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[1901] Zone A Défendre

[1901] Zone A Défendre  Brandw10
Dim 20 Oct - 23:55

Avant-poste du Magistère

sur la route de Zénobie




Le crépitement des moteurs à Myste faisait vibrer la Brume au travers des balises électrogènes déployées pour sécuriser l'atterrissage. Tout autour étaient disposés des tentes d'où un bourdonnement caractéristique émanait, elles-même entourées de soldats du Magistère, armés de Nascents luminescents. Les Tartares encadraient les machines, veillaient sur elles et quelques officiels d'Opale attendaient l'arrivée du dirigeable avec un air impatient. Bien qu'il ne fasse pas nuit, la pénombre reignait sur ces terres et l'air nauséabond du Nord soulevait des volutes agressifs de Malice, qui frappaient sans cesse dans la zone des balises pour finir absorbées et transformées par elle. Le vent soufflait suffisammet fort pour forcer les opalins à tenir leurs effets et tenter de conserver un minimum de dignité. L'imposant aéronef aux couleurs d'or et de carmin acheva de sécuriser la zone, tandis que les troupes au sol s'occupaient de l'attacher avec suffisamment de solidité pour qu'il ne soit pas la proie des éléments. Après quelques minutes, une passerelle en fut déployée et menée au bastingage du véhicule. Les stockages de l'arrière furent ouverts et on entreprit d'en sortir de nombreuses caisses frappées du sigil de la sinistre organisation.

Dans l'ombre claqua un ordre sec et ce furent une dizaine de soldats en armure dorée qui émanèrent en premier du véhicule, dans un pas ordonné ils portaient la bannière d'une des Sept familles. Assorties à leurs couleurs, ils constituaient la garde d'un des membres éminents de la décadente Splendide. La Cité aux mille lumières avait recraché sur le front l'un de ces plus éminents spécimens car derrière la horde de soldats en armure vint un homme engoncé dans une tenue de cuir serrée, un chapeau melon porté sur son chef. Ses hautes pomettes portaient le rouge des intempéries tandis que ses prunelles d'opale féérique observaient la scène avec un sourire satisfait. Il marqua un temps d'arrêt pour observer les Prometeus entâmer la descente et tirer des murmures béats chez les spectateurs. Un Tartare en armure noire vint se positionner derrière lui, portant ses effets. Le Docteur observa son assemblée d'accueil puis entreprit de descendre lentement pour ménager le spectacle qui se dessinait devant lui. Il observait la Brume vorace qui leur avait donné tant de mal dans les airs, Elle qui frappait les balises. Il observa le vent rageur et les machines qui se déployaient çà et là. Il inspira un grand coup, chassa l'air poussiéreux de ses poumons pour le substituer par celui du succès. Ils approchaient de Zénobie.

- Docteur Von Arendt ! Vous voilà enfin ! le salua un des responsables de ce qui semblait être cette nouvelle base dans la Brume. Je commençais à désespérer, depuis que les installation des Prometeus ont connu des ava...

Un éclair fendit la pénombre et le fracas les fit tous chanceler. Tenant son chapeau, Vladimir lui fit signe d'avancer. L'officiel lui hurla de le suivre sous les vents toujours plus puissants. Le zeppelin du Magistère remit en marche ses turbines pour tenter de lutter contre le ressac que les vents assassins lui faisaient subir, un véritable chaos cette avancée. Il ne manquait que la pluie à ce chaos. Et comme s'il suffisait de penser à une déconvenue pour en voir la queue, de grosse gouttes froides se mirent à suinter du ciel avant d'écraser dans une averse glacée l'avant-poste. On escorta le petit groupe à l'abri, dans une tente où une table avait été dressée avec quelques frugalités. Le Docteur s'en approcha, épousseta son manteau et enleva ses gants de cuir pour révéler ses pâles doigts arachnéens. Il ôta son chapeau et entreprit de se réchauffer ses vieux os en s'approchant d'un poêle à Myste qui tournait dans un coin. Dehors, la pluie grognait contre la tente et rebondissait avec colère sur les assistants qui peinaient à décharger le matériel. Les Prometeus, quant à eux, se positionnèrent devant l'entrée de la tente. Peu importaient les éléments, ils montaient la garde. Aucune autre instruction ne leur avait été donnée.

- Docteur Von Arendt, veuillez excuser l'accueil de notre climat ... yféen. Plus nous avançons vers Zénobie, plus nous rencontrons ce type d'aléas. Les choses semblent très aléatoires par ici et la Brume est omniprésente. Quoi qu'il en soit, merci d'être venu nous prêter main forte. Nous ne remercierons jamais assez le Docteur Forth pour son aide inestimable ...

Vladimir haussa un sourcil et se tourna vers lui. Son manteau de cuir dégoulinait, serré sur sa silhouette malingre. Il en ouvrit lentement les pans et révéla une tenue démodée mais chaude. Son veston enfermait une chemise en satin, simple. Il en tira une montre gousset et la rangea sans adresser la moindre attention à l'officiel. C'était la huitième fois aujourd'hui qu'on félicitait Forth pour les Prometeus. A la dixième, il y aurait un meurtre. Il chassa les tics nerveux qui animaient les ridules de ses yeux et soupira. Ce jeune ergoteur parvenu qui s'était arrangé pour s'arroger la primeur de l'invention du Baron. Il soupira. Mieux valait que ce soit ainsi.

- Heum ... Je suis Logan Thimis, responsable de ce camp. Je coordonne l'assaut sous ordres direct de la Garde, par l'intermédiaire du Lieutenant. J'appartiens donc au corps logistique ... bref. Enchanté. se reprit-il en lui tendant une main que le Docteur ne saisit pas.

Le Baron regarda la main et fit signe à Prométhée de s'avancer et de poser sa malette sur la table. Vladimir s'en approcha et l'ouvrit pour en sortir un cristal dans un écrin. Il le sortit, le porta à ses mains puis referma le tout dans la malette.

- Bien, monsieur Thimis. Nous sommes ici parce que les unités déployées sur le front ne vous ont pas donné satisfaction, c'est bien cela ? commença doucement le Docteur à mesure que les éclairs de la tempête s'intensifiaient.

Voilà qui sonnait difficile pour le zeppelin, mais ce n'était plus son problème.

- Et bien ... ce n'est pas ... enfin oui, on peut voir comme ça. Le dispositif a connu plusieurs avaries et les Prometeus déjà déployés n'ont pas pu être ... réattribués. Merci, d'ailleurs, de nous avoir garni en nouvelles recrues : les dernières ont cessé de ... heu ... fonctionner.

- Avaries, de quel type ? s'étonna le Docteur.

- Et bien ... des pannes, des dysfonctionnements ... un peu tout ça ... Je ne saurai dire : dès qu'on a fait remonter l'information, nous avons été informés que nous étions les seuls dans ce cas : les autres ont l'air de fonctionner ... alors ... et bien, je suppose que c'est pour cela que vous êtes là ?

Le Baron acquiesça.

- Oui, et aussi la raison pour laquelle nous vous avons livré des pièces de rechange. Dans l'attente, vous pourrez profiter de mes Prometeus personnels.


Logan tiqua et écarquilla les yeux. Cela voulait dire qu'il ne s'agissait pas vraiment d'une ressource supplémentaire pour lui et que son problème n'était pas véritablement réglé, mais il aurait au moins cela pour le servir. Il serra les dents et s'inclina pour remercier le noble, avec des idées sombres en tête. Il se redressa, raide, et renifla un peu bruyamment. Cela sentait plutôt mauvais ici. Il tourna un oeil intrigué vers le Tartare en armure noire.

- Dans l'attente que je répare votre dispositif, vous pourrez les utiliser comme s'ils étaient votres. Bien entendu, tout dommage vous sera facturé. Bien. Cela étant, je suppose que vous m'avez aménagé des quartiers convenables ? Je prendrai mon repas là-bas, avec mon Tartare. Je vous remercie de faire livrer mes effets, ainsi que les divers rapports concernant les avaries sur vos machines. ordonna-t-il d'un sourire qui n'en était pas un.

L'officiel s'exécuta avec un rictus gêné et entreprit d'accéder aux demandes du Baron, comprenant à mi-mots qu'il venait de se faire sortir de ses propres quartiers. Il organisa les déménagements, conscient que plus il accèderait rapidement aux exigences de l'Assistant du Docteur Forth, plus vite il serait débarassé de lui. Sans compter qu'il avait plus important à gérer que l'égo d'un scientifique au rabais. Ainsi, au bout de quelques heures, Vladimir se retrouva assis au milieu du chaos de la tempête qui soufflait, le nez dans les rapports et les quelques pièces mécaniques du dipositif. Il ne lui fallut pas longtemps pour identifier le problème. Le problème était qu'il n'y en avait pas : le dispositif aurait dû marcher à la perfection ... et pourtant. Pourtant quelque chose ne tournait pas rond. C'était comme si quelqu'un ou quelque chose avait tenté de sabot...

Le souffle d'une explosion retentit et des dizaines de cris percèrent les hurlements de la tempête. Prométhée dégaina son épée et passa par l'entrée de la tente, suivi d'un Docteur qui avait remis son imperméable et se ruait pour découvrir ce qu'il se passait. Les deux tombèrent sur un spectacle de flammes et de chaos. Les Prometeus qui avaient été attribué à la garde des machines étaient à terre et finissaient de se consumer tandis que le camp courrait dans tous les sens pour tenter de quoi arrêter l'incendie, qui prenait des teintes bleutées caractéristiques du Myste. Vladimir renâcla et recula d'un pas lorsque les flammes crépitantes s'élevèrent haut dans le ciel. Il s'éloigna tant que possible tandis qu'on hurlait à l'attaque, au sabotage. Puis soudain ...

- Là ! Ils sont là ! Les saboteurs ! Attrapez-les !
Dim 27 Oct - 22:02

Zadig sans Voltaire

Se faire voir et se faire entendre


Vous allez rire, mais l’effet va bien au-delà de ce qu’on avait prévu. Mais, que voulez-vous, j’adore les feux d’artifice. Normalement, j’aurais dû être plus calme, j’aurais dû prendre mon temps. Mais derrière une apparence de maîtrise, je n’avais qu’un objectif : faire vite.

Je ne savais pas bien pourquoi, je ressortais avec cette impression floue et vague de mon récent passage à Xandrie. Je n’avais retenu que ce sentiment d’urgence diffus. Je n’aimais pas ça, ça me rappelait de mauvais souvenirs ; vous savez, c’est comme quand vous avez quelque chose sur le bout de la langue. Vous vous concentrez dessus et ça vous échappe constamment. Il ne restait que les yeux de rubis… et l’urgence.

Nous étions partis vers le nord, séparément, chacun à notre tour et par des moyens divers. Nous remontions la piste sans chercher à nous faire repérer. Parfois, dans un camp, que ce soit à Oxenfurt ou plus haut, nous nous croisions, échangions un regard entendu avant de nous séparer à nouveau. Lan-Lan semblait trouver la situation presque amusante. Qu’est-ce qui ne l’était pas, après tout ? Le contact qu’elle avait amené avec nous aussi. Il y avait un visage qui revenait régulièrement dans le groupe avec lequel il se déplaçait. Si j’étais à l’avant-garde, je devais bien avouer qu’on faisait chou blanc pour l’instant. Rien à signaler par ici, s’il était passé, il avait déjà disparu.

On avançait, parce que la caravane passe. Il y avait eu du mouvement, on avait aperçu un strigoï qui aurait pu être Zadicus par ici ; on nous jurait qu’il était parti par là. Toujours plus vers le nord, sans réelle logique. Qui, sinon un nanti en soif d’aventure, aurait tout laissé en plan, amis, cachette et famille pour assouvir sa curiosité envers la Brume ?

Et la Brume donc, l’ennemie intime, je sentais bien qu’elle serpentait, curieuse engeance. Va savoir qui nous étions pour venir nous aventurer en son nid. Ce n’était peut-être pas une première et peut-être que j’avais déjà vu pire. Le pire, ce n’était pas ce qu’on pouvait y trouver, c’était ce qu’on n’y trouvait pas. Je ne pouvais que tirer mon chapeau bas aux Sentinelles qui l’arpentaient, chapeau dont les bords ne tarderaient pas à déborder tels des gouttières bouchées.

En plus, je n’aimais pas la pluie, ce n’était pas mon univers. C’est froid, c’est impossible de complètement faire disparaître l’humidité, on s’enrhume. Un terrain déjà traître devenait mortel avec ce sol glissant. Ça faisait des heures qu’on marchait là, ça ne seyait pas à notre équipée et je me garderais bien de raconter à mes collègues que j’avais plusieurs fois failli perdre une botte dans des tourbières. Jaruk devait bien en tenir son content de rire, maudit macaque orangé adoré. Il s’amusait bien quand nous étions dans les camps à l’abri des balises. C’était moins vrai à l’extérieur où il préférait se tenir à l’abri autour de mon cou, ses petites griffes griffant les protections de cuir sur mes épaules.

Mon terrain à moi, c’est la ville, la jungle et le sable. Mais que voulez-vous, l’adaptation est reine. J’avais dû renier mes vêtements amples et aérés pour des cuirs plus isolants et des couches de fourrure. Le froid venait aussi à notre rencontre, en plus de scènes d’affrontements dont je me serais bien passé. Qu’est-ce qu’il était venu foutre par ici ?

À mesure que je pestais, j’en appris plus sur les rumeurs de ce qui se passait au nord, près du front. On ne se refait pas, même dans ce genre de situation où tout semble mû par un but commun, ça jacasse. C’est là que j’ai entendu parler de ce Zad. L’information était parcellaire, mais il semblait jouer de persuasion et parvenir à se fondre dans les ombres ou, en tout cas, à se faire discret facilement. Est-ce que ça pouvait être notre homme ? Honnêtement, je n’en savais rien, pas plus que je ne trouvais logique sa propension à attaquer les balises électrogènes. Si ce n’était pas lui, c’était tout de même le moment de faire une bonne action et de trouver une raison pour notre groupe de se reformer par pur hasard.

Hasard qui allait prendre la forme d’un feu d’artifice. Que voulez-vous, si ça se trouve, cette opérette m’avait donné des envies d’entrées théâtrales. J’allais m’assurer que tout le monde dans le périmètre soit alerté.

C’est comme ça que vous vous retrouvez avec un petit narangpé qui s’amuse avec des câbles électriques et un filou qui joue de la dague pour dévisser des plaques de ventilation. Ça chauffe, ça vibre, ça devient critique. J’attrape Jaruk par la peau du cou avant que nous nous éclipsions d’un clignement d’œil, après m’être bien assuré de m’être fait voir.

Vous voyez, c’est comme ça qu’avec un peu de chance, on lance des rumeurs et que des chasseurs remontent notre piste rapidement. Venez, très chers, il est temps qu’on se retrouve, vous ne pensez pas ?

Quand je parle de chasseurs, je parle bien sûr du reste de mon groupe, mais aussi des chasseurs comme Zad, surtout. Peut-être qu’il n’en aurait rien à faire, mais même un fou doit avoir les yeux rivés sur ce genre de situation. Voir d’immenses arcs électriques éclairer la scène avant que la balise n’explose et détonne. Il pourrait y voir de la concurrence ou y voir des alliés qui cherchent à ralentir l’avancée. Il ne prendrait pas mal de voir un camp opalin en panique… Mais rien de bien méchant, pas vrai ? Ils doivent en avoir encore un bon paquet en réserve, ces machins qui, soi-disant, nous protégeaient. Je vous laisse deviner si je parle des balises ou des soldats en armure qui ont envahi les rues d’Opale. Même les Cassandre les trouvent étranges, ces Prometeus…

Dans tous les cas, j’espérais que la troupe nous retrouverait rapidement. C’était la seule chose qu’on avait dite : quand vous pensez que c’est un signal de réunion, rejoignez le point en hauteur le plus proche à l’Est. J’attendais donc entre deux roches fendues, spectateur moi aussi de ce petit manège d’un camp en alerte, une cape déjà trempée me servant de couverture de fortune. J’espérais aussi qu’ils sortiraient rapidement de l’ombre.

Je n’en pouvais plus de la pluie.