Lun 19 Déc - 14:07
Logée dans son nid, l'araignée s'est assoupie. Lovée dans l'artère sinueuse d'une montagne ombrageuse, la bestiole s'est recroquevillée dans un coin, tout contre l'humidité. Au gré du temps qui passe, sa tanière s'illumine de rayures scintillantes, gratifiant les parois d'éphémères griffures. Un repère pour compter les jours, se situer dans ce nouveau monde, ce nouveau lieu, récompense de son élan de bravoure. Des semaines déjà qu'elle en arpente les parois, se plongeant toujours un peu plus dans ces couloirs étroits ; se galvanisant de cette sensation grisante qu'elle n'arrivera jamais au bout des profondeurs, des surprises et des galeries qui semblent se déconstruire et changer à chacun de ses pas. Elle n'en sort que pour affronter ce qui se passe dehors : parce qu'il faut bien se mettre face à la grandeur du monde, si l'on veut un jour s'approprier ses trésors. Légère, agile, volatile, la petite chose fébrile se glisse parmi les feuillages, observent les habitants de la nature, cette forêt aux multiples murmures. Rares sont les odeurs répertoriées dans sa mémoire, elle en découvre à chaque expédition de nouvelles, tantôt alléchantes, tantôt rédhibitoires. Certaines se rapprochent de celles de ses comparses — que sont-ils devenus ? cette question n'a plus sa place dans sa vie de prédateur en chasse , ravivent quelques souvenirs auxquels il est formellement interdit de faire face. Elle les oublie d'ailleurs très vite lorsque ses neufs pupilles se déposent sur une proie à l'effluve charmant son odorat.
Voilà deux semaines que sa toile est tissée, bien qu'elle ne sache pas le quantifier, comptant sur son instinct pour interpréter les cycles nycthémères écoulés. Et maintenant, que va-t-il se passer ?
47 n'arrive pas à décider. Sa vie n'a pas été conditionnée à ce que des choix soient effectués. Sa routine réduite en cendre, son ancienne maison disparue dans les méandres, la petite chose se demande si elle est capable de tout comprendre. De s'acclimater à cette nouvelle réalité. De ne pas se voir acculer par de nouveaux dangers : au moins, dans cette prison bariolée, elle était l'une des créatures dont il fallait se méfier. Désormais petite, minuscule énergumène tentant de défier ce monde qu'elle n'a jamais pensé convoiter, elle se retrouve confrontée à ce que signifie véritablement être maîtresse de sa destinée. Un besoin irrépressible de tout explorer, de découvrir, d'analyser, afin d'emmagasiner autant d'informations que son cerveau est capable d'en gérer. Un rêve à demi émergé de ses profondeurs intérieures, celui de trouver des réponses à son existence fabriquée. Une nécessité viscérale de se recroqueviller sur elle-même et de patienter, silencieusement, jusqu'à ce que les fils du destin se mélangent aux siens. Tempérament animal, conscience humaine mise à mal, son esprit se renferme sur lui même et cherche des réponses dans son palais de cristal.
Une averse éclate, les gouttes pétaradent et se répercutent en une sérénade. Sa tranquillité est brouillée, ses paupières papillonnent, son esprit dégringole, sa conscience se recolle au sol. Un soupir, le corps lourd, peu à peu, l'endormir prête conscience aux alentours. L'humidité qui s'engouffre dans son tunnel personnel, recouvrant chaque surface d'un drap poisseux. Le sifflement du vent se faufilant le long des roches, des courbes. Le bruit constant de cette eau tombant en cascade sur le sol, les gouttelettes glissant lentement, délicatement, le long de la pierre avant de tomber sur une flaque tout juste née.
Ploc. Ploc. Ploc. Douce symphonie tendant à l'apaiser.
Perdue dans le noir, son cocon pour la dissimuler, ses doigts se glissent contre le mur. Froid. Dessinant des formes sans trop savoir pourquoi. Et si l'odeur de l'étrangère ne lui parvient pas, noyée dans la pluie, ses pas ne trompent pas. “Tiens donc, qui va là ? ” Ses sens s'aiguisent, prêts à réceptionner la proie. Pourtant, la bête ne bougera pas. Elle ne fera pas le premier pas. Pas d'hostilité dans le corps qui s'avance, l'allure courbée. Une simple envie de se protéger de pluie.
Chimère d'un blanc étincelant, presque envoûtant. L'araignée promène son œillade décuplée sur cette étrange apparition, enchantée. Quelque chose l'intrigue, sans savoir le discerner. Ce corps voûté semble lourd, presque blessé, la démarche mal assurée. Les étoffes dégoulinent, le souffle n'est que filet saccadé, lorsqu'elle se laisse glisser contre le mur, face à l'Arachné.
47 ne pensait pas bouger. Pleinement rassasiée, attentive, elle aurait préféré continuer d'observer, de flairer, pour comprendre et mieux appréhender. Ces ailes recroquevillés d'un animal blessé, ce regard fébrile sur cette peau étrangement nacrée. Elle aurait pu la laisser traverser, se tenir à l'écart, dans sa tanière d'obscurité. Mais l'autre s'est approchée. Sentant, peut-être un regard trop appuyé ? D'abord, leurs yeux se sont croisé, et ses babines, instinctivement, ont fini retroussé. “Tu es en sécurité, personne ne peut t'atteindre, d'où tu es,” mais la chose s'approche, l'hésitation marquée. Une main se tend, délicatement, caresse un fil de soie chancelant...
Et la bête bondit, craignant pour sa vie. Son cri crépite et s'agite, se répercute et chute dans les profondeurs de sa hutte. Tout s'enchaîne avec haine, sa main contre son cou, elle cherche une veine...
Pourquoi SON odeur ressemble à la sienne ??
Voilà deux semaines que sa toile est tissée, bien qu'elle ne sache pas le quantifier, comptant sur son instinct pour interpréter les cycles nycthémères écoulés. Et maintenant, que va-t-il se passer ?
47 n'arrive pas à décider. Sa vie n'a pas été conditionnée à ce que des choix soient effectués. Sa routine réduite en cendre, son ancienne maison disparue dans les méandres, la petite chose se demande si elle est capable de tout comprendre. De s'acclimater à cette nouvelle réalité. De ne pas se voir acculer par de nouveaux dangers : au moins, dans cette prison bariolée, elle était l'une des créatures dont il fallait se méfier. Désormais petite, minuscule énergumène tentant de défier ce monde qu'elle n'a jamais pensé convoiter, elle se retrouve confrontée à ce que signifie véritablement être maîtresse de sa destinée. Un besoin irrépressible de tout explorer, de découvrir, d'analyser, afin d'emmagasiner autant d'informations que son cerveau est capable d'en gérer. Un rêve à demi émergé de ses profondeurs intérieures, celui de trouver des réponses à son existence fabriquée. Une nécessité viscérale de se recroqueviller sur elle-même et de patienter, silencieusement, jusqu'à ce que les fils du destin se mélangent aux siens. Tempérament animal, conscience humaine mise à mal, son esprit se renferme sur lui même et cherche des réponses dans son palais de cristal.
Une averse éclate, les gouttes pétaradent et se répercutent en une sérénade. Sa tranquillité est brouillée, ses paupières papillonnent, son esprit dégringole, sa conscience se recolle au sol. Un soupir, le corps lourd, peu à peu, l'endormir prête conscience aux alentours. L'humidité qui s'engouffre dans son tunnel personnel, recouvrant chaque surface d'un drap poisseux. Le sifflement du vent se faufilant le long des roches, des courbes. Le bruit constant de cette eau tombant en cascade sur le sol, les gouttelettes glissant lentement, délicatement, le long de la pierre avant de tomber sur une flaque tout juste née.
Ploc. Ploc. Ploc. Douce symphonie tendant à l'apaiser.
Perdue dans le noir, son cocon pour la dissimuler, ses doigts se glissent contre le mur. Froid. Dessinant des formes sans trop savoir pourquoi. Et si l'odeur de l'étrangère ne lui parvient pas, noyée dans la pluie, ses pas ne trompent pas. “Tiens donc, qui va là ? ” Ses sens s'aiguisent, prêts à réceptionner la proie. Pourtant, la bête ne bougera pas. Elle ne fera pas le premier pas. Pas d'hostilité dans le corps qui s'avance, l'allure courbée. Une simple envie de se protéger de pluie.
Chimère d'un blanc étincelant, presque envoûtant. L'araignée promène son œillade décuplée sur cette étrange apparition, enchantée. Quelque chose l'intrigue, sans savoir le discerner. Ce corps voûté semble lourd, presque blessé, la démarche mal assurée. Les étoffes dégoulinent, le souffle n'est que filet saccadé, lorsqu'elle se laisse glisser contre le mur, face à l'Arachné.
47 ne pensait pas bouger. Pleinement rassasiée, attentive, elle aurait préféré continuer d'observer, de flairer, pour comprendre et mieux appréhender. Ces ailes recroquevillés d'un animal blessé, ce regard fébrile sur cette peau étrangement nacrée. Elle aurait pu la laisser traverser, se tenir à l'écart, dans sa tanière d'obscurité. Mais l'autre s'est approchée. Sentant, peut-être un regard trop appuyé ? D'abord, leurs yeux se sont croisé, et ses babines, instinctivement, ont fini retroussé. “Tu es en sécurité, personne ne peut t'atteindre, d'où tu es,” mais la chose s'approche, l'hésitation marquée. Une main se tend, délicatement, caresse un fil de soie chancelant...
Et la bête bondit, craignant pour sa vie. Son cri crépite et s'agite, se répercute et chute dans les profondeurs de sa hutte. Tout s'enchaîne avec haine, sa main contre son cou, elle cherche une veine...
Pourquoi SON odeur ressemble à la sienne ??