Mer 19 Juil - 0:06
« Pourquoi dois-je me rendre là-bas ?
- Parce que ton roi l’a décidé.
- Les assassins ont un droit de réserve, Wanath.
- Et tu n’en as pas, fils. Tu as décidé d’être l’homme-lige du roi et tu n’es donc plus un assassin en tant que tel. Nos législations ne te concernent plus. Le roi est ton seul et unique employeur. S’il te demande de lui cirer les bottes, tu devras t’incliner et t’exécuter.
- Mère ne m’avait pas expliqué tout ça.
- Ta mère est une femme brillante, vive, dont la compréhension dépasse de loin celle de toute notre famille. Elle espérait que son fils ait hérité de ce don. »
A cet instant, je mourrais d’envie d’assassiner son beau-père. Hélas, cela ne m’était pas encore possible. Cet abruti était bien plus fort que je ne l’étais. Mais ce n’était pas la seule raison de ma colère : le roi dynaste avait décidé de m’envoyer au Pays des Nains afin de retrouver un informateur qui détiendrait des informations capitales sur une de ses affaires. Probablement personnelle pour envoyer son homme-lige faire le sale travail. Et qui diable irait se cacher dans les landes submergées ? Même pas parti que son histoire ne sentait pas bon. Que le chef de guilde et beau-père se moquait éperdument de ce qu’il pouvait m’arriver, c’était une chose, mais que mon grand-père ait décidé de m’envoyer en enfer était inacceptable. La seule personne qui ressentait un semblant d’amour pour moi n’était autre que ma mère.
« Tes pensées m’empêchent de réfléchir, fils. Je ne te raccompagne pas. », fit Wanath en m’indiquant la sortie du doigt.
Il faisait peur avec sa cape qui recouvrait son visage et sa voix stridente. On ne sentait aucune émotion en lui. Un être vide qui n’avait que pour objectif de faire prospérer la guilde familiale. Bref, je n’avais pas plus envie que ça de rester dans ce foutu château hanté. Le palais était un peu plus confortable et animé. J’avais une monture à ma disposition mais j’allais bien plus vite avec mes propres jambes. Merci le cristal offert par grand-père pour servir ses intérêts. Tout était offert par intérêt dans ce monde. Quand j’arrivais au palais, je devais me faufiler par un accès secret et devenir le laquai du roi. Cela ne m’enchantait guère mais je pouvais le voir à n’importe quel moment de la journée et de la nuit, et ce sans éveiller les soupçons.
« Viens, fiston. Entre donc. »
Quand le roi te disait d’entrer, tu entrais simplement.
« Es-tu prêt pour le départ ?
- Euh… En fait, je venais vous voir pour ça. Les landes submergées, on m’a toujours dit d’éviter d’y aller, grand-père. Mère m’a dit que nous n’étions pas vraiment en capacité de supporter la Brume.
- Ta mère ? Tu parles de la satané roturière que ton père n’a pas pu s’empêcher de… Hem. N’écoute pas tout ce que dit ta mère, fiston. T’es plus fort que tu ne le crois. »
Uniquement quand ça t’arrangeait, vieillard. Qu’est-ce que ça pouvait m’agacer de l’entendre cracher sur ma mère de cette manière. Et lui, contrairement à Wanath, je pouvais me le farcir sans transpirer. Sentant certainement que j’avais envie de lui faire bouffer ses dents, il se reprit.
« Hem. En t’aventurant au Pays des Nains, tu trouveras certainement des choses sur ton défunt père. Il y avait rencontré ta mère et t’avait probablement conçu là-bas. »
Un leurre ou réalité pour me motiver ? Je n’en savais foutrement rien et probablement que je démissionnerai si je n’y trouvais rien. Oui, j’allais y aller avec absolument aucun plaisir. Cette fois-ci, la monture me sera utile. Un hongre fougueux et plein d’énergie. Moins émotifs et plus dociles que les autres, j’avais besoin de ça pour voyager tranquillement. Les énergiques, les impulsifs, les capricieux, je laissais ça aux meilleurs cavaliers. Nous quittâmes Xandrie, passâmes le Bois Rouge d’où j’aperçus le manoir de la guilde des assassins. Je forçais un peu mon jeune destrier à accélérer pour voir de quoi il était capable. Et il ne me décevait pas. Une excellente pointe de vitesse qu’il pouvait conserver sur une bonne distance. Quel bonheur et quel privilège de pouvoir monter une bête pareille ! Ce que l’histoire ne racontait pas, c’était que cet hongre appartenait à une personne de la cour qui ne prenait jamais le temps de la sortir. Pour faire simple, je m’en occupais à sa place, hein. Il ne remarquera même pas son absence.
Après avoir bien crapahuté, bien tiré sur la corde, j’arrêtai mon nouveau meilleur ami au bord l’Argenté où il put s’abreuver tranquillement. Nous n’étions pas loin des Mines d’Or-Blanc et il n’était pas question d’y mettre les pieds. Le coin devait grouiller de nains peu commodes qui bossaient comme des dingues. Pas question de les déranger et de me prendre des coupes de pioches. Nous devions contourner Aiguières pour être au cœur du pays. Ma seule crainte était de m’approcher trop près de la Forge-Dieu qui devait grouiller de gnomes. Ces types n’étaient pas commodes et je n’étais pas certain d’être le bienvenu. Nous repartions à un rythme moins élevé, les routes étaient enneigées et verglacées à certains endroits. Le froid faisait partie intégrante de mon quotidien, mais absolument pas à ce point. On se les pelaient avec mon nouveau pote. Et malheureusement pour nous, la route était encore longue.
Grâce à une route commerciale, nous évitions les sentiers escarpés et le passage en plein milieu des montages. Finalement, on contournant les monts, on gagnait du temps. Au milieu de ce bourbier qu’étaient les Aiguières, on aurait perdu une journée assez bêtement. Mais plus on avançait et plus j’avais cette étrange sensation d’être épié par quelqu’un ou quelque chose. Ou plusieurs. Je n’en savais absolument rien mais je sentais quelque chose. Naturellement, je me doutais bien qu’il s’agissait de la Brume. Nous commencions à bien nous enfoncer dans les landes. Je n’aimais pas ça et je n’étais pas le seul. L’hongre, pourtant docile, s’agitait lui aussi.
« Tout doux, mon beau. Tout doux. », dis-je stupidement en le caressant.
Il devait lui-même me sentir tendu.