Sam 27 Mai - 17:56
On lui avait dit, le jour de sa première activation, qu'elle pouvait tout faire. Tout ? Vraiment ? Non, cela était impossible. Elle ne pouvait pas diriger un pays. Elle ne pouvait pas refaire le monde comme elle le souhaitait. Elle ne pouvait pas voler comme un oiseau. Elle ne pouvait subitement devenir un être de chair. Alors pourquoi lui avait-on dit qu'elle pouvait tout faire ? C'est vrai ça, tout, ça faisait beaucoup quand on y pensait. Tout ce qu'on voulait qu'un automate fasse pour eux, là oui, ça aurait été plus exacte et plus honnête. Or, toutes ces réflexions, Pamyfja était déjà passé au travers il y a bien longtemps et, désormais, elle s'adonnait à quelque chose de bien plus censé. Elle faisait tout et n'importe quoi.
Par exemple, aujourd'hui, elle s'était aventurée dans un endroit déserté par les hommes et les bêtes. Dommage pour les animaux, mais au moins, ça lui ferait des vacances, s'était-elle dit. Dans la forêt de l'arbre dieu, des échos inquiétants et un silence assourdissant plombaient l'air, le rendant épais et difficile d'y évoluer. Par moment elle se faisait petite - aussi petite que ce que pouvait faire un automate de deux mètres de haut, comprenons bien - et elle se cachait parmi la végétation à la manière d'une souris. Parfois, une ombre passait. Un battement d'aile unique retentissait. Des yeux distants l'observaient. À la fois surexcitée et terrifié, la première émotion étant stimulé par la deuxième, elle continuait de progresser dans ce décor aux allures de film d'horreur et s'enfonçait avec envie un peu plus loin dans la forêt.
Dans une clairière un peu plus amicale que les autres, un arbre en plein apprentissage avait trouvé le monceau de terre idéal. Ses jambes, droits et immuables, devenaient racines, fondations d'une vie et de celles alentours. Son corps devenait tronc, à l'écorce solide et souple. Ses bras, tendus en des formes tortueuses, devenaient branches, maisons d'une grande diversité. Sa tête, penchée en arrière et les yeux clos, était la cime et le début du ciel. Pamyfja faisait l'arbre.
Il est vrai, cela était cocasse. Après tout, l'offre et la demande se créaient d'elles même. Un parent aurait sans doute dit, faire arbre n'est pas une bonne carrière, et il aurait raison. Pas de salaire ni de congés, on voyait toujours les mêmes collègues et il n'y avait aucune opportunité de voyage, pas même un déplacement professionnel en perspective.
Mais je peux tout faire.
Alors oui, elle faisait l'arbre.
Les minutes passèrent, une heure maintenant, et elle n'avait pas bougé d'un millimètre. Un oiseau minuscule vint se poser sur l'un de ses bouts de branches (un doigt), et se mit à chanter. Tiraillée entre l'envie de l'observer et le besoin de continuer d'exercer sa profession, Pamyfja décida d'un compromis. Son bras bougeait imperceptiblement, à une allure qui n'était visible que par les autres arbres alentours. Certains froncèrent les sourcils, d'autres pardonnèrent sa fougue en secouant doucement leur feuillage prit dans le vent. Elle lui fallut dix bonnes minutes pour que l'oiseau se retrouva juste devant son nez. L'automate ouvrit ses yeux et découvrit, avec horreur, que l'oiseau avait percé son déguisement depuis le départ.
Un long duel de regard démarra donc. Un arbre ne peut pas perdre, se disait-elle, mais c'était sans compter sur le fait que ce lézard aérien était le champion incontesté d'Opale dans la catégorie poids plume. Inexorablement, une défaite cuisante l'attendait.
Par exemple, aujourd'hui, elle s'était aventurée dans un endroit déserté par les hommes et les bêtes. Dommage pour les animaux, mais au moins, ça lui ferait des vacances, s'était-elle dit. Dans la forêt de l'arbre dieu, des échos inquiétants et un silence assourdissant plombaient l'air, le rendant épais et difficile d'y évoluer. Par moment elle se faisait petite - aussi petite que ce que pouvait faire un automate de deux mètres de haut, comprenons bien - et elle se cachait parmi la végétation à la manière d'une souris. Parfois, une ombre passait. Un battement d'aile unique retentissait. Des yeux distants l'observaient. À la fois surexcitée et terrifié, la première émotion étant stimulé par la deuxième, elle continuait de progresser dans ce décor aux allures de film d'horreur et s'enfonçait avec envie un peu plus loin dans la forêt.
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Dans une clairière un peu plus amicale que les autres, un arbre en plein apprentissage avait trouvé le monceau de terre idéal. Ses jambes, droits et immuables, devenaient racines, fondations d'une vie et de celles alentours. Son corps devenait tronc, à l'écorce solide et souple. Ses bras, tendus en des formes tortueuses, devenaient branches, maisons d'une grande diversité. Sa tête, penchée en arrière et les yeux clos, était la cime et le début du ciel. Pamyfja faisait l'arbre.
Il est vrai, cela était cocasse. Après tout, l'offre et la demande se créaient d'elles même. Un parent aurait sans doute dit, faire arbre n'est pas une bonne carrière, et il aurait raison. Pas de salaire ni de congés, on voyait toujours les mêmes collègues et il n'y avait aucune opportunité de voyage, pas même un déplacement professionnel en perspective.
Mais je peux tout faire.
Alors oui, elle faisait l'arbre.
Les minutes passèrent, une heure maintenant, et elle n'avait pas bougé d'un millimètre. Un oiseau minuscule vint se poser sur l'un de ses bouts de branches (un doigt), et se mit à chanter. Tiraillée entre l'envie de l'observer et le besoin de continuer d'exercer sa profession, Pamyfja décida d'un compromis. Son bras bougeait imperceptiblement, à une allure qui n'était visible que par les autres arbres alentours. Certains froncèrent les sourcils, d'autres pardonnèrent sa fougue en secouant doucement leur feuillage prit dans le vent. Elle lui fallut dix bonnes minutes pour que l'oiseau se retrouva juste devant son nez. L'automate ouvrit ses yeux et découvrit, avec horreur, que l'oiseau avait percé son déguisement depuis le départ.
Un long duel de regard démarra donc. Un arbre ne peut pas perdre, se disait-elle, mais c'était sans compter sur le fait que ce lézard aérien était le champion incontesté d'Opale dans la catégorie poids plume. Inexorablement, une défaite cuisante l'attendait.