquait, on récurait, on préparait des liasses et des liasses de papiers couverts de petits symboles noirs qui fusaient d’étage en étage, de pièce en pièce. Tout devait être parfait.
Et pourquoi? Parce qu’aujourd’hui, on recevait du beau monde. La belle affaire. Les petites ouvrières volaient çà et là, et ne remarquaient guère la silhouette toute de spinelle et d’or qui sifflotait depuis un balcon, surveillant le grand hall de ses yeux de pierres précieuses que l’on jurerait arraché des profondeurs d’une mine. Une mine: c’était le mot sur toutes les lèvres. Les siennes étaient doucement tirées en un sourire songeur, papillonnant en murmurant les paroles de la comptine qui lui venait en tête. Une histoire de profondeur et d’abysse, et d’amants légendaires qui grâce à leur amour sans faille, parvenaient à trouver le chemin vers le soleil levant. Ces vieux contes de son enfance ne manqueraient jamais de la charmer, bien plus que les effluves de mondanité qui remontaient du rez-de-chaussée.
“N’avez-vous pas mieux à faire que rêver, Mademoiselle Fà?!” Une voix l’interpella brusquement, tirant la belle-de-nuit de ses songes éveillés. Face à elle, une furie qui servait d’assistante au premier secrétaire, les cheveux tirés à tellement d’épingle que ses yeux se plissaient. “Vous feriez mieux de prêter assistance à vos confrères, nous ne seront jamais prêts à temps!”
“Allons, allons, Madame Xuhua.” Lan-Lan ne bougea pas d’un pouce, insolente petite poupée sous les traits d’une noble dame qui se veut teintée de sang-froid. “Brasser de l’air ne nous aidera en rien dans les négociations - mieux vaut conserver toutes nos forces si nous voulons faire plier les Opalins.”
Scintillante pierre aux milles couleurs… Ils n’en avaient que l’apparence, ces riches notables qui devaient leur rendre visite. Elle s’imaginait déjà leur visage bouffie dans la richesse que leurs exploitations voulaient bien leur rapporter, sans qu’ils n’aient jamais à lever le pouce. Mécanique injuste, usée. Un coup à jouer…
La rumeur avait enflé depuis plusieurs semaines déjà. Une mine en dormance, négligée, abandonnée disait les on-dit. Un trou qui dominait une plaine sur les steppes d’Oman; mais qui était… Mystérieusement à l’arrêt depuis quelques semaines. Et ils avaient des indicateurs bien placés: les mineurs leur avaient adressé à mi-mot que l’activité diminuait, diminuait… Une peau de chagrin qui jour après jour ne produisait plus rien que quelques galons de myste. “C’est pas un souci de notre part, vous voyez.” Disait-il. “Nous, on fait notre part. Les gars, ils font leur part. C’est plutôt… En haut que ça déconne.” Ah? Comment ça, ça déconne? “Oui, vous voyez… Les Opalins mettent plus les sous, alors nous, travailler pour rien, ça ne nous intéresse pas. On peut plus creuser, et les machines, nous on ne sait pas comment les faire tourner. Le bruit court qu’en profondeur, il y a des bêtes qui grouillent, ça fait peur aux gros bonnets qui veulent se concentrer sur la surface. Mais ils n’investissent pas, que voulez-vous. Nous, on peut rien faire de plus.”
Les mineurs avaient mauvaise réputation, pauvres bougres. Pourtant habiles, forts, et surtout: clairvoyants. Ils n’avaient rien dit clairement, et pourtant tout avoué. Ainsi la mine était délaissée de plus en plus, et non pas par manque de fougue Xandrienne, mais par manque d’intérêt des propriétaires eux-mêmes. Un mauvais investissement car peu rentable, ils ne croient plus au rendement et se refusent à payer plus, alors que dans les profondeurs se cachent peut-être tous les joyaux du monde et bien plus de richesse encore.
Et les richesses, c’est le propre des monétaristes. Sous ses mèches de braises, Lan-Lan écoute sagement. Elle n’était pas ambassadrice encore, une sage monétariste qui commençait à avoir assez de bouteilles, d’expérience, et surtout d’influence pour se faire remarquée, ne serait-ce que par son nom, ou la salamandre qui ondulait sans cesse autour de sa taille ou de son cou, symbole d’un titre qui la rapprochait bien plus du roi que des négociants qui oeuvraient pour l’enrichissement de la guilde. Une affaire en or. Une affaire en myste. Un coup de génie qui pourrait enfin faire tourner la vapeur à leur avantage.
“Madame Xuhua, où en sommes-nous des invités? J’attends quelqu’un voyez-vous.” Quelqu’une, pour être précise. Une créature toute de sagesse et de discipline qui partageait ses yeux et une mèche de feu leur grand-mère. “Vous devriez quérir l’intendance, que chacun soit accueilli comme il se doit; Vous ne voudriez pas qu’on prétende que les monétaristes sont mauvais hôtes. N’est-ce pas?”
Son sourire s’était estompé. A la place, elle montrait les crocs. Pourquoi, Lan-Lan, petite fille de cours? Tu as l’habitude de mener tes troupes et tes contrats, alors des directives? Tu manques d’humilité, tu manques de discipline. Tu n’es pas ta sœur.
Du coin de l’oeil, la spinelle croise un bien mystérieux rubis qui ondule derrière la figure du très respecté Huang. Figure haut-placée elle aussi, admirée, on la veut prochaine sur la liste. Mais pour l’instant, elle n’était pour elle qu’une figure enveloppée de mystère croisée aux détours des couloirs.
La journée s’annonçait riche pour la guilde. Pouvoir négocier avec des propriétaires d’Opale n’était pas donné à tout le monde, encore moins aux Xandrien. Une petite révolution qui pourrait bien faire de cette année 1987 une véritable année blanche. Ou doré…
Dehors, le ciel était encore bleu. Une heure trop matinale pour les rencontres, trop matinale pour quoique ce soit d’autre que le petit déjeuner. Et pourtant, comme une ruche ouvrière, le siège des Monétaristes étaient déjà en pleine effervescence. Les petites abeilles, dans leurs plus beaux habits, s’affairaient autour de leur reine, un éminent Monsieur nommé Huang, qui venait à peine d’arriver sur place. Dans ce ballet élégant, on tournait, on astiquait, on récurait, on préparait des liasses et des liasses de papiers couverts de petits symboles noirs qui fusaient d’étage en étage, de pièce en pièce. Tout devait être parfait.
Et pourquoi? Parce qu’aujourd’hui, on recevait du beau monde. La belle affaire. Les petites ouvrières volaient çà et là, et ne remarquaient guère la silhouette toute de spinelle et d’or qui sifflotait depuis un balcon, surveillant le grand hall de ses yeux de pierres précieuses que l’on jurerait arraché des profondeurs d’une mine. Une mine: c’était le mot sur toutes les lèvres. Les siennes étaient doucement tirées en un sourire songeur, papillonnant en murmurant les paroles de la comptine qui lui venait en tête. Une histoire de profondeur et d’abysse, et d’amants légendaires qui grâce à leur amour sans faille, parvenaient à trouver le chemin vers le soleil levant. Ces vieux contes de son enfance ne manqueraient jamais de la charmer, bien plus que les effluves de mondanité qui remontaient du rez-de-chaussée.
“N’avez-vous pas mieux à faire que rêver, Mademoiselle Fà?!” Une voix l’interpella brusquement, tirant la belle-de-nuit de ses songes éveillés. Face à elle, une furie qui servait d’assistante au premier secrétaire, les cheveux tirés à tellement d’épingle que ses yeux se plissaient. “Vous feriez mieux de prêter assistance à vos confrères, nous ne seront jamais prêts à temps!”
“Allons, allons, Madame Xuhua.” Lan-Lan ne bougea pas d’un pouce, insolente petite poupée sous les traits d’une noble dame qui se veut teintée de sang-froid. “Brasser de l’air ne nous aidera en rien dans les négociations - mieux vaut conserver toutes nos forces si nous voulons faire plier les Opalins.”
Scintillante pierre aux milles couleurs… Ils n’en avaient que l’apparence, ces riches notables qui devaient leur rendre visite. Elle s’imaginait déjà leur visage bouffie dans la richesse que leurs exploitations voulaient bien leur rapporter, sans qu’ils n’aient jamais à lever le pouce. Mécanique injuste, usée. Un coup à jouer…
La rumeur avait enflé depuis plusieurs semaines déjà. Une mine en dormance, négligée, abandonnée disait les on-dit. Un trou qui dominait une plaine sur les steppes d’Oman; mais qui était… Mystérieusement à l’arrêt depuis quelques semaines. Et ils avaient des indicateurs bien placés: les mineurs leur avaient adressé à mi-mot que l’activité diminuait, diminuait… Une peau de chagrin qui jour après jour ne produisait plus rien que quelques galons de myste. “C’est pas un souci de notre part, vous voyez.” Disait-il. “Nous, on fait notre part. Les gars, ils font leur part. C’est plutôt… En haut que ça déconne.” Ah? Comment ça, ça déconne? “Oui, vous voyez… Les Opalins mettent plus les sous, alors nous, travailler pour rien, ça ne nous intéresse pas. On peut plus creuser, et les machines, nous on ne sait pas comment les faire tourner. Le bruit court qu’en profondeur, il y a des bêtes qui grouillent, ça fait peur aux gros bonnets qui veulent se concentrer sur la surface. Mais ils n’investissent pas, que voulez-vous. Nous, on peut rien faire de plus.”
Les mineurs avaient mauvaise réputation, pauvres bougres. Pourtant habiles, forts, et surtout: clairvoyants. Ils n’avaient rien dit clairement, et pourtant tout avoué. Ainsi la mine était délaissée de plus en plus, et non pas par manque de fougue Xandrienne, mais par manque d’intérêt des propriétaires eux-mêmes. Un mauvais investissement car peu rentable, ils ne croient plus au rendement et se refusent à payer plus, alors que dans les profondeurs se cachent peut-être tous les joyaux du monde et bien plus de richesse encore.
Et les richesses, c’est le propre des monétaristes. Sous ses mèches de braises, Lan-Lan écoute sagement. Elle n’était pas ambassadrice encore, une sage monétariste qui commençait à avoir assez de bouteilles, d’expérience, et surtout d’influence pour se faire remarquée, ne serait-ce que par son nom, ou la salamandre qui ondulait sans cesse autour de sa taille ou de son cou, symbole d’un titre qui la rapprochait bien plus du roi que des négociants qui oeuvraient pour l’enrichissement de la guilde. Une affaire en or. Une affaire en myste. Un coup de génie qui pourrait enfin faire tourner la vapeur à leur avantage.
“Madame Xuhua, où en sommes-nous des invités? J’attends quelqu’un voyez-vous.” Quelqu’une, pour être précise. Une créature toute de sagesse et de discipline qui partageait ses yeux et une mèche de feu leur grand-mère. “Vous devriez quérir l’intendance, que chacun soit accueilli comme il se doit; Vous ne voudriez pas qu’on prétende que les monétaristes sont mauvais hôtes. N’est-ce pas?”
Son sourire s’était estompé. A la place, elle montrait les crocs. Pourquoi, Lan-Lan, petite fille de cours? Tu as l’habitude de mener tes troupes et tes contrats, alors des directives? Tu manques d’humilité, tu manques de discipline. Tu n’es pas ta sœur.
Du coin de l’oeil, la spinelle croise un bien mystérieux rubis qui ondule derrière la figure du très respecté Huang. Figure haut-placée elle aussi, admirée, on la veut prochaine sur la liste. Mais pour l’instant, elle n’était pour elle qu’une figure enveloppée de mystère croisée aux détours des couloirs.
La journée s’annonçait riche pour la guilde. Pouvoir négocier avec des propriétaires d’Opale n’était pas donné à tout le monde, encore moins aux Xandrien. Une petite révolution qui pourrait bien faire de cette année 1987 une véritable année blanche. Ou doré…
Ven 9 Fév - 16:13
Minerais, paperasse, glaive
Premiers pas
Les lueurs de l’aube animent les rues de Xandrie par ses rayons doucereux, laissant derrière elles les lumières artificielles des enseignes grésillantes qui éclairaient, dans les coins les plus sombres, les marchands nocturnes à l’honnêteté précaire. Aujourd’hui est une belle journée pour ce que s’apprête à vivre Xandrie, un pas vers l’indépendance, si la guilde des monétaristes arrive à ses fins. Je n’ai aucun doute que les négociations, aussi lourdes soient-elles, arriveront vers un accord en faveur de notre pays. Lan-Lan ne fait-elle pas partie du comité rencontrant les Opalins ? Et je connais ma sœur et son verbe qu’elle manie à la perfection, lorsqu’elle veut quelque chose, elle l’obtient, et de bonne grâce qui plus est. Ses collègues devront suivre la cadence pour ne pas perdre pied, et là encore, je n’ai aucun doute sur le fait que la guilde a su s’entourer des meilleurs.
C’est en tant que Lieutenant que je traverse la ville et son tumulte naissant, mais c’est en tant que sœur que je franchis la porte du bâtiment qui me fait face. Mes pas résonnants ne font pas échos sur le luxueux carrelage qui habille la guilde, étouffés par l'agitation environnante. Mes yeux ne s’attardent guère sur la fine architecture des lieux, d'un style et d'une décoration généreux. Il faut bien montrer l’opulence de la guilde pour rassurer les actionnaires ou autres emprunteurs.
Non, mes yeux préfèrent rester sur leur objectif qui n'est autre que l'accueil en cet instant. Je fixe l'agente qui me gratifie d'un °°Bonjour officier, que pouvons-nous faire pour vous ?°° à la vue de l’écusson forgé sur ma fine armure.
°°Lieutenant Fà°° me présenté-je, laissant à mon interlocutrice le soin de se rappeler ce nom. °°J’ai rendez-vous avec Lan-Lan Fà°°. Elle acquiesce en me demandant de patienter, l'on va venir me chercher. Je ne bouge pas, harponnant de mes pupilles chacun de ses mouvements, ma dextre posée calmement sur la garde de mon épée. Le manège ne dure que quelques minutes avant que l'on vienne me quérir. °°Madame Xuhua°° salué-je en inclinant légèrement le menton. Nous nous étions rencontrées lors des préparatifs de sécurisation auprès du directeur de la guilde. Sans fioriture l’assistante joue les guides jusqu'à l'étage où Lan-Lan, sourire en coin, nargue d’un regard espiègle l’adjointe du premier secrétaire qui continue son chemin, tête haute.
°°Que lui as-tu fais ?°° souris-je tandis que mon regard s’emplit de tendresse pour ma sœur. Pour seule réponse Lan-Lan me prend dans ses bras avec un petit rire cristallin. Je lui rends son étreinte, ravie de la voir avant le début des hostilités. °°Bonjour Huang-Long.°° La salamandre s’enroule autour de mon bras avant de remonter dans mon dos posant un instant sa tête sur mon épaule. La journée promet d'être longue et éprouvante, dehors les grondements de certains groupuscules se font entendre. Accueillir les Opalins est vu d'un mauvais œil, des débordements sont à prévoir, le Guet n'est pas en reste.
°°Je n'ai pas beaucoup de temps,°° avoué-je à contre cœur. Il me faudrait retrouver mon unité aux abords de la ville, prêts à recevoir le cortège Opalin, lui-même accompagné de ses propres gardes et d’une escorte Xandrienne depuis la frontière. °°Êtes-vous prêts ?°° demandé-je en montrant du menton les fourmis qui se démènent pour faciliter dans les moindre détails le contact avec les industriels rivaux. Une question formelle, bien sûr qu’ils seraient prêts. Arriver à faire venir les gros bonnets sur le territoire relève de l’exploit, c’est déjà une belle victoire de la part des Monétaristes. Il ne reste plus qu’à jouer les prolongations, entre courbettes et sous-entendus, je suis bien heureuse de ne pas être à la place de Lan-Lan qui, sans nul doute, prendra un plaisir délectable à faire plier les négociants. J’admire ma sœur, sa ténacité n’est plus à prouver et son sens du commerce moins encore. Est-ce le bon choix ? Par un réflexe inconscient j’attrape mon médaillon entre mes doigts, caressant la cruche que représente Bahlam, un geste que Lan-Lan sait interpréter comme un doute qui s’insinue en moi. Sa main glisse sous mon coude et nous marchons le long de la balustrade avant que ses mots ne viennent me rassurer. Un premier pas vers l’indépendance Xandrienne, une économie relancée, des mineurs fiers de porter le bleu de travail national. Un bel avenir se profile dans son discours si, aujourd’hui, tout se passe sans heurt. °°Je vais y veiller, le Guet a déployé plusieurs unités pour sécuriser le parcours des Charos°° c’est ainsi que je nomme familièrement les Opalins, les charognards qui mangent sur le dos de nos concitoyens prêts à tout pour gagner leur bout de pain. °°Ils ont empruntés les voies fluviales depuis la frontière, dernière ligne droite, le lac de Xandrie jusqu’à nos portes. Nous avons restreint l’accès de plusieurs parcours possibles, personne ne sait quel chemin nous prendrons pour venir jusqu’ici, pas même moi.°° Bien que l’idée fut soufflée par mes soins, le Commandant me fera parvenir à la dernière les instructions du chemin à suivre. °°Seule la destination est connue de tous, je sais que ton esprit est déjà en train d’amadouer nos futurs arrivants, mais prends garde Lan-Lan, vous êtes les plus exposés au mépris des extrémistes.°° Une cloche sonne dans le hall, annonçant de son tintement le début des jeux. °°Tu m’amène auprès de Huang ?°° Lan-Lan me devance, libérant sur son passage cette douce odeur de fleurs que j’affectionne tant, signature de la matriarche des Fà.
°°Directeur.°° salue-je en inclinant la tête. °°Madame …°° poursuis-je à l’attention de l’ombre dans son dos, femme discrète au regard aussi redoutable que le feu qui nourrit ses iris. °°Le Guet est prêt à recevoir vos invités, d’après nos dernières informations, ils devraient arriver d’ici quelques heures, avant que le soleil n’atteigne son zénith.°°
C’est en tant que Lieutenant que je traverse la ville et son tumulte naissant, mais c’est en tant que sœur que je franchis la porte du bâtiment qui me fait face. Mes pas résonnants ne font pas échos sur le luxueux carrelage qui habille la guilde, étouffés par l'agitation environnante. Mes yeux ne s’attardent guère sur la fine architecture des lieux, d'un style et d'une décoration généreux. Il faut bien montrer l’opulence de la guilde pour rassurer les actionnaires ou autres emprunteurs.
Non, mes yeux préfèrent rester sur leur objectif qui n'est autre que l'accueil en cet instant. Je fixe l'agente qui me gratifie d'un °°Bonjour officier, que pouvons-nous faire pour vous ?°° à la vue de l’écusson forgé sur ma fine armure.
°°Lieutenant Fà°° me présenté-je, laissant à mon interlocutrice le soin de se rappeler ce nom. °°J’ai rendez-vous avec Lan-Lan Fà°°. Elle acquiesce en me demandant de patienter, l'on va venir me chercher. Je ne bouge pas, harponnant de mes pupilles chacun de ses mouvements, ma dextre posée calmement sur la garde de mon épée. Le manège ne dure que quelques minutes avant que l'on vienne me quérir. °°Madame Xuhua°° salué-je en inclinant légèrement le menton. Nous nous étions rencontrées lors des préparatifs de sécurisation auprès du directeur de la guilde. Sans fioriture l’assistante joue les guides jusqu'à l'étage où Lan-Lan, sourire en coin, nargue d’un regard espiègle l’adjointe du premier secrétaire qui continue son chemin, tête haute.
°°Que lui as-tu fais ?°° souris-je tandis que mon regard s’emplit de tendresse pour ma sœur. Pour seule réponse Lan-Lan me prend dans ses bras avec un petit rire cristallin. Je lui rends son étreinte, ravie de la voir avant le début des hostilités. °°Bonjour Huang-Long.°° La salamandre s’enroule autour de mon bras avant de remonter dans mon dos posant un instant sa tête sur mon épaule. La journée promet d'être longue et éprouvante, dehors les grondements de certains groupuscules se font entendre. Accueillir les Opalins est vu d'un mauvais œil, des débordements sont à prévoir, le Guet n'est pas en reste.
°°Je n'ai pas beaucoup de temps,°° avoué-je à contre cœur. Il me faudrait retrouver mon unité aux abords de la ville, prêts à recevoir le cortège Opalin, lui-même accompagné de ses propres gardes et d’une escorte Xandrienne depuis la frontière. °°Êtes-vous prêts ?°° demandé-je en montrant du menton les fourmis qui se démènent pour faciliter dans les moindre détails le contact avec les industriels rivaux. Une question formelle, bien sûr qu’ils seraient prêts. Arriver à faire venir les gros bonnets sur le territoire relève de l’exploit, c’est déjà une belle victoire de la part des Monétaristes. Il ne reste plus qu’à jouer les prolongations, entre courbettes et sous-entendus, je suis bien heureuse de ne pas être à la place de Lan-Lan qui, sans nul doute, prendra un plaisir délectable à faire plier les négociants. J’admire ma sœur, sa ténacité n’est plus à prouver et son sens du commerce moins encore. Est-ce le bon choix ? Par un réflexe inconscient j’attrape mon médaillon entre mes doigts, caressant la cruche que représente Bahlam, un geste que Lan-Lan sait interpréter comme un doute qui s’insinue en moi. Sa main glisse sous mon coude et nous marchons le long de la balustrade avant que ses mots ne viennent me rassurer. Un premier pas vers l’indépendance Xandrienne, une économie relancée, des mineurs fiers de porter le bleu de travail national. Un bel avenir se profile dans son discours si, aujourd’hui, tout se passe sans heurt. °°Je vais y veiller, le Guet a déployé plusieurs unités pour sécuriser le parcours des Charos°° c’est ainsi que je nomme familièrement les Opalins, les charognards qui mangent sur le dos de nos concitoyens prêts à tout pour gagner leur bout de pain. °°Ils ont empruntés les voies fluviales depuis la frontière, dernière ligne droite, le lac de Xandrie jusqu’à nos portes. Nous avons restreint l’accès de plusieurs parcours possibles, personne ne sait quel chemin nous prendrons pour venir jusqu’ici, pas même moi.°° Bien que l’idée fut soufflée par mes soins, le Commandant me fera parvenir à la dernière les instructions du chemin à suivre. °°Seule la destination est connue de tous, je sais que ton esprit est déjà en train d’amadouer nos futurs arrivants, mais prends garde Lan-Lan, vous êtes les plus exposés au mépris des extrémistes.°° Une cloche sonne dans le hall, annonçant de son tintement le début des jeux. °°Tu m’amène auprès de Huang ?°° Lan-Lan me devance, libérant sur son passage cette douce odeur de fleurs que j’affectionne tant, signature de la matriarche des Fà.
°°Directeur.°° salue-je en inclinant la tête. °°Madame …°° poursuis-je à l’attention de l’ombre dans son dos, femme discrète au regard aussi redoutable que le feu qui nourrit ses iris. °°Le Guet est prêt à recevoir vos invités, d’après nos dernières informations, ils devraient arriver d’ici quelques heures, avant que le soleil n’atteigne son zénith.°°
Mar 20 Fév - 13:18
Dragons et vipères
En compagnie des charmantes sœurs Fà
Il avait été déplacé. Relégué à un bout de couloir, lui qui trônait habituellement au sommet des escaliers principaux, visible d’où que l’on se tienne, du hall au balcon du premier étage. Ce tableau qu’affectionnait Chaya. Le dragon de Xandrie veillant sur sa cité naissante, entre lac et montagne. Une reproduction, fidèle et coûteuse, d’un original ayant disparu avec son artiste à l’identité vaporeuse. Un royaliste, pour certain. Tout le contraire, pour d’autres. Puisque s’il avait été royaliste, il n’aurait pas disparu. Les rubis observaient, eux, et s’interrogeaient avec malice.
Au centre de tout, un seul bâtiment dominait la ville, presque entièrement baigné dans la lumière, sauf ses étages les plus hauts. Un palais royal, béni à ses fondations mais la tête noyée dans l’obscurité. Ce ne serait pas un symbole très royaliste, pour sûr.
Ou bien, il n’y avait aucun palais.
Seulement,
la tour des Monétaristes.
Entre ombre et lumière.
Astras et manigances.
À sa place, on avait installé une toile sans grand intérêt ni symbole, quelque chose qui venait d’Opale, donc. Pour flatter leurs invités. L’heure approchait et tous étaient à pied d'œuvre. Ou presque tous, certaines fleurs restent indomptables. Chaya, en sa qualité de Trésorière, accompagnerait les négociations, tâchant de conseiller son supérieur comme elle le faisait dans l’ombre depuis quelque temps déjà. Si elle avait su gagner son estime et par là même son oreille, elle ne parvenait pas toujours à l’influencer. Monsieur Huang avait la carrure et la démarche d’un homme débonnaire, au noble embonpoint et à l’air joviale, avenant. Une bonhomie naturelle qui lui attirait la sympathie des âmes les moins vicieuses. Pour les autres, elles faisaient tout au contraire l’erreur de le penser désinvolte, simple et manipulable. Elles, surtout, tombaient dans le piège.
Sous le sourire rieur et l’oeil bienveillant, se trouvait un esprit tranquille et pragmatique. Deux qualités indiscutables pour diriger les Monétaristes. L’homme était de noble lignage et connaissait tout de la voracité de ses pairs. Dans ses cheveux d’un noir profond, des fils blancs apparaissaient parfois, trahissant les années et les efforts, mais Monsieur Huang était un homme coquet et friand de teinture. Il dissimulait aussi bien les affres du temps que ses véritables intentions.
La lieutenant du guet s’approche pour les saluer et Chaya lui adresse un simple mais respectueux mouvement du menton. Jugeant peu utile et adéquat, de couper son supérieur pour donner son nom à la jeune Fà. Elle n’avait sans doute pas besoin de le retenir et quand bien même souhaiterait-elle l’obtenir qu’elle pourrait questionner sa sœur. Il était inutile de connaître leur nom de famille pour deviner leur lien de parenté. Ses yeux là ne trompaient pas. Ou, peut-être tout le contraire, suivant la demoiselle sans doute.
Elle était si jeune, cette lieutenant, et déjà formatée. Sa posture, la position de ses armes, la tension dans ses épaules lorsqu’elle tournait la tête. Ce devait être une bonne combattante certes mais son style devait être aussi rigide que son grade. Elle n’aurait sans doute pas l’occasion de le juger.
- Vous m’en voyez ravi ! Ainsi donc c’est votre soeur, Lan-Lan ? Merveilleux. Je suis rassuré de vous avoir avec nous, lieutenant. Un travail remarquable que le vôtre, j’espère que vous pourrez profiter de notre hospitalité. Lan-Lan, je vous laisse prendre soin de nous montrer sous notre meilleur jour, bien sûr.
Les mots sont de miel mais l’honnêteté indiscutable de Monsieur Huang les fait sonner vrais et très certainement le sont-ils. Il se réjouit d’être protéger par le guet, les monétaristes ont toujours eu des relations très cordiales et respectueuses avec l’organisation militaire. Ils avaient en commun de loyalement servir leur bon roi après tout. Et les intérêts de leur pays.
Le directeur prenait finalement congé non sans avoir de nouveau souhaiter la bienvenue à la jeune Fà. Que cela soit son rôle ou son nom de famille, il ne faudrait pas froisser la demoiselle. Chaya, ombre de velours, salue discrètement les deux sœurs avant de suivre son supérieur. Ils avaient encore à faire et il y avait des chiffres que Monsieur Huang devrait accepter avant leur rendez-vous.
Arrivaient, une heure après l’heure fixée, les trois émissaires opalins. Directement impliqués dans l’affaire puisque actionnaires majoritaires de la mine dont il était question.
- L’humidité de cette ville, vous devez avoir tout le mal du monde à garder vos murs à peu près présentables.
Madame Fladenmuller, trente-six pourcent des parts, avait hérité de la chose sans l’avoir demandé, ni mérité, comme le reste de sa fortune familiale. Drapée de satin et d'arrogance, or rutilant jusqu'au bout des ongles. Femme apprêtée et visiblement contrariée par l'atmosphère même de la cité. Elle semblait pressée d'en finir.
- Ne dites pas cela, ma chère, c'est un très bel établissement que vous avez là monsieur Huang. C'est un véritable travail d'ingénierie que de faire avec les moyens du bord.
Monsieur Stanford, quarante-neuf pourcent des parts, premier actionnaire et leur interlocuteur principal lors des pré-négociations. Il avait convaincu sa partenaire d'affaire pour le déplacement. Il était très certainement celui qui gérait les comptes, peu reluisants, de la mine. Il en possédait d'autres, bien plus rentables à bien moindre frais. Il avait à son côté, le troisième opalin, qu'il présenta comme étant son fils, Stanford Junior, évidemment.
- Qu'importe le bâti s'il est porté par des employés de valeur et je suis certain de voir ici, de belles qualités.
Sirupeux et malhabile. Jeune paon qui se croit lion. Il tourne son regard, deux perles d'un bois terne, sur les demoiselles Fà d'abord, puis sur quelconque courbe qui s'inclinerait à son passage. Il est le futur Stanford, le futur d'Opale peut-être aussi. Engoncé dans la soie et la condescendance, aisément distrait et plus soucieux de sa propre apparence que de son intellect.
Au centre de tout, un seul bâtiment dominait la ville, presque entièrement baigné dans la lumière, sauf ses étages les plus hauts. Un palais royal, béni à ses fondations mais la tête noyée dans l’obscurité. Ce ne serait pas un symbole très royaliste, pour sûr.
Ou bien, il n’y avait aucun palais.
Seulement,
la tour des Monétaristes.
Entre ombre et lumière.
Astras et manigances.
À sa place, on avait installé une toile sans grand intérêt ni symbole, quelque chose qui venait d’Opale, donc. Pour flatter leurs invités. L’heure approchait et tous étaient à pied d'œuvre. Ou presque tous, certaines fleurs restent indomptables. Chaya, en sa qualité de Trésorière, accompagnerait les négociations, tâchant de conseiller son supérieur comme elle le faisait dans l’ombre depuis quelque temps déjà. Si elle avait su gagner son estime et par là même son oreille, elle ne parvenait pas toujours à l’influencer. Monsieur Huang avait la carrure et la démarche d’un homme débonnaire, au noble embonpoint et à l’air joviale, avenant. Une bonhomie naturelle qui lui attirait la sympathie des âmes les moins vicieuses. Pour les autres, elles faisaient tout au contraire l’erreur de le penser désinvolte, simple et manipulable. Elles, surtout, tombaient dans le piège.
Sous le sourire rieur et l’oeil bienveillant, se trouvait un esprit tranquille et pragmatique. Deux qualités indiscutables pour diriger les Monétaristes. L’homme était de noble lignage et connaissait tout de la voracité de ses pairs. Dans ses cheveux d’un noir profond, des fils blancs apparaissaient parfois, trahissant les années et les efforts, mais Monsieur Huang était un homme coquet et friand de teinture. Il dissimulait aussi bien les affres du temps que ses véritables intentions.
La lieutenant du guet s’approche pour les saluer et Chaya lui adresse un simple mais respectueux mouvement du menton. Jugeant peu utile et adéquat, de couper son supérieur pour donner son nom à la jeune Fà. Elle n’avait sans doute pas besoin de le retenir et quand bien même souhaiterait-elle l’obtenir qu’elle pourrait questionner sa sœur. Il était inutile de connaître leur nom de famille pour deviner leur lien de parenté. Ses yeux là ne trompaient pas. Ou, peut-être tout le contraire, suivant la demoiselle sans doute.
Elle était si jeune, cette lieutenant, et déjà formatée. Sa posture, la position de ses armes, la tension dans ses épaules lorsqu’elle tournait la tête. Ce devait être une bonne combattante certes mais son style devait être aussi rigide que son grade. Elle n’aurait sans doute pas l’occasion de le juger.
- Vous m’en voyez ravi ! Ainsi donc c’est votre soeur, Lan-Lan ? Merveilleux. Je suis rassuré de vous avoir avec nous, lieutenant. Un travail remarquable que le vôtre, j’espère que vous pourrez profiter de notre hospitalité. Lan-Lan, je vous laisse prendre soin de nous montrer sous notre meilleur jour, bien sûr.
Les mots sont de miel mais l’honnêteté indiscutable de Monsieur Huang les fait sonner vrais et très certainement le sont-ils. Il se réjouit d’être protéger par le guet, les monétaristes ont toujours eu des relations très cordiales et respectueuses avec l’organisation militaire. Ils avaient en commun de loyalement servir leur bon roi après tout. Et les intérêts de leur pays.
Le directeur prenait finalement congé non sans avoir de nouveau souhaiter la bienvenue à la jeune Fà. Que cela soit son rôle ou son nom de famille, il ne faudrait pas froisser la demoiselle. Chaya, ombre de velours, salue discrètement les deux sœurs avant de suivre son supérieur. Ils avaient encore à faire et il y avait des chiffres que Monsieur Huang devrait accepter avant leur rendez-vous.
Arrivaient, une heure après l’heure fixée, les trois émissaires opalins. Directement impliqués dans l’affaire puisque actionnaires majoritaires de la mine dont il était question.
- L’humidité de cette ville, vous devez avoir tout le mal du monde à garder vos murs à peu près présentables.
Madame Fladenmuller, trente-six pourcent des parts, avait hérité de la chose sans l’avoir demandé, ni mérité, comme le reste de sa fortune familiale. Drapée de satin et d'arrogance, or rutilant jusqu'au bout des ongles. Femme apprêtée et visiblement contrariée par l'atmosphère même de la cité. Elle semblait pressée d'en finir.
- Ne dites pas cela, ma chère, c'est un très bel établissement que vous avez là monsieur Huang. C'est un véritable travail d'ingénierie que de faire avec les moyens du bord.
Monsieur Stanford, quarante-neuf pourcent des parts, premier actionnaire et leur interlocuteur principal lors des pré-négociations. Il avait convaincu sa partenaire d'affaire pour le déplacement. Il était très certainement celui qui gérait les comptes, peu reluisants, de la mine. Il en possédait d'autres, bien plus rentables à bien moindre frais. Il avait à son côté, le troisième opalin, qu'il présenta comme étant son fils, Stanford Junior, évidemment.
- Qu'importe le bâti s'il est porté par des employés de valeur et je suis certain de voir ici, de belles qualités.
Sirupeux et malhabile. Jeune paon qui se croit lion. Il tourne son regard, deux perles d'un bois terne, sur les demoiselles Fà d'abord, puis sur quelconque courbe qui s'inclinerait à son passage. Il est le futur Stanford, le futur d'Opale peut-être aussi. Engoncé dans la soie et la condescendance, aisément distrait et plus soucieux de sa propre apparence que de son intellect.
Ainsi étaient arrivés, les opalins.
- Codes couleurs:
Monsieur Huang : lightblue
Madame Fladenmuller : #FF9933
Monsieur Stanford : #B1A645
Stanford Junior : #A37F71
On les aime déjà, hein ?
Sam 23 Mar - 13:02
Les fleurs sauvages
Sous les pétales, les épines
Qui survit au feu? Qui survit à la sécheresse? Dans les grandes villes, les jardins se font rares, plus rares encore sont ces touffes discrètes et vertes qui écorchent les pavés. Ces petits boutons aux couleurs douces, aux tons de jaune, de bleue et de parmes qui discrètement s’ouvrent sur un monde de ciment. Là où dans certains jardins s’alignent les grandes fleurs, soigneusement choisies, soigneusement nourries, soigneusement veillées pour devenir de grosses corolles épanouies et grasses, aux roses, aux rouges, à la vibrance radieuse. Mais à trop dépendre de la main de l’homme, qui survit?
Seules survivent les fleurs sauvages.
Le murmure traversa l’édifice, une secousse discrète mais intense, comme une crampe. Une contraction de tout le siège. “Ils sont là…” “Ils en jettent!” “Oh arrête, ils sont bien trop guindés.” “Tu ne trouves pas qu’ils sentent bons?”. Les opalins venaient d’arriver, et un à un, les pièces de cette vaste farce se mettaient en place. Ils étaient trois, statues d’or et de vermeil, conquérants parmi les moins que rien. Dans les faits, la nuance était plus prononcée. Mais pour elle, la peinture n’avait guère de différence avec une inspection des gueux par les propriétaires nanties. Son masque était habilement fixé sur son visage, lisse et immuable, un sourire doux et sucré suspendu à ses lèvres.
Lan-Lan foula du regard la masse monétaire qui les entourait, croisant du fond des yeux des visages connus, et derrière eux les lames discrètes du Guet. Elle sentait le parfum familier de la famille Fà, le bois brute de santal, l’ambre, les fleurs. Shizo devait se tenir juste derrière elle, provoquant chez Huang-Long, le reptile d’or une excitation toute familière, lui qui d’ordinaire restait impassible volait maintenant avec orgueil sur ses deux maîtresses.
Savoir que Shizo n’était pas loin était particulièrement rassurant. L’avoir vu avant les hostilités l’avait galvanisée comme un baume poivré, et elle se sentait l’appétit d’un ogre. Non contente des formes et de la hiérarchie, elle fut la première à se jeter sur les invités. Elle tenait son rôle. Le rôle de la lumière, des dorures, des pierres précieuses. Le grossier diamant rouge à l’entrée de la caverne, laissant toute la place aux pierres les plus rares pour préparer le terrain pour les négociations. Elle connaissait le vieux Monsieur Huang, sagement là, suivi de la panthère dans son ombre: il y avait derrière elle des discussions plus importantes qui se tramaient, et il fallait bien occuper les invités le temps de faire avaler ces premières couleuvres. Lan-Lan était là pour mettre de la poudre à tous ces yeux, imposer une certaine légèreté, poser le décor. Grotesquement peut-être. Mais avec panache. Donner l’impression à ces conquérants qu’ils étaient bien en terrain conquis pour pouvoir sentir avec plus de force quand les crocs s'enfonçaient dans leurs gorges si joliment poudrés.
Sous les regards désapprobateurs de certains, elle s’élança vers les lions, les pierres à ses bras et ses poignets tintant joyeusement, créant sur son sillage une ancienne musique minérale et millénaire. Elle avait pris la place de l’actuel ambassadeur qui s’était lui aussi avancé, mais s’était retrouvé arrêté dans sa course. Désolée, mon ami. Mais tu ne brilles pas assez. Aussitôt, Huang-Long changea sa trajectoire, retrouvant son orbite doré autour du cou sibyllin. La cible de la dame? Son homologue féminin, bien sûr. Doucement, elle se présenta à Mme Fladenmuller, posant un genou au sol, ravissant doucement sa paume dans ses propres dextres, déposant contre sa peau ses lèvres rosées.
“Nos murs n’ont sûrement rien de ceux d’Opales, mais ils sont solides. Ne craignez rien, Madame, nul édifice ne s'effondrera sur vous.” Elle relâcha doucement les longues phalanges, sentant encore le musc de sa peau chatouiller ses narines. Le baiser qu’elle avait posé sur le dos de sa main étant maintenant imprimé à l’encre secrète, aussi doré en substance que la couleur des astras. “Xandrie est sûrement plus forte qu’il n’y paraît.”
Observer sûrement, doucement. Les spinelles vagabondes effeuillaient chaque visage, cherchant les petits signes de surprises, d’étonnement. Le vieux Monsieur Stanford a les yeux qui s’écarquillent, choqués sûrement, peu habitués à autant de démonstration, brusqués qu’il ne fut pas la cible de cet égard. Les prunelles du jeune Stanford junior s’agrandirent, elles, trahissant la morsure d’un désir secret et d’un intérêt interdit. Il serait le plus facile à avoir, ce jeune loup encore sot. Son père, lui, nécessiterait un peu plus de travail.
“Soyez les bienvenus chez les Monétaristes. Lan-Lan Fà, pour vous servir.” Murmura-t-elle en s’inclinant bassement. “Permettez-moi de vous servir de guide jusqu’à la table des négociations.” En murmurant, elle échangea un regard avec Mr Huang. Elle avait commis un crime en lui volant la vedette, mais elle comprit secrètement avoir son accord. Le panache d’une entrée tempère les débats, apaise les mots houleux, le sucre qui chasse l’amertume d’une âpre négociation. Elle se rattraperait plus tard. Promis.
Elle sentit le poids des regards et des désaccords, mais qu’à cela ne tienne, elle voulait son poids de l’or, et elle devait marquer tous les esprits si elle souhaitait que ses mots aient plus de poids plus tard, autour de la table. Dans son ombre était celle de sa caste, et dans l’ombre de sa caste se tenait celle des mineurs. Elle en distinguait quelques-uns dans l’assistance, s’étant mêlé à eux avec le meilleur de la discrétion dont ils étaient capables. Ils avaient autant à gagner qu’eux, aujourd’hui. Et ils se devraient d’être la bouche de leurs arguments.
Ainsi commença la longue ascension de cette petite planète dans le corps même des monétaristes, voyage alimenté de quelques mondanités.
“Mon père m’avait caché que votre siège était… Aussi beau.” Elle sentait le jeune roquet glisser de corps en corps, surveillant les lignes des hanches autour de lui, la courbure des épaules. Elle le voyait regarder Shizo avec intérêt, quand ce n’était pas les jeunes femmes qui croisaient leur chemin.
“N’est-ce pas?” Renchérissait-elle. “Le siège des monétaristes est connu pour être une curiosité dans toute la cité. Un astre scintillant, dit-on.”
“C’est le lot commun de toutes les demeures d’Opale.” La trancha Madame Fladenmuller, avec un ton d’une arrogance innée, simple, qui ne cachait nul pique, nul méchanceté. Un orgueil de naissance.
“Alors il me tarde de découvrir ces merveilles, Madame.” Du sucre.
Et ainsi, flottant, voguant, se dessina sur leur horizon une large table, dans la plus haute pièce que la tour pouvait offrir. Une table ronde, une table de cohésion plutôt que d’opposition. La véritable arène de cette négociation. Là où se jouerait l’achat tant convoité. Elle ouvrit la voie d’une main, laissant s'engouffrer de qui de droit. D’ordinaire, sa place n’aurait pas été parmi les convives. Mais elle s’était imposée. Savoir se creuser une voie, n’était-ce pas la panache des serpents? Avant de glisser jusqu’à sa place, elle se retourna vers son roc, le visage ferme mais doux de Shizo, le joyau des Fà. Sa main vint naturellement chercher son épaule qu’elle sentit au travers de son armure.
“Tiens toi prête, ma soeur. Tu vas devoir veiller sur nous depuis l’extérieur de l’arène.” Sa main posée sur son épaule serrait doucement. Ce n’était pas la pression et l’ordre, mais la main d’une femme perdue en quête du réconfort que seule la montagne pouvait lui apporter. Elle se savait en sécurité. Ils étaient tous en sécurité. Shizo était là, après tout. “Puisses-tu nous porter bonheur.”
Son sourire malicieux est la dernière chose qui scintille avant que les belles portes de bois ne se referment sur eux.
Seules survivent les fleurs sauvages.
Le murmure traversa l’édifice, une secousse discrète mais intense, comme une crampe. Une contraction de tout le siège. “Ils sont là…” “Ils en jettent!” “Oh arrête, ils sont bien trop guindés.” “Tu ne trouves pas qu’ils sentent bons?”. Les opalins venaient d’arriver, et un à un, les pièces de cette vaste farce se mettaient en place. Ils étaient trois, statues d’or et de vermeil, conquérants parmi les moins que rien. Dans les faits, la nuance était plus prononcée. Mais pour elle, la peinture n’avait guère de différence avec une inspection des gueux par les propriétaires nanties. Son masque était habilement fixé sur son visage, lisse et immuable, un sourire doux et sucré suspendu à ses lèvres.
Lan-Lan foula du regard la masse monétaire qui les entourait, croisant du fond des yeux des visages connus, et derrière eux les lames discrètes du Guet. Elle sentait le parfum familier de la famille Fà, le bois brute de santal, l’ambre, les fleurs. Shizo devait se tenir juste derrière elle, provoquant chez Huang-Long, le reptile d’or une excitation toute familière, lui qui d’ordinaire restait impassible volait maintenant avec orgueil sur ses deux maîtresses.
Savoir que Shizo n’était pas loin était particulièrement rassurant. L’avoir vu avant les hostilités l’avait galvanisée comme un baume poivré, et elle se sentait l’appétit d’un ogre. Non contente des formes et de la hiérarchie, elle fut la première à se jeter sur les invités. Elle tenait son rôle. Le rôle de la lumière, des dorures, des pierres précieuses. Le grossier diamant rouge à l’entrée de la caverne, laissant toute la place aux pierres les plus rares pour préparer le terrain pour les négociations. Elle connaissait le vieux Monsieur Huang, sagement là, suivi de la panthère dans son ombre: il y avait derrière elle des discussions plus importantes qui se tramaient, et il fallait bien occuper les invités le temps de faire avaler ces premières couleuvres. Lan-Lan était là pour mettre de la poudre à tous ces yeux, imposer une certaine légèreté, poser le décor. Grotesquement peut-être. Mais avec panache. Donner l’impression à ces conquérants qu’ils étaient bien en terrain conquis pour pouvoir sentir avec plus de force quand les crocs s'enfonçaient dans leurs gorges si joliment poudrés.
Sous les regards désapprobateurs de certains, elle s’élança vers les lions, les pierres à ses bras et ses poignets tintant joyeusement, créant sur son sillage une ancienne musique minérale et millénaire. Elle avait pris la place de l’actuel ambassadeur qui s’était lui aussi avancé, mais s’était retrouvé arrêté dans sa course. Désolée, mon ami. Mais tu ne brilles pas assez. Aussitôt, Huang-Long changea sa trajectoire, retrouvant son orbite doré autour du cou sibyllin. La cible de la dame? Son homologue féminin, bien sûr. Doucement, elle se présenta à Mme Fladenmuller, posant un genou au sol, ravissant doucement sa paume dans ses propres dextres, déposant contre sa peau ses lèvres rosées.
“Nos murs n’ont sûrement rien de ceux d’Opales, mais ils sont solides. Ne craignez rien, Madame, nul édifice ne s'effondrera sur vous.” Elle relâcha doucement les longues phalanges, sentant encore le musc de sa peau chatouiller ses narines. Le baiser qu’elle avait posé sur le dos de sa main étant maintenant imprimé à l’encre secrète, aussi doré en substance que la couleur des astras. “Xandrie est sûrement plus forte qu’il n’y paraît.”
Observer sûrement, doucement. Les spinelles vagabondes effeuillaient chaque visage, cherchant les petits signes de surprises, d’étonnement. Le vieux Monsieur Stanford a les yeux qui s’écarquillent, choqués sûrement, peu habitués à autant de démonstration, brusqués qu’il ne fut pas la cible de cet égard. Les prunelles du jeune Stanford junior s’agrandirent, elles, trahissant la morsure d’un désir secret et d’un intérêt interdit. Il serait le plus facile à avoir, ce jeune loup encore sot. Son père, lui, nécessiterait un peu plus de travail.
“Soyez les bienvenus chez les Monétaristes. Lan-Lan Fà, pour vous servir.” Murmura-t-elle en s’inclinant bassement. “Permettez-moi de vous servir de guide jusqu’à la table des négociations.” En murmurant, elle échangea un regard avec Mr Huang. Elle avait commis un crime en lui volant la vedette, mais elle comprit secrètement avoir son accord. Le panache d’une entrée tempère les débats, apaise les mots houleux, le sucre qui chasse l’amertume d’une âpre négociation. Elle se rattraperait plus tard. Promis.
Elle sentit le poids des regards et des désaccords, mais qu’à cela ne tienne, elle voulait son poids de l’or, et elle devait marquer tous les esprits si elle souhaitait que ses mots aient plus de poids plus tard, autour de la table. Dans son ombre était celle de sa caste, et dans l’ombre de sa caste se tenait celle des mineurs. Elle en distinguait quelques-uns dans l’assistance, s’étant mêlé à eux avec le meilleur de la discrétion dont ils étaient capables. Ils avaient autant à gagner qu’eux, aujourd’hui. Et ils se devraient d’être la bouche de leurs arguments.
Ainsi commença la longue ascension de cette petite planète dans le corps même des monétaristes, voyage alimenté de quelques mondanités.
“Mon père m’avait caché que votre siège était… Aussi beau.” Elle sentait le jeune roquet glisser de corps en corps, surveillant les lignes des hanches autour de lui, la courbure des épaules. Elle le voyait regarder Shizo avec intérêt, quand ce n’était pas les jeunes femmes qui croisaient leur chemin.
“N’est-ce pas?” Renchérissait-elle. “Le siège des monétaristes est connu pour être une curiosité dans toute la cité. Un astre scintillant, dit-on.”
“C’est le lot commun de toutes les demeures d’Opale.” La trancha Madame Fladenmuller, avec un ton d’une arrogance innée, simple, qui ne cachait nul pique, nul méchanceté. Un orgueil de naissance.
“Alors il me tarde de découvrir ces merveilles, Madame.” Du sucre.
Et ainsi, flottant, voguant, se dessina sur leur horizon une large table, dans la plus haute pièce que la tour pouvait offrir. Une table ronde, une table de cohésion plutôt que d’opposition. La véritable arène de cette négociation. Là où se jouerait l’achat tant convoité. Elle ouvrit la voie d’une main, laissant s'engouffrer de qui de droit. D’ordinaire, sa place n’aurait pas été parmi les convives. Mais elle s’était imposée. Savoir se creuser une voie, n’était-ce pas la panache des serpents? Avant de glisser jusqu’à sa place, elle se retourna vers son roc, le visage ferme mais doux de Shizo, le joyau des Fà. Sa main vint naturellement chercher son épaule qu’elle sentit au travers de son armure.
“Tiens toi prête, ma soeur. Tu vas devoir veiller sur nous depuis l’extérieur de l’arène.” Sa main posée sur son épaule serrait doucement. Ce n’était pas la pression et l’ordre, mais la main d’une femme perdue en quête du réconfort que seule la montagne pouvait lui apporter. Elle se savait en sécurité. Ils étaient tous en sécurité. Shizo était là, après tout. “Puisses-tu nous porter bonheur.”
Son sourire malicieux est la dernière chose qui scintille avant que les belles portes de bois ne se referment sur eux.
Lun 1 Avr - 14:43
Les paroles, les paroles
mais pas que
La suffisance. Un trait de caractère qui ne différencie guère Nobles d’Opale ou de Xandrie, pies jacassantes crachant leur mépris sur une nation qu’elles sous-estiment. Nous traversons la ville, les actionnaires dans un carrosse pas assez confortable à leur goût,°°Je suis certain qu’il s’agit là de leur plus noble prestation très chère, ne soyez pas si dure avec eux.°°. Je suis de marbre, guidant la cargaison jusqu’à leur but … jursqu’à notre but.
D’un signe de main j’envoie un subalterne, nous ne sommes plus qu’à un Li de la guilde. Là bas, des soldats nous attendent, le mot d’ordre est de créer une dispersion avant notre arrivée, il ne fait aucun doute que quelques fauteurs de trouble nous y attendent pour huer nos invités. Le Commandant en charge de l’opération a trié sur le volet des citoyens formant une haie d’honneur d’acclamations pour les Opalins. Il faut savoir les flatter, une couverture bienvenue pour cacher les détracteurs.
A peine arrivons-nous que Lan-Lan prend les devants. J’admire son hypocrisie finement jouée, plus encore sa capacité à s’écraser pour mieux dominer. Je m’efface dans son sillage, parfait inverse de la lumineuse Fà. J’ignore le regard appuyé du jeune coq, celui méprisant de la hyène ou encore l’ignorance condescendante de l'alligator. Je m’attarde sur l’autre ombre de ce tableau, main droite du maître des lieux. Rien n’échappe à ses rubis, elle analyse, cachée derrière l’écran de bonhomie de son supérieur, régisseuse des jeux d’acteur dont la grande première commence. Nos pupilles s’accrochent, se jugent, se défient. Il y a dans sa prunelle quelque chose de sauvage, dangereux. Le groupe s’ébranle, nous nous perdons de vue pour mieux nous concentrer sur nos rôles.
Tous mes sens sont en alerte, des lieux sécurisés ne sont pas synonymes de sûreté absolument bien que nous y veillons. J’accompagne le comité jusqu’à la salle des négociations, surveillant les couloirs, les allées et venues, les angles. Ma sœur m’annonce le début des hostilités, j’acquiesce silencieusement, observant chacun des acteurs avant de m'attarder sur elle, un doux sourire fendant le granit de mon visage fermé.
°°Je veille ma sœur, sois forte.°°
Un dernier regard vers l'ombre, panthère observant ses proies attendant leur assoupissement pour bondir. Dans ce tableau, je donne peu de chances aux Opalins, à condition que chacun reste à sa place, rien ne sert de rivaliser avec Lan-Lan.
Je reste devant la porte de longues minutes avant de laisser un soldat prendre la relève. J’inspecte l'étage avant de retourner au rez-de-chaussée, un binôme se charge des étages. Rien à signaler, je sors pour faire le tour de la bâtisse. Quelques gardes sont pris à partie par un petit groupe de mécontents.
°°Nous avons arrêtés ses hommes, nous les ramenons à la caserne, j'ai donné les ordres pour réorganiser la surveillance.°°
°°Commandant.°° claqué-je des talons. °°Ne devrions nous pas garder tous nos effectifs dans le dispositif ?°°
Il s'avança vers moi, un souffle de réprobation dans la voix.
°°Lieutenant … Vous êtes trop prudente. Ce n'est pas une affaire d'état, ils sont à l'intérieur de la bâtisse, ils ne craignent plus rien. Nous n'en avons pas pour longtemps.°°
Je claque mon garde à vous en signe d’obéissance, mon instinct me crie pourtant méfiance. Ne dit-on pas mieux diviser pour mieux régner ?
D’un signe de main j’envoie un subalterne, nous ne sommes plus qu’à un Li de la guilde. Là bas, des soldats nous attendent, le mot d’ordre est de créer une dispersion avant notre arrivée, il ne fait aucun doute que quelques fauteurs de trouble nous y attendent pour huer nos invités. Le Commandant en charge de l’opération a trié sur le volet des citoyens formant une haie d’honneur d’acclamations pour les Opalins. Il faut savoir les flatter, une couverture bienvenue pour cacher les détracteurs.
A peine arrivons-nous que Lan-Lan prend les devants. J’admire son hypocrisie finement jouée, plus encore sa capacité à s’écraser pour mieux dominer. Je m’efface dans son sillage, parfait inverse de la lumineuse Fà. J’ignore le regard appuyé du jeune coq, celui méprisant de la hyène ou encore l’ignorance condescendante de l'alligator. Je m’attarde sur l’autre ombre de ce tableau, main droite du maître des lieux. Rien n’échappe à ses rubis, elle analyse, cachée derrière l’écran de bonhomie de son supérieur, régisseuse des jeux d’acteur dont la grande première commence. Nos pupilles s’accrochent, se jugent, se défient. Il y a dans sa prunelle quelque chose de sauvage, dangereux. Le groupe s’ébranle, nous nous perdons de vue pour mieux nous concentrer sur nos rôles.
Tous mes sens sont en alerte, des lieux sécurisés ne sont pas synonymes de sûreté absolument bien que nous y veillons. J’accompagne le comité jusqu’à la salle des négociations, surveillant les couloirs, les allées et venues, les angles. Ma sœur m’annonce le début des hostilités, j’acquiesce silencieusement, observant chacun des acteurs avant de m'attarder sur elle, un doux sourire fendant le granit de mon visage fermé.
°°Je veille ma sœur, sois forte.°°
Un dernier regard vers l'ombre, panthère observant ses proies attendant leur assoupissement pour bondir. Dans ce tableau, je donne peu de chances aux Opalins, à condition que chacun reste à sa place, rien ne sert de rivaliser avec Lan-Lan.
Je reste devant la porte de longues minutes avant de laisser un soldat prendre la relève. J’inspecte l'étage avant de retourner au rez-de-chaussée, un binôme se charge des étages. Rien à signaler, je sors pour faire le tour de la bâtisse. Quelques gardes sont pris à partie par un petit groupe de mécontents.
°°Nous avons arrêtés ses hommes, nous les ramenons à la caserne, j'ai donné les ordres pour réorganiser la surveillance.°°
°°Commandant.°° claqué-je des talons. °°Ne devrions nous pas garder tous nos effectifs dans le dispositif ?°°
Il s'avança vers moi, un souffle de réprobation dans la voix.
°°Lieutenant … Vous êtes trop prudente. Ce n'est pas une affaire d'état, ils sont à l'intérieur de la bâtisse, ils ne craignent plus rien. Nous n'en avons pas pour longtemps.°°
Je claque mon garde à vous en signe d’obéissance, mon instinct me crie pourtant méfiance. Ne dit-on pas mieux diviser pour mieux régner ?
Dernière édition par Shizo Fà le Ven 3 Mai - 10:56, édité 1 fois
Jeu 18 Avr - 18:26
Dragons et vipères
En compagnie des charmantes sœurs Fà
Ils sont lions. Toisant des chats de gouttières. Mieux que des rats. Inférieurs pourtant. Cela ne saurait décontenancer Monsieur Huang prévenu un instant plus tôt et qui approchait, guilleret. Qu'ils se pavanent, pensent être là en royaume conquis. La suffisance n'est pas mauvaise pour les affaires. Quand elle se tient de l'autre côté de la table. L'ambassadeur qui aurait du prendre les devants se voit faucher en plein élan par la noble Fà. Elle captive les regards. Spinelle tournoyante. Le diamant rose attire l'attention, irrésistiblement. Que son audace plaise ou non. Elle aura leur attention. Elle ravie la main de Madame Fladenmuller dans un baise-main qui laisse l'opaline un instant statufiée. Elle dégage sa main avec une fébrilité perceptible, qui la met sans doute plus mal à l'aise que l'acte en lui-même.
Monsieur Huang restera finalement en retrait, c'est qu'il aimait les voir grandir, les graines qu'il recueillait en son organisation. Que celle-ci, resplendissait. Et cela était profitable, pour tous. Il saluerait donc les opalins lorsque ces derniers arriveraient jusqu'à lui, guidés par la jeune Fà. Dans un coin de son ombre, la Trésorière ferait de même. Elle ne cherche pas à attirer l'attention, Chaya, là n'est pas son rôle.
Le temps viendrait bien assez vite, pour elle, d'être au centre des discussions. Puisqu'elle tenait le cordon de cette bourse généreuse qui avait fait venir jusqu'ici les opalins.
Ils passent les portes de la salle de réunion sans un regard en arrière. Pour celles qui ferment la marche. Échanges quelques mots qui échappent aussi à la trésorière. Tous s'installent et après quelques politesses d'usages, le service de rafraichissements et petits-fours observés avec une sorte de défiance naturelle, les discussions commencent. Méfiantes, elles aussi. Puisqu'il s'agit bien là de sonder son partenaire commercial aussi surement que s'il avait été son pire ennemi. Au détour de mots savamment choisi, déterminer l'étendue de ses connaissances et, surtout, la quantité d'astras dans ses poches. Les opalins laissent entendre qu'ils n'ont guère besoin d'argent. Pourtant, ils sont là. Qu'ils ne cèderont cependant pas une mine aussi sophistiquée et importante sans une offre honnête.
La conversation, douce et avenante de Monsieur Huang, les amène tranquillement là où il les voulaient. Une mine sophistiquée, vraiment ? Il semblait pourtant que les mineurs la trouvait un rien vétuste. Ne jamais dire que la moitié d'une vérité. L'enrober. Pour mieux la dévoiler au moment propice. La Trésorière interroge alors, sur la rentabilité de la mine. Les livres de comptes, absents de la table des négociations. Inutiles selon les opalins, encombrants. Un mot de trop de la part du jeune Stanford, qui laisse deviner qu'il ne s'y est jamais rendu et Madame Fladenmuller se lève, faussement piquée au vif, dardant un regard colérique vers l'humble Monsieur Huang.
- Oseriez-vous sous-entendre que notre mine est hors d'usage ?!
Il semble peiné, le dirigeant des Monétaristes, confus face à un tel emportement. Il lève vers l'opaline, deux paumes conciliatrices.
- Jamais nous ne ferions pareilles allégations, rassurez-vous Madame Fladenmuller.
Une moue vexée sur son noble minois, la femme semble hésiter un instant avant de bien vouloir se rasseoir à la table des négociations. Il prend confiance, le jeune lion, peut-être parce qu'il y a cette délicate rose, non loin. Il se fait paternaliste, tournant son regard vers monsieur Huang puis Lan-Lan.
- Vous ne devriez pas croire tout ce que vous disent des gens qui passent leur temps six pieds sous-terre. Ils ne sont même pas aller à l'école je suis sûr. Comment pourraient-ils savoir si une mine est rentable ?
Il hausse les épaules, l'évidence tombant sous le sens. Chaya referme discrètement son livre de comptes alors que monsieur Huang acquiesce un peu trop profondément. Elle sait, ce qu'il va dire. Le livre se referme. Les opalins coincés entre ses pages.
- Vous avez raison monsieur Stanford, hélas, sans aucun livre de comptes, nous voilà dans l'obscurité totale. Comme c'est dommage. Si seulement les nobles opalins les gratifiaient de leur belle lumière.
Il s'y engouffre, torse tendu en avant. Héros de la lumière.
- Nous n'avons qu'à y aller. Le pied de son père ne viendra heurter sa cheville que trop tard. L'ignorant avait sauté le premier. Le rubis se tournait vers le père avant que Madame Fladenmuller n'ait pu intervenir.
- Vous conviendrez sans doute que votre fils a eu une excellente idée et le voyage ne serait que de courte durée, vous devez certainement avoir envie de vous rendre compte par vous même, de l'état de votre bien.. cependant, vous voilà déjà fourbu d'un premier périple, serait-il sage d'en entamer un second si rapidement ?
À votre âge.
Orgueil piqué. Il aurait encaissé, Monsieur Stanford, pas aussi prompt que son fils à sauter sur les pièges tendus. Mais l'agate ne le regarde pas.. Elle dévie, sur le visage de Madame Fladenmuller. Surprise et circonspecte, l'opaline ne s'attendait pas à une attaque de cet acabit, pas envers elle ! Sa défense se fragmente.
- Nous ne sommes pas si fragiles ! Nous sommes opalins ! Criait tout son être. Elle ne pouvait pourtant s'indigner de la prévenance de leur hôte, fut-elle manipulée.
Les regards des deux opalins se tournent vers monsieur Stanford qui se retient visiblement de soupirer. Il réfléchit un instant, cherchant certainement une manière de se dérober à cette visite. Lui, à conscience, qu'elle leur serait certainement défavorable.
- Si cela vous convient, bien entendu, Monsieur Stanford.
Il enfonce le clou, avec tout le miel dont il les abreuve depuis qu'ils sont là. Ils avaient sans doute fait l'erreur de baisser leur garde. Fichus chats de gouttières.
Monsieur Huang restera finalement en retrait, c'est qu'il aimait les voir grandir, les graines qu'il recueillait en son organisation. Que celle-ci, resplendissait. Et cela était profitable, pour tous. Il saluerait donc les opalins lorsque ces derniers arriveraient jusqu'à lui, guidés par la jeune Fà. Dans un coin de son ombre, la Trésorière ferait de même. Elle ne cherche pas à attirer l'attention, Chaya, là n'est pas son rôle.
Le temps viendrait bien assez vite, pour elle, d'être au centre des discussions. Puisqu'elle tenait le cordon de cette bourse généreuse qui avait fait venir jusqu'ici les opalins.
Ils passent les portes de la salle de réunion sans un regard en arrière. Pour celles qui ferment la marche. Échanges quelques mots qui échappent aussi à la trésorière. Tous s'installent et après quelques politesses d'usages, le service de rafraichissements et petits-fours observés avec une sorte de défiance naturelle, les discussions commencent. Méfiantes, elles aussi. Puisqu'il s'agit bien là de sonder son partenaire commercial aussi surement que s'il avait été son pire ennemi. Au détour de mots savamment choisi, déterminer l'étendue de ses connaissances et, surtout, la quantité d'astras dans ses poches. Les opalins laissent entendre qu'ils n'ont guère besoin d'argent. Pourtant, ils sont là. Qu'ils ne cèderont cependant pas une mine aussi sophistiquée et importante sans une offre honnête.
La conversation, douce et avenante de Monsieur Huang, les amène tranquillement là où il les voulaient. Une mine sophistiquée, vraiment ? Il semblait pourtant que les mineurs la trouvait un rien vétuste. Ne jamais dire que la moitié d'une vérité. L'enrober. Pour mieux la dévoiler au moment propice. La Trésorière interroge alors, sur la rentabilité de la mine. Les livres de comptes, absents de la table des négociations. Inutiles selon les opalins, encombrants. Un mot de trop de la part du jeune Stanford, qui laisse deviner qu'il ne s'y est jamais rendu et Madame Fladenmuller se lève, faussement piquée au vif, dardant un regard colérique vers l'humble Monsieur Huang.
- Oseriez-vous sous-entendre que notre mine est hors d'usage ?!
Il semble peiné, le dirigeant des Monétaristes, confus face à un tel emportement. Il lève vers l'opaline, deux paumes conciliatrices.
- Jamais nous ne ferions pareilles allégations, rassurez-vous Madame Fladenmuller.
Une moue vexée sur son noble minois, la femme semble hésiter un instant avant de bien vouloir se rasseoir à la table des négociations. Il prend confiance, le jeune lion, peut-être parce qu'il y a cette délicate rose, non loin. Il se fait paternaliste, tournant son regard vers monsieur Huang puis Lan-Lan.
- Vous ne devriez pas croire tout ce que vous disent des gens qui passent leur temps six pieds sous-terre. Ils ne sont même pas aller à l'école je suis sûr. Comment pourraient-ils savoir si une mine est rentable ?
Il hausse les épaules, l'évidence tombant sous le sens. Chaya referme discrètement son livre de comptes alors que monsieur Huang acquiesce un peu trop profondément. Elle sait, ce qu'il va dire. Le livre se referme. Les opalins coincés entre ses pages.
- Vous avez raison monsieur Stanford, hélas, sans aucun livre de comptes, nous voilà dans l'obscurité totale. Comme c'est dommage. Si seulement les nobles opalins les gratifiaient de leur belle lumière.
Il s'y engouffre, torse tendu en avant. Héros de la lumière.
- Nous n'avons qu'à y aller. Le pied de son père ne viendra heurter sa cheville que trop tard. L'ignorant avait sauté le premier. Le rubis se tournait vers le père avant que Madame Fladenmuller n'ait pu intervenir.
- Vous conviendrez sans doute que votre fils a eu une excellente idée et le voyage ne serait que de courte durée, vous devez certainement avoir envie de vous rendre compte par vous même, de l'état de votre bien.. cependant, vous voilà déjà fourbu d'un premier périple, serait-il sage d'en entamer un second si rapidement ?
À votre âge.
Orgueil piqué. Il aurait encaissé, Monsieur Stanford, pas aussi prompt que son fils à sauter sur les pièges tendus. Mais l'agate ne le regarde pas.. Elle dévie, sur le visage de Madame Fladenmuller. Surprise et circonspecte, l'opaline ne s'attendait pas à une attaque de cet acabit, pas envers elle ! Sa défense se fragmente.
- Nous ne sommes pas si fragiles ! Nous sommes opalins ! Criait tout son être. Elle ne pouvait pourtant s'indigner de la prévenance de leur hôte, fut-elle manipulée.
Les regards des deux opalins se tournent vers monsieur Stanford qui se retient visiblement de soupirer. Il réfléchit un instant, cherchant certainement une manière de se dérober à cette visite. Lui, à conscience, qu'elle leur serait certainement défavorable.
- Si cela vous convient, bien entendu, Monsieur Stanford.
Il enfonce le clou, avec tout le miel dont il les abreuve depuis qu'ils sont là. Ils avaient sans doute fait l'erreur de baisser leur garde. Fichus chats de gouttières.
- Codes couleurs:
Monsieur Huang : lightblue
Madame Fladenmuller : #FF9933
Monsieur Stanford : #B1A645
Stanford Junior : #A37F71
On les aime déjà, hein ?
Dernière édition par Chāyā Lelwani le Mer 29 Mai - 13:39, édité 1 fois
Mer 1 Mai - 13:07
Changement de décors
La ballade des chats et des lions
La voiture avançait péniblement, se prenant çà et là la roue sur une roche ou les vestiges d’un trou. La diligence entière se mettait alors à trembler comme une feuille, avant de retrouver un calme de façade jusqu'à ce qu'une nouvelle blessure dans la route de campagne ne vienne attenter à leur vie.
La route était longue jusqu’à la mine - plusieurs jours de route le long des voies sinueuses qui arpentaient la campagne Xandrienne, élégant paysage de forêts de pins et de plaines fleuries dont les parfums embaumaient tout.
Ils formaient tout un cortège de voitures, petites billes élégantes allant de villages en villages, savamment ordonnées dans un ordre d’importance, chargés de gens importants, bien plus importants que ce que ces cabanes à roues laissaient deviner. Ils étaient en route depuis plusieurs jours déjà, s’arrêtant sur le chemin chez des partenaires nobles et riches, ou dans des hôtels et auberges… Le plus luxueux possible. Maintenant une couverture tissée d’or était parfois difficile plus on s’éloignait de la Juste. Mais les monétaristes n’en démordaient pas pour la maintenir aussi proche que possible.
Une mèche colorée s’échappa d’une fenêtre ouverte, rapidement suivie par un oeil hagard qui contemplait la tête du convoi. Devant elle, deux voitures. La première réservée au Guet et à la protection. La seconde, au vénérable maître Huang et l’ombre discrète et implacable qui le suivait patiemment, ainsi qu’à Mme Fladenmuller, et Monsieur Stanford.
Et dans la troisième… Lan-Lan Fà referma la fenêtre derrière elle, rafraîchie par la bise et l’air de la campagne. La serpentine avait joué et gagné au change, enfermée avec le jeune roquet d’Opale dans cette charmante petite diligence.
La route est encore longue? J’ai l’impression que nous y sommes depuis des jours.
Le héros de la lumière, libérateur du débat, la main tendue qui vint avorter les discussions et les chances d’Opale de négocier un prix à la hausse. Le jeune Stanford fils avait un air fier, et à le regarder de plus près, une cicatrice au-dessus de la lèvre qui lui donnait l’impression de sourire en coin en permanence.
Pendant les débats, elle l’avait observée patiemment, sagement, simple petite poupée silencieuse qui sert autant qu’une plante dans cette arène pavée d’astras. Elle avait senti la tension, apprécié l’énervement, senti la crispation monter en observant tantôt les visages de maître Huang, tantôt ceux des lions, tantôt celui implacable de la trésorière qui vint, avec sa voix délicate, les pousser jusqu’au gouffre béant de la défaite. Oh, quelle belle idée! s’était-elle exclamée alors, chantonnant presque avec un air faussement naïf. Je suis sûre que vous trouverez la campagne magnifique, c’est l’occasion de voir du pays. Minaudait-elle devant eux comme si elle ne comprenait de l’enjeu que son contour, et qu’elle ne voyait pas la destination mais le voyage.
Le lendemain, ils étaient partis. En avant vers les landes et la mine, creuset de cette histoire, aux entrailles grouillantes de créatures et de fantasmes.
Nous devrions arriver demain, mon Seigneur. Mais j’espère que les paysages de notre beau pays vous auront rendu le voyage plus agréable.
Elle sentit son regard chercher le sien - mieux encore, elle l’attirait à elle à grand renfort de battement de cils, de sourire pieux, de joue à demie tendue. Une chorégraphie ancienne que les Fà maîtrisaient avant même que le nom ne soit sanctifié par l’histoire.
Je l’ai apprécié. Avoua-t-elle doucement, tournant son visage dans l’autre sens. Donner un peu, reprendre immédiatement, encore, toujours, jusqu’à complètement posséder l’autre sans même qu’il ne s’en aperçoive. J’espère que ce fut également le cas de votre père et de Mme Fladenmuller.
Ils doivent avoir hâte d’en finir. Ils n’ont pas ma passion pour votre pays.
Ah? Elle eut l’air curieuse, ouvrant de grands yeux surpris.
Vous devez vous en doutez, non? Cette mine est un… Enfin, je ne devrais pas trop en dire.
Mon Seigneur, auriez-vous peur de moi? Lan-Lan était amusée, elle posait une main audacieuse, sur celle du jeune lord avant de prestement la retirer. Il me semblait pourtant qu’elle vous rendait fiers?
Lan-Lan n’était rien de plus qu’une accompagnante, dans ce cortège, la fille de qui a fait sa place par l’argent. Pourquoi se méfier? Elle n’était pas une menace, non? Elle ne pourrait pas parler?
C'est-à-dire que… Eh bien, pendant la visite, restez près de moi. Ça vaudra mieux.
Intéressant… Très intéressant. Elle voyait les mineurs et leurs petits mots discrets, que leurs voix caverneuses venaient tordre et amplifier comme le fond d’une galerie. Les calypèdes… Je vous jure, ça grouille là-dessous. On peut creuser la surface, oui, on peut. Mais demandez à voir les galeries. Ils voudront peut-être pas, mais faut pas creuser bien loin pour voir les premières traces de griffes, puis les restes de nids. Le golem avait étiré ses roches dans un sourire de fortune, grisé à l’idée que cette fois-ci, ils pourraient presque gagner. Je vous assure, c’est à se demander si il y en aurait pas quand on soulève un caillou. Demandez à voir les galeries.
Petite fleur de la ville, elle ouvrit des yeux ronds de surprise, effrayés, les doigts venant cacher ses lèvres dans la crainte d’être confrontée à un danger imminent.
Non, ne vous en faites pas… Lan-Lan. Je vous protégerais des insectes, de tous les dangers.
Heureusement que vous êtes là… Monsieur Stanford. C’est que… Les bêtes me font peur.
Gagné. Un Opalin dans la poche, c’était toujours un atout de plus dans leur manche. Elle passa un doigt sur la tête du reptile qui couronnait son cou, et qui, jusqu’ici, dormait tranquillement. La salamandre comprit le message, et se délogea pour s’envoler et traverser le plafond de la voiture: ses cibles étaient plus loin. D’abord Shizo, ensuite Maître Huang et Dame Lelwani. L’arrivée de la Salamandre dorée ne pouvait signifier qu’une chose: sa mission était une réussite, et elle tenait la preuve qu’ils avaient raison.
Secrètement, elle espérait aussi s’assurer de la santé de sa sœur. Elle la savait proche, à quelques mètres, mais c’était des mètres de trop. File, Huang-Long, traverse le convoie comme une étoile filante. Et sur ton passage, nous ferons un voeux.
La route était longue jusqu’à la mine - plusieurs jours de route le long des voies sinueuses qui arpentaient la campagne Xandrienne, élégant paysage de forêts de pins et de plaines fleuries dont les parfums embaumaient tout.
Ils formaient tout un cortège de voitures, petites billes élégantes allant de villages en villages, savamment ordonnées dans un ordre d’importance, chargés de gens importants, bien plus importants que ce que ces cabanes à roues laissaient deviner. Ils étaient en route depuis plusieurs jours déjà, s’arrêtant sur le chemin chez des partenaires nobles et riches, ou dans des hôtels et auberges… Le plus luxueux possible. Maintenant une couverture tissée d’or était parfois difficile plus on s’éloignait de la Juste. Mais les monétaristes n’en démordaient pas pour la maintenir aussi proche que possible.
Une mèche colorée s’échappa d’une fenêtre ouverte, rapidement suivie par un oeil hagard qui contemplait la tête du convoi. Devant elle, deux voitures. La première réservée au Guet et à la protection. La seconde, au vénérable maître Huang et l’ombre discrète et implacable qui le suivait patiemment, ainsi qu’à Mme Fladenmuller, et Monsieur Stanford.
Et dans la troisième… Lan-Lan Fà referma la fenêtre derrière elle, rafraîchie par la bise et l’air de la campagne. La serpentine avait joué et gagné au change, enfermée avec le jeune roquet d’Opale dans cette charmante petite diligence.
La route est encore longue? J’ai l’impression que nous y sommes depuis des jours.
Le héros de la lumière, libérateur du débat, la main tendue qui vint avorter les discussions et les chances d’Opale de négocier un prix à la hausse. Le jeune Stanford fils avait un air fier, et à le regarder de plus près, une cicatrice au-dessus de la lèvre qui lui donnait l’impression de sourire en coin en permanence.
Pendant les débats, elle l’avait observée patiemment, sagement, simple petite poupée silencieuse qui sert autant qu’une plante dans cette arène pavée d’astras. Elle avait senti la tension, apprécié l’énervement, senti la crispation monter en observant tantôt les visages de maître Huang, tantôt ceux des lions, tantôt celui implacable de la trésorière qui vint, avec sa voix délicate, les pousser jusqu’au gouffre béant de la défaite. Oh, quelle belle idée! s’était-elle exclamée alors, chantonnant presque avec un air faussement naïf. Je suis sûre que vous trouverez la campagne magnifique, c’est l’occasion de voir du pays. Minaudait-elle devant eux comme si elle ne comprenait de l’enjeu que son contour, et qu’elle ne voyait pas la destination mais le voyage.
Le lendemain, ils étaient partis. En avant vers les landes et la mine, creuset de cette histoire, aux entrailles grouillantes de créatures et de fantasmes.
Nous devrions arriver demain, mon Seigneur. Mais j’espère que les paysages de notre beau pays vous auront rendu le voyage plus agréable.
Elle sentit son regard chercher le sien - mieux encore, elle l’attirait à elle à grand renfort de battement de cils, de sourire pieux, de joue à demie tendue. Une chorégraphie ancienne que les Fà maîtrisaient avant même que le nom ne soit sanctifié par l’histoire.
Je l’ai apprécié. Avoua-t-elle doucement, tournant son visage dans l’autre sens. Donner un peu, reprendre immédiatement, encore, toujours, jusqu’à complètement posséder l’autre sans même qu’il ne s’en aperçoive. J’espère que ce fut également le cas de votre père et de Mme Fladenmuller.
Ils doivent avoir hâte d’en finir. Ils n’ont pas ma passion pour votre pays.
Ah? Elle eut l’air curieuse, ouvrant de grands yeux surpris.
Vous devez vous en doutez, non? Cette mine est un… Enfin, je ne devrais pas trop en dire.
Mon Seigneur, auriez-vous peur de moi? Lan-Lan était amusée, elle posait une main audacieuse, sur celle du jeune lord avant de prestement la retirer. Il me semblait pourtant qu’elle vous rendait fiers?
Lan-Lan n’était rien de plus qu’une accompagnante, dans ce cortège, la fille de qui a fait sa place par l’argent. Pourquoi se méfier? Elle n’était pas une menace, non? Elle ne pourrait pas parler?
C'est-à-dire que… Eh bien, pendant la visite, restez près de moi. Ça vaudra mieux.
Intéressant… Très intéressant. Elle voyait les mineurs et leurs petits mots discrets, que leurs voix caverneuses venaient tordre et amplifier comme le fond d’une galerie. Les calypèdes… Je vous jure, ça grouille là-dessous. On peut creuser la surface, oui, on peut. Mais demandez à voir les galeries. Ils voudront peut-être pas, mais faut pas creuser bien loin pour voir les premières traces de griffes, puis les restes de nids. Le golem avait étiré ses roches dans un sourire de fortune, grisé à l’idée que cette fois-ci, ils pourraient presque gagner. Je vous assure, c’est à se demander si il y en aurait pas quand on soulève un caillou. Demandez à voir les galeries.
Petite fleur de la ville, elle ouvrit des yeux ronds de surprise, effrayés, les doigts venant cacher ses lèvres dans la crainte d’être confrontée à un danger imminent.
Non, ne vous en faites pas… Lan-Lan. Je vous protégerais des insectes, de tous les dangers.
Heureusement que vous êtes là… Monsieur Stanford. C’est que… Les bêtes me font peur.
Gagné. Un Opalin dans la poche, c’était toujours un atout de plus dans leur manche. Elle passa un doigt sur la tête du reptile qui couronnait son cou, et qui, jusqu’ici, dormait tranquillement. La salamandre comprit le message, et se délogea pour s’envoler et traverser le plafond de la voiture: ses cibles étaient plus loin. D’abord Shizo, ensuite Maître Huang et Dame Lelwani. L’arrivée de la Salamandre dorée ne pouvait signifier qu’une chose: sa mission était une réussite, et elle tenait la preuve qu’ils avaient raison.
Secrètement, elle espérait aussi s’assurer de la santé de sa sœur. Elle la savait proche, à quelques mètres, mais c’était des mètres de trop. File, Huang-Long, traverse le convoie comme une étoile filante. Et sur ton passage, nous ferons un voeux.
Ven 24 Mai - 16:25
Trois petits chats, trois petits chats …
Paillasson et désillusion
°°Nous allons visiter les mines !°° me glisse Lan-Lan excitée en sortant de la salle de réunion.
°°Pardon ?°° mon corps se tend subrepticement, seul mon ton sec trahit la tension nouvelle.
La belle Glycine s’est déjà éloignée en compagnie du plus jeune des Charos, un vrai toutou d’orgueil qu’elle a su happer dans ses filets, me laissant seule avec cette nouvelle équation. Le maître des lieux s’approche, sourire aux lèvres, oeil pétillant rivé sur son rubis. Une ombre persiste derrière ses pas, félin sauvage en chasse, tapis derrière l’écran de la fatuité.
°°Le Commandant est-il dans les parages ?°° demande-t-il doucereux.
°°Je vais vous le quérir.°° mon ton est toujours dur, je m’éloigne dans l’espoir d’alpaguer ma sœur, en vain, ses lumières attirent les moustiques.
Le Commandant est au petit soin avec le dirigeant des Monétaristes, ce n’est pas dans les habitudes du Guet de jouer dans la cour des courbettes, ça ne m’enchante guère mais pour une telle affaire, il nous a été ordonné de filer droit. Je reste dehors ne voulant jouer les matois, surveillant la foule pour ramener tout ce beau monde dans leur prestigieux logements, sûrement à peine convenable pour les précieux Lions. Après tout, peut-on attendre mieux de vulgaires chats de gouttières ? Je remarque l’air soucieux et fermé du doyen du groupe, la visite ne semble pas se dérouler comme il l’avait imaginé. Et nous sommes là qu’au début des hostilités. Oui, un début qui me donne déjà du fil à retordre, je sais ce qui nous attend aux mines. Désillusions et danger imminent …
***
Notre voiture roule en tête de cortège, préparer l’entreprise en si peu de temps avait été une course effrénée entre prévenir les mineurs et la conduite à tenir, préparer l’itinéraire en tenant compte des dangers potentiels, choisir les villages étapes pour ne pas déplaire à nos invités … vaste plaisanterie, confort avant sécurité. Un programme inattendu se révélant aussi comme un avantage, les détracteurs seront surpris et leurs éventuels plans de sabotage avec … du moins jusqu’à ce qu'on revienne. C’est bien ce qui m’inquiète, une expédition jusqu’aux mines laisse tout loisir aux opposants du projet de nous accueillir au retour.
°°Lieutenant Fà …°° avait soufflé le Commandant avec exaspération. °°Nous avons déjà arrêté certaines têtes pensantes, il y aura peut-être encore quelques insultes, barrages tout au plus … ils vont vite comprendre que c’est pour le bien du pays, ne soyez pas si soupçonneuse, les patrouilles les dissuaderont d’agir jusqu’à notre retour.°°
Qu’ai-je fait pour me le mettre sur le dos ? Bonne impression, tout simplement. La Commissaire m’a soutenu dans l’obtention de mon grade de Lieutenant, ça n’a pas plus à certains dont mon nom rime avec népotisme. Ma mâchoire s’était contractée, pas de frustration, pas de colère, mais de crainte. Une intuition, peut-être des messages que je n’ai pas su interpréter mais dont mon inconscient criait gare.
Huang-Long me tire de mes réflexions attirant à lui les regards curieux des soldats et celui agacé du Commandant. Je laisse la mascotte s’enrouler autour de mon cou, instant familier qui me détend, la Salamandre danse sous nos yeux, j’acquiesce, seule à comprendre ses mouvements. Le Commandant me fixe, je souris. Certaines affaires ne sont pas de son ressort, Lan-Lan tient le lion en laisse. Une caresse sous la gorge et le reptile repart.
***
Nous sommes les premiers à sortir de notre diligence pour assurer la sécurité des lieux. Les mineurs se sont mis sur leur trente-et-un pour accueillir leurs patrons, habits déchirés, pioches en main, crasse à pleine peau … Toujours aussi charmants. Une odeur caractéristique des mines de myste flotte, un mélange de souffre et de fer agrémenté de la lourdeur de la Brume exploitée.
°°Pas de provocations, ne répondez pas à leurs critiques. Surtout pas de débordements.°° ordonné-je à mon équipe avant de rejoindre les femmes et les hommes qui nous toisent du regard. Sans surprise, des sarcasmes fusent à notre encontre.
°°Ça fait combien d’temps Joe qu’on a pas vu l’escouade venir nous protéger des bêtes ?°°
°°Ah parce qu’ils sont déjà venus Chun ? Pas que j’me souvienne, ah !°°
°°Oui par contre pour les Opalins on s'aplatit bien bas hein … Faudrait pas qu’y z’ont une égratignure.°°
Je fixe le duo de comiques, fermée.
°°Il ne vaudrait mieux pas qu’ils aient une égratignure si vous voulez vous en débarrasser, définitivement dans les règles de l’art. Faites leur peur si ça vous chante, c’est le moment ou jamais de récupérer votre indépendance, à vous de saisir votre chance.°° Quant à venir vous protéger ici, faudrait-il encore que vous nous laissiez approcher. pensé-je en me mordant la joue pour ne pas les provoquer, pas de vague Shizô, pas de vague.
D’un signe de main je dispatche mes subalternes pour sécuriser la voie. Je retourne aux voitures pour ouvrir la porte à ma sœur, le commandant préférant s’occuper lui-même de faire le portier pour Huang et sa clique. Voir le miroir de mes prunelles fushia m’apaise, bien vite effacé par le buste et le sourire enjôleur du roquet Opalin qui se précipite pour offrir sa main à la poupée de porcelaine. Pauvre gamin pensé-je alors qu'il doit que nos années d'existence différées à peine.
°°Merci officier, bien que votre présence me soit agréablement plaisante, je saurai prendre soin de Mademoiselle Fà.°°
Un regard et un sourire entendu à ma prunelle et je m’éclipse loin des verbes fallacieux.
Ven 7 Juin - 17:14
Dragons et vipères
En compagnie des charmantes sœurs Fà
Langues fourchues, dansent bien moins prestement, dans l'habitacle de leur voiture. Madame Fladenmuller maugrée de temps à autre, fusillant du regard le décors qui défile à sa fenêtre. Campagne xandrienne honnie, des opalins et des services publiques, visiblement. Routes oubliées des grands projets de la capitale, on ne mettra pas un sou dans ces nids de poules. Il ne passe ici que des fourmis travailleuses, elles n'ont guère besoin, de routes pavées. Du haut de sa tour d'ivoire, est-ce ainsi que leur cher Roi voit ses gens ? Petites gens, perdues dans le lointain d'une rumeur houleuse. Il ne voit pas l'océan, le bon Roi de Xandrie.
Le rubis se tourne vers monsieur Stanford, plongé dans la lecture d'un essai sur les nouvelles technologies, avait-il dit sans s'étendre, puisqu'après tout, un xandrien ne pouvait pas comprendre. Il n'avait pas été contredit par le sourire trop aimable et peu curieux du dirigeant des Monétaristes. Monsieur Huang n'entendait pas l'interroger sur les technologies de demain, il avait déjà fort à faire avec celles du présent. Puis, il fut momentanément occupé à tenter d'apprivoiser la noble salamandre qui vint leur rendre visite. L'or de ses écailles, luisaient des machinations -fructueuses- de sa propriétaire.
Lorsqu'ils étaient enfin descendu de voiture, un silence devenu pesant accompagnait leurs premiers pas sur la terre ferme. Seul Monsieur Huang a un mot à l'adresse du commandant du guet qui aura eu la politesse de leur ouvrir la portière. Un léger mouvement du menton de Chaya qui ne s'attarde pas auprès de son supérieur et des nouvelles courbettes qu'il entendait faire à leur éminent protecteur. Elle talonne les opalins. Pas une minute, ils n'auront pu discuter en paix.
De la paix, ils n'en apportent pas davantage à ces mineurs parqués sur les côtés. Ils semblent davantage rire de la présence des opalins que les maudire, pour le moment. Il y a pourtant une tension, dans le fond de l'air, lorsque fusent les sarcasmes et quelques crachats à leurs bottes. On se hâte alors, sans trop le montrer, vers l'entrée de la grotte, pour se mettre à l’abri de la grogne populaire. Chaya observe les quelques mineurs qui les attendent à l'intérieur du premier boyau. Leurs guides certainement. Ils sont plutôt mutiques. Pas de poignées de mains en vue, ce qui fait pousser un soupire de soulagement à madame Fladenmuller dont la joie ne sera que de courte durée. Ses épaules et celles de monsieur Stanford se crispent lorsqu'ils voient leurs guides s'enfoncer dans l'obscurité avant d'allumer leurs lampes frontales grésillantes.
- Nous n'allons p.. La voix bien trop basse et incertain de monsieur Stanford ne lui ressemble pas. Il est rapidement coupé par un éclat enthousiaste. Ah ! Enfin un peu d'exploration ! Voilà ce que nous attendions tous avec impatience ! Ne partez pas trop vite, chers guides, je n'ai plus vingt ans malgré les apparences. Son rire résonne sur les parois rocheuses ce qui ne fait qu'élargir le sourire sur les lèvres du monétariste. Il tend à sa trésorière une lampe frontale. Allons mademoiselle Lelwani, ne faites pas cette tête, vous avez déjà arpenter quelques mines avant, non ? Ce n'est qu'un peu de poussière. La jeune femme se saisit de la lanière de la lampe frontale avant d'acquiescer, obéissante. Elle sent peser sur son visage le regard des opalins qui n'attendent visiblement qu'un mot, une excuse, pour se défiler.
Elle n'a aucune envie de s'enfoncer sous terre. Fusse avec des guides et des gardes du corps, elle n'avait jamais apprécier s'enterrer vivante.. d'autant plus qu'elle ne connaissait pas les visages de leurs deux guides. Si encore ils avaient été accompagnés de ce cher Lodrith Caskgrip, elle aurait au moins eu la distraction de sa discussion et de son humour. Ici, il n'y avait que des vipères. Mais, qui sait, au fond de cette mine sommeillait peut-être un dragon.. Un dragon xandrien.
- Quelle utilité avons-nous à crapahuter dans la terre ? Vous voyez bien que la mine fonctionne, c'est suffisant ! Peste l'opaline avant de tenter de sertir la lampe à son front puis rapidement abandonner, par incapacité à demander de l'aide ou par coquetterie. Pardonnez notre manque de connaissance, nous ignorons tout des procédés techniques et machineries opalines, il nous faut donc nous assurer quelles soient intactes.. Bien entendu, si vous souhaitez nous éclairer en chemin sur les mécanismes en place, nous sommes tout ouïe. Madame Flandenmuller grimace dans l'obscurité avant de faire un pas sur le côté pour esquiver une petite flaque. D'eau, certainement.
Rejoint par le jeune Stanford, affairé à se montrer d'une prévenance envahissante envers son aimable accompagnatrice, le groupe était encadré par quelques hommes du guet. En comptant leur trois guides à l'avant, ils devaient être une quinzaine. Un groupe qui se transforma bien vite en une longue file lorsque le tunnel qu'ils empruntaient se resserra.
Le rubis se tourne vers monsieur Stanford, plongé dans la lecture d'un essai sur les nouvelles technologies, avait-il dit sans s'étendre, puisqu'après tout, un xandrien ne pouvait pas comprendre. Il n'avait pas été contredit par le sourire trop aimable et peu curieux du dirigeant des Monétaristes. Monsieur Huang n'entendait pas l'interroger sur les technologies de demain, il avait déjà fort à faire avec celles du présent. Puis, il fut momentanément occupé à tenter d'apprivoiser la noble salamandre qui vint leur rendre visite. L'or de ses écailles, luisaient des machinations -fructueuses- de sa propriétaire.
Lorsqu'ils étaient enfin descendu de voiture, un silence devenu pesant accompagnait leurs premiers pas sur la terre ferme. Seul Monsieur Huang a un mot à l'adresse du commandant du guet qui aura eu la politesse de leur ouvrir la portière. Un léger mouvement du menton de Chaya qui ne s'attarde pas auprès de son supérieur et des nouvelles courbettes qu'il entendait faire à leur éminent protecteur. Elle talonne les opalins. Pas une minute, ils n'auront pu discuter en paix.
De la paix, ils n'en apportent pas davantage à ces mineurs parqués sur les côtés. Ils semblent davantage rire de la présence des opalins que les maudire, pour le moment. Il y a pourtant une tension, dans le fond de l'air, lorsque fusent les sarcasmes et quelques crachats à leurs bottes. On se hâte alors, sans trop le montrer, vers l'entrée de la grotte, pour se mettre à l’abri de la grogne populaire. Chaya observe les quelques mineurs qui les attendent à l'intérieur du premier boyau. Leurs guides certainement. Ils sont plutôt mutiques. Pas de poignées de mains en vue, ce qui fait pousser un soupire de soulagement à madame Fladenmuller dont la joie ne sera que de courte durée. Ses épaules et celles de monsieur Stanford se crispent lorsqu'ils voient leurs guides s'enfoncer dans l'obscurité avant d'allumer leurs lampes frontales grésillantes.
- Nous n'allons p.. La voix bien trop basse et incertain de monsieur Stanford ne lui ressemble pas. Il est rapidement coupé par un éclat enthousiaste. Ah ! Enfin un peu d'exploration ! Voilà ce que nous attendions tous avec impatience ! Ne partez pas trop vite, chers guides, je n'ai plus vingt ans malgré les apparences. Son rire résonne sur les parois rocheuses ce qui ne fait qu'élargir le sourire sur les lèvres du monétariste. Il tend à sa trésorière une lampe frontale. Allons mademoiselle Lelwani, ne faites pas cette tête, vous avez déjà arpenter quelques mines avant, non ? Ce n'est qu'un peu de poussière. La jeune femme se saisit de la lanière de la lampe frontale avant d'acquiescer, obéissante. Elle sent peser sur son visage le regard des opalins qui n'attendent visiblement qu'un mot, une excuse, pour se défiler.
Elle n'a aucune envie de s'enfoncer sous terre. Fusse avec des guides et des gardes du corps, elle n'avait jamais apprécier s'enterrer vivante.. d'autant plus qu'elle ne connaissait pas les visages de leurs deux guides. Si encore ils avaient été accompagnés de ce cher Lodrith Caskgrip, elle aurait au moins eu la distraction de sa discussion et de son humour. Ici, il n'y avait que des vipères. Mais, qui sait, au fond de cette mine sommeillait peut-être un dragon.. Un dragon xandrien.
- Quelle utilité avons-nous à crapahuter dans la terre ? Vous voyez bien que la mine fonctionne, c'est suffisant ! Peste l'opaline avant de tenter de sertir la lampe à son front puis rapidement abandonner, par incapacité à demander de l'aide ou par coquetterie. Pardonnez notre manque de connaissance, nous ignorons tout des procédés techniques et machineries opalines, il nous faut donc nous assurer quelles soient intactes.. Bien entendu, si vous souhaitez nous éclairer en chemin sur les mécanismes en place, nous sommes tout ouïe. Madame Flandenmuller grimace dans l'obscurité avant de faire un pas sur le côté pour esquiver une petite flaque. D'eau, certainement.
Rejoint par le jeune Stanford, affairé à se montrer d'une prévenance envahissante envers son aimable accompagnatrice, le groupe était encadré par quelques hommes du guet. En comptant leur trois guides à l'avant, ils devaient être une quinzaine. Un groupe qui se transforma bien vite en une longue file lorsque le tunnel qu'ils empruntaient se resserra.
- Codes couleurs:
Monsieur Huang : lightblue
Madame Fladenmuller : #FF9933
Monsieur Stanford : #B1A645
Stanford Junior : #A37F71
Jeu 27 Juin - 13:37
Sous la terre
Personne ne vous entendra crier
Sous leurs plantes, il n’y avait plus que les reliefs tranchants de la roche. Dans leurs oreilles, l’écho lointain des machines et des pioches. Le hurlement caverneux du vent. Les murmures de petites rivières enfouies sous la terre, lovées profondément dans les bras d’Uhr. Alors qu’ils progressaient sous la terre, la surface paraissait loin, si loin.
Ils faisaient une curieuse délégation - traits nobles, apprêtés pour sortir, les lampes frontales fronçant leur visage, tassant leurs angles si soignés. Ils n’avaient rien à faire là, dans ce territoire sacré des mineurs, là où ils déversaient tous les jours sang et eaux sur l’autel du Myste, précieuse potion mystique offerte en offrande aux mains Opalines, déjà gorgées de richesse. Le serviteur qui doit baiser les pieds qui lui marchent dessus. Un véritable poison qui coulait depuis bien longtemps dans les veines de Xandrie.
Oui, un vrai poison.
Plus ils avançaient, plus les passages devenaient serrés, les obligeant à se coller, à épouser les formes des murs pour atteindre le prochain tunnel.
C’est peu pratique… Pourquoi diable n’avez-vous pas creuser plus? S’offusquait madame Flandenmuller dés que les murs devenaient un peu étroits. Malicieuse, Lan-Lan s’offrait un malin plaisir à marcher inopinément sur les pans trop longs de sa robe guindé. Oups.
C’est que, si on creuse, on risque de fragiliser la structure du boyaux. C’est comme un pont, vous voyez. Nous on creuse que quand c’est fermé, si on peut passer naturellement, on passe
N’avez-vous aucune idée de ce qu’est le confort? Murmura-t-elle dans sa barbe.
Fort bien, excellent. Rattrapa Stanford père, essayant d’étouffer les jérémiades plaintives de sa consoeur. Montrer de la faiblesse n’était pas sage, sous la terre. Il fallait garder, soigner ses apparences. Pour que leur dégoût ne saute pas aux yeux brillants d’astras des Xandriens dégoûtants avec qui ils devaient bien jouer des coudes.
Pendant ce temps, Lan-Lan avançait, curieux chat attentif, bien caché par le dos large du roquet-fils qui se faisait une grande responsabilité de la protéger des dangers - ceux-ci n’étaient pour l’instant pas légions, sauf si on considère l’odeur de vase et de poussière qui embaumait toute la mine. Elle surveillait tout: les machines qu’ils croisaient çà et là - certaines montraient d’apparentes traces de rouilles - balayées rapidement par Stanford père d’une remarque sur la beauté de la pierre. Là, des mineurs sans casque. Un oubli, sans doute! Il faudra appeler le contre-maître, il va devoir rappeler ses troupes à l’ordre, et revoir avec eux les consignes de sécurité.
Ils avaient réponse à tout - mais n’excusaient rien, ni la plus petite des erreurs, ni la plus flagrante des fautes. Mais ils voyaient tout. Monétaristes comme mineurs comme Guet: ils ne pouvaient rien ignorer.
Lan-Lan chercha un instant Shizo dans le cortège: elle était devant, en tête de la délégation avec son supérieur, le bras armé de Xandrie qui protégerait leurs invités en cas de malheur. La cheffe Fà fulminait doucement. Elle savait très bien au-devant de quoi ils avançaient, et quel danger elle faisait courir à sa sœur. C’était aussi dégoûtant que répugnant, en rien raccord avec ses principes. Mais pourtant, elle ne disait rien. Elle laissait faire.
Shizo était forte, bien plus qu’elle. Rien dans cette mine ne pourrait l’atteindre… Malgré tout, elle priait.
Bien! Je crois que nous en avons suffisamment vu, il est grand temps de faire demi-tour. Vous voyez bien que la mine est en état de marche.
Madame Flandenmuller avait pris tout le groupe de court, s’exclamant fortement au détour d’une galerie qui descendait un peu plus vers les entrailles de la terre. Au prochain coude, ils descendraient d’un niveau selon le plan que cachait discrètement leur guide, un parchemin écrit au charbon dépassant habilement de sa poche. Il faut aller plus loin… Ne pas laisser aux Opalins l’opportunité de dicter la marche.
Quel dommage - nous n’avons pas eu le temps de voir les mineurs à l'œuvre. Murmura-t-elle.
Nous n’en avons pas besoin, nous en avons vu assez.
L’opaline était ténue - tout comme l’ambassadrice, qui enroulait une main téméraire autour de la manche du jeune étalon.
Mais le meilleur myste ne vient-il pas des profondeur? Nous sommes allés jusque là, nous n’aurons pas à marcher bien plus longtemps pour découvrir une veine. N’est-ce pas?
Leur guide haussa les épaules - il voyait où elle allait. Où elle voulait en venir.
C’est certain que si vous n’avez jamais vu de myste, le jeu en vaut la chandelle! Vous non plus jeune homme? Et vous capitaine? Et vous, excellence Huang?
Caskgrip pouffa doucement, sagement positionné derrière le cortège. Les Opalins n’étaient que trois, après tout. Le nombre gagnerait.
Dans ce cas… Je vous suis. Mines déconfites des Opalins.
L’entrée de la galerie se découpait comme une énorme gueule noire, prête à les avaler tout cru. La lumière y était vacillante, l’obscurité presque totale. De quoi faire pâlir même les plus courageux. Stanford junior tentait de jouer les alphas le plus possible, s’avançant comme un prince, mettant sa main devant lui pour percer le voile de ténèbres qui les condamnait tous. Leur lampe éclairait les parois - roches sur roches, sur… Des tuyaux aux membranes sombres. Le cœur était visible, abrité par des tuyaux de verre dans lesquels s’agitait une fumée verdâtre et légèrement brillante.
Le myste…
Attention! Le cri raisonna - le capitaine du Guet, en tête. Puis un crissement terrifiant, le craquement d’une gorge - vraiment, une gorge? C’était à peine humain. Les milles pattes d’une créature qu’on avait laissé proliférer dans le cœur des galeries. Calypèdes!
Ils faisaient une curieuse délégation - traits nobles, apprêtés pour sortir, les lampes frontales fronçant leur visage, tassant leurs angles si soignés. Ils n’avaient rien à faire là, dans ce territoire sacré des mineurs, là où ils déversaient tous les jours sang et eaux sur l’autel du Myste, précieuse potion mystique offerte en offrande aux mains Opalines, déjà gorgées de richesse. Le serviteur qui doit baiser les pieds qui lui marchent dessus. Un véritable poison qui coulait depuis bien longtemps dans les veines de Xandrie.
Oui, un vrai poison.
Plus ils avançaient, plus les passages devenaient serrés, les obligeant à se coller, à épouser les formes des murs pour atteindre le prochain tunnel.
C’est peu pratique… Pourquoi diable n’avez-vous pas creuser plus? S’offusquait madame Flandenmuller dés que les murs devenaient un peu étroits. Malicieuse, Lan-Lan s’offrait un malin plaisir à marcher inopinément sur les pans trop longs de sa robe guindé. Oups.
C’est que, si on creuse, on risque de fragiliser la structure du boyaux. C’est comme un pont, vous voyez. Nous on creuse que quand c’est fermé, si on peut passer naturellement, on passe
N’avez-vous aucune idée de ce qu’est le confort? Murmura-t-elle dans sa barbe.
Fort bien, excellent. Rattrapa Stanford père, essayant d’étouffer les jérémiades plaintives de sa consoeur. Montrer de la faiblesse n’était pas sage, sous la terre. Il fallait garder, soigner ses apparences. Pour que leur dégoût ne saute pas aux yeux brillants d’astras des Xandriens dégoûtants avec qui ils devaient bien jouer des coudes.
Pendant ce temps, Lan-Lan avançait, curieux chat attentif, bien caché par le dos large du roquet-fils qui se faisait une grande responsabilité de la protéger des dangers - ceux-ci n’étaient pour l’instant pas légions, sauf si on considère l’odeur de vase et de poussière qui embaumait toute la mine. Elle surveillait tout: les machines qu’ils croisaient çà et là - certaines montraient d’apparentes traces de rouilles - balayées rapidement par Stanford père d’une remarque sur la beauté de la pierre. Là, des mineurs sans casque. Un oubli, sans doute! Il faudra appeler le contre-maître, il va devoir rappeler ses troupes à l’ordre, et revoir avec eux les consignes de sécurité.
Ils avaient réponse à tout - mais n’excusaient rien, ni la plus petite des erreurs, ni la plus flagrante des fautes. Mais ils voyaient tout. Monétaristes comme mineurs comme Guet: ils ne pouvaient rien ignorer.
Lan-Lan chercha un instant Shizo dans le cortège: elle était devant, en tête de la délégation avec son supérieur, le bras armé de Xandrie qui protégerait leurs invités en cas de malheur. La cheffe Fà fulminait doucement. Elle savait très bien au-devant de quoi ils avançaient, et quel danger elle faisait courir à sa sœur. C’était aussi dégoûtant que répugnant, en rien raccord avec ses principes. Mais pourtant, elle ne disait rien. Elle laissait faire.
Shizo était forte, bien plus qu’elle. Rien dans cette mine ne pourrait l’atteindre… Malgré tout, elle priait.
Bien! Je crois que nous en avons suffisamment vu, il est grand temps de faire demi-tour. Vous voyez bien que la mine est en état de marche.
Madame Flandenmuller avait pris tout le groupe de court, s’exclamant fortement au détour d’une galerie qui descendait un peu plus vers les entrailles de la terre. Au prochain coude, ils descendraient d’un niveau selon le plan que cachait discrètement leur guide, un parchemin écrit au charbon dépassant habilement de sa poche. Il faut aller plus loin… Ne pas laisser aux Opalins l’opportunité de dicter la marche.
Quel dommage - nous n’avons pas eu le temps de voir les mineurs à l'œuvre. Murmura-t-elle.
Nous n’en avons pas besoin, nous en avons vu assez.
L’opaline était ténue - tout comme l’ambassadrice, qui enroulait une main téméraire autour de la manche du jeune étalon.
Mais le meilleur myste ne vient-il pas des profondeur? Nous sommes allés jusque là, nous n’aurons pas à marcher bien plus longtemps pour découvrir une veine. N’est-ce pas?
Leur guide haussa les épaules - il voyait où elle allait. Où elle voulait en venir.
C’est certain que si vous n’avez jamais vu de myste, le jeu en vaut la chandelle! Vous non plus jeune homme? Et vous capitaine? Et vous, excellence Huang?
Caskgrip pouffa doucement, sagement positionné derrière le cortège. Les Opalins n’étaient que trois, après tout. Le nombre gagnerait.
Dans ce cas… Je vous suis. Mines déconfites des Opalins.
L’entrée de la galerie se découpait comme une énorme gueule noire, prête à les avaler tout cru. La lumière y était vacillante, l’obscurité presque totale. De quoi faire pâlir même les plus courageux. Stanford junior tentait de jouer les alphas le plus possible, s’avançant comme un prince, mettant sa main devant lui pour percer le voile de ténèbres qui les condamnait tous. Leur lampe éclairait les parois - roches sur roches, sur… Des tuyaux aux membranes sombres. Le cœur était visible, abrité par des tuyaux de verre dans lesquels s’agitait une fumée verdâtre et légèrement brillante.
Le myste…
Attention! Le cri raisonna - le capitaine du Guet, en tête. Puis un crissement terrifiant, le craquement d’une gorge - vraiment, une gorge? C’était à peine humain. Les milles pattes d’une créature qu’on avait laissé proliférer dans le cœur des galeries. Calypèdes!
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