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Où les ombres côtoient lumière opportuniste

Où les ombres côtoient lumière opportuniste Brandw10
Mer 28 Déc - 22:12
L'aube pointait à peine. La cavale venait de s’arrêter, ils pouvaient enfin souffler. Le souffle court, ils avaient attendu, interdits devant leur butin… avant de se mettre à le fouiller  tels de vulgaires pillards. Mais… s'étaient là bien ce qu'ils étaient avant tout. La révolution n'était qu'un prétexte pour plus d'un d'entre eux. Un moyen de le tenir ; lui qui souhaitait plus que tout y prétendre, lui qui clamait des discours inspirant – bien que souvent contradictoire – lui qui menait, s'élançant extatique même contre les trains, sans préparation aucune.
Juste un prétexte… et une direction tout de même ; un semblant d'éthique pour couvrir l'opprobre de la clandestinité. Ou peut-être juste un rêve lointain qu'ils espéraient tous sans vouloir céder aux illusions…
Alors, ils fouillaient. Ils retournaient les attachés-cases, les poches, les simples serviettes. Ils sortaient quelques joailleries de leurs écrins, ils brasaient ordonnances et injonctions – bien souvent sans même les lire – ils goûtaient au plaisir du coup à succès.
… Jusqu'à ce que Cricbolg lève un coffret scellé bien haut au dessus de la micro-mêlée.

- Le sceau des monétaristes ?
- Qu'est-ce que ça fait là ?
- Ils ont des bails avec les opaleux ?
- Ça se sait !
- Qui dit intérêt économique…
- Reskg vaalkr !
- Des fielleux à la solde d'Opale en somme ! Abjectes, misérables… Mais ne-serait-ce pas parfait ? Non ?
- Pour ?
- Hé bien ! Chopper des plans, des contacts, se rendre des services pardi !

Ce n'était pas exactement ce à quoi l'épistote avait pensé, mais pourquoi pas après tout… bien plus raisonnable. Une moue contrariée s'étirait sur son visage. Le fait que cette découverte soit parfaitement imprévue était tout ce qui réussissait à le satisfaire dans son dépit. Merveilleux !

- Une nouvelle amitié à inaugurer ! Aux heureux hasards, il faut écrire pour sceller l'union !
- Un brin trop d'emportement…

Mais l'ancien acteur était déjà lancé dans une rédaction endiablée.
Une plume à la main, le papier filant sous ses doigts métalliques. Saccade et staccato huilé,
une machine à écrire,
un empattement régulier…
Aucune personnalité dans les traits.
La commissure des lèvres faussée, il se mit à relire son œuvre.
Avant qu'il ne puisse la déclamer, la porte du vieil entrepôt s'ouvrit avec fracas avant de claquer aussi sec. Les sursauts, les cœurs et les mains aux gardes se calmèrent aussi rapidement que l'angoisse était venue. La mine fière, la petite dernière de la bande agita le journal du jour, avant de se mettre à lire à haute voix.

- Hé, écoutez ça :

Sabotage sur la voie express Xandrie-Opale


Dans la nuit du 11 au 12 avril, le Rubis Pourpre a été victime d'un attentat supposé. De la vingtaine de notables opalins enregistrés à l'embarcation du train, n'ont été retrouvés que des corps, a priori tués sur le coup. Les recherches d'éventuels survivants sont toujours en cours.
Il semblerait qu'une explosion ayant eut lieu au niveau des dénivelés ouest du Mesnon soit la cause de l'incident. La locomotive a été retrouvée partiellement immergée dans l'Argenté. Le réservoir de Myste perforé, la substance dégoulinant dans l'eau, s'en allant souiller un peu plus le Lac Xandrie. Les wagons éventrés et leurs contenus disparus, éventuellement dérobés étant donné que des preuves de passage ait été relevés.

Les réparations de la voie ferrée sont déjà entamés et devraient être achevés sous peu. « D'ici jeudi midi les trains aux Mystes pourront de nouveau circuler » à promis l'adjoint délégué à la supervision des travaux de la guilde des réparateurs avant d'ajouter « de toute façon ils explosent déjà très bien tout seuls, je sais pas pourquoi on se ferait chier à les saboter… c'est juste un accident technique… c'est toujours technique, mais on crie au complot ! Ah, je les connais bien les opalins, moi, ma femme y a de la famille… ». Mettons de coté ces allégations étranges au vu de la scène d'accident, mais rappelons tout de même que l'enquête officiel du guet n'a pas été rendu public. Quoi qu'il en soit, des réparations d'urgences ont d'ores et déjà été effectuées et un trafic ralenti s'est mit en place dans l'intervalle afin de préserver les intérêts économiques de nos deux nations au mieux. La sécurité a de nouveau été renforcée le long de la voie afin d'éviter tout acte de récidive.
La voix de Xandrie, édition du 12 avril 1900

Elle s'était arrêtée en cours de lecture et le journal avait tourné entre toutes les mains – ne faisant que passer dans certaines. C'était déjà à la une… le temps du profil bas était donc révolu. Tout était aller trop vite. Il n'avait fallut qu'une rumeur, il n'avait fallut qu'un horaire, qu'une indication pour une fois précise, ils étaient arrivés les premiers sur place et les voilà sur le devant de la scène. Étrange tout de même qu'il n'y ait eu plus de concurrence, l'affaire avait été rondement mené, sans incident ni surprise.
Ils s’avisaient silencieusement, les uns réjouis, les autres clairement soucieux. Et maintenant, que faire ?

- Bon… on est tous d'accords pour la lettre ?
- Quelle lettre ?

Le cyborg relisait le journal. Si longtemps qu'il n'avait pas lu de critique sur une de ses performances. La rédaction était avare en éloge, mais il s'en satisfaisait. Il n'avait peut-être simplement pas entendu la question, mais personne n'insista pour l'avis de leur ''chef''.

*Soupire*
- “Avons retrouver votre colis, si vous souhaitez le récupérer, nous vous attendrons ce soir Porte de Sancta. Jugez vous même de l’intérêt et de la taille d'une escorte selon l'importance que vous accordez à ce colis.”
- Bien plus sobre que je n'aurais cru…
- Non, c'est ma propre proposition.

Serisse, une brune a l'air patibulaire, acheva la discussion en écrasant le tissu de délire manique qui s’étalait sur le parchemin avant de rédiger par elle même une version acceptable pour un premier contact avec de potentiels associés… ou du moins des clients occasionnels pour leur recel.

* * *


La Gamine avançait dans la rue, les mains dans les poches, un galurin visé sur le crâne. Vive dans les rues passantes, déambulant parmi les badauds là où la foule s'égrainait.
Du lot, elle était celle qui faisait le moins sensation lorsqu'elle sortait de leur planque dans les bas-quartiers. Car la vie n'avait pas eu le temps de l'amoché ? Comme si elle en avait besoin, du temps… mais soit, elle l'avait épargné physiquement. La Brume n'avait pas détruit ses nuits, les coups ne l'avaient pas marquée, les rencontres l'avait laissé entière et sa gueule était même agréable, paraissait-il. Au moins assez pour ne pas retenir l'attention si elle ne le cherchait pas.

Elle arriva devant la porte de la guilde, s'y faufila dans l'ombre d'un employé. Même lorsqu'elle n'y prêtait attention, son naturel filou s'exprimait. L'expérience forgeait les postures, les démarches, le bagout également si il fallait briser le silence. Elle n'en aurait pas besoin aujourd'hui. Quelques regards circulaires et elle était déjà ressortie. Ne laissant derrière elle qu'un pli à l'estampille douteuse glissée dans la pile de courrier adressé à la cheffe des lieux. Si les rumeurs qui circulaient sur elle étaient vraies, nul doute qu'elle serait intriguée par la lettre et l'article qui avait été joint. Une précaution probablement inutile. Si le contenu du coffret était sien, nul doute que la cheffe de guilde devait avoir été mise au courant de l'incident avant même l'impression du journal.

La Gamine sautillait dans la rue, relisant d'un œil – dans cette semi-étourderie qui permettait de chiper une bourse en passant – le premier article qui parlait d'eux.
Qui parlait d'elle.
Dim 8 Jan - 22:52
–– C’est un coffre rempli d’argent portant notre sceau. Difficile de faire plus ostentatoire, n’est-ce pas ? Alors comment pouvez-vous prétendre qu’il s’est volatilisé dans la nature ? Vous êtes payé à débiter ce genre d’âneries ?

Tout en ayant envie de continuer à passer ses nerfs sur le clerc balbutiant et rougissant, la frayeur de ce dernier avait fini par devenir contagieuse et elle s’était éloignée. Un chargement venu d’Opale qui disparaissait, c’était dérangeant – fâcheux contretemps qui l’empêchait de diriger son attention sur des affaires plus importantes. Et Senna détestait tout défaut venu enrayer sa mécanique bien huilée. Idéalement un subalterne aurait dû mettre la main sur la cargaison avant même que le problème ne parvienne à son attention ; mais ces temps-ci Xandrie était imprévisible, changeante, et par-là lui causait bien des problèmes.

La solution était finalement venue sous la forme d’un informateur compétent lui ayant révélé les dessous de la situation. Attentat quasi-certain sur l’axe ferroviaire principal – plusieurs morts opalines, plusieurs vols. Acte surprenant et brouillon dont l’origine était difficile à identifier ; certainement un groupuscule séditieux parmi ceux ayant fait surface en marge de la Révolution, généralement adhérents à l’envie de piller et causer quelques dégâts plutôt qu’aux grandes idées. Par certains aspects ils ne la dérangeaient pas : au moins ils faisaient quelque chose, ne subissaient pas leur sort sans broncher. Mais il y avait toujours cette sempiternelle tendance à la désorganisation, et surtout à se mêler de ses affaires.

Évidemment l’événement avait été minimisé dans les journaux, de sorte à ne pas exacerber les tensions politiques préexistantes. Et alors qu’elle s’apprêtait à démarcher une Guilde afin de remettre la main sur sa possession, lui était parvenue cette étrange note, impersonnelle et laconique, apparue comme de nulle part. Audacieux que de la contacter après avoir commis le méfait – une audace qu’elle pouvait apprécier : peut-être y avait-il quelques bonnes idées sous tous ces petits crimes sans grande importance. La démarche avait un caractère presque naïf : une note accompagnée d’un article de journal, comme si elle ne se tenait pas au courant de ses propres affaires.

Elle aurait préféré choisir elle-même le lieu de rendez-vous, voire ne pas avoir à s’aventurer dans les entrailles de la ville, si taxantes depuis l’apparition de son pouvoir. Certainement sa venue est imprudente – raison pour laquelle elle n’a pas prévenu les membres de sa Guilde, qui auraient tâché de l’en dissuader et n’auraient pas compris sa démarche. Quel intérêt que de se souiller les mains avec des criminels de bas-étage ? Tous ne comprennent pas que tout peut être rendu utile à qui sait en profiter. Et si un nouvel acteur apparaît sur la scène xandrienne, elle ne fait confiance qu’à elle-même pour en prendre la mesure avec discernement.

Alors elle attend ; même en habits plus simples que d’ordinaire, elle pense être reconnue. Le garde du corps qu’elle embauche habituellement au besoin la flanque ; dans l’ombre deux assassins se tiennent prêts. S’il s’agit d’un piège, elle pourra le désamorcer ; elle espère surtout ne pas perdre son temps.

Une gamine s’approche et lui adresse un signe de reconnaissance, portant un chapeau trop grand pour elle, du genre à avoir l’aptitude à passer inaperçu. Elle respire la fougue, l’entrain naïf ; en cela elle lui rappelle certains profils qu’elle avait connus plus jeune, parmi les plus débrouillards. Senna comprend mieux l’apparition mystérieuse de la note ; concernant le groupe qu’elle s’apprête à rencontrer, elle hésite entre bonne et mauvaise augure par rapport à l’intérêt qu’il peut présenter. L’enfant lui fait signe de la suivre et elle obtempère, accompagnée de son escouade plus ou moins discrète. Les ruelles empruntées ont le mérite d’être désertes ; ils parviennent finalement dans l’arrière-salle d’un entrepôt désaffecté, où attendent un humain et un gnome accompagnés de sa cargaison.
Avant même de les détailler ou de laisser leurs empreintes émotionnelles parvenir à elle, Senna se présente avec sa chaleur habituelle.

–– Préambule : outre mon garde du corps, des assassins examinent vos moindres faits et gestes. Attaques, menaces, ne serait-ce qu’un mauvais geste, et ils frappent. Sur ce, parlons tranquillement.
Bonsoir, vous avez demandé ma présence, et me voici. Vous avez quelque chose qui m’appartient ; mais j’aimerais surtout savoir pourquoi vous avez voulu me rencontrer. Ça ne vous plaisait pas, ce bel argent à dépenser ?

Jeu 12 Jan - 21:48
- Bon… chef, vous promettez d'être calme ?
- Hmm ?
- C'est que vous êtes un peu excité depuis l'épisode du train…
- Savariss, voyons, je sais me tenir !

Toujours ce nom insensé qu'il lui collait… Mais Tomyr ne releva pas. Ce qui ne l’empêcha pas de grommeler. Pour l’occasion ils s'étaient déguisés, piochant dans les valises trophées des ensembles opalins de première qualité. Malheureusement pour le gnome, il n'y avait aucun choix pour son gabarie, mais ça ne l'avait pas épargné d'être engoncé dans un costume taille enfant tout en velours… Il aurait préféré ne pas repenser à ces petits yeux écarquillés qui les avaient accueilli dans le wagon, réprouvant leur pillage.
Il ne s’arrêtait pas de gesticuler, cherchant vainement un peu de confort dans le tricot étriqué.

- On aurait pu rester habillé comme d'habitude…
- Et le prestige ? Nous recevons du gratin, il convient de le faire avec au moins le minimum de classe requise !

Jivar était, quant-à lui, dans un trois pièces anthracites presque ajustés, un haut de forme abaissé largement sur son front, laissant pointer le rougeoiements de ses deux yeux améliorés. Ça lui allait mieux que les loques… et il y avait quelque chose d'injuste à cette asymétrie. Encore et toujours cette discrimination contre les gnomes. Mais sa plus grande préparation avait été l'absorption d'un des traitements de Cricbolg pour lui permettre de garder un peu les idées claires malgré le magma informationnel qui lui triturait le cervelet, bien qu'il aurait pu être résumé en un flux concis : Douleur. L’arrière goût était toujours aussi désagréable, bien que la mixture changeait à chaque fois afin de gagner en efficacité… et palier au risque d'habituation.

- Du prestige… du prestige… j'en vois pas tant que ça moi, du prestige…
- C'est doux, pas vrai ?
- De quoi ?
- Le velours.
- … Pas vraiment non… ça gratte !

Et sur ces tergiversations, la porte de service s'ouvrit crissant un peu de ses gonds rouillés. La gamine en tête, les invités entrèrent dans l'arrière-salle désaffectée qu'ils avaient dégoté comme lieu de réunion. Il ne fallut pas longtemps pour que la cheffe de guilde n'annonce, de son ton sec et déterminé, la couleur de leur entrevue. Elle avait choisi pour sa part la discrétion, des habits passe-partout… l'assurance qu'elle dégageait n'avait besoin d'aucun artifice. Tomyr ajusta les bras à sa taille, prés de son tromblon laissé pendre en bandoulière. Il renifla une fois bruyamment puis se tut, adoptant un air nonchalant sans perdre de sa bougonnerie.

- Oh ! Des assassins ?! Tu entends ça Savariss ? On se sentirait presque important ! Hein ? C'est quoi ce regard mauvais ? Oh… *inspire et regagne un peu en composition* Sentez-vous libre de vous asseoir, je ne sais combien de temps nous allons discuter… un lait de drakesse ? il poussa un verre de cristal rempli d'un liquide laiteux vers l'invitée. Votre coffret… il venait d'Opale, il portait votre sceau… Je vous promets que je voulais l'ouvrir… Mais on m'a retenu, prétextant la possibilité d'un piège au Myste comme ils affectionnent à l'Est… Vous savez : vous ouvrez et pouf un nuage bleu qui transforme vos yeux en blob gélatineux ! Redoutable parait-il…

Il tapota un coup sur le petit coffret qu'il glissa sur la table. De quelques centimètres. Gardant la paume ouverte tournée vers lui, prêt à l’éventualité de devoir ranger l'objet de leur rendez-vous. Des pores de sa peau laissée libre de l'emprise de métal, sinuait une sueur huileuse sous l'éclairage blafard des lampes à gaz. La voix enjouée ne trahissait pourtant aucun trac. Que produisait cet effet ? Les traces de narcotiques ? Les soupçons d'amphétamines ? Pourvu que ce soit le pire des effets secondaires qu'il aurait à subir pour ces instants d'éveils, alertes et apaisés.

- Et vos assassins étaient dans les prévisions, pas les siennes, mais cela n'avait pas d'importance, ne vous inquiétez pas pour notre entretient. Mais j’espère qu'il n'y aura pas de grabuge dehors… Il farfouilla dans sa poche un moment tirant doucement un papier qu'il relut rapidement, tournant de moitié le dos à la monétariste. Ce serait fâcheux que nous soyons dérangé.

Un bref moment, le garde du garde c'était figé, déjà tendu par la recherche du cyborg, le sourire carnassier qui lui était présenté annonçait, à sa façon, que pour le groupe de terroriste – ou du moins de l'augmenté qui les représentait – ces discussions n'étaient rien de plus qu'un jeu. De l'autre coté de la pièce, perchée sur un tas de caisse, la gamine soupesait et lançait une bourse bien lestée. Celle-la même qui était à la ceinture du garde jusqu'il y a peu. Quand avait-elle pu ?

- Enfin, commençons sans plus tarder… nous voulons vous restituer votre bien. Voler le trésor d'une guilde partisane n'est pas dans notre intérêt, n'est-ce pas ?

Léger picotement à son bras droit, spasme électrique, la respiration de l'épistote restait régulière. Le tout était d'établir un accord rapidement.
Ven 20 Jan - 18:33
–– Je dois avouer que je ne m’attendais pas à vous trouver si apprêtés. Fort impressionnant. Si j’avais su, j’aurais mis autre chose.

Ses lèvres peintes esquissent un sourire sardonique. Le spectacle saugrenu offert à ses yeux lui donne envie d’éclater de rire – fait assez rare, il vaudrait presque le détour en lui-même. L’humain et le gnome sont plutôt costumés qu’habillés ; leur petite mise en scène témoigne d’une bien étrange cérémonie, d’un soin tout aussi solennel que nonchalant. Senna prend place, s’incline confortablement sur sa chaise. Et son amusement tourne au désagréable.

Parmi la petite assemblée, seul l’humain retient véritablement son attention. La gamine doit être occupée à de petits larcins – qu’elle fasse donc – et le gnome doit constituer une sorte de garde-fou ; mais l’homme semble officier en tant que chef d’orchestre. Et il a mal. C’est une douleur lancinante quoiqu’en bruit de fond, qui suffit à lui transmettre un arrière-goût âcre. Son apparence de chair suintante et de métal, yeux rougeoyants perdus entre dehors et dedans, est parfaitement originale à ses yeux et ne présage rien de bon. Pire encore : il est désorganisé. Sa disposition oscille entre goguenarde et polie – on ne peut se raccrocher à quelque chose de clair. Il saute d’un sujet à l’autre – y a t-il seulement quelque chose de rationnel sous cette carcasse ? Senna serre les dents, mais autrement ne laisse rien paraître. Pour se détendre elle fixe le verre de lait auquel elle ne touchera pas – incongru également, certainement douteux.

–– Effectivement, je le reconnais. Je suis à sa recherche depuis sa disparition.
Oui, oui, je connais le mécanisme. Vous avez bien fait de faire preuve de prudence.


À vrai dire ce bien-ci n’est pas piégé ; mieux vaut pourtant cultiver le mystère, au vu des tendances actuelles. Lorsque le coffret fait son apparition elle le détaille d’un oeil acéré, avide de toute trace d’ouverture ou modification. Il paraît inaltéré.

Puis l’homme lui fait don d’une nouvelle scène étrange : une fouille ostentatoire suivie d’une lecture de réplique digne d’une pièce de théâtre des plus suspectes. Tout cela regorge d’absurde. D’un signe de main, Senna calme son garde du corps déjà crispé tant par le geste que par l’attitude de l’augmenté. Elle-même se sent gagnée par l’agacement : dire qu’elle doit supporter l’intériorité gênante de l’autre, tandis que ce dernier badine dans son trois-pièces comme s’il profitait d’un amusement goûteux.

–– Vous avez rédigé tout l’entretien sur votre petite fiche ? J’espère que cette manie ne vous ôte pas la possibilité de réfléchir spontanément. Bref.
Et quel ton accusateur que voilà ! Voler la vilaine Guilde que nous sommes n’est dans l’intérêt de personne ; on ne peut pas en dire autant du fait de traiter avec nous. Traiter avec n’importe quel acteur de taille a son utilité – mais si vous n’êtes pas suffisamment malin pour le comprendre, je me demande bien ce que je fais ici.


Non, vraiment, il est difficile de ne pas prêter attention à son aspect fiévreux étrange, surtout lorsque l’on partage une partie de ses sensations. Senna ne résiste pas à l’envie de découvrir ce qui s’y cache. Le commentaire n’est pas poli, mais elle est avant tout polie par nécessité – ce n’est pas cette troupe de cirque de fortune qui le lui imposera.

–– Par ailleurs, vous êtes malade ?
Mar 24 Jan - 22:27
Sitôt lu il avait posé son papier sur la table et écoutait attentivement, les mains jointes, pianotant sur ses phalanges. Son sourire tantôt s'étirait tantôt se crispait. Il tentait de ne pas rendre son jeu trop perceptible, mais, lorsqu'il voyait ses effets toucher, qu'il lui était ardu de rester discret. Ce dédain qui sinuait entre les traits strictes de son vis-à-vis était une merveilleuse récompense. Un éclat de raison, un miroir poli par ses soins pour révéler la vérité, un reflet dans lequel il se noyait par une nécessité viscérale.
Malgré l'impertinence bureaucratique et la distance qu'elle lui démontrait, la maître de guilde restait à cette petite réunion improvisée, lui témoignant, même, une vague… inquiétude ? à la fin de son discours. Aussi, il reprit, faussement indigné :

- Malade ? Oh ! Tout de suite les grands mots… Pour ou par quoi le serais-je ? Ma mémoire friable qui m'oblige à apporter le script de notre entretien ? Mais, ne vous en faites pas, ça n'entrave en rien ma disposition à l'improvisation ! Ou quoi d'autre ? … Non, vraiment je ne vois pas… Ah ! Mes excuses ! Ce sont ces petites sueurs que vous évoquez ? De bien moindre maux ! Ce n'est dû qu'au transport enfiévré de notre rencontre, voyons !

Il hocha ostensiblement la tête, façonnant son sourire dans l’obséquiosité la plus démesuré qu'il pouvait présenter. Il se retint de battre des cils et poursuivit bien vite avant que sa pensée débridée ne s'emballe.

- Mettons de coté mon extase… le fait que nous vous ayons invité n'est pas justement la démonstration nécessaire de notre intérêt pour votre vilaine Guilde ? *un léger rire siffle entre ses dents* La recherche de votre bien s'achève bien vite par l'heureux concours de simples spectres évanescents, n'est-ce pas ? Nous n'avons pas la prétention d'une quelconque taille ; tout petits, minuscules, négligeables, acteurs que nous sommes ! Et pourtant… pouf ! nous savons nous démontrer utile ! Non ? Ne pouvez-vous pas prendre votre tirelire d'astras et réclamer votre dû perdu par ailleurs ? Doubler la mise ! … enfin tout ceci ne sont pas nos affaires… Ce qui nous intéresse est tout autre ! Nous parlons des intérêts du bon peuple de Xandrie. *il revêt le masque du Pierrot, se redresse quelque peu sur sa chaise, se fait moins turbulent et son ton se pose légèrement* Vous vous trouviez dans les papiers de l'OPPRESSEUR par mégarde, ou par calcul… Pourquoi un plein coffret d'astras vous était destiné, d'ailleurs ? *il bat l'air d'un revers, pour chasser la pensée parasite* Qu'apporte Opale ? Quelle est son utilité ? *silence* Réellement… y a-t-il une seule opportunité qu'elle offre qui ne soit scabreuse ? Nous ne vous offrons qu'un bras autonome, qu'une oreille indiscrète où glisser quelques mots pour passer de Collabo à Soutien… Il paraît que les luttes pour le profit privé et le bien public se rejoignent parfois… Si seulement nous pouvions le démontrer…

Son regard illuminé se posa sur elle pour goûter son calme ou le voir s'ébranler. Il négligeait le reste, son conseiller et ami, sa jeune protégée, le garde dubitatif, les flammes qui crépitaient, consommant l'huile, et qui venaient donner à sa sueur cette lueur maladive qui semblait avoir inquiété la femme d'affaire. Réduire à un focus attentionnel, supprimer son corps tant qu'il ne se rappelait pas à lui, déclamer sa volonté et son ardeur.
L'augmenté cligna des yeux et un soupire douloureux conclu sa tirade.
Ven 10 Fév - 19:38
Les expressions sur le visage du révolutionnaire sont trop vivaces pour être lues – des modifications presque imperceptibles de ses traits, infiniment fugaces. Si elle n’était pas dotée d’un pouvoir comme le sien, elle aurait cru à une sorte de crise, manifestation d’une maladie nerveuse quelconque. Or son interlocuteur semble sain – du moins aussi sain que peut être cet homme-machine fêlé – et ses rictus ne sont que la forme de ses subtiles expressions émotionnelles. Amusement et satisfaction. Momentanément son propre agacement atteint son acmé : connaissance du plaisir qu’éprouve l’homme à la voir assister à ce spectacle irritant, contrariété de s’être montrée, semble-t-il, trop prévisible. De jouer le jeu d’un autre. Il faudrait changer de stratégie.

–– Effectivement la mémoire, la sueur, votre disposition déséquilibrée. C’est qu’il est difficile de traiter avec un infirme, vous comprenez. Enfin, si vous le dîtes…
Oh, et pas la peine de procéder à ce genre de flatterie, surtout pas aussi affectée – ce n’est pas l’interaction que vous savez jouer le mieux, j’imagine – : je n’en ai pas grand chose à faire. En revanche il y a un certain nombre de membres de la haute société xandrienne sur qui cela fonctionne très bien ; peut-être que vous pourriez aussi leur voler un bien, les attirer ici et vous entraîner sur eux.


Peu à peu, elle se laisse volontairement gagner par l’amusement contagieux du révolutionnaire, accueillant l’émotion au lieu de la rejeter comme à son habitude : une disposition trop sérieuse ne rapporte visiblement que peu de fruits. Lorsque celui-ci termine sa tirade enfiévrée, Senna applaudit en tâchant de ne pas rendre le sarcasme du geste trop visible.

–– Bravo, bravo – c’est à se demander ce que vous faîtes ici à malmener des négociations plutôt que de briller sur les planches. Peut-être que ce coffre aurait même pu financer votre carrière ! Bref.

Elle commence à comprendre comment son interlocuteur fonctionne : il adore visiblement parler pour ne pas dire grand chose, étoffer son discours à outrance. Au sein de ce discours particulièrement touffu, elle a tâché de ne recueillir que les éléments essentiels.

–– Oui, félicitations pour avoir retrouvé le coffre ; vous êtes après tout la raison pour laquelle il a été perdu.
Et effectivement, on pourrait réclamer notre dû à Opale – c’est, je crois, la pensée la plus maligne que vous ayez eu depuis le début de l’entretien –, quoiqu’il n’est pas certain que les négociations aboutissent. Il est rare d’avoir le dessus sur eux, même dans ce genre de situations. Du moins il faudrait une stratégie suffisamment agressive. Car oui, Opale est peu recommandable, ce qui ne l’empêche pas de tirer les ficelles de l’économie xandrienne depuis un bon moment : avant vous comme avant moi. Nous traitons avec elle – fait bien connu – car il n’y a pas d’autre possibilité ; c’est une situation épineuse, et se défaire de sa domination est autrement plus difficile que de faire sauter un train ici ou là – capacité que vous maîtrisez visiblement pleinement !
Bref, parlons clairement. Que pourriez-vous m’apporter ? Quelles sont vos compétences et vos moyens, hormis les attentats et les coffres volés ?


Elle se doute déjà de l’intérêt qu’ils pourraient présenter : pour faire aboutir des manoeuvres, créer des opportunités, il est parfois bon d’avoir un peu de grabuge. Un accident, une petite révolte, un article dans les journaux – de quoi se réfugier dans les bras rassurants de la Guilde. Encore faudrait-il que cet homme lui assure qu’il ne se cantonne pas au spectacle.
Dim 19 Fév - 23:17
Les applaudissements ne sont jamais solitaires à son esprit, ceux de la monétariste se trouvent bien vite noyés à une déferlante fantomatique, réduisant en bruit de fond parasite les éventuelles discrédits qui auraient pu transparaître dans cette initiative prise en plein acte. Il allait sans dire que tels éclats ne peuvent marquer qu'un point d'orgue, ce n'était pas le regard de son vis-à-vis, où il lut progressivement les réserves se muer en emphase, qui lui donnerait tord.
Les yeux perdues entre les traits de sa partenaire, à délirer le moindre pli d'amusement comme un succès vibrant, il l'écoutait assidûment ; autant que ses regards au plafond, ses grands acquiescements de tête ou ses mains bavardes pouvaient le démontrer. Bien que le ton demeurait vipère, les invectives glissaient du mépris à la malice, la langue se déliait indubitablement. Ainsi enjoint, il ne pouvait que poursuivre sur sa lancée !

Sa main se hasarda près de sa feuille avant que, les lèvres pincés, il ne se ravisa avant de se lever. À coté de lui, le gnome haussa un de ses sourcils broussailleux étonnamment haut.

- En effet ! Nos présentations étaient des plus succinctes ! Et pour cause… si nous avons les aptitudes, nous manquons de moyens. Dans le cas contraire nous aurions trouvé bien mieux pour ce petit coffret que de servir de prétexte à une entrevue. Enfin… je suppose que vous n'attendez pas une liste de prétentions. Disons simplement qu'entre les anciens patrouilleurs et les scientifiques renégats, nous offrons une certaine polyvalence. À votre demande nous pouvons vous faire une démonstration dans l'instant si vous le souhaitez !

Après tout à l’extérieur la scène avait été préparée et certains acteurs devaient trépigner.
Mains jointes pressées sur ses lèvres, un peu trop intensément pour sembler naturel, l'augmenté médita un instant.

- Bien évidement, les coffres perdus et les trains ne sont que des hors-d’œuvres, des essaies, des tâtonnements, que-sais-je. Je ne m’arrête jamais à l'apparence, ce ne sont pas de tristes serpents de métal qui se disloquent sous des coups inconnus, mais bien le symbole du réseau de l'oppresseur ! Ce réseau économique dont les ficelles tissent la toile qui asphyxie doucement la Juste comme aime toujours à l'appeler les nostalgiques… Hum une bien lointaine considération que l'économie ces temps-ci pour Xandrie ! Surtout pour ce flot qui est réduit à plèbe, aux frontières de l'esclavage, à se vendre pour simple pitance. Quel tragique constat ! Mais… c'est sur la résilience de ce peuple qu'Opale doit sa prospérité. Que nous vous prédisons les nœuds économiques qui subiront une possible fragilisations à l'avance ou que vous nous indiquiez le secteur sur lequel vous spéculez une chute… J'ai dans l'idée, dans un coin de mon vieux cerveau infirmé par la rouille, que les débouchés seraient profitables à nos deux groupes…

Bras ouverts, accueil sincère, lueurs rouges fixés sur les prunelles cerclés d'émeraudes, il abandonna pourtant ses pas vers l'autre bout de la table pour se raviser sur son conseiller auquel il offrit un décoiffage indolent alors qu'il concluait.

- Vous ne le pensez pas ? Bien plus efficace du moins que je ne le serais avec de petites représentations à guichet fermé. Si l'amusement est toujours d'actualité, l'art – théâtral ou les autres – n'est pas dans sa meilleur période. Quant-à me produire dans la haute société… je ne distribue pas mes flatteries à la demande. Pire ! Ils pourraient les accepter. Alors, ma carrière s'en va ailleurs ! Et avec ma troupe nous cherchons pour un mécène ! Si vous n'êtes pas intéressé… peut-être auriez vous un nom à nous proposer ?

Le gnome soupira enfin lorsque sa tête fut libérée de la pesante prise. Chose étrange, la promiscuité ne le dérangeait pourtant par au-delà de sa bougonnerie habituelle avec les autres, mais pour une raison qui lui échappait, Savariss restait constamment sur ses gardes dès qu'il l'approchait. Ce n'était pas encore cette histoire de barbe brûlée tout de même…
Dim 26 Fév - 17:09
Il est rare d’avoir un auditoire aussi fasciné : ce révolutionnaire ponctue chacune de ses phrases de mimiques surfaites, marques d’attention tenant certainement plus à la représentation qu’à la sincérité. Cependant, il semble à Senna que ce petit jeu est sa manière à lui de montrer que la mécanique de son esprit – chaotique, désordonnée, dérouillée – est en train de s’activer pour fournir des résultats insolites.

–– Effectivement, votre troupe est variée. Comment ça fonctionne, vous recrutez tous les marginaux du coin ?
Une démonstration… J’imagine que je suis curieuse. Que pourriez-vous bien me présenter maintenant ? Du jonglage ? Une brillante prestation de monocycle ?


Car elle a bien du mal à imaginer que toute nouvelle prestation ne constituerait pas une nouvelle partie de ce spectacle déjanté. Mais ce qui la surprend maintenant, c’est de constater l’idéalisme de son interlocuteur : tout en cherchant à s’amuser, il a de grandes idées. Encore quelque chose qui ne lui inspire pas confiance : ces romantiques sont plus volatiles, plus impulsifs que ceux qui se contentent d’oeuvrer pour leurs propres intérêts.

–– Vous êtes donc en pleine recherche… Recherche d’identité, de stratégies d’action… D’aucuns diraient que vous avez besoin d’une béquille ou deux.
Oui, oui, vous vous attaquez à un symbole, mais cette attaque a aussi des répercussions concrètes… Répercussions qui pour certains comptent plus que les apparences. Et vous considérez visiblement l’économie comme une sorte de chose abstraite flottant bien au dessus des esprits des petites gens. Certes ils ne vont pas se préoccuper de ces questions, mais c’est bien l’état économique de la cité qui va régir leurs existences dont vous vous préoccupez visiblement beaucoup.
Par ailleurs, ma curiosité est piquée par votre nationalisme touchant et exalté – très traditionnel, un peu vieux-jeu. Bien plus vif que certains des citoyens xandriens – vous pouvez me prendre en exemple – ; car vous n’êtes pas d’ici, au vu de votre accent ? Je comprends mieux maintenant… Une carrière d’acteur en déroute à la maison et votre âme d’artiste a décidé de venir faire la révolution ici, n’est-ce pas ? Je pourrais presque vous dire d’aller vous mêler de vos affaires ! Oh simple boutade, ne le prenez pas mal – vous aimez ça après tout, non ?
Et dîtes-moi, comment choisiriez-vous ces fameux noeuds économiques à fragiliser ? Là où je peux vous rejoindre, c’est qu’il peut y avoir du bon à faire bouger un peu les choses. Et c’est visiblement votre spécialité.


Irait-il jusqu’à croire qu’elle irait compromettre ses intérêts dans le cadre d’un partenariat ? Sacrifier des secteurs entiers pour ses yeux rouges ? Son interlocuteur la surestime, ou se surestime. Quoiqu’elle pourrait tout de même profiter de ses services, à la condition de lui donner quelques miettes, de se donner une apparence plus généreuse qu’en réalité… Cet acteur le sait, tout le monde peut jouer un rôle.

–– Vous m’en voyez désolée. Personnellement je ne vais pas au théâtre, et quel intérêt maintenant que je vous ai rencontré, n’est-ce pas ?
N’est-ce pas le but, que vos flatteries soient acceptées ? Ou votre but est-il seulement de déplaire à votre public ?
Ha ! Et qui pourrais-je vous proposer ? Le ministre de l’économie ? Des guildes encore plus conservatrices que la mienne ? Non, il n’y a que la révolution de la princesse qui pourrait convenir – je suis d’ailleurs étonnée que vous n’alliez pas dans ce sens.


Dans un coin de sa tête, la prudence du gnome face à son maître : sensation lointaine. Intéressant : elle n’est peut-être pas la seule à trouver cet homme bien volatile.
Ven 10 Mar - 18:24
À peine la dame avait-elle acquiescé à la proposition de démonstration que la gamine se leva d'un bond, escalada adroitement le tas de caisse jusque une ouverture sur le haut du mur et, dans le même mouvement, s'y faufila ; direction le toit.
Savariss préféra détourner les yeux et tenta tant bien que mal de ré-intéresser l'épistote distrait à la suite de la discussion ; ce qui se fit tout seul. Sur certains mots, le cyborg se figeait dans un sourire extatique ; sur son désintéressement supposé à la réalité, sur son origine d'expatrié, sur sa débâcle artistique, sur tout un process de planification inefficace et nocif à l'action, sur le faste d'un satisfecit abjecte, pour s’achever en apothéose de défiguration à l’évocation de la ''princesse''. Si son attitude témoignait jusqu'alors d'un surjeu, ce n'était rien comparé à ce qui s'annonçait.
Décidément il serait temps de trouver un traitement efficace pour le maintient de sa stabilité ; la teneur en drogue s’étiolait dans son organisme tandis que, par ses piques répétées, la cheffe de guilde espérait apparemment l'éprouver.
Rupture.
Point d'équilibre ; dérive. Agitation proto-synaptique.

- Nous sommes autant l'envers que la clé de voûte ; la princesse – comme vous l'appelez – à un autre combat, doit présenter un front de sympathie ! De nos actions – nécessaires, ô combien – elle ne peut approuver la moitié, si il en était, l'aspect s'effondrerait. Et que ce passe-t-il lorsque l'aspect s'effondre ?! Oh vos bassesses de concret ni tienne pas ! Et votre tendre économie ? Tout pareil ! Le peuple la subit autant qu'il l’accepte en fatalité affamante et l'aspect en demeure. Alors… si il doit être poussé à bout pour rejeter le joug d'un outil supposé être pour sa prospérité bien qu'il se soit retrouvé, depuis longtemps, corrompu par une manne obscène… qu'il en soit ainsi. À toute chose sa fin.

Un rire nerveux interrompait intempestivement ses apnées récitals et ses gesticulations allaient de mal en pis, s'approchant tantôt d'un pas vers ses invités, provoquant une tension palpable chez l'entourage de la monétariste, avant de se retirer dans un piétinement impatient.

- Mais la fin n'est pas chose en soi… détruire… détruire est si simple. Mais des lambeaux encore faut-il pouvoir repriser un semblant d'étoffe – nous ne cherchons pas à dénuder le bon peuple de son étole de réalité. Là acterait notre partenaire, afin de préserver demain ! Aaah, que j'aurais aimé pouvoir me tourner vers plus bénévolent ! Mais c'est votre sceau qui nous est apparut ! Était-ce d'un songe macabre duquel nous avons extirper cette petite boite avant que la rigidité prenne ce petit coursier ? Je ne sais plus… Mais qu'un ministre ou un guildeux hérite de l'espoir importe si peu… le tout est dans l'utilité, n'est-ce pas ? Qu'il soit étranger ou non, l'acteur ressent sa place… Et si la révolution n'est pas scène de prestige, elle est grande et accueillante. C'qui m'reste de carcasse doit bien s'en satisfaire.

Accent acerbe, grinçant, piaffant, oscillation dépotoir.
Spasmes oculaires.

- Mais… vous devez faire fausse route ! Comment avez vous pu même entendre un quelconque nationalisme ! Ici ou ailleurs, je défend la même idée – qui plaît si peu aux conservationnistes ! Mais à voir une nation assujettie à une autre, qui peut rester coi ? Ou pire tenter d'en tirer profit ?

Il passa sa main gantée sur son visage, essuyant d'un revers un malaise viscéral.
Il avait du mal à estimer la pensée qui émanait du port altier de la bourgeoise entreprenante. Avaient-ils bien fait de se tourner vers elle ? L'ensemble restait flou, alors qu'un sifflement aiguë se fit entendre à l'extérieur, pour finir explosé en bouquet tricolore dans le ciel obscur. Jaune Vert Rouge ; Poussières embrasées. Rouge Rouge Rouge aux yeux de l'augmenté ; Premières étincelles qui vrillent la nuit en écho instantanée dans les rues proches.
En deux foulées il est déjà à une fenêtre à scruter l'extérieur, bien plus proche de la Dame qu'il ne se tenait jusque là, avec ce fourmillement caractéristique du pyroliseur qui le titille. Il sait ses vauriens s'agiter en dehors, l'appeler à se libérer de sa tourmente mentale, de l'exprimer purement.

- Aaah ! Saviez-vous qu'à deux pas de là se trouve des entrepôts bien moins désaffectés ? Dans le genre milice privée sous mauvaise bannière… un déversoir pour minerais même pas fini de raffinées… Pour ne pas vous mentir je n'ai pas écouté le déballage technique de notre technophile en chef – surtout que sa voix de sucre aux verbiages gobelins ne peux s'écouter sans en être émoustillé ! Le discours de passionné, voilà qui est digne de flatterie… Contrairement à ce public que vous me proposiez… je crains de lui réserver un autre accueil. Il ponctua sa phrase d'une flamme vive et fugace dans sa paume. Parlant accueil… j’espère que vos assassins ne s'inviteront pas à notre démonstration ; il y en a parmi nous assez susceptible face aux arrivistes.

Il sortit de l'arrière-salle, s’arrêtant sur le perron, le regard perdu vers les flammes qui s'élevaient d'un bloc proche.

- Hum… J'suppose qu'il est mieux de savoir dans quoi vous mettriez les pieds…

Conclut le gnome en passant devant la Dame avant de sortir à son tour, bien moins admiratif devant l'incendie qui s'épandait déjà au-delà de leur cible.

Sur la table, caissette et feuillette avait été laissées. Nul signe de script nébuleux, la notice juridique était claire au contraire. Il devait s'agir d'une d'assurance qu'un notable avait cru bon de faire rédiger au cas ou il lui arrivait quoi que ce soit. Un prête-nom des Reddington s'était avéré bien moins prudent qu'il n'aurait dû et bien qu'il n'avait pas été découvert par ses mandataires, il exposait malgré lui les prochains complexes industriels sur lesquels lorgne la famille vorace.