Mer 7 Sep - 18:49
Jessamy
Xandrie / Vagabonde
- Environ 27 ans / Date de naissance inconnue.
- Mutante / Femme.
- Probablement Opale.
- Bisexuelle / Elle, she, her.
- Messagère.
- Michiko (Manchurian Crane) • Identity V.
Description
Il y a d’abord ce rire : croassement crissant aux tympans, déferlante de notes distordues et canailles. Le ricanement grésille comme une vieille radio cynique dont elle choisit la fréquence. Jessamy ne s’excuse pas de rire. Elle ne s’excuse pas de prendre de la place – et surtout celle qu’on lui refuse. Même le collier de cuir qui enserre son cou de cygne n’empêchera pas son rire de s’entrechoquer contre les murs de la Juste. Elle n’ajuste pas son sourire, l’éventail de crocs brodé du rouge carnassier de ses lèvres. De la fente délicate s’échappent sarcasmes et traits d’esprit glauques, quand ce n’est pas l’éloquence qui désarme. Ses bons mots s'adressent à ceux qui, comme elle, grattent les murs des citadelles et n’ont que la Brume pour manteau. La créature a le phrasé piquant, tels les récifs de son corps blême.Jessamy est toute en angles et en dents de scie. Des ruines de son corps il ne reste que la stature, son mètre soixante de frêle ossature. Une peau diaphane s’étire sur l'ossature : presque transparente par endroits, si bien que l’on peut discerner les affluents de son système sanguin çà et là. L’hémoglobine de myste mêlée pulse à son artère, acharnée. Elle se tarira bientôt ; Jessamy le sait. Sa condition la condamne à s’évaporer au plus tôt dans la Brume. C’est peut-être pour cela qu’elle n’hésite jamais à s’y enfoncer, portant missives aux soldats et aux aventuriers. Elle s’habitue à son étreinte moite, à sa façon de la rendre plus spectrale qu’elle ne l’est déjà. Créature éthérée et pourtant lucide, elle se sait coupée de nombre de privilèges : une vie agréable et sans douleurs, une vie sans humiliations, une vie complète.
Car en lui remodelant la chair, le Magistère a aussi amputé une partie de sa mémoire : ne restent que remembrances tordues et sensations floues. L’écho d’un rire, une caresse sur sa joue ; le fumet du pain chaud. Elle s’est rendue malade à courir après ses souvenirs, à chercher une réponse dans sa caboche évidée comme une outre percée. Elle ignore si ce qui lui appartient lui reviendra : alors, en attendant, Jessamy s’agrippe aux souvenirs qu’elle se crée chaque jour. Croque goulûment ses dernières années de vie. Comme ses commanditaires, elle écrit – le savoir ne lui a pas échappé. Ses mains pourtant ne sont pas faites pour créer : fines et agiles, elles se prolongent de longues griffes noires semblables à des fusains acérés, qui s’ancrent dans sa chair pâle en sillons nocturnes. Avec elles, Jessamy peut aisément déchiqueter, arracher, lacérer sa pitance en lambeaux de carne. La créature a été taillée pour la chasse : pour la (re)construire, on a enlevé et mutilé une banshee imprudente et d’autres monstres carnassiers. Des plumes rouge dentelées de blanc ont poussé sur les côtés de son crâne et sur ses bras, lui offrant l'allure d'un grotesque rapace. Sur son derme blafard ruissellent moult cicatrices, des rubans de chair rose pâle cousus sur la soie de sa peau. Elles se rejoignent au-dessus de ses omoplates, où éclosent des élytres d’un vermeil profond, tirant vers le noir aux extrémités. Dissimulées sous ses vêtements et ses longs cheveux blancs, elles frémissent à la moindre de ses émotions, au moindre éveil de l’instinct primal. Elles protègent des ailes diaphanes, sublimes et cruelles : chaque tentative de les déployer injecte une douleur vive et insupportable dans la colonne vertébrale de leur porteuse. Les autres jours, c’est un feu lointain mais lancinant qui lui brûle les cervicales, l’obligeant quelquefois à s’asseoir quelques heures ou à marcher avec une canne.
De cette douleur, Jessamy tire une rage viscérale : contre la pitié cynique, contre les crachats à la figure, contre la vanité matrice de son existence. Longtemps, elle a dirigé cette colère contre elle-même, se recroquevillant dans sa cage froide et dans le fatalisme. Et puis, chemin faisant, elle a compris que ses griffes pouvaient arracher sa liberté ; que son horrible cri pouvait percer la Brume. Qu’il y avait, peut-être, quelque chose à faire de sa carcasse, autre que la servile bestiole créée par quelques egos en mal de frissons. La tête haute, elle se drape dans un orgueil tissé de convictions. Fière monstresse au regard rougeoyant, elle mène sa renaissance avec fierté. Et compte bien nourrir, dans son sillage sanglant, ce qui se tapit dans l’ombre de la Juste.
Habiletés et pouvoirs
[TW : mutilations, maltraitances]Dossier du spécimen J-31.9
Date de création : 20 Uhr, an 1892
Entrée Numéro 1
Date : XX-XX-XXXX
Après maints essais infructueux, ayant entraîné le décès de plusieurs sujets, nous avons enfin réussi à injecter une quantité suffisante de Myste dans le sang de [REDACTED] (référencée ci-après sous le nom « spécimen J-31.9 »). Non sans difficulté, au vu du manque de coopération de l'intéressée. Malgré sa stature et son origine humaine, le spécimen J-31.9 est parvenu à blesser deux confrères en les mordant et en les griffant. Grande a été notre surprise, considérant son mutisme et son apathie à son arrivée. Bien qu'elle ait, semble-t-il, donné son consentement pour participer à l'expérience, sa fureur générée par sa captivité nous a interpellés. Si nous n'avons pas encore procédé aux mutations, nous sommes d'ores et déjà surpris par son comportement, plus animal qu'humain. La robustesse du spécimen J-31.9 est cependant remarquable, et nous encourage à poursuivre nos efforts.
Entrée Numéro 5
Date : XX-XX-XXXX
La fusion entre la banshee capturée (cf. l'entrée numéro 3) et le spécimen J-31.9 s'est presque bien passée. Nous avons d'abord procédé à l'amputation des griffes, que nous avons ensuite fusionné aux mains du sujet. Elles ne sont malheureusement pas rétractables, mais peuvent aisément découper la chair humaine. Des séances de rééducation sont prévues afin d'apprendre au spécimen J-31.9 à les utiliser.
Nous avons également procédé à l'extraction des mandibules de la banshee, mais ne sommes pas parvenus à les introduire dans la mâchoire du spécimen J-31.9. Nous avons préféré ne pas prendre le risque de détruire la sienne en essayant de l'élargir et de la reconstruire, et avons décidé de renforcer et de remodeler ses dents ; désormais, ses crocs n'ont rien à envier à ceux d'un prédateur carnivore de petite taille. Nous avons cependant pu remplacer ses cordes vocales par celles de la banshee. Sa voix s'en est retrouvée indéniablement changée, elle est plus rauque, plus grinçante. Cependant, elle est désormais capable de crier comme une banshee de naissance.
La partie la plus délicate a été la pose des élytres dans son dos. Les organes sont fonctionnels, mais il semble que l'opération ait atteint ses nerfs du même coup. Ainsi, le spécimen J-31.9 ne peut pas vraiment s'en servir, ne serait-ce qu'au prix d'une intense douleur dans la colonne vertébrale. Par ailleurs, elle se plaint depuis de douleurs sourdes et continuelles dans le dos, et s'est jetée sur moi lorsque je lui ai annoncé que nous ne pourrions pas retirer ses ailes. Nous avons placé le spécimen J-31.9 à l'isolement, le temps de prendre une décision.
Entrée Numéro 7
Date : XX-XX-XXXX
Malgré les récents incidents, nous avons décidé de ne pas euthanasier le spécimen J-31.9 et de poursuivre nos expérimentations. Il serait trop dommage de jeter aux orties une création si prometteuse. Le spécimen J-31.9 est spécial. Ni vraiment animale, ni vraiment humaine, ni vraiment créature — bien qu'elle clame à qui veut être une banshee. Nous avons même remarqué des changements inattendus. Les mutations ont dépigmenté ses cheveux et injecté dans à ses iris un rouge crépusculaire, la rendant sensible à la lumière du jour. Son ouïe et son odorat se sont développés et ses réactions ressemblent un peu plus à celles d'un chat sauvage.
Entrée Numéro 15
Date : XX-XX-XXXX
La psyché du spécimen J-31.9 se détériore. La formulation peut paraître barbare, mais sa captivité semble la faire souffrir : elle a déjà blessé plusieurs assistants en refusant de rentrer dans sa cage, terrifiée. Nous avons donc décidé de nous fier à son instinct, et de l'envoyer avec une équipe dans la Brume. Le but du spécimen J-31.9 est de guider et de défendre les expéditionnaires, et sa vie doit se dérouler à l'extérieur autant que possible après sa rééducation. Laquelle semble se dérouler à merveille : de son passé, le spécimen J-31.9 n'a plus rien retenu. Ni son nom, ni les circonstances de sa détention.
Elle-même s'est montrée enthousiaste à l'idée de servir Opale et le bien commun de cette manière. Je suis donc optimiste quant à notre collaboration future, et reste dans l'expectative en ce qui concerne ses premiers résultats.
Fin du dossier.
Biographie
An 1894, Mer de BrumeAllongé dans l’herbe, le soldat fixe le ciel ; son regard se perd dans le plafond de brume qui étouffe la nuit. Les bras le long du corps, il laisse la brise effleurer sa peau, refroidir ses vêtements de sa caresse éphémère. Sa poitrine semble s’enfoncer dans le sol, la peau épousant les contours de sa cage thoracique. Le voyage a été long : il n’a sans doute pas eu l’occasion de se reposer jusque-là. Ses lèvres entrouvertes laissent pénétrer le léger souffle du vent ; parfois, un insecte se perd dans son courant pour s’y échouer. À moins d‘être piégé dans la fente humide et cramoisie qui s’est creusée dans sa joue.
Sur le front blême du soldat, une main griffue vient se poser. Elle arrange les petites mèches de cheveux qui se sont collées au derme suintant. Son pouce caresse doucement la soie de sa peau.
Jessamy n’a jamais caressé personne – ou alors, elle ne s’en souvient pas. C’est agréable. Il ne se débat pas. Il ne crie pas. Il ne tire pas sur son collier. Et sa peau est douce, malgré son humidité. Elle se recroqueville en plis de dentelle cramoisie autour de la déchirure de sa gorge ; la main court sur la peau, déchire un lambeau de chair pour le porter à des lèvres tout aussi vermeilles. La carne gicle sur sa peau de lait comme la bavure d’un vieux rouge à lèvres. Elle l’aspire dans un bruit spongieux, avant de la mastiquer lentement. Le goût ferreux de sa chair explose dans sa bouche comme le jus d’un fruit mûr. Elle n’en tire aucun plaisir autre que celui, animal, de la faim sur le point d’être rassasiée.
Les prunelles rougeoyantes de la créature glissent sur le corps de l’ex-geôlier. Il a été le premier à choisir son nom. Ou, plutôt, lorsqu’elle lui a demandé de lui nommer les fleurs qui dégringolent le long des murs du Magistère, il a répondu d’une voix détachée : « Du jasmin ». Jasmin, Jessamy. Vigne de collerettes blanches qui se déroulent comme ses cheveux retombent sur ses épaules. Jessamy a toujours voulu un nom, mais l’autre – comment s’appelait-il, déjà ? – a persisté à l’appeler par cette horrible suite de chiffres et de lettres. Il lui tardait de se trouver un nom charmant, une fois sa liberté retrouvée.
Elle imite sa victime et tourne son regard vers le ciel cotonneux. De son point de vue, la Brume n’est pas si effrayante. La Brume n’a pas de murs ; elle ne la tire pas par son collier. Elle n’a pas de vilaines mains pour lui imbriquer de vilaines choses dans son vilain corps. Nombre de pauvres hères se sont égarés dans son ventre intangible ; elle les aurait avalés pour ne plus les recracher. Un fin sourire étire les lèvres rouges de Jessamy. Elle a disparu trop longtemps de la surface du monde ; elle n’est pas encore prête à s’en effacer de nouveau.
Tirant sur un autre morceau de chair pour le mâchonner, elle essuie ses mains sur son long manteau noir avant d’extirper une carte d’Uhr de la poche du soldat. Elle l’avait vu s’en servir quelques heures auparavant, pour y griffonner leur itinéraire. Son regard suit le tracé précis des lignes et des flèches, jusqu’à une croix placée au-dessus de « Dainsbourg ». Le nom lui souffle un écho familier. Pourtant, elle ne s’y attarde pas, observant la frontière qui les sépare de son ancienne geôle. Opale. Elle fronce le museau. Pas bien. Jessamy se penche en voûtant le dos au-dessus de la carte, son doigt sale suivant la route vers un autre territoire. Xandrie, dite « la Juste ». Son petit soldat d’Opale en a ri, tout à l’heure, de ce rire qui éclabousse les songes de dénigrement. Désormais il ne rit plus, et le sourire béant de son cou déchiré ne répand que fluides. Son sang inonde la terre en corolle brunâtre autour de sa tête. La Brume se reflète en voile opaque dans son regard vide.
Jessamy essuie sa bouche d’un revers de main. Elle enroule délicatement la carte pour la glisser dans son manteau, et se relève ; le geste lui arrache une grimace de douleur, alors qu’elle se tient le dos comme pour l’empêcher de se faire plus cuisante. Son regard darde la rivière qui doit la guider vers sa destination – vers sa liberté. Autour de sa petite silhouette, la Brume s’épaissit ; elle disparaît.
[…]
An 1895, Xandrie
La foule hétéroclite s’agglomère autour de son corps. De ses mains griffues elle ramène ses nippes contre sa peau. La masse chaude des vivants l’enveloppe sans l’écraser ; rien à voir avec les cages froides et alignées, les pouls lointains des monstruosités y croupissant, l’étreinte métallique des barreaux toujours plus resserrés. Le seul contact autorisé autrefois a fait éclore ecchymoses bariolées sur son derme, sillons vermeils sur celui des autres. Un feulement siffle entre ses crocs et ses plumes s’ébouriffent quand une présence l’envahit. Recroquevillée dans ses vêtements, la créature trouve le calme dans une petite ruelle.
Prise d’un léger vertige, elle s’adosse au mur en se frictionnant les bras. Xandrie bouillonne de couleurs, de senteurs et de vie. Elle s’est plongée sans vraiment réfléchir dans sa réalité grouillante. Un soupir fuse entre ses lèvres. Son instinct l’a peut-être trompée, qui sait…
« Jelena ? »
Une voix de femme, suave, rivière sur la rocaille. Jessamy regarde autour d’elle, sans voir personne d’autre que l’autre silhouette découpée par les ombres. Sa peau légèrement fripée, blanchie par l’âge, tombe en ridules sur son ossature et couvre ses clavicules comme un vieux foulard en soie sur un cintre métallique. Ses cheveux épars ressemblent à une toile d’araignée emmêlée sur sa tête. Elle est très grande, très fine – une liane sèche et plissée. Elle n’est couverte que d’un châle noir, qui ondule élégamment autour de ses épaules. Jessamy est happée par les miroirs sombres qui s’ancrent sous son front large. Un regard qui la surplombe, sans chercher pourtant à la dominer. Pour le moment.
« C’est toi, Jelena ? », insiste-t-elle, s’approchant pour humer l’odeur de ses cheveux.
Jessamy hésite à sortir les griffes ; elle se reprend, en reconnaissant les mandibules qui ornent la mâchoire de l’inconnue quand elle parle. Son myocarde se serre. Il y a un espoir dans cette voix qu’elle ne peut combler. La sienne s’élève, un peu hésitante devant son aînée :
« Non, je le crains. Je m’appelle Jessamy. »
La vieille banshee recule légèrement, un pli soucieux creusant son front. Son regard pourtant jamais ne dérive de la petite mutante.
« Son odeur et sa voix sont mêlées aux tiennes. »
Sa lèvre inférieure tressaille. Elle ne sait comment réagir à ces mots qui la heurtent en pleine poitrine. Sa gorge se serre. Qui est cette Jelena ? L’inconnue poursuit :
« Elle est partie depuis tant d’années, j’ai cru que…
Elle secoue la tête. Baisse un instant le regard, avant de le ficher à nouveau dans celui, hésitant, de la créature.
— Non, j’ai besoin d’être sûre. Peux-tu me montrer tes mains et tes ailes ?
Les yeux de Jessamy s’étrécissent, tandis qu’elle se colle un peu plus au mur ; une main plaquée contre la pierre froide, l’autre sortie du manteau, prête à lui déchirer la gorge. La banshee ne bronche pas. Au contraire, elle s’accroupit pour se mettre à sa hauteur. Son phrasé pourtant n’a rien de rassurant.
— Si j’avais envie de te faire du mal, tu serais déjà à terre, Jessamy.
— Ha … ! s’étrangle la mutante, mi-hilare, mi-surprise. Très bien. Si tu pouvais lire mon avenir dans mes mains, ça m’arrangerait aussi tant qu’à faire. », fait-elle, plus bravache qu’elle ne devrait.
Elle s’exécute néanmoins devant l’expression figée de la banshee. Déroule avec lenteur son manteau pour dévoiler les élytres qui frémissent dans son dos. Elles naissent dans un nid de cicatrices à peine perceptible dans l’ombre, mais qui se rappelle à Jessamy quand le regard de l’autre ausculte la chitine miroitante. Sa main diaphane se pose doucement sur la sienne, et elle surprend la tristesse voiler ses yeux noirs. La stupeur serrer sa gorge amaigrie.
« Tu as… Ses griffes. Tu as ses élytres. Mais tu n’es pas Jelena. »
La voix se brise. De son bras libre, la vieille banshee s’essuie les yeux ; l’image lui fait penser à un oiseau de nuit se blottissant sous son aile pour se consoler. Jessamy se pince les lèvres et lui retire sa main, la portant à son cœur. En ces murs, il n’y a personne pour la regretter elle. Personne pour se rappeler de son nom. Il n’y a que Jelena qui compte. Il n’y a que son fantôme pour attirer l’attention d’une banshee dans la fleur de l’âge.
« Non. Je ne suis pas Jelena. », répète-t-elle d’une voix rauque.
Elle se laisse glisser contre le mur pour s’asseoir par terre, s’enveloppant dans ses longs cheveux blancs. Elle regarde ses mains. Les cicatrices blanchies par le temps sur ses doigts, frontière entre son corps et celui, morcelé, de Jelena. Sa mâchoire pointe à travers sa joue. Opale déshumanise tant ses cobayes et ce qui les construit qu’il ne lui est jamais venu à l’idée d’avoir des bouts de quelqu’un en elle. Et que, par conséquent, des bouts d’elle étaient partis, disséminés quelque part. Peut-être sur quelqu’un d’autre encore. Sa tête tombe un peu, et ses mains la récupèrent. Ses griffes – ses griffes – se noient dans sa chevelure.
« Je suis Jessamy. », murmure-t-elle.
Le corps de la vieille banshee se déplie comme un phasme s’éveillant, alors qu’elle se redresse, sur le point de s’envoler. Elle jette un dernier regard triste à Jessamy, puis fait volte-face. Son châle effleure le crâne de la mutante ; il a l’odeur d’un bouquet de fleurs séchées.
« Je suis désolée., glisse-t-elle. Je n’aurais pas dû. Je vais te laisser…
— Attends. »
La main griffue saisit la fine étoffe sans la déchirer. L’inconnue se retourne, pour faire face au regard qui s’enflamme à travers la cascade nivéenne.
« Tu n’as pas envie de savoir ce qui est arrivé à Jelena ?
Son expression se durcit, mais ses yeux semblent prêts à dégouliner de tristesse endeuillée. Elle déglutit, avant d’arracher son voile des griffes de Jessamy.
— J’en ai assez vu. »
Déchirure.
Sous le tissu, des élytres d’un bleu abyssal se déploient sans effort, révélant des ailes translucides aux motifs délicats. Elle s’arrache à l’étreinte de la créature qu’elle a cru reconnaître. Son corps gracile fuse dans les airs jusqu’à atteindre le haut du bâtiment.
Jusqu’à entendre son cri.
Un râle désespéré, un appel au nid. Un hurlement qu’elle connaît mais qui la terrifie. Le spectre de sa compagne mutilée. La mort qui revient, tout proche. Le cri d’une banshee.
Elle porte une main à sa bouche pour étouffer le sanglot qui lui inonde les joues. Et, une fois ses larmes séchées, plane pour arriver à la hauteur de celle qu’elle a failli abandonner. La cage thoracique de Jessamy soubresaute sous ses vêtements tant l’effort l’a brûlée. Sa main serre ses vêtements au niveau de sa poitrine, tandis qu’elle observe son aînée sortir de nouveau des ombres. Cette dernière la toise comme un rapace perce l’horizon de son regard. Cette fois, c’est elle qui l’a attirée, et non les restes d’une morte animés par ses nerfs.
« Que sais-tu faire d’utile ?
Le souffle de Jessamy se suspend un instant. Les mots semblent s’entrechoquer quand elle les récite.
— Je sais me battre. Je sais mentir. Je sais tuer.
— Tu n’as pas besoin de tout ça. Peux-tu voler ?
— … Non. »
La créature baisse les yeux vers le sol. Elle ne pourra jamais cueillir le ciel comme une vraie banshee. Pourtant, la main parcheminée de la grande femme vient lui saisir le menton, la forçant à le regarder.
« Eh bien, marchons. »
- Chronologie rapide:
1873 ❖ Année probable de la naissance de Jessamy, à Opale ou dans les environs.
1892 ❖ Enrôlement dans le programme de mutation du Magistère. Début des expérimentations ; les souvenirs de Jessamy d’avant cette période s’effacent peu à peu. Elle développe un trouble de stress post-traumatique et des douleurs chroniques.
1894 ❖ Jessamy profite d’une expédition dans la Brume pour s’enfuir. Elle voyage et trouve refuge à Xandrie, où personne ne la connaît… Plus ou moins. Une banshee faisant partie de la Guilde des Messagers se rend compte que la banshee qu’elle cherchait, Jelena, a été tuée pour que des parties de son corps servent à faire muter celui de Jessamy. Au début rétive, elle la prend sous son aile et lui apprend à survivre.
1900 ❖ Période actuelle. Jessamy fait partie de la Guilde des Messagers depuis cinq ans.
...and all the devils are here
ui bjr c Khendra
J'espère que je fais moins peur que mon personnage :v
J'ai un rythme d'écriture assez fluctuant et j'aime tous les types de RP, surtout quand il y a du drama à la clé ! Hâte de jouer avec vous et d'envoyer mon personnage dans la Brume !
Dernière édition par Jessamy le Ven 23 Sep - 23:49, édité 9 fois