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Le Myst'air

Le Myst'air Brandw10
Lun 27 Mar - 10:32

Le Myst'air

Avec Elizawelle Flatterand



Correspondance:

Le médecin passa la porte d'entrée sans prêter attention au tintement familier de la clochette. Le gérant leva la tête, reconnaissant l'homme il le salua d'un mouvement de tête avant de retourner à son rangement. Lewën avait débarqué dans sa boutique il y avait de cela six ou sept semaines peut-être. Fraîchement arrivé sur Opale où il proposait ses services de médecin Epistote - la fraction disposée d'une renommée dans le domaine - il en était venu à la pharmacie d'Izydore pour un besoin particulier.

Le brun se souvenait encore de ce regard implacable d'un homme qui savait ce qu'il voulait. Le médecin avait posé de nombreuses questions sur son travail et ses préparations pour s'assurer de son professionnalisme, après tout des pseudos alchimistes de rue pullulaient à Epistoli, pourquoi pas ici, à Opale. Loin de se vexer, le pharmacien avait renvoyé la balle au nouveau venu. Combien de forbans se proclamaient guérisseurs ? Convaincus l'un par l'autre, une certaine confiance s'installa entre eux, d'autant plus que l'Epistote blanc n'avait montré aucune aversion pour l'état amélioré du scientifique. Confiance qui se conforta de semaine en semaine. Se rajoute l'aide d'Isydore auprès de Lewën qui peinait à trouver un logement convenable à prix bas. On sentait que le médecin était habitué à un certain confort bien qu'il ne se plaignait guère des chambres dans lesquelles il passait ses nuits. Loger chez l'habitant n'était plus envisageable. Avant de se lancer dans la Brume, il lui fallait préparer son expédition. Du moins, trouver une équipe à qui se joindre, le matériel nécessaire et organiser un semblant de plan. Se donner les moyens de La comprendre. Et tout cela avait un prix. Il ne pouvait plus exercer son métier en échange du gîte et du couvert. Il devait l'exercer pour renflouer sa bourse, et prendre le temps de se préparer, de se renseigner sur les mercenaires partant à la recherche des trésors perdus. Ça, il n'en doutait pas, il en trouverait pléthore qui idéalisait la souveraine des villes perdues, en quête de richesse. Encore fallait-il trouver un groupe expérimenté et conscient des dangers.
Toujours est-il que ce bon Izydore qui avait gagné la confiance des habitants du quartier à la sueur de son travail avait dégoté un logement pour le médecin, ainsi qu'un petit cabinet où il pouvait recevoir les patients. En échange de quoi Lewën commandait les potions, onguents et autres décoctions chez le pharmacien.

Aujourd'hui c'était Izydore qui l'avait convié pour un service dont il avait besoin. Après tout ce qu'il avait fait pour lui, Lewën ne pouvait refuser la fleur demandée. L'Epistote attendit patiemment que son compère finisse son tri, observant l'homme et ses améliorations. Derrière des lunettes aux sombres verres, deux points lumineux rouges sondaient les produits qu'il observait. Jamais le médecin ne l'avait vu sans ses verres sur le nez. Il ne pouvait que supposer des prothèses oculaires. Des tatouages à l'encre noire marquaient son front et son menton, les lignes lui rappelaient les circuits électroniques que sa sœur lui avait montrés tout en expliquant leur fonctionnement. Il n'avait pas compris grand chose, préférant de loin la biologie à la cybernétique.
Plutôt grand, Izydore était vêtu élégamment, trait qu'appréciait notre homme. Il portait quelques bijoux - bagues, boucle d'oreille et bracelets - sûrement de facture Opalienne. Ce n'était là que des suppositions car jamais les deux hommes n'avaient échangé sur leurs vies privées. Le pharmacien se déplaçait avec aisance et assurance dans sa boutique où chaque produit était rangé et classifié avec ordre et clarté. Organisation et propreté que ne pouvait qu'approuver Lewën.

- Excusez l'attente. finit par dire le pharmacien.
- Je vous en prie, je suis en avance sur l'heure de notre rendez-vous.

Après avoir vérifié que personne n'arrivait Izydore afficha la boutique fermée par un petit panneau qu'il retourna sur la porte d'entrée. Il invita ensuite Lewën à le suivre dans l'arrière boutique. L'affaire était-elle si sérieuse ?
Le dépigmenté le suivit, curieux de découvrir le laboratoire de son fournisseur. Il fut déçu d'être amené directement dans un petit bureau où une étrange odeur flottait. Déception vite oubliée lorsqu'il y découvrit une dame qui se leva à leur arrivée. Brune, la peau pâle, le visage impassible, détaillant le nouveau venu de ses iris fauves. Une beauté froide qui troubla le médecin. Elle s'avança pour se présenter elle-même.


Dernière édition par Lewën Digo le Jeu 13 Avr - 17:14, édité 1 fois
Ven 7 Avr - 14:16

Le Myst'air

Ft. Lewën Digo


Les derniers évènements avaient chamboulé la jeune zoanthrope.  

Depuis son retour de Dainsbourg, Elizawelle n’était plus tout à fait la même. Cela faisait des semaines qu’elle se terrait chez elle, plongée dans l’affrontement de ses démons qui resurgissaient dans chacun de ses rêves. Souvent, le clocher dans lequel elle était entrée avec Artémis revenait la hanter. Elle croyait y rejoindre son père, disparu depuis si longtemps. Mort.  

Parfois, elle revoyait le petit être qui les avait accueillis. D’autre fois, il n’y avait rien : que le vide et l’inéluctable vérité : elle était seule, désormais. D’autre fois encore, elle se retrouvait dans les lugubres souterrains de la ville, confrontés à des créatures défiant l’imaginaire. Les cauchemars l’assaillaient, l’empêchant de dormir, exacerbant une anxiété inhabituelle chez la jeune aventurière qui avait habituellement un excellent contrôle sur ses émotions.



Lorsqu’elle avait remis les pieds dans son appartement, Elizawelle avait cru qu’elle était prête à affronter la mort de son père.

Elle avait eu tort.  

La disparition de son père avait guidé Elizawelle tout au long de sa vie d’adulte. Pour survivre à son absence, elle avait dû apprendre à se défendre et à subvenir à ses besoins. Elle qui avait eu une vie simple, mais paisible avait alors été confrontée à la mort, aux préjugés et même aux atrocités du Magistère. Dans le but de s’endurcir, elle avait depuis voyagé à travers le monde et par-delà la frontière de Brume. Tout cela pour devenir suffisamment forte pour aller sauver son père, à Dainsbourg.  
Un rire sans joie la traversa alors que ses yeux se posaient sur l’appartement, toujours le même malgré les années, toujours le même malgré sa mort. Elle rit franchement en voyant le manteau sur la patère, les bottes fraichement cirées sur le pas de la porte, la lettre aimantée sur le réfrigérateur dans laquelle elle expliquait qu’elle serait bientôt de retour. Au cas où.  
Elle continua de rire et ce dernier se vida de toute joie. Il devint frénétique, sanglotant, avant qu’elle ne s’effondre, en larme, sur le pas de la porte.  



Elle avait pourtant fini par se lever. Mais face à la douleur qui l’assaillait, ses journées n’étaient guère mieux que ses nuits. Elle était restée de longues heures, presque catatonique, à observer les murs et à se vautrer dans sa douleur. Toutefois, rapidement, la faim s’était rappelée à elle. Plongée dans une espèce de mode automatique, elle avait recommencé à vivre. La douleur pulsait, comme lorsqu’elle avait appris sa disparition. Elle la ressentait lui enserrer le cœur presque en permanence, gênant sa respiration, embrouillant ses idées. Il y avait, au fond de son estomac, un vide si profond qu’elle n’en voyait pas le fond.  

Elle se forçait pourtant à continuer, à récurer, à inventorier la moindre possession de son père. Un nouveau pincement en découvrant son histoire préférée, celle que son père lui racontait systématiquement en revenant de ses voyages. En serrant les dents, elle le mit de côté, poursuivit sa tâche.



Elizawelle était entrée dans une forme de mutisme. Ses yeux étaient secs, à présent. Tellement qu’elle doutait de pouvoir pleurer à nouveau. Le vide pulsait toujours dans sa poitrine, douloureux, incurable. Pourtant, il n’était plus aussi insondable.  
Le temps arrangerait les choses, selon Izydore. C’est ce qu’il lui avait dit, autour d’une tasse de thé, lorsqu’elle lui avait raconté de sa voix morte ce qui s’était passé. Elle avait évité d’entrer dans les détails, avait quand même mentionné la fin de ses espoirs. Plus rationnel que la jeune zoan, l’homme n’en avait pas été surpris. Il avait depuis longtemps accepté la fin inéluctable de son vieil ami.

Peu à peu, Elizawelle fut à nouveau capable de respirer pleinement. Elle n’avait pas oublié sa douleur, mais elle parvenait de mieux en mieux, au fil des jours, à vivre avec elle. Avec cette accalmie vinrent la diminution des cauchemars et la réapparition d’une étoile dans l’œil de la jeune opaline. Elle retrouvait peu à peu son mordant. Et elle réfléchissait.
Longuement, dans ses grandes périodes de mutisme, elle s’était questionnée sur sa vie. Sur tout ce qu’elle avait vécu jusqu’à maintenant. Aux rencontres incroyables qu’elle avait faites. Et à ce qu’elle voulait faire, maintenant. Aucune réponse n’avait encore émergé de ses réflexions, mais une certitude avait malgré tout pris forme.  

– J’aimerais bien repartir, s’ouvrit la jeune femme à son vieil ami Izydore, alors qu’elle l’aidait à ranger ses dernières décoctions dans les étagères. Ça fait suffisamment longtemps que je traine ici à dilapider mes économies.  

– Ça tombe bien ! fit le pharmacien en tapant dans ses mains, un sourire malicieux sur le visage.  

Eliza eut un sourire en reconnaissant l’expression de son vieux complice.  

– Qu’est-ce que tu mijotes, cette fois ?

Il se pencha vers elle, la lumière rouge de ses yeux bioniques la transperçant malgré les verres fumés qui ne le quittait pas.

– Je vais améliorer la panacée, murmura-t-il après s’être approché, un éclat surexcité dans le regard.  

– Et t’as besoin de myste, c’est ça ?  

Un air de défi avait animé le visage de la jeune femme, au grand plaisir de l’ancien médecin. Il hocha la tête, regarda autour de lui, puis se dirigea vers l’arrière-boutique. Curieuse, l’aventurière le suivit. Que pouvait-il avoir en tête ? Elizawelle lui avait raconté tout ce qu’elle avait vécu au Magistère lors de sa dernière visite à Krista Reddington et visiblement, il en avait tiré des conclusions intéressantes.
L’aventurière n’avait pas besoin de plus d’explications : elle savait très bien ce qui lui était demandé. Izydore avait quelques complices qui travaillaient dans l’immense usine de raffinement de myste du Bas-Cendrais, Rimegard. Elle s’y était déjà rendue pour lui rendre service, savait où aller et à qui parler. Ça ne serait pas pour autant une partie de plaisir, car l’endroit était très bien surveillé.

– Le problème, c’est que mon homme est malade, expliqua-t-il une fois dans son cabinet. J’enverrai donc quelqu’un avec toi. Quelqu’un qui ne doit pas savoir, pour le myste.    

Elle hocha la tête, réfléchissant. Le médecin serait l’excuse parfaite pour entrer dans Rimegard. Ruven, le complice d’Izydore, était un ouvrier opalin qui retournait périodiquement passer quelques jours dans l’usine pour faire de l’argent. Toutefois, la réputation du complexe industriel n’était plus à refaire et son entreprise n’était pas sans risque. Toutefois, le réseau secret de contrebande de myste auquel il participait était bien assez payant pour qu’il accepte de se ruiner la santé.

Interrompant sa réflexion, la clochette de la boutique retentit et Izydore disparut aussitôt vers la boutique.  
La seule chose qui gênait Elizawelle, c’était de devoir cacher la marchandise. Transporter du myste pouvait s’avérer périlleux. Les contenants de contrebande étaient souvent moins sécuritaires que les piles que les opalins utilisaient quotidiennement et les accidents étaient vite arrivés. Si elle les transportait dans son sac, il suffirait d’un choc assez puissant et les contenants se fissureraient, exposant la jeune femme à de possibles mutations, voire même à la mort. Et si le médecin n’était pas au courant, le risque d’accident était bien plus élevé.  

Après de longues minutes, Izydore finit par revenir accompagné d’un homme beaucoup plus jeune que ce que l’aventurière avait imaginé. Il ne devait pas avoir plus de trente ans et un regard de glace transperçait les verres de ses lunettes. Il se dégageait de lui une certaine douceur et elle voyait dans ses yeux une lueur qu’elle ne parvenait pas à cerner. Intriguée, elle se leva et lui tendit la main.

– Elizawelle Flatterand, se présenta-t-elle sobrement. Aventurière pour la guilde.

Izydore, qui était demeuré en retrait le temps des présentations, s’avança pour se placer entre ses deux complices

– Merci d’être venu. Vous connaissez Rimegard, Lewën ? demanda-t-il, prêt à lui expliquer à quoi ils avaient affaire. J’y ai un vieil ami, Ruven. Il y travaille depuis longtemps et je lui dois une fleur, expliqua-t-il. Il m’a contacté parce qu’il est malade.

– Pas très étonnant, souffla Eliza en secouant la tête, se référant à la difficile réputation de l’endroit.  

– Lewën est un médecin plus que compétent, assura Izydore à sa vieille complice avant de se tourner vers celui-ci pour continuer. Croyez-vous pouvoir l’aider ?  

– Le voyage jusque dans le Bas-Cendrais ne sera pas de tout repos.

– Ça risque d’être mouvementé, acquiesça l’amélioré. C’est pour cela que j’ai demandé à Elizawelle de vous accompagner. Malgré son jeune âge, c’est une aventurière d’expérience qui a toute ma confiance. À ses côtés, vous ne risquez rien.  

Cette dernière se redressa, enorgueillit par les compliments de son ami. Elle eut même un petit sourire qui rendit son visage dur tout de suite plus sympathique.

– Je vous protègerai, assura l’aventurière au médecin d’un air décidé. Je connais Ruven, je pourrai vous mener à lui. Par contre, je ne pourrai pas vous protéger des rudesses du voyage.  

Il s’agissait d’un périple difficile et Elizawelle se demandait bien ce qu’Izydore avait promis à Lewën en échange de ce service. Peut-être le découvrirait-elle durant le voyage, s’il acceptait de le tenter.


Dernière édition par Elizawelle Flatterand le Sam 6 Mai - 19:29, édité 1 fois
Ven 14 Avr - 22:57

Le Myst'air

Avec Elizawelle Flatterand



L’homme ne réagissait pas, écoutant attentivement ces deux interlocuteurs. Ses yeux clairs se braquaient sur la femme qui lui faisait face, il décrochait le temps des tirades du pharmacien. Rimegard hein ? Il avait étudié la région du Bas-Cendrais lorsqu’il était dans l’armée, la situation géopolitique mais aussi sanitaire. La dangerosité du myste n’était plus à prouver, qu’est-ce que la vie d’hommes et de femmes face aux profits d’une nation ? Lewën serra les dents, le pouvoir le débectait. Cela lui rappelait sa fugace dénonciation des pollutions Epistote et sa gentille mutation dans les expéditions Brumeuse en réponse à son audace. Pas un pour rattraper les autres.
Le sujet n’était pas au débat politique, plutôt à l’importance qu’accordait Izydore en ses compétences. N’y avait-il pas des médecins plus proches pour soigner l’homme ? Celui-ci ne pouvait-il pas venir sur Opale ? Non pas que le voyage ne l’exaltait guère, seulement cela retarderait ce pourquoi lui-même avait quitté Epistoli : la Brume. Le myste n’était-il pas une exploitation de Brume ? Ne pourrait-il pas en apprendre davantage à son sujet via cette filière ?
Le regard du médecin dériva, quelques instants, perdu dans ses songes. Le sourire de la femme l’ancra à nouveau dans la réalité. Seul le mot aventurière se marqua dans l’esprit du scientifique qui observa celle qui le protégerait si, d’aventure, il acceptait la requête. Les aventuriers n’étaient-ils pas le métier fourre-tout des populations inadaptées ou bien en marge de la loi ? N’oublions pas qu’il avait été lui-même relégué au rang de Patrouilleur militaire, à l’effigie de ceux de la fameuse guilde regroupant les scélérats purgeant leur peine. Il serait bien malvenu de sa part de juger sans savoir.

Lewën laissa planer le silence, Izydore comprit que le médecin ne serait pas si facile à berner bien que sa mission sauvetage était d’une réelle sincérité.

- N’est-il pas en état de revenir sur Opale ? Il serait plus facile de le soigner avec le nécessaire sur place. Votre pharmacie regorge de trésors médicaux.

- Merci du compliment. nota Izydore. Malheureusement la santé de Ruven risquerait de se détériorer gravement. Les soins qui lui ont été apportés n’ont rien changé.

Rien d’étonnant songea l’ancien militaire. Pourquoi perdre du temps et de l’argent à soigner un employé qui pourrait être bien plus rapidement remplacé.

- D’où ma requête. poursuivit le pharmacien. Je sais que c’est un sacré service que je vous demande, Ruven est un ami de longue date, je ne peux pas le laisser dans cet état. Et je n’ai pas confiance en d’autres médecines. Croyez-moi, je ne vous le demanderai pas s’il n’avait pas essayé d’autres traitements. Le voyage, les équipements, tout le nécessaire sera à ma charge, je vous confectionnerai même une mallette à pharmacie contenant ce qui pourra vous être nécessaire. Je vous serai redevable.

Ce n’était pas une question d’argent, mais de crédibilité. Devant l’inquiétude de l'homme, la méfiance de Lewën céda.

- Très bien Izydore, laissez moi quelques jours pour organiser le départ. Je me doute que le plus tôt sera le mieux. En espérant que votre homme tiendra jusqu’à notre arrivée. S’adressant à Elizawelle, il continua. Il nous faudra combien de temps pour rejoindre les contrées du Bas-Cendrée ? Trois, quatre semaines ? Plus ? A moins que vous ne connaissiez un moyen plus rapide de voyager ?

La jeune femme n’avait pas perdu une miette de l’échange, son regard agrippant les expressions de notre homme. Jugeait-elle des difficultés dont elle devrait faire face pour dissimuler sa propre mission ? Détestait-elle la méfiance dont il faisait preuve ? Appréciait-elle son esprit rationnel ? Seule une étincelle de malice brillait dans ce regard insondable.

- Seriez-vous libre ce soir pour le dîner ? Nous pourrons discuter de l’organisation de notre voyage. Trop cartésien, à aucun moment les paroles de Lewën pouvaient être prises pour autre chose qu’elles n’étaient : la planification d’une mission périlleuse. Je dois être présent pour les quelques patients cet après-midi, mon aide pourra facilement me remplacer. Encore faudrait-il qu’elle soit d’accord. conclut-il pour lui-même en tournant machinalement le bracelet d'Halie autour de son poignet.

- Izydore vous joindrez vous à nous ? Peut-être Madame avez-vous toutes les informations nécessaires ?

- Appelez moi par mon prénom Lewën, je vous prie.

L'éclairage au myste grésilla à ce moment-là attirant les regards, une distraction bienvenue pour le jeune médecin dont les joues avaient rosi.

- Si cela vous convient je vous retrouverai ici aux sept coups du carillon.

L'homme se retourna non sans un sourire malicieux pour son homologue.

- N'oubliez pas que le dîner est à votre charge Izydore

* * *

Lewën eut l'esprit ailleurs pendant ses consultations, sûrement était-il déjà dans le Bas-Cendrais à répertorier tout ce dont ils risquaient d'avoir besoin. La mission lui redonnait un engouement nouveau, un sentiment qu'il n'avait pas ressenti depuis … la Nebula. Bien loin de son expédition rêvée dans la Brume, approcher une raffinerie de myste lui permettrait peut-être d'en apprendre un peu plus sur la composition de la Brume, la manière de l'appréhender.
Sur une feuille d'ordonnance il nota méticuleusement tout le matériel qu'il faudrait apporter, Elizawelle pourra compléter les colonnes répertoriées en catégories distinctes. Elizawelle … Il y avait quelque chose chez cette femme qui intriguait notre homme. Une curiosité anthropologue dont il ne se soupçonnait guère.

Peu avant de la rejoindre à la pharmacie de leur connaissance commune, il s'était procuré une carte d'Urh et une autre, plus précise, de Xandrie. Ils pourraient étudier la meilleure route à emprunter. Il prit soin de se changer, troquant son costume gris de médecin de ville contre … un costume anthracite. La nuance était subtile.

Arrivant une dizaine de minutes en avance - comme à son habitude - il patienta, une main sur sa sacoche de cuir emplie des trésors d'organisation, l'autre dans sa poche.


Dernière édition par Lewën Digo le Lun 15 Mai - 14:33, édité 1 fois
Ven 12 Mai - 12:32

Le Myst'air

Ft. Lewën Digo


La fébrilité s’était emparée d’elle à la simple idée de ce voyage, même si elle se doutait d’à quel point celui-ci serait éprouvant. L’aventurière savait bien qu’elle ne serait pas d’aussi bonne humeur après avoir passé plusieurs jours à marcher sous la pluie qui s’inviterait sans aucun doute dans leur voyage, mais cela ne parvenait pas à freiner son enthousiasme. Le fait de devoir cacher une partie de sa mission à Lewën ne faisait qu’augmenter l’adrénaline qu’elle sentait enfler dans son ventre. Celui-ci avait visiblement un esprit logique. Il semblait réfléchi et méthodique, et même si la jeune femme craignait que sa jambe de bois ne les freine dans leur voyage, elle avait la certitude qu’il serait un compagnon efficace.  Cela rendait le défi encore plus grand.

Il lui faisait un bien fou de se remplir la tête de préparatifs de voyage. Après avoir quitté Lewën, non sans avoir accepté son invitation à diner, elle passa un long moment à inventorier ses possessions et à vérifier l’intégrité de son matériel de voyage. Elle vida consciencieusement son sac qui était resté sur le pas de sa porte depuis son voyage à Dainsbourg et commença à dresser une liste de ses possessions. Elle avait besoin d’une nouvelle couverture et ses cartouches de munitions étaient presque vides. De plus, ses vêtements de voyage étaient en piteux état puisqu’elle s’était transformée sans avoir l’occasion de les retirer : il lui en faudrait des neufs.  

Elle passa l’après-midi à parcourir la ville, faisant plusieurs achats. Son aventure à Dainsbourg avait peut-être été difficile, mais elle avait été plutôt payante. En combinant cela aux Astras obtenus en vendant les possessions de son père, elle put se permettre un achat tout particulier, un achat dont elle rêvait depuis longtemps : un Nascent. Le petit cristal en poche, elle prit un long moment pour choisir l’objet sur lequel elle allait l’enchâsser avant de s’arrêter sur un petit sac en cuir qui tiendrait à sa ceinture. Il serait certainement étrange de ne plus avoir en permanence son immense sac sur le dos, mais ce serait aussi une grande délivrance.  

Elle n’arriva pas au rendez-vous les mains vides. Entre ses mains, une vieille carte du nord d’Uhr qui avait appartenu à son père. Elle représentait Dainsbourg comme si elle était toujours habitée et était annotée un peu partout de diverses informations et affichait des routes aujourd’hui oublié. Un carnet et un stylo l’accompagnaient également, tout cela dissimulé dans ce merveilleux petit sac pour lequel elle ne cessait de s’émerveiller. Lewën était en avance et elle lui adressa un signe de main en arrivant.  

– Je connais un endroit où nous serons tranquilles, fit-elle en l’invitant à la suivre.

Isydore ayant préféré ne pas les suivre, aussi elle n’attendit pas plus longtemps et se dirigea vers un établissement qu’elle aimait bien. Elle poussa la porte d’un petit bistro qui ne contenait qu’un comptoir avec quelques tabourets et une demi-douzaine de tables aux banquettes de cuir capitonnées. Il n’y avait là qu’un homme, seul sur le tabouret le plus éloigné de la porte qui semblait absorbé par son repas. Elizawelle salua familièrement l’employé sur place avant de se glisser sans plus de cérémonie à une table et de sortir de sa sacoche la carte et le carnet qu’elle avait amené. Elle commença par revenir sur la question de Lewën concernant la durée du voyage.

– En dirigeable, nous pourrions être à Xandrie dès demain, soupira-t-elle. Sauf qu’à moins que tu ne disposes d’une grande fortune, il serait étonnant que nous puissions avoir des billets. Il faudra donc au moins un mois pour rejoindre Xandrie à pied, si nous marchons douze heures par jour... donc sans doute un peu plus, dit-elle en jetant un œil à la jambe de bois du médecin.  

Elle observa avec intérêt la liste de Lewën, appréciant l’organisation exemplaire dont il faisait preuve. En prenant connaissance de tout ce qu’il y avait déjà inscrit, Elizawelle fut rassurée : ce n’était visiblement pas son premier voyage et il n’avait pas sous-estimé les ressources qu’ils devraient y consacrer. Comparant sa liste avec la sienne, elle ajouta quelques petites choses, puis réfléchit à voix haute.

– Nous pourrons sans souci refaire des réserves à Xandrie pour le voyage du retour.  

Elle observa un moment la carte de Lewën avant d’étudier la sienne. Moins détaillée que celle du médecin, les indications inscrites à la main offraient toutefois des indications non négligeables. Du doigt, elle suivit la route qui passait au-dessus du lac de l’arbre. L’endroit était plus sauvage que la grande voie qui passait par la forêt de l’Arbre-Dieu, mais Elizawelle préférait éviter cet endroit lorsqu’elle le pouvait.

– Je connais bien le Val d’Opale. Si tu es à l’aise avec les routes moins fréquentées, c’est le chemin que je privilégierais.  

Ils parlèrent encore un long moment des différents détails du voyage, commandant à manger et finissant presque leur repas avant qu’une nouvelle idée ne vienne à Elizawelle. Comme prévu, l’endroit demeura tranquille : certains clients étaient entrés commander un repas, mais aucun ne demeura sur place pour le déguster.

– J’ai peut-être une solution, réfléchit Elizawelle. As-tu déjà monté un drake ?

La jeune femme n’avait pas beaucoup d’expérience avec ces créatures, mais elle avait quelques fois eu l’occasion d’en monter un. Elle n’avait pas particulièrement apprécié ces expériences, préférant avoir les deux pieds sur terre, mais cela leur ferait économiser du temps. Beaucoup de temps.

– Je connais quelqu’un qui me doit un... un très grand service. Il élève des Drake sur l’île de la Flatterie, au nord-est d’Opale, dit-elle en désignant l’endroit sur sa carte. Les drakes sont des créatures capricieuses. Ils sont difficiles à manier et faciles à contrarier. Avec eux, nous ferions toutefois le voyage en une semaine, voire moins. Nous ne pourrons pas nous approcher de la civilisation avec eux, mais il y a une écurie à l’ouest du lac de Xandrie.

Elle planta son regard dans celui de Lewën, guettant sa réaction. Le voyage serait plus rapide, mais pas moins dangereux. Il leur faudrait se poser pour la nuit et gérer les drakes, un défi en soi. Était-ce vraiment une bonne idée ?  
Mer 14 Juin - 17:52

Le Myst’air

Avec Elizawelle Flatterand



Le tutoiement le surpris, la jeune femme instaura entre eux une conivence dont il se chargeait, habituellement, de garder à distance. Depuis qu’il portait en lui une Nebula, rejeté par l’armée, pire encore, par son père, Lewën s’était fait une raison et acceptait sa solitude. Son périple et ses rencontres n’avaient de cesse de lui prouver qu’il avait tort, il ne l’entendait pas encore complètement. Peut-être cette expérience-ci s'ancrera un peu plus dans l’esprit de notre homme. Aussi s’appliqua-t-il à rendre à la demoiselle son amabilité en employant, à son tour, cette familiarité qui ne lui avait rien de naturel. Pour le moment.
Lorsqu’Elizawelle fit allusion à sa jambe qui risquait de les ralentir, sans lui en faire quelconque reproche, il tint à la rassurer sur son état.

- J’en fait mon affaire.

L’enthousiasme et l’excitation qu’il percevait de sa partenaire se transposaient aux siens, et un sourire naquit sur les fines lèvres du médecin, oubliant son masque réglementaire pour laisser échapper l’humanité qui l’habitait.

- Je n’ai jamais monté de Drakes non. Avoua-t-il. Cette solution me semble la plus appropriée, le gain de temps est considérable. Surtout si elle ne coûtait pas un rond, il fallait l’avouer.

Ils n’auraient ainsi pas à se soucier de contourner la mystique forêt de l’arbre Dieu, l’hespéride qui l’avait aidé une fois ne serait peut-être pas toujours là pour le sortir des pièges de la végétation. Ils leur suffiraient de poursuivre la route en prenant par le Nord du Lac de Xandrie avant de longer la Rime, puis le Sud de la mer de Sang pour atteindre leur but.
Des navettes pour l’île de Flatterie il y en avait tous les jours, ils n’auraient pas de mal à atteindre la terre des draconides. Il lui fallait encore peaufiner ses préparatifs, aussi donna-t-il rendez-vous à Elizawelle trois jours plus tard. Il lisait bien l’impatience de le femme dans le regard, s’il n’était pas si raisonnable Lewën partirait dès le lendemain matin.

***

Ils étaient à quai, le ferry en face d’eux. Elizawelle fut la première à poser le pied sur le ponton, chargée de sa simple sacoche. Elle avait montré à Lewën la magie du Nascent, il se nota l’astuce et se promit qu’un jour, lui aussi userait de cette stratégie. Le pas aérien, presque sautillant, la femme lui sourit de l’autre côté du pont. Chargé de son lourd sac à dos, notre homme traversa à son tour, le cœur léger, heureux de partir à l’aventure.
L’embarcation n’avait rien à voir avec les navires épistotes sur lesquels il avait l’habitude de naviguer. Plus petit, peut-être moins stable en cas de forts vents, mais sûrement plus rapide. Son regard ne pu se détacher de la silhouette heureuse d’Elizawelle, suivant la femme à la proue du bateau.

- Je suppose que vous avez déjà voyagé sur les eaux ?

Il avait le cœur à en apprendre plus sur elle, aussi se laissa-t-il à la questionner de temps à autre sur ses expériences, ses loisirs. Jamais sur sa vie privée.
Ils arrivèrent bien plus vite qu’il ne l'aurais cru et très vite Elizawelle les guida jusqu’à son “ami”. Un ami un peu trop familier pour Lewën qui préféra garder le silence, répondant par quelques monosyllabes lorsque l’homme s’adressait à lui. Sa jambe de bois n’échappa pas à l'œil critique de l’éleveur qui ne cacha nullement son scepticisme.

- J’espère que vous avez déjà monté des Drakes avec ça, ce ne sont pas des gentils poneys vous savez ?

Autant la flore avait peu de secrets pour le médecin, autant la faune ne faisait pas partie de ses relations les plus proches. Il n’appréciait pour autant qu’on le prenne pour un nigaud.

- Non, et je sais pertinemment qu’il faut avoir de la poigne et de l’autorité pour éperonner vos montures. Ce ne sera pas simple, mais c’est nécessaire.

Il ouvrit son sac pour en sortir un mécanisme qui, sur les chevaux, lui permettait d’insuffler à sa jambe morte les mouvements nécessaires à l’écoute de l’animal.

- Il faudra installer ce système sur la selle.

Haussant les épaules, le propriétaire s’exécuta. Et le cours pu commencer. L’autorité, Lewën n’en manquait pas, pourtant les débuts ne furent pas un grand succès. Il avait une femelle entre deux âge qui n’avait pas la fougue de la jeunesse ni le caractère indépendant des matriarches. L’éleveur lui avait donné une suiveuse, plus précisément la fille de la drake que montait Elizawelle qui guidait le novice dans les airs. Patient et rigoureux, le médecin finit par accomplir un vol correct. Jusqu’à l’atterrissage qui lui valut une belle cascade. Il fit un soleil qui lui arracha la jambe de bois, restée dans l’étrier. Fort heureusement les lanières qui la maintenaient au reste de son corps s’étaient juste défaites sous la pression et non rompues.
Le propriétaire de l’élevage et Elizawelle - qui atterrit comme un cheveu sur la soupe - se précipitèrent sur lui. Relevant le buste, ses lunettes de travers et sa crinière ébouriffée ne firent qu’ajouter au comique de son visage dont la boue l’avait maquillé d’un nez de clown, de sourcils grossiers et d’une barbe sur un seul profil.
Voyant que son coéquipier n’avait rien Elizawelle éclata d’un rire cristallin en se remémorant la cascade et la tête ahurie de Lewën. Un rire qui brisa l’armure de droiture derrière laquelle le dépigmenté se cachait depuis bien longtemps maintenant, l’invitant à laisser place à la gaieté du moment. Lui aussi rit. Deux fossettes oubliées se creusèrent au coin de sa bouche terreuse et sa voix laissa échapper la joie de se retrouver là, au milieu de l’inconnu, avec des inconnus, où seule l’exaltation prédominait. L’adrénaline de sa chute et l'ivresse du vol y avaient peut-être leur rôle. L’exclamation d’Elizawelle le déclencheur.
Il se releva pour sauter à cloche pied jusqu’à la selle de sa monture pour y récupérer sa jambe. La brune vint se caler sous son aisselle pour le soutenir sans vraiment lui laisser le choix. Voyant sa gêne, elle le sermonna aussitôt, allégeant la situation.
- Je suis là pour ta sécurité je te rappelle, vu ce qu’il nous attend, autant se soutenir dès maintenant !

Après encore quelques exercices de vol et un débarbouillage, ils purent enfin prendre les airs. Et quelle sensation ! Après des heures d’exigence où les rides du lion avaient marqué la peau de notre aventurier, il pu enfin profiter du régal d’un vol stable. L’appréhension disparut aussitôt l’altitude atteinte. Le vent dans ses cheveux, la pression sur son corps, mieux encore, le son lointain de la terre, cette impression d’être léger, loin de tout, la vitesse … L'allégresse envahit Lewën qui se retint de pousser un cri de joie, vous voyez, le genre de “youhouuuu” quand l’adrénaline vous prend aux tripes. Il ne put cependant empêcher le sourire béat étirer ses lèvres, non, plus rien ne comptait en cet instant que le plaisir de chevaucher cette créature volante aux côtés de la pétillante Elizawelle. Cette femme n’était pas aussi froide qu’il l’avait cru au premier abord, au contraire.
Après les premiers émois de cette chevauchée - il faut avouer que c’était une première pour le médecin - l’assuétude prit le pas et les deux compagnons parcoururent les kilomètres calmement. Une douleur commença à irradier après six longues heures de vol, il était temps de trouver une clairière où passer la nuit. Lewën se remémora les consignes de l’éleveur pour, et d’un, atterrir, mais surtout se poser dans un milieu qui évitera tout problème avec les belliqueux drakes. Elizawelle et lui se concertèrent avant de trouver un endroit qui leur parut adéquat.
Ils montèrent un camp pour la nuit, avoir les draconides à leur côté rassurait le médecin. Les bêtes sauvages ne se risqueraient pas à s’approcher. Ils s’installèrent autour du feu, et étonnamment se fut Lewën qui engagea la conversation.

- Vous … pardon, tu as toujours vécu sur Opale ? se reprit-il.