Astrebrume

PHYSIQUE

Keshâ est dans l’ensemble d’une beauté remarquable, quoique pas du goût de tout le monde, mais très recherchée par ceux sensibles à cette esthétique. Rares sont les garçons auxquels se prête l'adjectif "joli", mais c'est bien le cas ici. Certaines femmes pourraient jalouser sa fluidité et sa délicatesse. Il est d’une stature moyenne et d’une allure agile, avec son mètre soixante dix pour ses cinquante cinq kilos tout mouillé.

Ses yeux expressifs de la couleur de l’eau claire tirant sur le violin et ses cheveux châtains clairs paraissant toujours recouverts de cendres complètent le portrait. Ses traits délicats et sa peau douce et blanche lui confèrent une allure androgyne, ce qui ne semble pas le déranger foncièrement, car il peut arborer des bijoux et du maquillage, dont l’utilisation est avant tout limitée par le coût. Il en va de même pour la simplicité de ses vêtements, qui confirme une appartenance aux classes modestes du vagabond. Malgré tout, il exhale le plus souvent une légère odeur de fleurs fraîches grâce à des onguents.

Par ailleurs, il est affligé d’une tare, car sa jambe droite est plus courte que la gauche d’un demi ampan, ce qui lui cause beaucoup de douleurs dans le bas du dos, malgré une talonnette bricolée par ses soins.

ATTITUDE

Au-delà de cette apparence favorable se dégage de lui une inexplicable impression de fragilité, il a tendance à fuir le regard d’autrui, ou à baisser légèrement le menton, dans une attitude de soumission. Il est loin d’éveiller la suspicion et paraîtrait invisible à toute personne en quête d’un gredin, d’un espion ou d’un assassin. Certaines personnes pourraient sentir un instinct protecteur se réveiller avec force à ses côtés, car il émane une grande bonté.

CARACTERE

Capable d'une rare écoute, il agit aussi de manière désintéressée.

Il lui est dans les faits difficiles d’affirmer fermement ses opinions ou de défendre sa dignité dès qu’une confrontation survient. Il semble par ailleurs rechercher les rapports de domination dans la sphère intime. Sans être complètement cynique en amour, il y attache peu d’espoir et troque l’attention que l’on veut bien lui donner, ce qui attire souvent des bourreaux. Avec contradiction, il rejette les méchantes choses dont on peut l’accabler, tout en appréciant une forme de rudesse ou de brutalité sur le plan physique. Son besoin profond est de se sentir guidé et protégé, ce qui explique qu’il soit attiré par les hommes très masculins au sens classique du terme et par ses aînés.

Souvent tourmentés par ses employeurs dans le labeur et objet de petits larcins de ses camarades de dortoir, parfois violenté et porteur de bleus, il préfère se cacher ou se montrer indifférent en espérant ne pas attiser les foudres.
Dénué d’agressivité, il faudrait un niveau élevé d’adrénaline pour le conduire à blesser quelqu’un.

Mais n’allez pas croire qu’il soit si innocent. Ses appétits charnels sont au-dessus de la normale et dans sa passivité lascive, il sait exercer un certain pouvoir sur l’égo de ses amants. Il a par ailleurs des fantasmes assez malsains, allant de l’étranglement au shibari, parfois jusqu’au fait d’être violé, tout en redoutant de l’être encore, ou d’être mordu par un strigoi.

Il possède une forme de foi diffuse dans l’univers et malgré un manque flagrant d’ambition est empli de rêves de se bâtir une situation au-dessus de sa simple condition, sans savoir laquelle, ni comment. Enfin, les rêves de succès d'un miséreux s'arrêtent souvent à habiter une petite bicoque bien à soi sans plafond qui fuie... Le monde de la ville est dur pour les pauvres, mais l’immensité hostile de la nature et de la brume est trop effrayante pour s’y risquer !

S’il est bien un talent dans lequel excelle Keshâ, c’est celui d’utiliser sa voix mélodieuse et profonde pour chanter. Au contraire de quand il parle en s’exprimant d’une voix presque trop faible pour être entendue, elle porte loin. Il chante pour lui-même, en quittant l’affluence des rues et en espérant ne pas être remarqué dans une langue qu’il ne se souvient pas avoir appris.

Manquant d’application, il n’a jamais développé réellement d’artisanat qui mériterait une coquette rémunération et un métier, mais son intelligence est manuelle en plus de musicale, ce qui lui permet de réaliser de nombreuses petites tâches après avoir attentivement observé une personne expérimentée dans son quotidien. Il peut donc s’en sortir honorablement dans le tissage, le bricolage, la distillation d’alcool, les nœuds, des assemblages de menuiseries ou l’entretien de prothèses grâce aux nombreux petits emplois où il a été les petites mains pour survivre.

Une vocation manquée, sans doute. En cueillant quelques baies, des feuilles sur un arbres buissonnant et avec quelques légumes en début de pourrissement récupérés à bas prix sur les étals du marché, il saura toujours concocter des plats étonnants. Du moins, tout à fait appétant avec peu d’ingrédients et d’outils disponibles. Qu’est-ce que ce serait s’il disposait de moyens réels sans vivre la disette ?

Il n’a jamais terminé correctement son apprentissage de la lecture et de l’écriture et c’est source d’une grande honte et de limitations pour le jeune homme. Néanmoins, son esprit discret fait preuve de vivacité et il s’intéresse beaucoup aux stimulations qu’on pourrait lui proposer. Il retient tout de tête.

Depuis l’époque où il ramassait la papula avec sa mère pour l’aider à préparer des simples dans la campagne Epistote, Keshâ a appris à les soigner, les reconnaître et les préparer en teintures-mères et en baumes. Il a aussi entendu parler des plantes rares des contrées éloignées et sa connaissance en est à la fois très fine et lacunaire, comme un peu délavée par les années qui ont passé loin de la pratique de la botanique et de l’herboristerie.
Soins traditionnels
De niveau très rudimentaire, Keshâ tient de sa mère l'utilisation des ventouses incandescentes placées en positions statique sur le corps de la personne traitée. Il s'agit traditionnellement de cornes de vaches évidées, mais il peut aussi utiliser des bâtonnets d'encens et des pots en verre transparent. Il peut aussi utiliser le Gua'sha, mais est très peu outillé pour ces médecines familiales et recourt par défaut des pièces de monnaie.

L'orphelin du voyage

Keshâ est un orphelin. Du passé ne reste pas grand chose. Des souvenirs épars. Certains bons. D’autres moins. Beaucoup de voyages. D’où est-il seulement originaire ? Peut-être de Lapis ? Est-ce possible ?
Ses deux parents sont morts il y a dix ans, avec son grand frère. Son frère aîné devrait logiquement être encore en vie, même s’il l’a abandonné dans la rue un ou deux ans après.

Ce dernier le traitait avec rudesse, le bousculant par les mots, mais dans une attitude physiquement menaçante. Il le tient responsable de la mort du reste de la famille aux alentours de la brume et méprise ses manières et ses inclinations humiliantes envers la gens masculine.

Il a néanmoins utilisé un temps la triste beauté de son jeune frère lorsqu’ils ont migré de Contade vers Epistopoli, pour apitoyer les bourgeoises et obtenir de quoi subsister en mendiant. Puis, quand l’astuce s’est usée et qu’il est devenu adolescent, son frère n’a pas hésité à monnayer l’assouvissement des penchants honteux d’artisans mariés sur son cadet. Jusqu’au jour où il s’est dit dégoûté par l’acceptation passive que manifestait Keshâ de son sort et a disparu. Keshâ a été traumatisé par cet abandon.

Une vie de sinistre labeur et d'amours violentes

Depuis, il vit au jour le jour, du petit commerce de légumes, de réparations, du transport de marchandises d’un point à l’autre d’Epistopoli. Il travaille beaucoup, juste pour subsister. Son habitat est précaire et parfois sujet à expropriation. Parfois il squatte, parfois il se fait héberger ou entretenir, cachant quelques effets personnels dans les locaux désaffectés ou dans le mur d’une tour inaccessible. Actuellement, il est chez une logeuse, une Thénardier, qui héberge beaucoup de garçons des rue pour pas cher dans un espace limité, mais c’est encore trop payé pour ce que c’est !

Sa vie amoureuse est chaotique. Il s’est même déjà fait tabasser par un de ses amants alors qu’ils étaient pris à flirter, celui-ci préférant se mettre en scène en train de repousser les avances d’un dégénéré. Une fois, un soldat Epistote s’est épris de lui avec force. Jaloux, il l’a enfermé une semaine dans une maison sans fenêtre et lui donnait à manger et de quoi faire sa toilette de manière irrégulière quand il avait le temps entre ses gardes et après avoir assouvi sauvagement ses besoins. Terrifié, rabaissé au rang d’animal, Keshâ a rassemblé sa volonté et ses forces pour disparaître à la première ouverture. Il se sent misérable et faible, mais il se prend encore à penser au soldat, qui lui manque malgré lui.

En l’état actuel, Keshâ n’a pas de grand avenir qui s’offre à lui. On peut même imaginer qu’il finira par lui arriver un drame. Mais que faire ? Ou partir ? Il se sent démuni face à ce monde.

La figure du héros paternel

Au fond de lui, il rêve de trésors et d’aventures. Mais il n’a pas la stature d’un aventurier. Pas comme son père, qui a voyagé toute sa vie pour la guilde et qui lui racontait au coin du feu des histoires de monstres et de ruines incroyables ! Les souvenirs de cette période son modiques et clairsemés de brumes. Depuis le Massacre.

Le Massacre des brumes et des maraudeurs

Sa mère, ses frères et lui campaient près d’un village à la lisière de la mer de brume, en attendant le retour du convoi de soldats et d’aventuriers avec crainte. Et s’ils ne revenaient pas cette fois ? Finalement, ils étaient saufs, comme toujours, et revenaient victorieux après des trouvailles somptueuses. Peut-être même chargés des réponses éclairant le mystère de Dainsbourg. Mais des maraudeurs et des soldats ont enflammés les masures la nuit et tout saccagé pour s’emparer du butin de la guilde. Keshâ se souvient seulement de la terreur, de sa mère ensanglantée, de ses tempes battantes, de son père lui remettant un petit reliquaire contenant un cristal brun, lui criant de courir sans s’arrêter et de rester caché.

On était après lui. Il courut, courut, crut mourir de panique et de fatigue avec les hommes qui le talonnaient alors qu’il rejoignait au désespoir la mer de brume, pour s’y enfoncer, encore et toujours en ligne droite. Tombant, se redressant. Il y trouva des ruines pour se cacher. Mais ces ruines étaient habitées par des râles puissants. Il devina une silhouette, puis deux, se retournant il en vit le double. C’était une horde de Jiangshi.

Il rampa sous une double porte vermoulue et y ramassa son petit corps au moment où les maraudeurs et soldats ennemis arrivaient à leur tour. Ne pas faire de bruit. Ne pas respirer. Ne pas cligner des yeux. La brume sembla étrangement s’accumuler autour de sa cachette et s’opacifier jusqu’à le rendre aveugle aux visions de cauchemars. Ou était-il aveugle de terreur ? Les deux mains vissées sur les oreilles, il entendit le bruit des épées dans la chair molle et les hurlements des hommes dépassés par le nombre,  dont la peau se déchirait sous les griffes des morts-vivants en cris d’agonis. Arrêtez. Stop!

Il resta là, combien ? Une heure ? Deux jours ? Avant de trouver la force de sortir mortifié de son abri. Les Jiangshi avaient déserté depuis bien longtemps en laissant un nuage de puanteur et de moucherons sur le charnier. La gorge étranglée, les yeux fixes, Keshâ dissimula le reliquaire et le cristal au fond du puits de ces ruines si lugubres et retourna au royaume du jour où il erra jusqu’à ce que son frère aîné le retrouve. Ses cheveux étaient blancs, blancs de peur. Enfin, pas tout à fait, ils semblaient plutôt s'être recouverts de cendre grise. Ils sont ainsi depuis lors. Une part de lui se jura de revenir un jour chercher le cristal, son seul héritage, sa seule richesse. C’était effrayant, mais il eut l’intelligence au moins de laisser le secret dormant et de n’en parler jamais à personne. Une fois dehors, son frère aîné le retrouva et vous connaissez la suite.


Aux dernières nouvelles, on le trouve dans un atelier de la basse ville d'Epistopoli où il officie sous le dictat d'un réparateur de prothèses pour les classes populaires. Le patron est un maton qui mène ses ouvriers à la baguette, les rudoie et n'hésite pas à leur donner des excréments de musaboises nourries au colafée pour les faire trimer jusque très tard le soir.