Lun 27 Mar - 10:32
Le Myst'air
Avec Elizawelle Flatterand
- Correspondance:
Chère Lyana,
Le temps court, file, manque et mes nouvelles se font rares. La route fut longue et pleine de rencontres me plongeant dans les aventures de notre enfance. Le voyage en mer entre Epistopoli et Aramila que je t’ai conté dans ma dernière missive n’est rien comparé au sable des Dunes de Saleek et à la forêt enchantée de l’Arbre-Dieu.
Qui aurait cru que ma quête solitaire de la Brume m’apporterait une expérience si solidaire. Ma vision de notre monde change à chaque étape de mon pèlerinage. J’ai bien cru ne jamais passé le territoire Aramilan, je ne les imaginais aussi rancunier envers les nôtres. Je comprends mieux pourquoi nous passions par les contrées de Xandrie lors de mes expéditions militaires, ou que nous empruntions les longues routes fluviales.
Savais-tu que l’eau est une ressource qui vaut plus que nos Astras dans certains villages reculés d’Aramila ? Elle m’a permis de sauver ma peau dans les dunes contre un peuple tarie jalousant les territoires verdoyants perdus au profit des immondes voisins que nous sommes. J’ai soigné leurs enfants, leurs frères, sœurs ou leurs mères, ensemble nous avons construit un puits pour faire venir l’eau des profondeurs d’Urh. D’abord captif j’ai fini par devenir leur bénédiction. A leur côté, j’ai appris à prier. Tu connais mon esprit cartésien, pourtant leurs croyances m’ont touché, leurs histoires plus encore. La guerre entre science et religion déchire des amitiés qui pourraient naître d’échanges partagés. Loin d’accéder à leur théorie, j’ai su les écouter avec patience. Réfractaires à mes idées sur la Brume, j'ai préféré taire mes convictions. Ce n’était pas le moment de me mettre à dos les seuls êtres qui gardaient entre leurs mains ma survie. Je sais que tu ne comprends pas mon “obsession” pour Elle, peut-être qu'un jour tu sauras. Eux non plus n’auraient pas compris pourquoi je retourne vers Elle, je leur ai seulement parlé de ma future traversée de la forêt de l’Arbre-Dieu. Et quel bien m’en prit ! Je fus accompagné d’un petit contingent de religieux guerriers qui m’escorta jusqu’au Châtaignier tant vénéré.
J’ai eu tout le loisir d’entendre les légendes de cet arbre sacré durant le trajet, est-ce cela qui a influencé mon ressenti du voile mystique planant sur la forêt ? Ce qui est certain est le rôle qu'une nagora a joué dans ma rencontre avec une hespéride. Être douée d’une grande sensibilité, elle m’a suivi jusqu'aux côtes d’Aliès. Elle s’appelle Halie, une rencontre émouvante. Elle a perdu foi en ses talents de guérisseuse, je suis devenu son mentor l’espace de quelques soins. Parfois j’ai l’impression que nous ne vivons pas tous sur le même monde tellement nos visions de celui-ci divergent. Cette hespéride est si innocente et naïve … J’ai l’impression d’avoir vécu bien plus qu’elle durant ma courte existence. Je me demande si les membres de cette espèce sont tous comme Halie ou si c’est sa vie d’ermite qui l’a rendue unique, elle est comme une enfant à qui le monde dans lequel nous progressons lui échappe.
Le mal qui ronge notre ville gangrène une partie d’Urh. Pas à Opale. La ville des Lumières porte bien son nom, je suis ébahie par sa clarté. Je retrouve le luxe de notre vie d’aristocrate, et plus encore. Ma bourse est descendue plus vite que je ne l'avais prévu, je compte m'installer un peu ici pour exercer et renflouer mes économies avant de rejoindre la pointe d’Opale puis de retrouver la contrée de Lavill, dernière étape avant Dainsbourg. Rassure toi ma soeur, je ne serai pas seul.
Je te réécrirai en quittant Opale, ne t’inquiète pas pour moi Lyana. J’espère que tes recherches technologiques avancent, je sais que tu feras progresser notre industrie dans ce domaine. Pourras-tu transmettre à mère mes sentiments et la remercier pour ses connaissances en herboristerie qui me sont d’une grande utilité sur le terrain ? Quant à père… Je sais qu’il ne lui a rien dit sur ma condition, je pense que c’est mieux ainsi. Il peut être fier de toi, sache que moi je le suis.
Je reviendrai, n’en doute pas.
Bien à toi,
Lewën
Le médecin passa la porte d'entrée sans prêter attention au tintement familier de la clochette. Le gérant leva la tête, reconnaissant l'homme il le salua d'un mouvement de tête avant de retourner à son rangement. Lewën avait débarqué dans sa boutique il y avait de cela six ou sept semaines peut-être. Fraîchement arrivé sur Opale où il proposait ses services de médecin Epistote - la fraction disposée d'une renommée dans le domaine - il en était venu à la pharmacie d'Izydore pour un besoin particulier.
Le brun se souvenait encore de ce regard implacable d'un homme qui savait ce qu'il voulait. Le médecin avait posé de nombreuses questions sur son travail et ses préparations pour s'assurer de son professionnalisme, après tout des pseudos alchimistes de rue pullulaient à Epistoli, pourquoi pas ici, à Opale. Loin de se vexer, le pharmacien avait renvoyé la balle au nouveau venu. Combien de forbans se proclamaient guérisseurs ? Convaincus l'un par l'autre, une certaine confiance s'installa entre eux, d'autant plus que l'Epistote blanc n'avait montré aucune aversion pour l'état amélioré du scientifique. Confiance qui se conforta de semaine en semaine. Se rajoute l'aide d'Isydore auprès de Lewën qui peinait à trouver un logement convenable à prix bas. On sentait que le médecin était habitué à un certain confort bien qu'il ne se plaignait guère des chambres dans lesquelles il passait ses nuits. Loger chez l'habitant n'était plus envisageable. Avant de se lancer dans la Brume, il lui fallait préparer son expédition. Du moins, trouver une équipe à qui se joindre, le matériel nécessaire et organiser un semblant de plan. Se donner les moyens de La comprendre. Et tout cela avait un prix. Il ne pouvait plus exercer son métier en échange du gîte et du couvert. Il devait l'exercer pour renflouer sa bourse, et prendre le temps de se préparer, de se renseigner sur les mercenaires partant à la recherche des trésors perdus. Ça, il n'en doutait pas, il en trouverait pléthore qui idéalisait la souveraine des villes perdues, en quête de richesse. Encore fallait-il trouver un groupe expérimenté et conscient des dangers.
Toujours est-il que ce bon Izydore qui avait gagné la confiance des habitants du quartier à la sueur de son travail avait dégoté un logement pour le médecin, ainsi qu'un petit cabinet où il pouvait recevoir les patients. En échange de quoi Lewën commandait les potions, onguents et autres décoctions chez le pharmacien.
Aujourd'hui c'était Izydore qui l'avait convié pour un service dont il avait besoin. Après tout ce qu'il avait fait pour lui, Lewën ne pouvait refuser la fleur demandée. L'Epistote attendit patiemment que son compère finisse son tri, observant l'homme et ses améliorations. Derrière des lunettes aux sombres verres, deux points lumineux rouges sondaient les produits qu'il observait. Jamais le médecin ne l'avait vu sans ses verres sur le nez. Il ne pouvait que supposer des prothèses oculaires. Des tatouages à l'encre noire marquaient son front et son menton, les lignes lui rappelaient les circuits électroniques que sa sœur lui avait montrés tout en expliquant leur fonctionnement. Il n'avait pas compris grand chose, préférant de loin la biologie à la cybernétique.
Plutôt grand, Izydore était vêtu élégamment, trait qu'appréciait notre homme. Il portait quelques bijoux - bagues, boucle d'oreille et bracelets - sûrement de facture Opalienne. Ce n'était là que des suppositions car jamais les deux hommes n'avaient échangé sur leurs vies privées. Le pharmacien se déplaçait avec aisance et assurance dans sa boutique où chaque produit était rangé et classifié avec ordre et clarté. Organisation et propreté que ne pouvait qu'approuver Lewën.
- Excusez l'attente. finit par dire le pharmacien.
- Je vous en prie, je suis en avance sur l'heure de notre rendez-vous.
Après avoir vérifié que personne n'arrivait Izydore afficha la boutique fermée par un petit panneau qu'il retourna sur la porte d'entrée. Il invita ensuite Lewën à le suivre dans l'arrière boutique. L'affaire était-elle si sérieuse ?
Le dépigmenté le suivit, curieux de découvrir le laboratoire de son fournisseur. Il fut déçu d'être amené directement dans un petit bureau où une étrange odeur flottait. Déception vite oubliée lorsqu'il y découvrit une dame qui se leva à leur arrivée. Brune, la peau pâle, le visage impassible, détaillant le nouveau venu de ses iris fauves. Une beauté froide qui troubla le médecin. Elle s'avança pour se présenter elle-même.
Dernière édition par Lewën Digo le Jeu 13 Avr - 17:14, édité 1 fois