Light
Dark
Bas/Haut

[1901] Convocation sur le front [MJ]

[1901] Convocation sur le front [MJ] Brandw10
Jeu 10 Oct - 13:14

MJ - Convocation sur le front

Bron Polaren


9 Keladron 1901

A l’attention de Farouk

Ex-Sentinelle Farouk,

Veuillez m’excuser pour l’état de cette tablette gravée, les corps expéditionnaires rencontrent quelques difficultés à l’approche de Zénobie. L’Alliance m’a fait part d’une étrange nouvelle vous concernant et un bref échange avec le Chancelier m’a informé que vous vous étiez rendu auprès de l’Arbre-Dieu dans une équipe composite de plusieurs factions, avant de donner votre assentiment sur plusieurs actions du Magistère. Cette nouvelle me préoccupe pour ses conséquences et ses impacts sur le futur d’Uhr.

Je gage, bien entendu, que vous avez résilié votre présence au sein de notre Ordre, mais l’érudite Brightwidge que vous protégez à présent est impliquée. Ainsi, en mémoire de vos actes passés et de votre service exemplaire, je vous remercie de faire suivre mon invitation à cette dernière, ainsi qu’à la mercenaire impliquée : Nostell An'mbeidh. Vous savez bien que ce n’est pas dans mes habitudes, mais votre présence est requise afin de nous expliciter ces divers points. L’effort mené actuellement ne permet pas une rencontre dans les meilleures conditions. Je vous attends donc sur le front, dès que possible.

Je vous sais conscient des enjeux, et vous remercie d’avance pour votre loyauté que je sais toujours vive.

Bien cordialement,

Bron Polaren.
Jeu 10 Oct - 14:01


Convocation sur le front

Nostell, farouk (PNJ), Bron Polaren (PNJ)

Comment oublier les affres de cette mission au coeur d'Urh. Ellendrine y repensait tous les jours en se demandant s'il était temps de briser le silence. Elle s'en voulait énormément depuis que Duscisio avait disparu.

Il était sous sa garde. Elle avait promis à tous de le protéger jusqu'à son rétablissement. Depuis sa charade face au docteur Muridas, il n'était plus capable de communiquer et restait en état végétatif. Le mieux qu'elle ait pu faire fut de le confier à son jardinier dans la demeure Dalmesca d'Aramila. Il avait sa place, fleur tempérée, sous une tonnelle, à côté de citronniers et d'un vieil olivier. Elle venait elle-même l'arroser tous les jours et lui mettre de l'engrais. Jusqu'à un matin où... Il s'était volatilisé.

Depuis elle était très inquiète, ne pouvant croire qu'il serait parti sans un au-revoir. Elle avait avisé Seraphah par courrier. Les informations qu'ils détenaient étaient convoités. Aussi n'avait-elle même pas mentionné sa particularité à son époux.

Le rapt pouvait évidemment venir du Magistère. Mais son oeil lorgnait aussi vers sa nation. Si les caravaniers existaient, cela pourrait tout à fait être leur oeuvre. Pauvre Duscisio...

Depuis, elle n'avait pas chômé dans ses travaux. Et aussi ses desseins pour aider Aramila à être moins vulnérable aux crises à venir...

Ses derniers pas l'avaient porté vers le front, où s'offraient des mystères archéologiques qui sont la chance d'une vie. Parce qu'elle avait une expertise -modeste - mais assez inégalée sur l'histoire naine, elle n'avait pu résister à l'appel des monts Gilra. C'était à l'origine une mission de sauvetage. Elle en avait eu vent car elle correspondait régulièrement avec le front.

Aussi, lady Brightwidge ne fit pas attendre Bron Polaren. L'heure était venue. Elle se doutait que Panoptès finirait par recevoir le rapport du Patrouilleur, qui ne faisait que son devoir. Loué soit-il. Il fallut plus de temps à la convocation pour rebondir d'Aramila au camp où elle stationnait, et pour qu'elle sorte de la montagne pour lire l'information, que pour se rendre sur place.

Farouk n'avait pas hésité à l'appel de son ancien ordre. Et heureusement, son employeuse était en symbiose avec lui sur ce sujet et n'entendait pas rester sourde à ses responsabilités.

Le plus dur et aussi le plus long, fut de réussir à joindre Nostell à distance et de la faire venir...

Nerveuse, elle s'apprêtait à rendre des comptes et espérait que l'on comprendrait ses motivations et ce qui avait été gagné en échange. Devant la tente de Polaren, elle attendait que le golem de quartz rose légendaire l'invite à entrer avec Farouk.


Dernière édition par Ellendrine Brightwidge le Mar 15 Oct - 4:18, édité 2 fois
Dim 13 Oct - 20:57


Convocation sur le front

Avec Ellendrine (et Farouk) ainsi que notre cher MJ



Pour garder le silence, Nostell n'avait que peu d'égal. Les secrets de la mission au Cœur d'Urh étaient donc restés parfaitement confidentiels, de son côté. Ce qui n'avait peut-être pas été le comportement adopté par tous les membres de l'expédition.
J'aurais plutôt tendance à imaginer le pire, avec ce courrier.
Une lettre cachetée qu'on lui avait glissé sous la porte. En rentrant chez elle après une sacrée journée de labeur, la strigoi était tombée dessus - non sans s'être préalablement assurée que personne ne l'avait suivie - et l'avait lue plusieurs fois.
M'est avis que nous n'avons pas été conviés sur le front pour que l'on nous administre une petite tape d'encouragement sur l'épaule.
Le message provenait de lady Brightwidge, son aventurière d'employeuse.
Je pourrais très bien arrêter de donner signe de vie et me tourner vers de meilleurs horizons.
L'ennui, c'est qu'elle était une mercenaire avant tout. Et que l'archéologue fortunée payait admirablement bien, en temps et en heure.
Cet horizon là est infiniment plus dégagé que celui de mon ancien "foyer".
Qui l'avait formée parmi les Ombres, en Xandrie. Une vie qu'elle avait fuie, qu'elle était incapable d'oublier, et qui finirait tôt ou tard par la rattraper.
Près de l'âtre de sa cheminée, la strigoi poussa un soupir peiné.
Même les missives me rappellent de désagréables souvenirs.
Le courrier disparut dans les flammes. Nostell le regarda pensivement s'assombrir et se désintégrer. Fel, son Félistaak qu'elle avait tout récemment adopté, assistait à cette destruction. Il avait incliné la tête de côté, tranquillement assis sur son postérieur. Ses yeux fendus, d'un bleu très clair, croisèrent le regard impassible sa maîtresse.
Etirant un petit sourire en coin, elle lui glissa une main gantée entre les oreilles.

- Nous fêterons mon retour avec beaucoup poisson.

Elle trouvait qu'il était encore trop tôt pour l'emmener en mission. Fel se montrait parfois capricieux lorsque la faim le "tenaillait". Par ailleurs, il n'avait pas encore achevé sa formation. Cette dernière avait bien avancé, sur le temps libre de le mercenaire, mais il restait malgré tout quelques points sur lesquels insister.
Le félistaak, pour qui le mot "poisson" n'était pas du tout étranger, émit une sorte de miaulement approbateur.

- Avant de partir, je vais changer l'eau de ton bassin. Tu seras de bien meilleur humeur pour surveiller la maison.

Parce qu'elle avait aménagé son logement en conséquence, oui.
Cette présence, plus animale que monstrueuse aux yeux de la strigoi, la transformait petit à petit. Elle devenait plus expressive, moins mutique, éprouvant même une sorte de bonheur qu'elle n'avait jamais réellement connu ni même imaginé...
Le temps file, le monde change. Et moi, je lui emboite le pas.
Cela la fit presque rire.


Comme convenu, Nostell s'était rendue sur les lieux de la convocation. Son équipement n'avait pas changé, lui. Deux dagues dissimulées dans ses vêtements habituels, un arc passé en travers de son dos accompagné d'un carquois rempli de flèches et un petit calibre rangé contre une de ses hanches mouvantes. Toujours en évitant au mieux le soleil brûlant, la strigoi marchait d'un bon pas en direction d'une tente spécifique. Celle de Bron Polaren, devant laquelle patientaient lady Brightwidge et son fidèle compagnon d'aventure, Farouk le costaud.
La strigoi leur adressa un petit signe de la main.

- Lady Brightwidge, fit-elle à la concernée en inclinant légèrement la tête avant de regarder son homme de main. Farouk.

En jonglant du regard entre ces deux personnalités, elle se permit finalement l'esquisse d'un vague sourire.

- Pardonnez mon attitude quelque peu désinvolte. J'ai passé la moitié du chemin à me poser la question suivante : à quel genre de remontrances allons-nous bien avoir droit ? (Elle haussa les épaules.) L'autre moitié ? A essayer d'oublier - sans succès - les sinistres possibilités que nous avons imaginées, près de toutes ces tombes scientifiquement profanées.

Des sacrifices. Des condamnés. Des malades incurables. De la nourriture hominidé pour l'Arbre-Dieu agonisant.
De quoi soulever le cœur de n'importe quel être humain.
Celui de Nostell penchait plus d'un côté que de l'autre.
Mais cet "autre", qu'était-il au juste ? celui d'un monstre ?
Le visage de la mercenaire était redevenu indéchiffrable.

- Quoiqu'il en soit, le jour de notre jugement est finalement arrivé. Et si nous sommes réunis ici, aujourd'hui, ce n'est sûrement pas pour lui tourner le dos. (Elle hocha la tête.) Soyons prêts à tout.

Pour obtenir la paix, il faut faire la guerre.
Mais de quelle manière ?
Ils n'allaient pas tarder à le décider.
Lun 14 Oct - 10:41

MJ - Convocation sur le front

Bron Polaren




Nul décorum, nulle tente pour vous accueillir. C’est un être sur lequel la lumière du Soleil se reflète en une myriade de rais étincelants qui s’avance et lève le poing face à une troupe de soldats armés jusqu’aux dents. Les couleurs ne portaient pas à confusion, pas plus que les saluts aux dieux répondus en hourra par les combattants. Ils étaient nombreux à porter les traces des sévices de la Brume et de ses dangers, mais les Sentinelles étaient au-dessus du commun des mortels. Ils étaient le fier fer de lance d’Aramila et si les nations étrangères s’étaient un temps gaussées de cette armada rudimentaire, ils avaient dû leur reconnaître une puissance martiale et militaire hors du commun. Le Soleil qui perçait les volutes aériennes de Brume étaient du plus bel effet et même si vous n’étiez pas directement concerné par le laïus du golem de cristal, vous ne pûtes empêcher votre âme de se sentir galvanisée au milieu de tous ces vétérans de la Malice.

- Pour le sacrrrifice du Prrrimat. acheva-t-il, arme au clair.

Des cris de détermination lui répondirent, auxquels la Sentinelle chargée de vous accompagner ne put s’empêcher de se joindre. La terre vibra sous la foi, sous la puissance aramilanne. Bron pivota d’un trait et rengaina son arme d’apparat avec un geste mécanique tandis que tous retournaient à leurs missions et les dangers du front d’avancée contre la Brume. Les portes de Zénobie étaient proches, et les dangers ne manquaient pas. La sentinelle qui vous avait guidé jusque là, et qui répondait au nom de Mils, se tourna vers Farouk.

- Monsieur, l’Exarque devrait pouvoir vous recevoir à présent, ainsi que vos compagnonnes. lui indiqua-t-il avec une révérence toute martiale.

Visiblement, l’homme semblait davantage considérer les faits de guerre que l’impact des recherches archéologiques et le progressisme religieux. Les rangs avaient leur importance en Aramila, tout comme la portée symbolique d’un rôle de Primat vacant, bien qu’occupé par intérim par Bron Polaren. Laisser ce poste vacant dans le cadre de leur avancée contre Zénobie avait tout une signification qui attisait les cœurs et les âmes.

Mils, du haut de son uniforme abîmé par les combats et la dure vie du front, vous guida jusqu’à la grotte depuis laquelle le Golem menait les assauts. Les abords avaient été décorés non pas par des tentures mais par des gravures à l’effigie de l’ordre et d’Aramila. Deux gardes, certainement des Portebrumes, attendaient devant. Mils leur adressa un salut militaire et leur expliqua que les trois personnes convoquées étaient arrivées. Les soldats s’écartèrent d’un pas et vous permirent d’entrer. La zone était sombre, mais éclairée par des pierres aux allures étranges et lumineuses. Assez pour y voir, même si la pénombre rendait votre observation compliquée. Tout y était en pierre, lourd et rugueux. Une table longue trônait cependant, avec des ustensiles dédiés aux invités. Sur la table trônait une carte avec de nombreuses mentions. A peine le temps de comprendre qu’il s’agissait des opérations propres aux Sentinelles que Bron posa ses mains dessus et entama de la rouler pour la dissimuler à vos regards. Ses yeux cristallins se rivèrent sur vous, tour à tour. Un silence pensant s’installa, tandis que les deux Sentinelles de l’entrée vous suivirent et barrèrent la sortie de leurs armes.

- Ancien frrrèrrre Farrrouk. Errrudite Brrrrightwidge et … merrrcenairrre Nostell An'mbeidh. Je vous rrrmerrrcie d’avoirrr rrrépondu dans les plus brrrefs délais. posa-t-il avec son accent rocailleux.

Il vous fit signe de vous asseoir, tira d’un trou dans la muraille un plateau garni d’un broc d’eau et de pain sec et dur comme la roche. Avoir de quoi accueillir ne voulait pas dire … savoir le faire. Mais ce n’était pas chose inhabituelle. Le Golem faisait visiblement des efforts par ses gestes millimétrés, ses manières mécaniques. Comme s’il cherchait à contenir quelque chose qui ne demandait qu’à se déverser. Mais il était bien trop méthodique et solide pour ne laisser perler qu’une émotion. Mais vous n’étiez pas à l’aise. Quelque chose de lourd pesait sur vos épaules, glissait le long de votre dos. La caverne sembla se réduire aux sièges sur lesquels vous étiez installés lorsque Bron posa les effets devant vous. Sa présence menaçante vous écrasa, son aura vous étouffa.

- J’ai aprrris que vous aviez parrrticipé à une expédition avec l’aide de plusieurrrs nations, il y a quelques mois de cela. Une expédition ayant pour destination l’Arrrbrrre-Dieu d’Opale.
commença-t-il, sa voix deux octaves plus basses. J’ai ouïe dirrre, Farrrouk, que vous aviez même coopérrré avec un Sapiarrrque et le Magistèrrre.

Il se tourna vers Ellendrine d’un déplacement latéral de 30 degrés.

- Que vous aviez prrris des décisions au nom d’Arrramila sans même consulter nos rrrrespectables Trrribuns.

Puis vers Nostell, avec un 28 degrés plein de sous-entendus.

- Et que vous aviez parrrticipé à un sacrrrifice humain des plus sorrrdides.

Il posa le plateau devant vous. Le broc vacilla un peu, les verres tintèrent.

- Jamais sacrrrifice d’hommes et de femmes n’est tolérrrable quand il est évitable. Jamais. Pas plus que d’oeuvrrrer contre le système décisionnel de notrrre nation. En d’autrrres circonstances, vous aurrriez pu êtrrre jetés en prrrison et jugés pourrr meurtre et crrrime contre l’autorité publique.

Il croisa ses bras dans son dos, tandis que Mils derrière vous posait sa main sur le pommeau de son épée. Les deux autres Portebrumes froncèrent les sourcils. Une perle de sueur coula le long de leurs joues. Ils n’étaient pas là par hasard.

- Cependant, vous voici ici, plutôt que dans une geôle. Qu’avez-vous à dirrre pourrr votrrre défense ?

Lun 14 Oct - 13:07


Convocation sur le front

Nostell, farouk (PNJ), Bron Polaren (PNJ)


Son âme ne pouvait que vibrer au spectacle poignant de toutes ces sentinelles unies par la fraternité. Si l'Opalienne s'était toujours sentie marchant sur un tapis de lames au milieu des jalousies de sa ville de naissance et toujours regardée avec étrangeté dans sa patrie d'adoption, elle admirait leur bonté et leur cohésion. Certes, elle ne partageait pas complètement leur sentiment religieux, mais elle le ressentait bien présent dans ce théâtre de brume où les forces mythiques du bien et du mal étaient à l'aube de s'affronter.

Même si beaucoup ne comprenaient pas, c'était pour leur armée qu'elle oeuvrait, à leur donner plus de cartes. Si l'histoire la plaçait de ce côté de l'échiquier, c'était pour porter un oeil unique sur la stratégie adverse et prendre des décisions qu'elle seule oserait risquer.

Dans cette attente angoissante, son estomac était noué. Revoir Nostell lui procura un soulagement non feint.

-"Nostell, je suis bien contente de vous revoir. Vous avez pu traverser le ciel sans encombres. Je craignais que mon message ne vous trouve pas avant le prochain convoi."

Rallier Epistopoli ou Opale depuis le désert était toujours un peu longuet. Farouk se joignit cordialement à l'accueil de la mercenaire dont il avait pu apprécier tous les mérites avec le temps alors qu'ils travaillaient de façon rapprochée l'année écoulée.


-"Vous avez raison Nostell. Mieux vaut venir de notre plein gré. Mais sachez que j'aurais de très loin préféré être la première à initier le contact pour faire notre rapport. Il s'est écoulé de trop nombreux mois. Je ne m'attends pas à trouver un Bron Polaren réjouis, quoiqu'il ne soit pas connu pour ses transports."
dit-elle, pensive. Ellendrine serra les mâchoires et déglutit avant de reprendre.

-"Laissez-moi éclairer un peu la situation et prendre le blâme"
, leur intima-t-elle à tous les deux, espérant attirer l'ire du golem.

Le temps que Farouk et elle rattrapent le front, celui-ci avait avancé. Ils avaient dû traverser deux ou trois avant-postes fantômes balisés par des machines à myste qui devaient toutes rebuter les Aramilans. La grotte devant laquelle ils se tenaient était de loin la plus intrigante avec ses gravures aux armoiries aramilanes et son mobilier éternel.

Le salut bourru de Bron Polaren ne cachait pas la tension qui animait l'accueil. L'issue rapidement barrée derrière elle lui confirmait l'idée de simili cour martiale qu'elle redoutait de l'entrevue.

Ellendrine s'efforça de respecter la lenteur caverneuse du golem qui dépeignait un bien sombre portrait de leur expédition. Elle ignorait s'il déformait volontairement le tableau afin de prêcher le faux pour savoir le vrai ou si les données qui lui étaient parvenues était trop parcellaires. Par sa faute.

-"Exarque Polaren,"
salua-t-elle en inclinant respectueusement la tête.
"C'est moi qui vous remercie de nous accorder une audience au milieu de cette guerre...
Je sais déjà tout de la crispation et de l'incertitude qui vous animent. Permettez-moi de corriger le contexte avant que mes employés aient à vous répondre."


Elle s'efforçait de faire abstraction de la tension militaire, qui fleurait bon la décapitation. Si on les prenait d'emblée pour des traîtres, on aurait lançé des assassins à leurs trousses ou bien un corps de la garde sacrée serait venu les arrêter. Peut-être Bron Polaren leur faisait-il une faveur en leur donnant la parole.

-"Vous devez d'abord savoir que cette expédition auprès de l'Arbre-dieu sur sol opalin est mon initiative unique. Une initiative personnelle en tant que scientifique humaniste. J'ai tout de suite pressenti l'enjeu collectif de cette mission, mais toutes nos nations voient leurs priorités tournées vers le front. Le temps et les ressources ne se dirigeaient pas du tout par là-bas. J'ai donc pris sur mes finances personnelles pour aider à ma manière. Mais j'ai eu besoin d'aide. Le Magistère n'était absolument pas prévu au programme... Cela, vous devez le comprendre tout de suite. En réalité, il était déjà bien implanté quand mon équipe est arrivée."

Elle était habituée à être décriée et à tenir son point le menton haut. Pourtant, sa gorge se serrait et s'asséchait à une vitesse affolante, tandis qu'une sueur abondante se formait sur son front. Elle dut prendre une longue gorgée d'eau et respirer pour se calmer. La boule à son estomac devenait douloureuse.

-"J'espère que vous ne pensez pas, Bron Polaren, que ma naissance opalienne place le Magistère et ses méthodes dans mes sympathies. Car ce n'est pas le cas! En organisant l'expédition, il me manquait néanmoins des connaissances et des ressources, et nous avons en effet reçu l'appui d'un Sapiarque. Seraphah Von Arendt est intervenu en tant que scientifique et Urhois, car il partageait l'humanité qui devrait tous nous unir dans l'épreuve."

Ses mots lui paraissaient trop longs. Elle aurait presque préféré demander tout de suite le verdict des lames. Plutôt que d'être couvée par ses pupilles cristallines implacables, dont la teinte rose était faussement enfantine. Reprenant courage, elle poursuivit :

-"Vous devez être impatient d'entendre la version de mes compagnons ici présents. Mais je ne peux souffrir ce que vous croyez. Je respecte énormément les élus du peuple Aramilans, ses gradés et son clergé. Nous n'avons pas souscrits à ce qui s'est passé. Tout au plus, nous nous sommes résignés au silence par désespoir. Le Magistère avait énormément avancé et l'Arbre était à quelques semaines de jeter la Brume sur tout Uhr. Si faible, que le moindre geste malheureux nous aurait tous tués. Le Magistère était le seul prêt à agir, le seul à avoir un plan. Malgré tout, je voulais rapporter les faits à Aramila. Mais... J'ai pensé au XIII Cercle. Chaque jour je me suis demandé : et si un page était corrompu? Et si une seule sentinelle rapportait ce qui était dit à leur oreille? Même involontairement. Il suffisait d'une seule interception de message... Et nos vulnérabilités auraient été multiplié par deux cent."

Elle se tut alors abruptement, car elle avait déjà trop duré. Le fardeau était lourd à porter en conscience. Ces malades sacrifiés étaient-ils volontaires? Chaque jour elle s'était demandée si son choix était le bon, si elle servait ou desservait Uhr.
Sam 19 Oct - 23:51


Convocation sur le front

Avec Ellendrine (et Farouk) ainsi que notre cher MJ



Le moins que l'on puisse dire était que les Sentinelles savaient mettre du cœur à l'ouvrage. Nostell avait tourné son regard placide vers ces hommes aguerris avant même qu'ils ne hurlent en écho à leur baraque de supérieur. Ce fut comme si des milliers de tambours s'étaient mis à battre à l'unisson en son cœur glacé. La strigoi était impressionnée par ce déploiement de force mais, comme d'habitude, rien dans son attitude n'évoquait ce sentiment.
La foi, songea-t-elle. Ce doit être agréable de croire de tout cœur en une cause juste.
Deux derniers mots qu'elle n'avait jamais vraiment bien compris. Parmi les Ombres, Engoulevent avait appris à survivre, à tendre l'oreille et à éliminer sur commande. Ni cause, ni justice. Un nom. Une surveillance ou une exécution. Simple. Efficace. Pas de chichi. Zéro dévotion. Des renseignements, voire une effusion de sang dans le pire des cas, en échange d'une récompense sonnante et trébuchante.
Une vie diablement mouvementée. Les seuls moments de réflexion étaient emplis d'idées froides et sombres.
Son employeuse actuelle représentait pour elle un vent de fraîcheur. Une femme intelligente, loin d'être mauvaise. Curieuse et instruite, Lady Brightwidge n'hésitait pas à mettre les mains dans le cambouis aux côtés de ceux qu'elle rémunérait conséquemment. Elle se souciait de la santé de ses alliés là où les Ombres se contentaient de faire disparaître les corps des leurs lorsqu'ils étaient amenés à mourir.
Nostell l'appréciait. Elle avait beau être une mercenaire, il n'y avait pas que l'argent qui commandait ses faits et gestes. En cela, la strigoi ressemblait sans doute à Farouk.

- Je ne vous retiendrai pas, Lady Brightwidge. Mais si jamais ça chauffe, j'espère que vous non plus, vous ne vous interposerez pas.

Même si ça ne lui faisait pas toujours plaisir, la mercenaire était prête à se battre... ou plutôt à se défendre par le fer. Les chances de victoire n'étaient clairement pas de leur côté, mais Nostell ne s'imaginait pas tomber sans chercher à fuir ou à ne serait-ce qu'écorcher l'opposition.
On dirait bien qu'elle ne me quittera jamais, cette impression de ne pas être réellement chez soi.
Nostell remarqua que la sentinelle qui les avait guidés jusqu'ici ne s'adressait non pas à son employeuse mais à l'homme de main de celle-ci. Comme s'il le jugeait plus digne que la Lady...
La strigoi haussa mentalement les épaules.
Quelle importance ? Jusqu'à preuve du contraire, nous ne sommes pas censés lui rendre des comptes.
Ils suivirent le dénommé Mils jusqu'à une grotte bien gardée. Il dut adresser quelques mots à ces derniers pour qu'ils leur ouvrent la voie. L'intérieur du tunnel ne payait pas de mine malgré cet éclairage bizarrement minéral.
L'antre de la bête.
On les conduisit près d'une table, derrière laquelle Bron Polaren attendait depuis peu. Oui, ce n'était pas l'attente qui "ridait" le Golem. Ce silence froid n'inspirait rien de bon à la mercenaire. Pas plus que ces Sentinelles qui les avaient suivis pour mieux leur barrer la route.
Reculer n'est apparemment plus permis.
On les "remercia" pour leur présence, puis on leur "demanda" de s'asseoir.
Et comme je ne tiens pas à ce que des mains viennent s'écraser lourdement sur mes épaules...
Elle avait obéi, tout simplement. Comme ses compagnons.
Nostell ne toucha ni au broc d'eau claire ni au pain dur comme de la pierre. Elle n'avait ni soif ni faim. Et pour cela, elle n'allait pas se forcer. Elle coula un bref coup d'œil aux gardes armés avant d'en revenir aux yeux cristallins de l'Exarque.
Difficile d'ignorer sa présence.
Imposant. Intimidant. Fâché, aussi ?
L'ancienne tueuse se focalisait sur sa propre respiration. Cette ambiance pesante ne lui vendait pas du rêve. Et la tension des deux autres était contagieuse.
Elle soupira discrètement.
Le Golem reprit la parole, allant droit au but, procédant cas par cas - Farouk, Lady Brightwidge et enfin Nostell.
Il fallait absolument qu'il me regarde, moi, en faisant mention des sacrifices ?
La mercenaire se garda de rouler des yeux au plafond. Elle se servit plutôt du plateau qu'il avait déplacé devant eux comme d'une excuse pour baisser le regard dessus.
Combien de secondes avant que je cède à la soif ?
Pour le moment, l'Exarque leur faisait gentiment comprendre qu'ils avaient merdé, qu'ils auraient dû finir enfermé pour cela, avec sans doute moins qu'un pauvre quignon de pain sec à se mettre sous la dent.
Et dans ces conditions, combien de jours avant qu'une lame du Berceau ne se glisse sous ma gorge pour y dessiner un sourire écarlate ?
Les prisons aramilanes n'étaient point un endroit sûr. Ou en tout cas, pas plus qu'un autre lieu truffé de fripouilles en tout genre.
Quand Bron Polaren en eut fini avec les présentations de leurs méfaits, Nostell sentit dans son dos les Sentinelles se tendre.
Il serait peut-être préférable d'agonir ici, dans cette charmante grotte de bien-pensants ?
Il était encore trop tôt pour renoncer aux mots.
Dans son immense bonté, le Golem les invitait à s'expliquer.
A vous de jouer, patronne.
Point de lâcheté il était ici question. De bonne grâce, la mercenaire respectait simplement son vœu.
Alors elle écouta sagement, droite sur sa chaise, les respectueuses paroles que son employeuse délivrait au mastodonte de pierre. Sa nervosité grandissante était compréhensible, même pour une ex Ombre en pleine reconversion.
Le temps va nous paraître long, mais ce n'est en rien synonyme d'ennui.
Pour le coup, c'était un peu comme voir sa vie défiler devant ses yeux.
Elle me donne vraiment soif...
Lady Brightwidge était bien partie pour le vider, ce broc de flotte. En même temps, elle n'avait pas économisé ses mots. Telle une naufragée accrochée à son morceau d'épave flottant, elle se cramponnait fiévreusement à son argumentaire.
Le Magistère nous a placé dans une position délicate, récapitula-t-elle. Mais c'était prendre une décision pour tout le monde et garder le silence, ou bien passer notre chemin en ignorant purement et simplement un danger imminent et hautement destructeur.
Lady Brightwidge en avait vraisemblablement terminé avec sa longue défense. Il était temps pour la mercenaire de l'épauler. Ou tout du moins d'essayer de la soutenir dans sa laborieuse entreprise ?

- Le moindre mal, soupira-t-elle. C'est ce à quoi nous nous sommes efforcés de réfléchir pour rendre service au plus grand nombre, malgré notre marge de manœuvre et nos moyens excessivement limités.

La strigoi attendit que le regard du Golem se braque sur elle pour avoir l'autorisation - muette ? - de continuer.

- Les circonstances ont joué en notre défaveur, Exarque. Et quand je dis notre, j'englobe tout le monde. Parce que si aucune décision n'avait été prise ce jour-là, ces chaises seraient probablement vides à l'heure où nous dialoguons sous la menace rigide de ceux que l'on considère toujours comme nos alliés.

Nerveuse, mais pas trop ? C'est parfois une bonne chose de le souligner, même durant ce qui ressemblait fort à un interrogatoire.

- L'Arbre-Dieu serait tombé, entraînant dans son inexorable chute d'innombrables gens qui n'ont rien demandé. Et autant vous dire que ce n'est pas par gaieté de cœur que nous avons choisi de sacrifier des vies humaines pour en alimenter les racines. De simples animaux n'auraient pas suffit, au cas où vous vous poseriez la question. Une seule parmi tant d'autres, en l'occurrence, que nous avons décortiquées en quête d'une alternative plus morale... en vain.

Et voilà où cela les avait menés.
La strigoi n'était pas fan des grandes réunions.
Trop de problèmes ; jamais assez de solutions.
Nostell loucha un instant vers le broc avant d'y renoncer d'une secousse de la tête.

- Vous êtes bien placé pour savoir que certains problèmes n'ont pas de solution idéale. Ou alors que ces dernières n'apparaissent que bien trop tard, dans un contexte différent et moins pénible que celui dans lequel le sang a été versé.

La paix se cache derrière les blessés. Et les morts, aussi.
Il ne peut pas y avoir de fumée sans feu, et pas de feu sans combustible.
Des règles immuables dans un monde cruellement imparfait.


Dernière édition par Nostell An'mbeidh le Dim 20 Oct - 9:57, édité 1 fois
Dim 20 Oct - 1:24

MJ - Convocation sur le front

Bron Polaren




Plusieurs fois l'Exarque riva ses yeux sur Farouk, ne semblant pas apprécier qu'il ne parle pas en son nom. Ce dernier ne sembla pas réagir plus que cela, donc il n'insista pas mais il s'était adressé à lui en primeur, bien que la voix douce et posée d'Ellendrine fut dans le bon ton. Son oeil cristallin se souleva et traduisit un certain étonnement. L'érudite était bien prompte à se défendre, beaucoup trop même. Il la regarda, inexpressif. Il songea qu'elle essayait de lui partager ces sentiments et ce qu'elle ressentait. Cela le rendait perplexe. Faire appel à l'émotion n'était pas un discours visant à rationnaliser une situation, mais plutôt à faire passer quelque chose de non rationnel comme pertinent. Etrange posture, pour une érudite.

- Je vois. Ce qui ne rrrépond pas à la question des sacrrrifices.
conclut-il, comme s'il s'attendait déjà ce que vous étiez en train de lui dire. Ni à la confiance aveugle que vous vouez à une nation dont le rrreprrrésentant est accusé de collusion avec l'ennemi.

Il pivota son buste entier dans un geste tout sauf naturel, pour vous humains, et observera Nostell qui lui répondait. Il décortiquait ses mimiques, ses réactions. La chaleur dans sa voix quand elle répondait, ainsi que le moindre de ses gestes. Tout ce que vous faisiez semblait être intégré par Bron. Sa poitrine de cristal se gonfla pour répondre, d'une voix vibrante aux éclats de chant. Des ondes d'une teinte particulière, qui venaient faire vibrer vos os lorsqu'il parlait. Peut-être était-ce là le secret de ses paroles qui touchaient jusqu'à l'âme des êtres vivants. L'accord parfait d'une voix courroucée.

- Non. Vous avez prrris une décision au nom du plus grrrand nombrrre, non pas une décision pourrr le plus grrrand nombrrre. Vous vous êtes arrrogé le drrroit de ceux qui commandent, sans les connaissances nécessairrres à un tel exerrrcice. Vous vous êtes substitués à la Trrribune, au Conseil Oecuménique. Mais aussi aux diverrrs pouvoirs en Uhrrr. Cet aspect seul est passible de courrr martiale et de châtiment. reprit-il, croisant ses mains dans le dos.

Bron resta droit, vous observa tour à tour, ainsi que Farouk.

- Je note que vous en assumez l'entièrrre rrresponsabilité, Ellendrrrine Brrrightwidge. Vous m'annoncez la morrrt possible de l'Arrrbrrre-Dieu dont je n'ai apprrris l'imporrrtance et existence que grrrâce à mes derrrniers échanges avec le Chancelier. Ne pensez-vous pas qu'il aurrrait été opporrrtun d'attendrrre avant de prrrendrrre parrreille décision ? De laisser la main au Magistèrrre surrr la prrrotection d'Uhr ? Le pouvoirrr qu'ils possèdent à prrrésent sur nous ? Nos nations ? Vous leurrr avez donné le temps de sécurrriser leur contrrrôle et de pouvoirrr exerrrcer la prrression sur n'imporrrte quelle nation à prrrésent. Dois-je vous en féliciter ? Alorrrs qu'une action concerrrtée et menée parrr l'Alliance aurrrait pu maintenirrr un statut quo. Bien joué, Ellendrine Brrrightwidge : vous leurrr avez donné un grrrand pouvoirrr. reprit-il, chaque mot assénant un peu plus fort sa colère dans vos coeur.

- Des vies perrrdues, dans on ne sait quel intérrrêt ou prrrojection. Je le concède, nous ne pouvons mener deux frrronts à la fois, entre ce que nous pourrrsuivons ici et le danger qui nous guette. Orrr une question me rrreste, Ellendrine Brrrrightwidge. D'où tenez-vous une telle cerrrtitude concerrrnant les méthodes employées ? Et vous, Nostel An'mbeidh : comment pouvez-vous êtrrre cerrrtaine que l'Arrrbrrre-Dieu serrrait vérrritablement tombé ? D'où tenez vous ces dirrres ? Est-ce votrrre 'ami' épistote, au nom opalin et aux intérrrêts fluctuant au trrravers de tous ses âges d'existence ? Vos accointances avec Epistopoli sont trrrès troublantes. Trrrès trrrès préoccupantes. D'aucun vous taxeraient d'ennemie du peuple pourrr peu que cela s'ébrrruite. Votrrre égo vous a faites vous prrrendre pour Azorrriax en perrrsonne ... vous avez tué des gens surrr un parrri ! tonna le golem, accusateur.

Le silence s'étira pendant plusieurs secondes. Son regard courroucé se tournait à présent sur Farouk, puis revint tout à tour sur Ellendrine et Nostell. Cela prenait des allures de sermon, mais ce n'en était pas un : il énonçait les faits et les conséquences à ses yeux.

- Je note que vous avea agi par crrrainte du XIIIème cerrrcle. Je note que vous avez agi dans la prrrécipitation et en ayant en tête le plus grrrand bien. Vous avez choisi et mis dans la balance la vie d'Uhr entièrrre. Il semblerrrait, jusqu'à prrreuve du contrrrairrre que vous ayiez fait un choix ... convenable. Je vous invite seulement à considérrrer ce fait : quelle aurrrait dû être votrrre sanction si cela n'avait pas été le cas ? Si au lieu de sauver l'Arrrbrrre-Dieu vous l'aviez condamné ? Je vous laisse me rrrépondrrre et méditer sur cela. Puis vous me transmettrrrez tout ce que vous savez à ce sujet, que je puisse prrréparer le pays cher à mon coeurrr à y fairrre face.

Son ton ne souffrait aucune contradiction ni circonvolution.
Lun 21 Oct - 15:51


Convocation sur le front

Nostell, farouk (PNJ), Bron Polaren (PNJ)


Comme elle s’y attendait la charge était totale. Ellendrine accusait le coup d’arguments massue répétés, en silence. Un profond sentiment d’injustice l’étreignait. Elle se disait qu’il aurait été stupide de couper la parole à celui qui brandissait l’épée d’Aramila. Jamais elle n’aurait pensé qu’un golem puisse se montrer si loquace. Il était si facile de produire un récit accablant sans y avoir été.

Et cela dit, chacune de ses insinuations trouvait écho en elle. Le Magistère pouvait avoir menti. Seraphah pouvait avoir menti. Les sacrifices pouvaient être ceux d’innocents capturés. Comble du comble, cela pouvait finalement n’avoir servi à rien. Peut-être que le Cercle n’aurait jamais été informé. Opale ferait-elle chanter les autres factions en profitant de son avance sur le site ? Toutes ces possibilités, elle les avait retournées dix mille fois dans sa tête dans une torture inutile. Quand bien même, une petite voix lui murmurait avec ténacité que cela aurait été se donner beaucoup de mal sur la mise en scène avec les morts qui en avaient découlé.

Ses hypothèses étaient corroborées. L’urgence était là. La voix rocailleuse continuait de les lier à l’opprobre en roulant de plus en plus les r dans sa gorge cristalline. Froid. Analytique. Noir et blanc. Telle semblait être la limpidité du monde vue à travers la lorgnette d’un golem de pierre ayant embrassé l’idéalisme aramilan. Elle avait l’impression de recevoir des coups, à son estime, à sa dévotion. Oui, elle était émotion, surtout en cette minute. C’est ce qui avait toujours aiguillonné sa curiosité et sa volonté d’éclairer la connaissance de la société dans laquelle elle vivait. Non, elle ne savait pas rester dans la poussière fossile avec indifférence quand le destin des siens était en jeu.

Ellendrine regardait à présent ses mains en ne laissant plus rien passer. Le soutien de Nostell était un baume sur le sel de ses blessures. Elle espérait seulement ne pas l'entraîner dans sa chute... Malgré les accusations de Bron Polaren, sa conclusion était surprenante. Ils auraient fait le bon choix. Un remontage de bretelles monumental, mais ils avaient raison ? Cela ne semblait rien changer au trouble d’Ellendrine.

Ce fut Farouk qui reprit la parole. Le grand silencieux prononça ses mots après avoir laissé Ellendrine et Nostell digérer la longue reprise du totem.

-« Avec tout mon respect, Exarque, et en tant qu’ancien compagnon d’armes : auriez-vous agi avec une parfaite certitude à notre place ? Auriez-vous pris le risque de mettre le feu aux poudres ? »

Farouk n’était pas homme de tirade. Il pointait simplement que tout n’avait pas été si limpide dans la volonté de choisir à la place des autres dans une situation qui s’assimilait à nœud gordien.

Un brin amer, Ellendrine brisa son silence, sur ce qui pouvait passer pour un sarcasme blasé.
-« La mort, sans doute. »
Pas d'irrespect cela dit. Juste une profonde lassitude.
-«Aucune certitude. Les apparences sont contre nous. Je ne vais pas polémiquer. »
On voyait d’ailleurs que le golem n’invitait pas au babillage. Les mots trouvaient un écho humide dans la caverne sous le regard des sentinelles.

Elle n’allait pas redire la façon dont elle avait justement voulu mettre tout le monde autour d’une table dans un grand élan de solidarité avant d’en être dissuadée. A la place, elle revint sur la question qui intéressait certainement le plus le golem.

-« J’ai la même préoccupation que vous sur la nuisance que représente le Magistère. Entre le Magistère et le Cercle, je préfère cependant savoir que le premier fait rempart au second. En échange, j’ai exigé du Magistère des données pour aider Aramila. Ces données, je suis heureuse de pouvoir vous les fournir enfin sous forme de rapport détaillé et de cartes :
Les cénotaphes sont rattachés aux hautes cités à travers un réseau complexe. Nous avons  une idée de la localisation de ceux qui protègent Aramila. Tôt ou tard, il faudra bien se pencher sur l’alimentation des cénotaphes aramilans. Ventdune a déjà été avalé. »


Pour quelqu’un que l’on jugeait émotif il y a quelques instants, elle se montrait soudain très cérébrale.
« Un dernier mot, si vous me l’autorisez, Bron Polaren… Tout a déjà été scellé par nos ancêtres. Nous aurions pu parler. Mais pas empêcher les sacrifices. Je n’ai pas l’impression de les avoir orchestrés. Si on me dit coupable, je tiens à ce que mon objection soit notée. Quant à la collusion avec l’ennemi… je suis lasse… l’Alliance ne collabore-t-elle pas avec tous ? Pourquoi ceux qui veulent aider devraient toujours se placer dans une case ? Le sapiarque a sans doute vécu le même dilemme que moi...

Quoi qu’il en soit, vous savez tout et avez dès maintenant toutes les cartes en mains. »


En témoignait le livret dans lequel elle synthétisait les observations des équipes de Muridas sur le terrain. Elle l’avait tiré de sa besace tout en parlant et le fit glisser sur le marbre froid devant elle. Puis, elle tenta d’extraire un fatras de notes et de cartes qu’elle déposa à la suite.

Il ne restait qu’à attendre anxieusement le dénouement de cet échange. Son pragmatisme occultait le tourment religieux que devaient expérimenter les panthéistes. Leur genèse était ébranlée. Devait-on considérer l’Arbre-dieu comme un Esprit ? Il avait assuré leur salut en faisant couler le sang des innocents. Fallait-il le livrer des forces technologiques corrompues, au travers du Magistère et d’Epistopoli ? Tout était déjà si compromis qu’aux yeux d’Ellendrine, l’heure n’était plus au dogmatisme.
Sam 26 Oct - 13:36


Convocation sur le front

Avec Ellendrine (et Farouk) ainsi que notre cher MJ



Sans surprise aucune, la conversation avec l'Exarque était horriblement désagréable. Une autre que Nostell aurait pu la comparer à de la torture. Sa façon de l'observer, de la détailler, de l'analyser... et de les remettre à leur place, avec sa voix aux propriétés mystiques. La mercenaire avait très envie de quitter cette cavité et de forcer le barrage des sentinelles. Seule, elle aurait pu tenter sa chance et se retourner contre sa nation d'adoption. Un problème de plus ! De taille, certes, mais étant donné le fil fort peu engageant de cet entretien...
Non. Garde ton sang-froid.
La strigoi mesurait chacune de ses respirations. Son employeuse siégeait à côté d'elle. Farouk était là aussi. Tout le monde écoutait sagement le golem à la voix vibrante et perçante.
Qui allait imploser en premier ? Qui allait servir d'exemple pour les deux autres ?
Les mercenaires sont comme des outils : on les utilise jusqu'à ce que vienne le moment de s'en débarrasser par souci d'encombrement.
Ce genre de scénario peut subvenir sans prévenir.
Nostell en avait conscience.
Et quid de ma fidélité envers Aramila ?
Elle nota que rien de son passé d'Ombre n'avait filtré. On la prenait donc pour ce qu'elle était devenue depuis quelques années déjà : une simple mercenaire qui rôdait dans la région et qui enchainait les contrats à risques.
Mon identité actuelle est plus fiable que je le pensais.
Cela dit, mieux valait ne pas trop exciter la morgue de Bron Polaren et lui donner des raisons d'ouvrir une enquête plus approfondie sur sa personne. Une excuse de plus pour se tenir à carreau et faire tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant d'entreprendre la moindre prise de parole.
Ciblée par une remarque aussi tonitruante que cinglante, la strigoi accusa un léger sursaut.
Azoriax, songea-t-elle en évitant de braquer son regard vers le plafond. Quelle ironie de me retrouver comparée à la divinité de la Justice. Est-ce à cause de ma "neutralité" ? de mon inexpressivité ? Je n'ai pourtant pas l'impression d'avoir fait montre d'une grande perspicacité. En fait, j'avais même le sentiment d'être la moins instruite du lot, dans cette tente, à proximité des cénotaphes.
Elle se pinça les lèvres.
Sans commentaire.
Bizarrement, les paroles accusatrices du golem devinrent beaucoup moins acerbes. L'Exarque se montrait-il compréhensif à leur égard ? Nostell en conçut instantanément quelques doutes.
Un revirement trop soudain. Rien que les mots dans la bouche d'un puissant. Il nous propose un scénario et nous laisse choisir notre sentence ? Il n'y a rien de normal là-dedans. Rien de "convenable".
Du coin de l'œil, elle surveilla les réactions de son employeuse. Lady Brightwidge n'avait pas l'air dupe, plutôt... mentalement à plat.
Farouk prit alors la parole.
Un questionnement que la mercenaire jugeait dangereux.
C'est un peu comme demander à un géant de se glisser dans la peau d'un grouillot.
Sans commentaire, donc.
Ellendrine revint à la charge...
Façon de parler.
Pour mieux offrir sa tête coupée sur le plateau du parti adverse.
Nostell secoua discrètement la tête.
La peine capitale ? On pourrait croire qu'elle a la tête sur les épaules mais le reste de son corps, lui, est déjà plongé sous terre en compagnie des vers...
La mercenaire n'avait aucune envie de se prononcer sur le sujet. Elle humait le piège. La méfiance sourdait entre ses oreilles.
Son employeuse refit le plein de pensées optimistes. Elle s'en servait pour répondre à la question qui lui avait été posée. Des documents précis complétaient ses dires. Ils renforçaient sa défense et ses laborieuses prises de décision.
Puis elle remit le destin entre les mains de l'Exarque.
Elle détient au moins de quoi nous payer un sursis.
Nostell la remercia silencieusement.
Elle attendit patiemment que leur grand hôte ait jeté un œil au livret d'Ellendrine avant de se permettre un ultime commentaire :

- Nous espérons avoir invité des gens à donner le peu de temps qu'il leur restait à vivre pour une cause commune. Si abus il y a eu lors de la sélection des sacrifices, vous devez savoir que nous n'avons eu aucun pouvoir de décision là-dessus. Une idée, aussi morbide soit-elle, ne vaut pas un testament.

Cela rejoignait plus ou moins le rempart dressé par son employeuse.
Mais Nostell n'en avait pas terminé.

- Je ne me considère pas comme une traîtresse, et moins encore comme l'incarnation d'une divinité. Mon entourage se limite au strict nécessaire, à des relations purement professionnelles parmi lesquelles la notion d'amitié n'a pas sa place, déclara-t-elle, ses émotions adroitement muselées. On me paie ; je remplis les conditions du contrat dont il est question. J'accepte les primes pour peu qu'elles en vaillent la peine. J'évite d'agir inconsciemment, le but d'une transaction menée à terme n'étant pas de me faire plus d'ennemis que mes épaules pourraient en porter.

En des termes plus élogieux ? La triste rançon du succès.
La strigoi soupira par le nez.
Elle commençait à trouver le temps long.
A chaque minute qui s'écoulait, cette grotte se fondait un peu plus avec les souvenirs d'enfance qu'elle avait conservés des égouts xandriens. Et avec ces images qui se superposaient, la soif...

- Laissez-moi vous dire que vous auriez tort de proposer notre exécution. D'un point de vue purement pragmatique, Aramila n'en sortirait pas gagnant. Pire encore, la nation perdrait au change en commettant la même erreur que celle qui nous est imputée, à savoir : condamner sans parfaite certitude.

Et enfin, la proposition alternative ?
Un tantinet culottée, la mercenaire modifia sa posture en croisant les jambes sous la table et les bras sur sa poitrine.
Pour négocier, mieux vaut faire montre d'une certaine assurance. Personne de sensé ne traiterait avec un pétochard.

- Si les autorité aramilanes doutent de notre attachement pour la nation, je leur propose de nous mettre à l'épreuve. Comme ça, tout le monde sera fixé et plus personne n'aura dans l'idée de nous taxer d'ennemis de l'Etat.

Etat qui bénéficierait d'un soutien gratuit. Nostell n'y voyait pas d'inconvénient : sa réputation lui importait autant que le contenu de son portefeuille. Sans la première, il est difficile de trouver un employeur. Sans employeur, il devient plus compliqué encore de se remplir le ventre ou de passer la nuit sous un toit.
Dim 3 Nov - 18:40

MJ - Convocation sur le front

Bron Polaren



Bron haussa une arcade cristalline à la remarque de Farouk. Il savait l’homme direct, mais pas … inconséquent.

- Ce qu’on attend d’un chef, Farrrouk. Ce que vous n’êtes pas. rocailla-t-il, avant qu’Ellendrine ne reprenne la parole.

Il l’écoute, la laissa poursuivre sa tirade à l’instar de Nostell. Il les laissa aller jusqu’au bout, pousser leurs excuses et raisonnements pour étendre tout l’attirail de leur défense et épuiser leurs sacs. Il y avait bien, dans ce sac de nœuds, quelques nouvelles informations non ? Du moins vous l’espériez. Mais face au visage opaque du Golem, il était impossible de lire ses émotions pour tenter d’en tirer un tant soit peu de quoi vous rassurer. Le son peu amène de son palais de cristal crissa sur sa langue. Bron pesait chacun de ses mots avant de les prononcer. Tout comme vous ?

- Une carrrte que possède donc Opale. Moyen de prrression supplémentairrre sur Arrramila, de chantage à la Brrrume : voilà qui ne pèse pas en votre faveurrr. Mais … une question rrreste : qui vous dit que c’était la seule solution ? D’où tenez-vous cette cerrrtitude, Ellendrrrine ? Nul écrrrit, nul rrrécit. Nul cantique. N’est-ce pas étrrrange ? Je me pose la question. répondit-il, avant de pivoter d’un seul bloc vers Nostell.

Le Golem la toisa, fit cliqueter ses doigts rosés sur la cuirasse qui le protégeait. Elle était mercenaire oui, presque la moins coupable dans son cas. Presque. Elle restait une carte consciente d’un jeu qu’elle semblait pourtant savoir jouer, à défaut de le reconnaître. Il profita de cette courte pause pour s’emparer du document que venait de faire glisser l’érudite, s’étonnant de ne l’avoir eu qu’en cet instant. Il le compulsa pendant plusieurs minutes, dans un instant qui pesa. S’éternisa. On entendait les pas dehors, les cris. Une clepsydre faisait office de marqueur du temps. Trop lent. Plic. Plic. L’eau érodait la roche.

- Votrrre morrrt n’est pas d’intérrrêt, en effet. Pas plus que votrrre vie. conclut-il en claquant le document d’un geste. En consultant le Concile Œcuménique, nous aurrrions alorrrs su quel danger courait Uhrrr. Vous n’avez pas la connaissance de cerrrtaines choses, vous n’avez pas le tableau dans son ensemble. Vos actions sont un parrri. Sur des millions de vies. Vous aurrriez su, parrr exemple, que nous avions connaissance de ces prrremiers sacrifiés en Arrramlia.

Le golem marqua une pause, à nouveau.

- Vous mettrrre à l’éprrreuve. Pourrrquoi donc ? Qu’avez-vous à apporrrter aux Sentinelles ? Vous avez agi en collusion avec une forrrce qui nous a déjà causé beaucoup de tort dans le Rrrenon. Vous avez agi en collusion avec le Magistèrrre qui à cette heurrre cherrrche avec cerrrtitude une façon de tirrrer parti de l’arrrivée de la Brrrume en Opale. Ellendrrrine : ils ont de quoi surrrvivrrre si le monde sombrrre. Arrramila possède la foi et la forrrce de ses habitants. Il faut reconnaîtrrre que l’usage du Myste, tout aussi condamnable qu’il soit, offrrre à cette nation un avantage. Avantage qui a été poussé sur la trrrace du … Mandebrrrume.

Il avait marqué un instant d’hésitation, jaugeant votre réaction à cette information. Il sembla se satisfaire de ce qu’il vit car il se redressa et croisa les bras.

- Bien. J’ai ce qu’il me faut. Ellendrrrine Brrrightwidge. Du fait de vos actions, de la collusion avec Serrraphah Von Arrrendt, d’ingérence auprrrès du Magistèrrre et de décisions au nom de la nation et courrrt-cirrrcuitant le Concile Œcuménique, je me dois de prrrendre une décision en ma position – temporrrairrre – de Prrrimat. Nostell An’mbeidh et Farrrouk, du fait de votrrre inféodalité à Ellendrrrine Brrrightwidge, vos peines viennent alourrrdirrr la sienne. reprit-il, tandis que le goutte-à-goutte ajoutait un bruit désagréable à ses lentes paroles.

Bron se dirigea vers l’établi caché derrière une tenture où vous entendirent le son de la roche contre de la roche. Puis le son d’un burin contre de la roche. A nouveau, des minutes. Tac tac tac. Tac tac. Ainsi se creusait la lourdeur de vos peines. Il en revint avec une épaisse tablette de pierre. A son somment trônait le nom d’Ellendrine. Elle était celle qui les avait embauchés, celle qui avait décidé d’endosser la responsabilité.

- J’ai plaidé en votrrre faveurrr, mais le Concile a été ferrrme. Toute usurrrpation à leur pouvoir décisionnel devrrrait mener à un banissement sans délai du pays. Cependant, nous sommes arrrrivés à un comprrromis. Vous ne serrrez bannie que des Sentinelles. Jusqu’à ce que vous ayez prrrouvé votrrre loyauté à notrrre nation, à ses idéaux et à son développement. Arrramila a déjà forrrt à fairrre avec les rrrivalités en son sein pourrr se prrréoccuper de ceux qui parrrtagent des inforrrmations d’Etat. Si vous étiez rrrestée en Opale, soyez cerrrtaine que la situation n’aurrrait trrrouvé une fin si humaine. Votrrre prrremier jugement quant à votrrre peine prrrouve combien vous l’êtes toujourrrs un peu, au fond de vous.

Il fit glisser la tablette sur la table. Cela signifiait de ne plus avoir accès aux ressources des sentinelles, ni leurs informations ou canaux privilégiés. Cela signifiait un rabot politique fort de la position d’Ellendrine qui était étonnamment … vicieux face à ses dernières activités. Peut-être fallait-il y voir l'impact d'autres décisions à son encontre ? Farrouk y plongeait avec elle. Quant à Nostell … si elle avait un jour songé à rejoindre cette organisation … elle était à présent très loin d’y avoir établi de bons rapports.

- Dans la mesurrre où vos actions aurront aidé Uhrrr, j’ai pu obtenirrr cet allégement. Le futurrr nous dirrra ce qu’il en est.

Bron Polaren était connu pour sa retenue, et sa capacité à fédérer tout en protégeant les siens. S'il était difficile de lire à travers ses prunelles couleur lilas, ses actes parlaient pour lui. Il avait été le bouclier. A présent, vous étiez livrés à vous-même dans un monde dont l'équilibre précaire ne demandait qu'à basculer. La suite, vous ne la connaissiez pas. L'entrevue, quant à elle, était terminée. Les soldats s'écartèrent, Bron croisa ses bras dans son dos et attendit. Il ne vous restait plus qu'à partir affronter votre destin et ses conséquences. A espérer que d'autres n'aient pas de comptes à régler avec vous et vos actions.