Jeu 23 Nov - 1:44
Il est temps de se réveiller.
Tête en vrac, dos qui craque. Ma sale trogne blafarde qui pose un regard blasé par la fenêtre encrassée de la pièce, celle en face du canapé. Je l’ai laissé ouverte toute la nuit, je renifle déjà l’odeur de pisse qui imprègne les murs de la rue sur laquelle elle donne. Opale la Splendide que certains disent, ces peigne-culs ont jamais eu le museau violé dès les premières secondes du réveil, au petit matin d’une gueule de bois.
Grommellement, celui d’un quarantenaire plus tout jeune, mais pas non plus aux portes de la mort, qui regrette encore de s’être enfilé une autre bouteille de whisky la veille, sans aucune autre foutue raison que son alcoolisme et une relative dépression un poil trop envahissante par moment. Pendant qu’il cherche à prendre ses marques dans son propre salon, affalé sur le canap’, une question qui se pose. Entre mon cynisme et ma dépression, qui était là avant ?
Sur ces bonnes bases bien solides, je lève mon derche, grimaçant. Mon bide me signale qu’il n’a pas aimé le traitement infligé, me rappelant que le fait que ce soit régulier n’excuse pas tant de violence. Je l’envoie mentalement chier, pas le moment de m’emmerder.
Bouche pâteuse cherche bouteille de flotte assez chaude pour lui mouiller le palais, hydrater ce gosier et peut-être au passage, avec un peu de chance, désinfecter un bon coup la carcasse de ce vieil enfoiré que je suis. La dextre qui passe sur mon front marqué par les rides, masse un moment la zone, comme un remède miracle pour tout effacer. Mais c’est inutile, il n’y a rien qui peut enlever toute cette merde dans mon crâne, toutes ces conneries qui rongent l’esprit et te font voir noir, broyer du noir. Même que rendu à un certain stade, genre dans mon cas, c’est le noir qui te broie, te mâches et te concasses, avant de te recracher dans ta merde.
Belles pensées en tête, j’ai le courage de me lever. Vertige fugace qui calme un peu mes ardeurs, je titube jusqu’à mon bureau, dans la pièce d’à côté. L’avantage quand le lieu où tu crèches se révèle être à la fois le bureau pour ta boîte de détective privé et ton appartement. Qui a dit qu’il n’y avait pas d’âge pour être complètement paumé ?
Gros derche qui venait de se lever de son canapé miteux s’affale immédiatement sur la chaise roulante derrière le meuble envahit de papelards. Certains de ces papiers sont ici depuis plus longtemps que t’as des poils aux burnes, des dossiers en tout genre, des preuves, des demandes, des plaintes, des factures… Un joli merdier que chaque jour je me dis que je vais trier et ranger, histoire de faire peau neuve de ce joli mobilier en bois d’ébène que je me suis dégoté y’a dix ans quand j’ai lancé mon affaire, mais lui-même sait très bien que c’est que du vent. Il suffit de jeter un oeil autour pour comprendre que le désordre, vivre dans le bordel, c’est un peu une marque de fabrique.
Jamais eu de secrétaire pour tenir en ordre la baraque, jamais envisagé d’en embaucher une. Pourtant je sais bien qu’il faudrait, quelqu’un qui soit capable de me secouer les miches quand tombe le jour et que je préfère m’ouvrir une bouteille plutôt que de foutre le camp d’ici, de rentrer chez moi. Enfin, si j’avais un vrai chez moi. Dans un monde idéal quoi.
Dans un monde idéal, Lestrade et Associés serait pas l’affaire d’un seul homme désabusé et paumé, bon qu’à cogner des salopards et dénicher les sombres secrets. Dans un monde idéal, Jabbar aurait au moins un partenaire, un associé, comme l’indique le nom de l’agence. Un acolyte avec qui affronter la crasse de ce monde, avec lequel aller boire un verre au bare fin de journée, avant de rentrer retrouver leurs femmes respectives. Dans un monde idéal, Lestrade et Associés aurait donc une secrétaire. Parce que je suis bien trop mal organisé et fainéant quand il s’agit de gérer la paperasse, que ce genre de conneries m’emmerde, que j’ai jamais été un foutu type de bureau. Une petite blonde, la trentaine à peine faite, le genre guillerette et ambitieuse, qui espère changer le monde à son échelle, en épaulant deux braves types détectives. Passif difficile, mais qui a forgé son caractère et fait d’elle une battante, lâche jamais le morceau et le cœur sur la main. Avec elle, les clients auraient un premier contact positif avec l’agence.
Mais eh, je vis pas dans un monde idéal. Le mien est merdique à souhait, une tornade de chiasse quotidienne dans laquelle je parviens tout juste à éviter de me noyer. Et éventuellement, je viens en aide aux gens.
Fouille du regard parmi les feuilles éparpillées sur le bureau, j’ai mon lot d’affaires sur les bras, à Opale c’est pas ce qui manque le travail.
Pousse un profond soupir, cherche la motivation.
Bordel, encore une journée merdique en prévision.
M’enfin j’ai pas à me plaindre. Comme dirait l’autre, j’ai de la chance, j’ai encore mon foie et je suis vivant.
Tête en vrac, dos qui craque. Ma sale trogne blafarde qui pose un regard blasé par la fenêtre encrassée de la pièce, celle en face du canapé. Je l’ai laissé ouverte toute la nuit, je renifle déjà l’odeur de pisse qui imprègne les murs de la rue sur laquelle elle donne. Opale la Splendide que certains disent, ces peigne-culs ont jamais eu le museau violé dès les premières secondes du réveil, au petit matin d’une gueule de bois.
Grommellement, celui d’un quarantenaire plus tout jeune, mais pas non plus aux portes de la mort, qui regrette encore de s’être enfilé une autre bouteille de whisky la veille, sans aucune autre foutue raison que son alcoolisme et une relative dépression un poil trop envahissante par moment. Pendant qu’il cherche à prendre ses marques dans son propre salon, affalé sur le canap’, une question qui se pose. Entre mon cynisme et ma dépression, qui était là avant ?
Sur ces bonnes bases bien solides, je lève mon derche, grimaçant. Mon bide me signale qu’il n’a pas aimé le traitement infligé, me rappelant que le fait que ce soit régulier n’excuse pas tant de violence. Je l’envoie mentalement chier, pas le moment de m’emmerder.
Bouche pâteuse cherche bouteille de flotte assez chaude pour lui mouiller le palais, hydrater ce gosier et peut-être au passage, avec un peu de chance, désinfecter un bon coup la carcasse de ce vieil enfoiré que je suis. La dextre qui passe sur mon front marqué par les rides, masse un moment la zone, comme un remède miracle pour tout effacer. Mais c’est inutile, il n’y a rien qui peut enlever toute cette merde dans mon crâne, toutes ces conneries qui rongent l’esprit et te font voir noir, broyer du noir. Même que rendu à un certain stade, genre dans mon cas, c’est le noir qui te broie, te mâches et te concasses, avant de te recracher dans ta merde.
Belles pensées en tête, j’ai le courage de me lever. Vertige fugace qui calme un peu mes ardeurs, je titube jusqu’à mon bureau, dans la pièce d’à côté. L’avantage quand le lieu où tu crèches se révèle être à la fois le bureau pour ta boîte de détective privé et ton appartement. Qui a dit qu’il n’y avait pas d’âge pour être complètement paumé ?
Gros derche qui venait de se lever de son canapé miteux s’affale immédiatement sur la chaise roulante derrière le meuble envahit de papelards. Certains de ces papiers sont ici depuis plus longtemps que t’as des poils aux burnes, des dossiers en tout genre, des preuves, des demandes, des plaintes, des factures… Un joli merdier que chaque jour je me dis que je vais trier et ranger, histoire de faire peau neuve de ce joli mobilier en bois d’ébène que je me suis dégoté y’a dix ans quand j’ai lancé mon affaire, mais lui-même sait très bien que c’est que du vent. Il suffit de jeter un oeil autour pour comprendre que le désordre, vivre dans le bordel, c’est un peu une marque de fabrique.
Jamais eu de secrétaire pour tenir en ordre la baraque, jamais envisagé d’en embaucher une. Pourtant je sais bien qu’il faudrait, quelqu’un qui soit capable de me secouer les miches quand tombe le jour et que je préfère m’ouvrir une bouteille plutôt que de foutre le camp d’ici, de rentrer chez moi. Enfin, si j’avais un vrai chez moi. Dans un monde idéal quoi.
Dans un monde idéal, Lestrade et Associés serait pas l’affaire d’un seul homme désabusé et paumé, bon qu’à cogner des salopards et dénicher les sombres secrets. Dans un monde idéal, Jabbar aurait au moins un partenaire, un associé, comme l’indique le nom de l’agence. Un acolyte avec qui affronter la crasse de ce monde, avec lequel aller boire un verre au bare fin de journée, avant de rentrer retrouver leurs femmes respectives. Dans un monde idéal, Lestrade et Associés aurait donc une secrétaire. Parce que je suis bien trop mal organisé et fainéant quand il s’agit de gérer la paperasse, que ce genre de conneries m’emmerde, que j’ai jamais été un foutu type de bureau. Une petite blonde, la trentaine à peine faite, le genre guillerette et ambitieuse, qui espère changer le monde à son échelle, en épaulant deux braves types détectives. Passif difficile, mais qui a forgé son caractère et fait d’elle une battante, lâche jamais le morceau et le cœur sur la main. Avec elle, les clients auraient un premier contact positif avec l’agence.
Mais eh, je vis pas dans un monde idéal. Le mien est merdique à souhait, une tornade de chiasse quotidienne dans laquelle je parviens tout juste à éviter de me noyer. Et éventuellement, je viens en aide aux gens.
Fouille du regard parmi les feuilles éparpillées sur le bureau, j’ai mon lot d’affaires sur les bras, à Opale c’est pas ce qui manque le travail.
Pousse un profond soupir, cherche la motivation.
Bordel, encore une journée merdique en prévision.
M’enfin j’ai pas à me plaindre. Comme dirait l’autre, j’ai de la chance, j’ai encore mon foie et je suis vivant.