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[Requête] Blanc comme neige

[Requête] Blanc comme neige Brandw10
Sam 30 Juil - 13:16
Un ciel bleu constellé de nuages blancs molletonnés, un vent glacial souffle entre le mont Céleste et le mont Mesnon de la chaîne des Trois Soeurs.
Ma lourde lame, en guise de bouclier, est pointée vers le ciel. Le monstre blanc glisse sur la neige dans un crissement silencieux. On ne le voit pas, à peine, malgré sa longueur démesurée. C'est un individu adulte. Une femelle engagée dans une charge violente. Elle protège son territoire, son repère. Les oeufs ne doivent pas être loin, cachés dans la cavité sombre d'une grotte perdue en altitude. J'écoute de tout mon être chaque bruissement. J'observe de toute mon âme pour ne pas finir en buffet froid à la dizaine de progéniture en vue de naître.
Autour de moi, de nous, un simple sentier autour duquel de nombreux conifères et autres sempervirens bloquent l'horizon et façonnent le paysage en une forêt dense.
D'entre deux arbres, j'aperçois, l'espace d'un instant, une longue antenne se découper du décor blanc sur le fond brun d'un tronc.

- À DIX HEURES !

La bête a déjà jeté l'assaut. Une attaque frontale dans ma direction. Sa bouche, un rond noir cerclé de trois rangées de crocs capables de ronger la roche.
Les pieds solidement enfoncés, les cuisses repliées, j'accepte et accuse le choc. Ses canines, refermées autour de ma lame, serrent violemment et me font glisser de presque deux mètres en arrière passant entre mes deux compagnons.
Je vois le fer faiblir, j'entends l'alliage pleurer sous le cisaillement de la morsure. Ce qui devait se produire est finalement arrivé. Ma lame, mon arme que j'ai depuis mes débuts dans la Guilde, lâche sous la pression. Les débris en éclats m'entaillent à quelques endroits tandis qu'elles perforent la bête de l'intérieur... J'espère. Je n'ai, malheureusement, pas le temps de le savoir. L'autre extrémité de l'animal vient de me fouetter et me voilà projetée à plusieurs dizaines de mètres, roulant dans une brume perdue (une Nebula ici ?! Merde!) isolée de mes camarades...

https://www.astrebrume.com/t70-requete-blanc-comme-neige#180
Sam 20 Aoû - 16:39
Voici donc la bête qui hantait ses nuits, ainsi que celles de tous les mammifères de la forêt. Immense. Hideuse. Et extrêmement dangereuse. Voici donc la bête qui laissa des traces jusqu’à sa grotte menant les recherches d’Auguste jusqu’à chez lui. Qu’avait-elle cherché ce jour ? Était-ce un repérage ? Artémis, faillit-il ce jour-là, n’être que la proie de cette immondice ? Tant de questions jaillirent et des frissons parcoururent son corps à l’idée d’avoir pu servir de repas à cette chose. Le vagabond n’avait encore jamais vu une telle chose. Cette famille d’espèce ne se présentait que dans des coins chauds, selon lui, alors sa surprise fut encore plus grande de la retrouver ici. Les espèces continuaient d’évoluer pour nuire aux humains.

Un vent sec et glacial vint gifler les trois aventuriers. La neige rendait chaque mouvement difficile, tandis que la monstruosité semblait se mouvoir dessus avec une facilité déconcertante. Elle se déplaça à une telle vitesse qu’ils furent tous surpris. Seule Willow, prise pour cible, para l’assaut de sa lame. Malheureusement, celle-ci céda dans la gueule du monstre, tandis qu’elle fut projeté plus loin encore. Voulant se précipiter à son secours, Artémis fut soudain pris de lourdes migraines. Sa Nebula réagissait mal à un étrange phénomène.

« Nebula, murmura le vagabond. Il y en a une toute proche, j’imagine… Sauf que je m’en moque et qu’on n’a vraiment pas le temps de faire connaissance avec elle. »

Il dégaina sa lame et bondit vers sa proie. En réalité, pour la première fois de son existence, il se sentait dans le rôle de la proie, mais tenta de se persuader du contraire pour se donner du courage. Un courant d’air. Un sifflement. Il se retourna et vit la longue queue de la bestiole arriver sur son flanc. Le chevalier noir eut simplement le temps d’armer sa lame vers le haut et de donner un coup vertical au moment de l’impact. La force de l’animal dépassant la sienne, il fut naturellement projeté bien assez loin à son tour. Étalé au sol, on l’aurait cru mort, s’il ne tenait pas encore fermement sa lame, tachée de sang. Pas le sien.

Une légère plaie se dessinait sur la queue du monstre qui beugla des choses incompréhensibles et assourdissantes. Artémis ne se relevait toujours pas. Des côtes fêlées l’empêchaient de se mouvoir. Tout combattant un minimum expérimenté jugerait cet homme d’idiot. Plutôt que de se défendre avec sa lame, ce dernier décida plutôt de l’attaquer en laissant une énorme ouverture. Cela en valait-il la peine ? L’adversaire n’a subi qu’une petite entaille, tandis que le vagabond restait inerte. Il semblait repartir dans ses discussions solitaires, le souffle court.

« M’emmerde pas. En esquivant les coups, on n’arrivera à rien. J’ai besoin de toi, Nebula. Aujourd’hui plus que jamais. Et puis que feras-tu si je venais à mourir ? Tu disparaîtras en même temps que moi. C’est ça qu’tu veux ? Aïe, ça fait un mal de chien ! »

Les blessures intérieures se remirent progressivement, suscitant un vif soulagement du Portebrume, qui commençait à perdre connaissance à cause de la douleur. Sous sa combinaison, l’hématome qui s’était formé, se résorbait à mesure que les côtes se reconstituaient. Le processus achevé, Artémis se releva habilement. C’était l’une des premières que la Nebula lui permettait d’utiliser ses capacités. La dernière fois, il y avait de cela quelques années, ce fut lorsqu’il combattit un ours dans la forêt. Elle intervenait uniquement lorsque son hôte se trouvait en danger de mort. Le vagabond se promit de travailler cet aspect avec son parasite intérieur.

Sans dire un mot, il se tenait face, une seconde fois, au serpent blanc. Il était prêt pour le second round.
Mer 30 Nov - 10:59
Un inspiration forte, une douleur à la poitrine et au cœur me plante sur place. Réagir vite ou mourir. Je cours et reste pourtant à la même place, comme une course contre l'évolution. Un clignement d'oeil, les arbres autour ont changé. Le monstre, précédemment face à moi, est maintenant sur mon flan. Je me tourne et me retrouve à côté d'Artémis se remettant de l'attaque. Mes lèvres s'ouvrent et l'appel reste coincé dans ma gorge.
Un simple pas, la distance parcourue est trop grande, improbable et même irréelle. Je me retrouve au corps-à-corps du monstre blanc. Sa gueule s'ouvre sur les rangées de rasoirs mortels. Une odeur de putréfaction me prend les narines et applique un masque de répulsion sur mon front. Le souffle chaud du monstre est balayé par celui du vent du nord. Froid. Glacial. Il attaque. Je lève la tête et découvre la canopée enneigée des sapins. Sa mâchoire s'écrase. Je ne suis plus là.
À plusieurs mètres, je tombe...
Qu'est-ce qui se passe ? Comment en sommes nous arrivés là ?...


Quelques heures plus tôt :

Un pas après l'autre, le tapis blanc imprègne nos empreintes dans un crissement doux. Cela fait maintenant deux jours et plusieurs heures que nous avons quittés le dernier bastion de vie d'Opale en direction du fameux chargement.
Dernière bourgade, dernière auberge laquelle nous a aiguillé sur le chemin à prendre. Peut importe l'information, il y a une constante : l'alcool attire et nos amis disparus n'ont pas échappé à la règle. Il s'agissait de 5 hommes armés, le chargement gardé constamment par roulement. Leur objectif ? Le passage entre les cols direction Epistopoli...
Je me tourne et interpelle Artémis :


- Tu vois des indices ?
Dim 4 Déc - 11:25

Quelques heures plus tôt.

Willow demanda l’avis d’Artémis, quant à savoir s’il avait découvert des indices sur la direction prise par ces hommes disparus.

« Dans cette neige épaisse et tombante sans presque aucune interruption, il m’est impossible de trouver la moindre trace. S’ils sont des heures ou des jours d’avance sur nous, c’est tout bonnement inutile de chercher la moindre trace. Notre seule piste, c’est qu’ils semblaient se diriger vers Epistoli, alors suivre cette route semble être notre meilleure chance de les retrouver. »

Cependant, durant leur marche, le vagabond observait des branches cassées, qui pouvaient être la faute à n’importe quel animal d’une bonne taille. Néanmoins, par ce temps, la plupart des espèces étaient en hibernation. Quelle monstruosité pouvait chasser en pleine tempête de neige ? Les seules proies présentes dans les alentours ne pouvaient être que des humains. Cherchaient-ils vainement des personnes digérées par ce monstre méconnaissable ? Artémis frissonnait. Ce n’était pas la température. Le simple fait d’être dans le territoire d’un tel monstre l’effrayait.

« Will’. J’ai un mauvais pressentiment. Quelqu’un, disons plutôt quelque chose, doit certainement nous suivre de près. Et si c’est le cas, je pense qu’il ne doit plus rester grand-chose des hommes que l’on recherche. Poursuivons notre marche. S’arrêter est la pire des choses à faire, surtout quand nous sommes en plein milieu d’une forêt. Nous devons absolument en sortir. »

La suite était écrite.

***


« Je rêve où elle vient de se téléporter ? »

Tant mieux, pensa-t-il. Il dégaina sa seconde lame. Déçue, la bête se retourna vers la seule cible présente aux alentours : Artémis. Ce dernier fit entrechoquer ses deux lames pour l’attirer à lui. Cette neige était un tel handicap que le moindre mouvement demandait un effort extraordinaire, donc un épuisement bien trop prématuré. En-face, la chose se mouvait avec rapidité et manifestement sans effort. Ou du moins elle ne montrait aucun signe de fatigue. Qu’en était-il réellement ? Dans tous les cas, l’épéiste préféra que la bête vienne à lui plutôt que de se fatiguer les muscles inutilement.

Son adversaire avala la distance qui les séparait en un rien de temps, chargeant frontalement vers lui. Il avait observé le premier échange de Willow face aux dents acérées de cette chose. Ses lames ne finiraient dans le même état. S’habituant peu à peu à sa vitesse, Artémis plongea rapidement sur le côté pour esquiver la charge, puis revint aussitôt à la charge en plantant sa première lame. La peau épaisse de cette espèce non répertoriée l’étonna. Il mit plus de force sur son second coup et planta finalement ses deux lames. Il tenta de grimper sur le dos de cette chose, retirant une de ses épées avant de l’enfoncer plus haut, ainsi de suite, provoquant des cris immondes chez l’ennemi.

Un liquide d’une texture relativement épaisse sortit à chacune des plaies. Pensant pouvoir manœuvrer la bête comme un cheval, Artémis se fourvoyait et le comprit assez tôt quand, dans un élan de rage, la chose réalisa un tour complet sur elle-même, écrasant violemment Artémis et ses épées au sol. Le poids de la bête ne manqua pas de lui fracturer quelques os. Au sol, inerte, dégoulinant de sang de son nez tordu, il s’étouffait avec son propre sang et la neige dans laquelle il était enfoncé. L’horrible monstre se trouvait juste au-dessus, la gueule grande ouverte, prêt à manger son repas bien mérité. Cette fois-ci, il en était sûr, il ne raterait pas son coup. Le vagabond ne savait pas se téléporter.

Mer 25 Jan - 11:05
D'une vrille violente, l'Albus Lombricicae Gigantea renverse son destrier.
Et je tombe.

Un liquide poisseux, coelamique, suintent des blessures infligées par le vagabond.
Et je tombe.

Ses segments antérieurs se dressent comme une guillotine aux milles lames au dessus de la tête du combattant.
Et je tombe.

M'écrase lourdement sur la bête. Ses crocs fracturent le sol dans un cri monstrueux. Mes mains cherchent une prise. L'une s'agrippe à l'une des vibrisses tandis que l'autre rencontre un métal froid, poisseux.
Un corps étranger planté dans un individu invasif. "Que fait-elle dans cette contrée" est une question subsidiaire. Ici, il faut se poser la question du comment. Cette espèce n'est répertoriée que dans les territoires du nord, loin des trois soeurs, d'Opale et même de Xandrie. Serait-ce l'œuvre de cette Nebula qui s'est infiltrée dans mes poumons et qui me brûle les bronches ?

L'insecte repart de plus belle. Un rodéo mortel. Je glisse sur son dos, de droite à gauche mais tiens la prise. M'accroche fermement. Je force et me rapproche. La bouche ouverte je claque mes dents. Le monstre laisse échapper une douleur stridente. Mes canines, enfoncées sur son antenne, serrent. La rage dans les yeux et la mâchoire contractée, le mucus vital s'infiltre dans ma bouche avant de tourbillonner autour de ma langue. Vite, je goûte sa viscosité, son caractère âpre et ferreux. La tissus s'effilochent sous mes coups de scies.
Je tire dans un grognement sourd.

Et je tombe.
Roule dans la neige.
Le visage couvert du liquide saumâtre j'entends un crissement dans la neige s'éloigner. Un choc, le bruit du bois qui se rompt et le silence d'une chute arborée.
Je tousse et crache un reste du cocktail amer.


- Artémis, t'es mort ?
Sam 4 Fév - 15:40


A la voix de Willow, le vagabond se redressa et pivota lourdement pour craquer quelques vertèbres fraîchement rétablies. Il pouvait soigner ses blessures, mais ne pouvait masquer les douleurs. Celle-ci fut atroce. Mourir écrasé, étouffé par son propre et la neige… des vertiges l’envahirent à ces pensées. Il se releva péniblement et effectua quelques mouvements de flexion et de rotation pour s’assurer que tout était bien en ordre. Saloperie de reptile, pensa-t-il. Dans d’autres circonstances, sans sa capacité de Portebrume, il serait encore allongé au fond de cette épaisse neige. Mort.

« Ma mort attendra un autre jour. Ce qui me surprend le plus, c’est de croiser cette espèce en ces lieux. Elle se trouve bien loin de chez elle. », dit Artémis sur le ton de réflexion.

En tant qu’exploratrice, la demoiselle s’était probablement déjà faite la réflexion. Le Portebrume se remémora l’objectif de leur quête. Il fallait repartir à la recherche de ce convoi. Ils s’approchaient du lieu localisé, du moins supposé, où le convoi avait cessé d’émettre tout signe de vie. C’était bien trop proche de la position de la bête. Autrement dit, Artémis n’espérait même pas retrouver un quelconque survivant. Ils avaient surement déjà été digérés. Cependant, les hommes importants peu aux grandes instances, seul le contenu de ce convoi les intéressait. Ainsi, leur mission tenait toujours.

Dépassant les Trois Sœurs, les deux aventuriers décidèrent de rattraper la Douce et de la suivre jusqu’à Doucerive où ils feraient halte pour la nuit. Si ça ne tenait qu’à l’épéiste, il aurait préféré s’arrêter dans les bois du Mesnon, mais ils devaient obtenir des informations et la population était la meilleure chose pour cela. Ils trouvèrent l’auberge et y réservent deux chambres. Artémis n’avait rien à déposer, alors il s’installa au comptoir d’où il commanda une pinte. Une fois servi, il discuta tranquillement avec l’aubergiste. Au début, de choses diverses et variées, puis le vagabond orienta progressivement la conversation vers ce qui l’intéressait.

« Cela fait bien un moment qu’on n’a pas des mecs comme toi, des mercenaires. Je crois que le coin n’est plus très sûr pour les gens comme vous.
- C’était quand la dernière fois ?
- Hum. Laisse-moi réfléchir. J’te dirais bien une dizaine de jours. Un groupe de six gars. Ils n’avaient pas tous le même accent, alors j’dirais que c’était des mercenaires qui bossaient pour des gens importants. Ils transportaient un chariot et tournait pour le surveiller.
- Ils sont peut-être arrivés à bon port, non ?
- Des clébards ont retrouvé des parties de leurs corps, éparpillés aux alentours de not’ village. On n’ose pas trop s’étendre, une drôle de bête rôde dans les parages. »

Artémis caressa son nez en repensant à la douleur causée par cette « drôle de bête ».

« Et vous n’avez pas retrouvé le chariot ?
- Hélas non. On ne sait pas jusqu’où ils étaient allés. Le chariot est probablement à l’endroit où la bête les a attaqués.
- Sans doute.
- C’est l’chariot qu’vous recherchez, hein ?
- Ma passion, c’est justement de traquer les drôles de bête. »

Au sourire diabolique de son client, l’aubergiste préféra s’en détourner. Sans doute comprenait-il que ce client n’était pas comme les autres. Artémis en jouait largement.

« Et la d’moiselle ?
- Elle me suit. Une sorte de formation.
- Une belle bande de tarés… En tout cas, si vous croisez cette chose, flanquez-lui la raclée du siècle. Ce genre d’événement, c’est pas bon pour les affaires.
- Entendu. Vers où se dirigeaient ces honnêtes gens, déjà ? Ça pourrait nous donner une direction pour traquer la bête.
- J’crois qu’ils allaient vers le Lac du Mesnon, moyen le plus rapide de s’rendre à Opale.
- Je te remercie pour toutes ces informations. Si tu le permets, je vais monter me reposer. »

Le Portebrume sortit quelques piécettes pour la pinte.

« Laisse. C’est cadeau. Demain, tu seras notre héros. Ou alors, cette pinte aura été ta dernière, alors je te l’offre. »

Artémis esquissa un léger sourire et monta paisiblement dans sa chambre.


Lun 13 Fév - 11:25
Chou blanc dans ce paysage enneigé, drôle de point de vue. La bête est repartie mais une autre s'est infiltrée. Enroulée autour du coeur, un vertige me prend tandis qu'Artemis se relève. Ses mots s'enroulent dans mes oreilles et me parviennent comme un bourdonnement sourd. Le souffle court, ma vision tangue et dérive au gré d'une houle terrestre. Un mal de terre, comme disent les marins, que rien n'explique.
Un pied après l'autre, j'avance par réflexe musculaire. Marche arrière. Nous repartons sur nos pas, la Douce, le bois - levant les mains, je tourne mes paumes striées par le froid, mes doigts tremblent sans conscience de la température - petit à petit, la nature laisse percer l'empreinte humaine, les chaumières. La fumée blanche des cheminées promènent leurs effluves empreintes de bois et des dîners.
Je suis le vagabond sans piper mot, déboussolée. Les flashs des images du combat me font toujours vibrer les tripes et me compressent les poumons.

Nous entrons dans une auberge dont l'enseigne, qui grince doucement, met en relief un équidé cabré sur ses sabots arrières et indique "Au Poney Fringant". L'intérieur est semblable de loin comme de près à n'importe quel boug du type. Les lattes en bois, usées par le temps et les bottes, sont tachetées par endroit. Les tables rustiques parsèment le chemin jusqu'au comptoir collant d'où nous toise le patron. Je reste derrière mon compagnon. Faire la causette ? Non merci. Dans mon état mental, je me sens Cosette. Perdue, j'observe la chaleur du lieu, ses discussions et me laisse imprégner de ce mélange de sueur et d'alcool. Ça me rappelle la Guilde, maigre réconfort. La discussion inintéressante du gérant et collègue, délaissée de prime abord, m'interpelle. Ça parle de la mission et, comme un réflexe, je tourne l'oreille sans dévier mon regard de la salle. La bête, les corps retrouvés, le chariot perdu. Je ne pipe mot...

Tandis que l'on se dirige vers la chambre miteuse, les yeux s'ouvrent sur notre passage et les lèvres se touchent. Nous traversons la pièce dans un silence forcé.
La porte grince derrière nous. Le loquet se ferme. Deux lits simples, l'un en face de l'autre. Une bougie entamée sur chaque chevet. Au fond, une fenêtre laissant passer un filet d'air froid. Classique. J'enlève mon manteau et défaits mes godasses : un bonheur simple, avant de m'asseoir sur le matelas trop mou. Les coudes sur les genoux, mains jointes entres les jambes, et le dos droit, je fais craquer mon cou.

- Ça colle pas... Toute cette histoire. Le gars d'Opale m'a dit avoir perdu la trace du chargement entre les Trois-Soeurs en direction de Marie-Du-Val, après leur arrêt à Doucerive, peut-être ici même...
Sauf que le patron vient de te dire que les derniers transporteurs aperçus se rendaient au lac du Mesnon, soit dans la direction opposée...


Je sors l'ordre de mission d'une poche intérieure.

- "Mission(s) :
Un convoi entre nos deux nations a disparu.
Le matériel à bord est nécessaire à la bonne entente entre les deux nations.
Le retrouver."...


Un ange pensif s'installe avant que je le rabroue de ma réflexion.

- Il faut prendre la raison part le bon bout... Deux nations. Un chargement qui change de direction et un monstre.
Pourquoi ce changement de direction ? Un contre-ordre ? Non. L'ordre de mission vient des deux pays. Dans un tel cas, la demande n'émanerait que d'Opale ou d'Episto'. D'ailleurs, d'autres mercenaires doivent se diriger vers nous à moins qu'ils soient déjà là à nous observer. Je doute qu'ils fassent confiance qu'à un seul groupe d'explorateurs...
Serait-ce un échange ? Les convois se sont bien rencontrés, chacun rentre de son côté et malheureusement l'Albus Lombricicae les a pris au dépourvu ? Sûrement... Non... Possible... Possible mais peu probable. Tu le sais, ces monstres ne sont pas d'ici, territoriaux et peu inclins à s'approcher des villes. Pourtant les corps ont été retrouvés non loin du village... Très peu probable... Non. Ça ne colle toujours pas avec l'ordre de mission...
...
L'une des factions essaye de la mettre à l'envers à l'autre ? L'échange a eu lieu mais... Non, ça ne colle pas non plus. Ils passent une fois et reviennent sur leurs traces...
Le patron n'a parlé que d'un dernier groupe de mercenaires...
Et si... Peu probable mais possible...
Artémis. Je crois qu'un troisième pion est entré dans le jeu et que nous sommes dans une belle merde floue...
Mer 22 Fév - 16:05

Le vagabond écouta attentivement les réflexions de l’aventurière. Il y avait songé et son raisonnement le confortait dans ses pensées. Beaucoup trop de choses ne collaient pas. Une tierce personne, un troisième larron s’était incrusté dans cette affaire. Quel était son but ? S’emparer des biens présents dans ces convois ou créer une guerre entre les deux nations ? Difficile de savoir s’il était parvenu à faire les deux sans avoir pu vérifier le contenu des convois. Il sentit son cerveau fumer. Une traque. Une vraie, contre une personne de son espèce.

« Deux solutions : on abandonne la mission et nous aurons une chance de nous en sortir ; ou bien nous continuons, mais on risque de se retrouver avec des mercenaires des deux nations sur le cul. »

Il ne le dit pas, mais l’épéiste a déjà tué bon nombre de mercenaires. Ces types n’avaient pas tous bon fond et n’hésitaient pas user de la force pour obtenir satisfaction, détournant légèrement leur ordre de mission. Dans ce cas de figure, les mercenaires s’en prendraient à quiconque se trouvant à proximité de leur objectif. Même si Willow était forte, il n’ignorait pas ce qu’il s’était passé un peu plus tôt dans la journée. Se lancer dans une bataille avec des éléments incontrôlés était la bonne solution pour se faire tuer. Devenait-elle une Portebrume, comme lui ? Triste nouvelle pour cette jeune femme dont la vie allait sans nul doute prendre un nouveau tournant. Et pas le meilleur.

« Allons-y maintenant. N’attendons pas l’aube. Dans l’obscurité, nous aurons davantage de chance de passer inaperçu. Je t’avoue que l’idée de me retrouver entre des connards d’Epistopoli et d’Opale ne m’enchante pas vraiment. »

La nuit était tombée depuis peu. Pour éviter à l’activité de la ville, le Portebrume suggéra d’attendre un peu et de se reposer. Il aurait aimé passer une véritable nuit, complète et réparatrice, mais il n’en avait pas encore le droit. Retirant les lames accrochées à son dos, il s’allongea sur son lit et ferma les yeux. Il sombra rapidement dans un horrible cauchemar, un vestige de son passé, un souvenir enfoui au plus profond de lui. Un sommeil fort agité. Il bougeait, grognait, transpirait…  Une main se dirigeait vers lui. Il sortit de son sommeil en dégainant une de ses dagues. Son mouvement s’arrêta non loin de la gorge de Willow, qui ne sourcilla même pas.

« Il est l’heure. », dit-elle comme si de rien n’était.

Après s’être excusé, même si des gens comme eux ne s’excusaient pas pour si peu, il s’arma de nouveau et était fin prêt à sortir. Ils empruntèrent la fenêtre pour sortir discrètement. Exceptés les habituels soulards, les rues étaient calmes et vides. Ils atteignirent rapidement la forêt et s’y engouffrèrent sans l’ombre d’une hésitation. Début de la traque, dernier acte. L’inconvénient d’un voyage de nuit résidait dans la difficulté à trouver des indices, des traces, des pistes à suivre. Vu le temps passé depuis la disparition des convois, les traces avaient certainement disparu. Puis un danger les guettait toujours. Même si la grosse larve de blanche n’avaient effectivement pas pour habitude de vaquer si loin de chez elle, sa présence était pourtant indiscutable. Maintenant encore, sans vouloir alerter la nouvelle Portebrume, qui en avait certainement pris connaissance, Artémis repéra des traces peu réconfortantes.
Sam 15 Juil - 17:51

« Quelque chose bloque. Je n’arrive pas à mettre le doigt dessus, pesta l’aventurière.
- Inutile de s’énerver. Posons calmement les choses. Nous éliminons définitivement un coup monté d’Opale et d’Epistopoli ?
- Oui.
- Qui pourrait en vouloir à ces deux nations, ou au moins l’une des deux ?
- Je crois voir où tu veux en venir, gros bras. Xandrie. Opale exerce une pression économique sur Xandrie depuis des années. Ils aimeraient obtenir une certaine indépendance, mais cela leur est pour l’instant impossible.
- Des usines Opaliennes sont directement implantées sur Xandrie. Humiliation totale d’un royaume soumis. Cependant, je ne crois pas l’attaque vienne du chef d’Etat lui-même.
- Moi non plus. Peut-être une personne ayant suffisamment de moyens pour faire appel à des mercenaires. Le roi aurait trop peur des répercussions pour tenter une telle entreprise.
- Ce serait effectivement contraire à sa politique qui consiste à vendre son royaume. »

Le coupable semblait être tout désigné. Voilà des heures qu’ils marchaient et toujours aucune trace. Cela ne rassurait évidemment pas le vagabond qui savait très bien que leurs chances de réussite s’amincissaient au fil des heures qui s’écoulaient. Leur vie également. Le Portebrume suggéra de remonter vers les Mont d’Argent et d’aller vers l’ouest, en direction de Xandrie. Cette route était peu empruntée, difficile d’accès et menait tranquillement au royaume si l’on ne mourrait pas en route. Avec un chargement de valeurs, les mercenaires devaient probablement se déplacer très lentement. Il faisait encore nuit, la neige tombait sans interruption et avec une certaine intensité. Des conditions propices pour une espèce loin de chez elle, qui serait affamée et à la recherche de viandes.

Les deux aventuriers restèrent silencieux. Quelques échanges de formalité, mais ils étaient frustrés de ne rien trouver et craignaient d’être pris pour cible par leur propre camp. Avec cette tempête, impossible de repérer une quelconque trace de pas. Le néant total. Ils avançaient à l’aveugle dans l’espoir d’aller dans la bonne direction. Jusqu’au moment où une flèche vint se loger dans l’épaule gauche de l’ermite. Il la retira en faisant une grimace douloureuse, puis sortit immédiatement sa mitrailleuse Dexar, invitant ensuite sa partenaire à se mettre derrière lui. Artémis servait de parfait bouclier.

« T’as pu voir d’où elle venait ?
- A six heures, répondit la demoiselle.
- C’est ce que je me suis dit aussi. »

Le Portebrume de manière hasardeuse dans la direction indiquée, jusqu’à entendre un léger gémissement. Ce gémissement fut accompagné d’un grognement qui ne leur était pas inconnu. S’ils avaient rattrapé leur cible, quelqu’un d’autre avait rattrapé tout le groupe. Willow tira Artémis pour prendre la fuite. Aussitôt, des éboulis indiquaient que la bête se trouvait au-dessus d’eux. Sur le chemin, ils aperçurent le blessé qui avait chuté de son piédestal. Pas possible de lui porter secours dans de telles circonstances et il connaissait les risques de son métier. L’horrible monstre l’engloutit quelques instants plus tard. Des cris, puis simplement le son des membres déchiquetés. Ils rattrapèrent le convoi et les quelques voleurs qui avançaient. S’ils avaient entendu les tirs et les cris, ils ignoraient ce qui arrivait très rapidement.

« Si tu veux utiliser ton nouveau pouvoir, c’est maintenant !
- Mais je sais pas comment l’utiliser !
-Maintenant ! »

Ils étaient cernés. D’un côté, les mercenaires qui voulaient en découdre ; de l’autre, une monstruosité qui avait bondi, la gueule grande ouverte, pour les avaler tout cru. Quand les mercenaires aperçurent le monstre, il était trop tard. Ils étaient déjà lancés dans leur assaut. Artémis mit ses devant lui pour se protéger, et l’instant suivant, il se retrouva en chute libre, au-dessus de la collision. Par un miracle inattendu, la nouvelle Portebrume était parvenue à les sauver. Hélas, ils tombèrent lourdement sur le chariot, qui s’explosa à l’impact. Pour sauver son alliée, l’épéiste avait décidé d’encaisser les dégâts et d’amortir sa chute. Des côtes cassées, du sang qui coulait de ses lèvres, la visions troubles et des nausées. Une possible commotion cérébrale. Les mercenaires assistèrent impuissants à la scène, puisqu’ils devaient se défendre de leur ennemi commun. Willow tira Artémis des décombres et tenta de le mettre en sécurité le temps de sa récupération. Mais d’un coup, l’aventurière trouva son ami bien trop lourd. Il avait saisi quelque chose en route.

« Qu’est-ce que tu fous, bon dieu ?
- Utile… Utile… »

Elle pesta des gros mots et partit à la bataille. Artémis se remettait de ses blessures grâce aux pouvoirs de sa Nebula. Il observa attentivement l’équipement qu’il avait récupéré : un exosquelette qui permettait de décupler la force de son utilisateur. Il l’enfila immédiatement alors que le nombre de combattants diminuait. Avec Willow, il ne restait plus qu’un seul mercenaire. Si le démon avait reçu, visibles notamment aux marques sur son corps, il n’en montra rien dans sa fougue. Bientôt, il resta plus rien de leurs ennemis. Artémis maintenant équipé, se tint aux côtés de la Portebrume, essoufflée.

« On ne s’en sortira pas, dit-elle finalement. »

La fatigue ou la lucidité ? Artémis préféra ignorer cette remarque. Alors que leur ennemi sur eux, il activa cet exosquelette qui lui conféra une force suffisante pour tenir la gueule ouverte de ce vers abominable.

« Chope ma mitrailleuse et vide la chargeur là-dedans ! »

Willow s’exécuta et tira comme une enfant dans ce trou puant, dans l’espoir de sérieusement blesser cette chose. Un cri strident repoussa les deux aventuriers. La bête se tortillonna, fouetta Artémis de sa queue et le fit tomber plus bas. Il put saisir fermement un pan de la montagne pour ne pas tomber dans le vide. Le vers, souffrant, prit immédiatement la fuite pour se remettre de ses blessures. Le vagabond grimpa pour retrouver sa camarade. Ils regardèrent autour d’eux. Du sang, des membres découpés, des bouts de bois provenant du chariot, des pièces d’or…

« La mission est un échec, dit finalement le Change-Peau.
- Ouais. On sera incapable de restituer la somme donnée et nous ne serons pas récompensés.
- Sauf si on en décide autrement.
- Tu rigoles, j’espère ?
- Je ne dois rien à ces enfoirés d’Opale. Cet exosquelette me plait bien et doit couter une fortune. C’est une bonne compensation pour le travail fourni. Quant à toi, je te suggère de ramasser le plus de pièces possibles car c’est probablement tout ce que tu auras. »

Elle hésita un instant, mais face à une telle vérité, elle se mit à ramasser l’or sous l’œil amusé d’Artémis.

« Ne trainons pas. Ce serait dommage que les envoyés des deux royaumes nous tombent dessus. Continuons la route vers le Mont Mesnon et nous pourrons nous réfugier quelques jours dans les forêts avoisinantes. »

La tempête tombait toujours. Ce qui était plus tôt inconvénient devenait maintenant un avantage. Ils disparurent de la zone comme s’ils n’y avaient jamais mis les pieds.