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À celui que la forêt chérit.

À celui que la forêt chérit. Brandw10
Dim 17 Nov - 19:17



À celui que la forêt chérit.


Elle passe d'une main à une autre. Dans le silence et le froid. Les regards ne s’attardent pas sur elle, pas encore. Elle semble si légère entre ses doigts qui ignorent tout du poids qu’elle porte, en son sein. Anonyme, discrète, elle se glisse dans un convoi puis un autre. Une main calleuse menace de la froisser un peu plus alors que son voyage prendra bientôt fin.

Elle vient de loin. Petite lettre. Écrite sur le coin d’une table, par une main qui ne pouvait se permettre de trembler. Pourtant, celui qui avait pris la plume et apposé le sceau de cire n’était pas certain de survivre. Qui l’était encore en Uhr ? Les temps étaient incertains. Ils l’avaient déjà été, ils le seraient sans doute encore. Peut-être n’était-ce qu’à ce prix que les créatures d’Adhra pouvaient continuer à vivre, sous la menace perpétuelle de la disparition. Peut-être craint-elle de subir ce sort, petite lettre, elle pourrait finir dans les flammes avant même d’avoir livré son précieux contenu. Disparaître, sans avoir pu être utile.

Sans doute ce sentiment, n’était pas tout à fait sien.

Glissée dans un paquetage à l’odeur de Pégase, la lettre finit sa course entre une fourrure et ce qui pourrait être des denrées alimentaires ? Difficile à dire dans l’obscurité de sa nouvelle demeure, elle craint d’y être oubliée mais, heureusement, un de ses coins dépasse, juste là où son destinataire finirait par porter son regard. Des doigts au parfum de forêt se posent sur le sceau rouge qui scelle son contenu. La cire ne porte aucun emblème mais s’est solidifiée autour d’un petit morceau de plume. Les yeux lupins sauront-ils reconnaître le plumage d’un autre prédateur nocturne ?

« À vous qui avancez dans la Brume à la recherche de celui qui veut changer la course des astres, puissiez-vous trouver dans les informations qui suivront des armes à la mesure de votre combat.

Le Mandebrume a déjà été défait une fois, Nikolaï Svetlanov a déjà connu la défaite, il fut alors enfermé sous Dainsbourg. Par qui et comment, voilà ce que je m’apprête à vous révéler. »

Les lignes qui suivent sont nombreuses, décrivant avec détails les derniers instants de celui qui finirait pétrifier sous Dainsbourg. L’écriture demeure fluide pourtant, il semble que le style diffère légèrement, comme si on avait copié ici des mots pris à un autre ouvrage. Ce qui était vraisemblablement le cas. Plus serrée par endroit, comme s’il fallait impérativement faire entrer le maximum de mots en un minimum d’espace, la calligraphie redevient plus déliée sur les dernières lignes.

« Que vous trouviez sur votre chemin le Mandebrume, me semble inévitable, tout converge à Zénobie. Cependant, je ne suis pas capable de déterminer où il se trouve actuellement, sans doute nulle part en Adhra. Je ne peux lire ses intentions mais entendez ma requête ; le Réplicateur doit être détruit. Pour le bien d’Adhra et de tout ce qui vit.

Méfiez-vous de la Brume. N’oubliez jamais qu’elle est le fléau qui a englouti notre monde et tué presque toute vie sur cette planète. Elle n’appartient pas à ce monde, vous oui.

J’ignore si vous croirez le moindre mot écrit dans cette lettre.
Je ne chercherai pas à vous convaincre.
Je me contenterai de croire en vous.

Un jour, nous nous rencontrerons à nouveau, Loup.
Puissiez-vous, jusqu’à ce jour, rester en vie. »